DENDRON RESOURCE SURVEYS INC.


DENDRON RESOURCE SURVEYS INC.
c.
MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES
Dossier no PR-2010-008

Décision et motifs rendus
le mercredi 28 juillet 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Dendron Resource Surveys Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

DENDRON RESOURCE SURVEYS INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Ressources naturelles le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Dendron Resource Surveys Inc. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, comme le prévoit la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

Membre du Tribunal :André F. Scott, membre présidant

Directeur : Randolph W. Heggart

Enquêteur principal : Michelle Mascoll

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Nick Covelli
Alain Xatruch

Partie plaignante : Dendron Resource Surveys Inc.

Partie intervenante : Geotech Geomatic Services

Institution fédérale : Ministère des Ressources naturelles

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : Agnieszka Zagorska

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 5 mai 2010, Dendron Resource Surveys Inc. (Dendron) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no D020450W) passé par le ministère des Ressources naturelles (RNCan) en vue de la prestation de services de numérisation de photographies aériennes.

2. Dendron allègue que l’invitation était inéquitable parce que des spécifications n’ont pas été fournies pour un des produits évalués (c.-à-d. les mosaïques photographiques) et que certains soumissionnaires connaissaient déjà ces spécifications. Dendron allègue en outre que sa proposition n’a pas été évaluée en entier par rapport à l’exigence cotée ayant servi à rejeter sa soumission. Dendron demande, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande à RNCan de mettre fin au contrat adjugé à Geotech Geomatic Services (Geotech). Elle demande aussi le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte ainsi que les frais de préparation de sa soumission.

3. Le 13 mai 2010, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 20 mai 2010, RNCan informait le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à Geotech le 1er avril 2010. Le 25 mai 2010, le Tribunal accordait à Geotech le statut de partie intervenante. Cependant, Geotech n’a déposé aucun exposé par la suite.

5. Le 7 juin 2010, RNCan déposait le rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Le 17 juin 2010, Dendron déposait ses observations sur le RIF.

6. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Le 11 janvier 2010, RNCan lançait une demande de propositions (DP) en vue de la prestation de services de numérisation de photographies aériennes, y compris la création de mosaïques photographiques. Selon la DP, la Photothèque nationale de l’air (PNA), un service de RNCan, doit passer un marché de services pour faire numériser les photographies aériennes de sa collection et ainsi fournir des copies électroniques selon diverses résolutions et, dans certains cas, des épreuves sur papier selon divers formats au fur et à mesure des demandes de la clientèle de la PNA.

8. L’article 1 de la partie 3 de la DP, qui décrit les procédures d’évaluation, prévoit ce qui suit :

On évaluera les propositions conformément aux critères d’évaluation et à la méthode de sélection d’un entrepreneur décrits à l’annexe C; les propositions reçues seront évaluées selon les critères d’évaluation qui y sont énoncés à l’égard du besoin total que décrit la DP, conjointement avec l’énoncé des travaux à l’annexe A de la DP.

[Traduction]

9. À l’annexe A de la DP, on indique la tâche suivante qui concerne la présente plainte :

TÂCHES SW-3

L’entrepreneur sera responsable de ce qui suit :

[...]

  • Fournir des mosaïques en noir et blanc ou en couleur tant en format numérisé que sur papier. Les photos ou images seront produites par numérisation d’imagerie et l’entrepreneur procédera au besoin à des rajustements de gradation.

[Traduction]

10. La section C.2, « CRITÈRES D’ÉVALUATION DES EXIGENCES COTÉES » [traduction], à l’annexe C de la DP prévoit ce qui suit :

[...]

Les propositions DOIVENT obtenir le minimum requis de points à chaque critère d’évaluation des exigences cotées pour être jugées conformes à l’égard de la section des exigences cotées; les propositions qui ne reçoivent pas le minimum de points requis seront jugées non conformes et écartées.

[...]

  CRITÈRES D’ÉVALUATION DES EXIGENCES COTÉES Maximum de points (Minimum acceptable de points) No de page de la proposition
[...]        
C4 Le soumissionnaire doit démontrer son expérience technique en créant une mosaïque à partir de photographies aériennes numérisées. RNCan fournira au soumissionnaire six (6) images aériennes numérisées à cette fin [...]. On trouvera en annexe le lien d’accès aux images (photographies aériennes numérisées) nécessaires à l’exécution de cette tâche [...] 10 7  
[...]        

