KERN INC.


KERN INC.
Dossier no PR-2010-019

Décision prise
le mercredi 28 juillet 2010

Décision et motifs rendus
le vendredi 20 août 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

KERN INC.

CONTRE

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no 1000264322) passé par l’Agence du revenu du Canada (ARC) en vue de la fourniture de machines à cacheter électriques et d’appareils connexes décrits dans le document d’appel d’offres comme des machines de mise sous enveloppe ainsi que le matériel serveur et le logiciel serveur pour le Centre de traitement automatisé de documents.

3. Kern Inc. (Kern) allègue que l’ARC a incorrectement adjugé un contrat à un soumissionnaire qui a déclaré faillite. Elle soutient que l’adjudication d’un contrat de plusieurs millions de dollars à une entreprise instable et potentiellement en faillite ne semble pas être une décision prudente. Elle soutient que le contrat doit être adjugé au soumissionnaire qui s’est classé deuxième.

4. Le 6 octobre 2009, l’ARC publiait le document d’invitation à soumissionner. La date de clôture des soumissions tombait le 5 novembre 2009. Selon la plainte, un contrat était adjugé à Bowe Bell & Howell le 6 juillet 2010.

5. Dans sa plainte, Kern a inclus un communiqué de presse daté du 21 mai 2010 dans lequel on indiquait que BÖWE SYSTEC AG avait déposé une demande à la cour du district d’Augsburg, en Allemagne, en vue d’entamer une procédure d’insolvabilité. Selon Kern, BÖWE SYSTEC AG est la société mère du soumissionnaire retenu.

6. Le 27 mai 2010, Kern envoyait par courriel à l’agent d’approvisionnement de l’ARC un lien Internet vers le communiqué de presse émis par BÖWE SYSTEC AG. Kern a affirmé ce qui suit dans son courriel à l’agent d’approvisionnement de l’ARC : « [...] j’aimerais simplement vous donner accès à cette information et obtenir vos commentaires (le cas échéant) sur ce que cela signifie pour vous et l’ARC » [traduction].

7. Selon la plainte, ce courriel, qui visait à avertir l’ARC que BÖWE SYSTEC AG risquait de mettre fin à ses activités à l’échelle mondiale, constituait une opposition présentée à l’institution fédérale concernée. Kern a indiqué que l’ARC a répondu à son opposition le 1er juin 2010 et l’a informé que la procédure d’insolvabilité concernant BÖWE SYSTEC AG « ne les préoccupait pas » [traduction].

8. Kern déposait sa plainte auprès du Tribunal le 16 juillet 2010. Cependant, le Tribunal a considéré que la plainte était incomplète car elle n’était pas conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE. Le 21 juillet 2010, le Tribunal envoyait une lettre dans laquelle il informait Kern de sa détermination que la plainte ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 31.11(2) et demandait des renseignements supplémentaires, y compris une copie du document d’appel d’offres, en plus que soient exposés de façon claire et détaillée les motifs et les faits à l’appui de la plainte. Le 23 juillet 2010, Kern fournissait les renseignements supplémentaires. Conformément au paragraphe 96(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , la plainte a donc été considérée déposée le 23 juillet 20104 .

9. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».

10. Selon le paragraphe 6(2) du Règlement, « [l]e fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition [...] et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

11. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de l’opposition, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

12. Le seul motif de plainte est que le contrat a été incorrectement adjugé à une entreprise instable et potentiellement en faillite. Selon la plainte, Kern a présenté une opposition à l’ARC au sujet de ce motif le 27 mai 2010 et cette dernière lui a refusé réparation le 1er juin 2010. Donc, si le Tribunal considérait que le courriel de Kern à l’ARC du 27 mai 2010 constituait une opposition au sens du paragraphe 6(2) du Règlement, il devrait conclure que la plainte n’a pas été déposée dans le délai prévu, puisqu’elle n’a pas été déposée dans les 10 jours ouvrables suivant la date où Kern a directement pris connaissance du refus de réparation soit le 1er juin 2010.

13. Toutefois, bien que Kern ait découvert l’insolvabilité potentielle de BÖWE SYSTEC AG en mai 2010 et qu’elle en ait informé l’ARC, le Tribunal est d’avis que son motif de plainte découle du fait que le contrat a été adjugé à Bowe Bell & Howell. Donc, Kern a découvert les faits à l’origine de la plainte seulement lorsqu’elle a appris que le contrat avait été adjugé à Bowe Bell & Howell. Donc, le Tribunal ne considère pas que le courriel du 27 mai 2010 de Kern à l’ARC est une opposition puisque, selon la plainte, Kern n’avait reçu à ce moment-là aucune communication officielle de l’ARC l’avisant qu’un contrat avait été adjugé. En l’absence d’une opposition valide à l’institution fédérale concernée, le Tribunal doit donc déterminer si la plainte a été déposée dans le délai prescrit au paragraphe 6(1) du Règlement.

14. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit qu’une plainte doit être déposée auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où Kern a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte, à savoir, en l’espèce, le jour où elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir qu’un contrat avait été adjugé à Bowe Bell & Howell. Les renseignements fournis avec la plainte indiquent qu’un contrat a été adjugé à Bowe Bell & Howell le 6 juillet 2010 et le Tribunal n’est en possession d’aucun renseignement qui suggère que Kern a pris connaissance à une autre date de l’adjudication du contrat à Bowe Bell & Howell.

15. Le Tribunal est d’avis qu’en l’absence de preuve du contraire, Kern aurait dû raisonnablement savoir le 6 juillet 2010 qu’un contrat avait été adjugé à Bowe Bell & Howell. Pour que la plainte ait été déposée dans le délai prescrit, Kern aurait dû la déposer auprès du Tribunal au plus tard le 20 juillet 2010. Comme il a été expliqué ci-dessus, la plainte est considérée avoir été déposée le 23 juillet 2010. Le Tribunal conclut donc que la plainte n’a pas été déposée dans le délai prescrit au paragraphe 6(1) du Règlement.

16. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

17. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

4 . Le paragraphe 96(1) des Règles prévoit ce qui suit : « La plainte est considérée avoir été déposée : a) soit à la date où le Tribunal la reçoit; b) soit, dans le cas d’une plainte non conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi, à la date à laquelle le Tribunal reçoit les renseignements relatifs aux points à corriger pour rendre la plainte conforme à ce paragraphe » [nos italiques].