[Traduction]

11. Pendant la période d’appel d’offres, RNCan a publié deux modifications à la DP, y compris les réponses aux questions présentées par les soumissionnaires potentiels. Les réponses aux questions 2 et 4 concernent la plainte et prévoient ce qui suit :

Question 2 :

Un des produits qui seraient possiblement nécessaires est une mosaïque, mais cet élément ne semble avoir aucune place au tableau des exigences. Ai-je manqué quelque chose?

Réponse 2 :

Les mosaïques sur mesure se font selon les spécifications de l’entrepreneur. La PNA et le fournisseur négocient le coût de chaque mosaïque en fonction de la durée et des efforts d’exécution du travail. Le fournisseur doit voir le nombre de photos et leur netteté en vue de créer la mosaïque que recherche le client. C’est un processus qui doit être examiné dans chacun des projets selon le matériel mis en œuvre et le produit final désiré.

[...]

Question 4 :

« Mosaïque »

Auriez-vous un spécimen consultable ou des spécifications particulières pour sa création?

Réponse 4 :

Oui, il y a des spécimens de mosaïques à la PNA. Dans la DP, il y a un lien renvoyant aux spécifications; se reporter à C4 – Annexe E, qui précise l’emplacement des mosaïques, se trouve à l’adresse [...].

[Traduction]

12. Le 5 février 2010, Dendron envoyait à RNCan un courriel dans lequel elle posait la question suivante4  :

On fait référence dans la réponse 4 à des spécifications pour la mosaïque. Nous avons pu obtenir les photos sans problème, mais nous n’avons pas vu de spécifications. Pouvez-vous nous les fournir séparément?

[Traduction]

13. Le 8 février 2010, RNCan envoyait un courriel à Dendron dans lequel il fournissait la réponse suivante5  :

Le soumissionnaire doit créer la mosaïque de sa propre initiative – nous ne fournissons pas de spécifications pour lui indiquer la manière de procéder – cela fait partie de l’évaluation qui permettra de juger si le soumissionnaire peut accomplir le travail.

[Traduction]

14. À la même date, dans un courriel à RNCan, Dendron répondait ce qui suit : « Parfait! La formulation de la réponse 4 à propos des spécifications nous a induits en erreur6  » [traduction].

15. Le 19 février 2010, la période de l’appel d’offres était close. RNCan a reçu trois propositions, dont celle de Dendron. Le 1er avril 2010, Geotech était avisée qu’elle était le soumissionnaire retenu et un contrat lui était adjugé conformément à la DP.

16. Le 12 avril 2010, RNCan avisait Dendron par courriel que sa proposition n’avait pas obtenu le minimum requis de points pour l’exigence cotée C4 et que, par conséquent, elle avait été écartée. Dans ce courriel, RNCan précisait le nom du soumissionnaire retenu et lui communiquait les observations suivantes des évaluateurs en ce qui concerne le critère C47  :

Évaluateur no 1) 3 points : lignes sur la mosaïque révélant épreuves individuelles, discordance des teintes, contrastes médiocres, affinement des photos qui laisse à désirer, absence d’étiquetage, sol insuffisamment détaillé, grain marquant, bords négligés, produit ne démontrant pas l’expérience et accusant une piètre qualité en format numérisé et sur papier.

Évaluateur no 2) 3 points : reproduction peu satisfaisante (sur papier et en format numérisé), discordance des teintes, affinement qui laisse à désirer (décalages visibles de gradation), grain marquant (sans grande netteté), bords non rectilignes sur tous les côtés, absence de couverture intégrale des clichés (repères invisibles).

Évaluateur no 3) 3 points : discordance des teintes, affinement qui laisse à désirer, contrastes médiocres, grain marquant qui fait voir où chaque photo a été mise en recouvrement.

[Traduction]

17. Le 21 avril 2010, RNCan et Dendron participaient à une séance d’information conformément aux modalités de la DP. Le même jour, Dendron envoyait à RNCan un courriel dans lequel elle indiquait être insatisfaite du résultat de la séance d’information et qu’elle avait l’intention d’aller au fond des choses. Dendron et RNCan échangeaient d’autres courriels le 28 avril 2010.

18. Le 5 mai 2010, Dendron déposait sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

19. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, qui, en l’instance, est seulement l’Accord sur le commerce intérieur 8 .

20. L’article 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

21. Le Tribunal rappelle qu’il fait généralement preuve de beaucoup de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions9 . En règle générale, il ne substitue pas son jugement à celui des évaluateurs sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, d’une autre manière, procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure10 .

22. Dans la présente affaire, Dendron allègue que RNCan a fondé son évaluation sur des critères non divulgués et ne s’est pas appliqué dans l’évaluation de sa proposition. Le Tribunal traitera de ces allégations tour à tour.

Défaut allégué de divulguer les critères d’évaluation pour l’exigence cotée C4

23. Dans sa plainte, Dendron fait valoir que RNCan avait des exigences précises non divulguées pour la création de la mosaïque et que sa proposition a été rejetée parce que sa mosaïque ne respectait pas ces exigences. Cependant, elle prétend que les documents d’invitation et les réponses données aux questions pendant la période de l’appel d’offres l’ont amenée à penser que sa mosaïque, comme elle était présentée, répondrait à toutes les exigences énoncées. En particulier, elle fait observer que le courriel du 8 février 2010 de RNCan, où le ministère dit ne pas fournir de spécifications quant à la manière de procéder, l’annexe A de la DP, « Énoncé des travaux », dans lequel on parlait seulement de rajustements de gradation à la mosaïque, et la réponse de RNCan à la question 2 pour la partie des questions et réponses, laquelle indiquait que les exigences pouvaient varier selon le projet, lui permettaient de croire que sa mosaïque était conforme à toutes les exigences.

24. Dendron allègue que les observations des évaluateurs au sujet de l’exigence cotée C4, lesquelles figuraient dans le courriel de RNCan reçu le 12 avril 2010, montraient clairement que l’évaluation était fondée sur des critères non divulgués pendant la période d’appel d’offres. Elle soutient qu’il était impossible de déterminer quels étaient ces critères par la lecture des documents de l’invitation ou les réponses de RNCan aux questions et il ne s’agissait pas non plus de spécifications communément reconnues pour les mosaïques comme produit général. À cet égard, Dendron a fait valoir que diverses sources d’information, dont la propre page Web de la PNA et un spécimen de mosaïque obtenu de la PNA par demande publique après la procédure d’appel d’offres, démontraient que les descriptions des mosaïques peuvent varier et que certains critères employés par les évaluateurs ne se retrouvaient pas dans ces sources d’information. Elle soutient donc que sa mosaïque était parfaitement valable faute d’exigences expressément formulées et, en dépit des observations du personnel de la PNA, elle était d’une haute qualité et d’une bonne facture, à en juger par les exigences généralement reconnues pour les « mosaïques » au sens général du terme.

25. Dendron fait aussi valoir que Geotech, le soumissionnaire retenu, jouissait d’un avantage indu dans la procédure d’appel d’offres, ayant déjà produit des mosaïques pour la PNA et ayant donc déjà connaissance des exigences applicables aux mosaïques.

26. Dans ses observations sur le RIF, Dendron a nié avoir jamais admis avoir présenté une mosaïque « inférieure aux normes ». Elle a précisé que, ayant su après la passation du marché public quelles étaient les exigences précises de RNCan, elle a reconnu que sa mosaïque n’était pas conforme à ces exigences. Elle soutenait cependant que, faute de normes définies, rien ne pouvait être reproché à la mosaïque qu’elle avait présentée et qu’ en fait, celle-ci pouvait être considérée comme de haute qualité par rapport à de nombreuses normes, dont celles qu’elle observe elle-même lorsqu’elle fournit une foule de produits semblables à sa clientèle payante au Canada et aux États-Unis. Contrairement à l’affirmation de RNCan selon laquelle de telles spécifications n’existaient pas, Dendron a réitéré que, comme les évaluateurs avaient employé les mêmes termes techniques dans le même ordre, il y avait lieu de croire que chacun disposait d’une liste de contrôle ou d’un guide qui aurait dû être mis à la disposition de Dendron. Pour ce qui est de la caractérisation du travail de Dendron comme « [...] un simple exercice couper-coller [...] » [traduction], elle jugeait que ce qu’elle avait fait pour créer la mosaïque était raisonnable compte tenu de ce qu’elle considérait comme les normes d’un tel produit. Elle a enfin fait remarquer que nombre de ses clients acceptaient des mosaïques de qualité semblable à la mosaïque présentée dans sa proposition et qu’elle ne savait nullement qui étaient les clients de la PNA, ni ce qu’ils considéraient comme acceptable.

27. Pour sa part, RNCan a soutenu que l’appel d’offres était équitable, puisque la procédure se conformait aux modalités de la DP, laquelle énonçait les exigences applicables au marché public, les critères d’évaluation des propositions et les méthodes d’évaluation des critères. RNCan a fait valoir que la PNA n’avait pas de spécifications pour la création d’une mosaïque et que de telles spécifications n’étaient pas fournies par le passé dans des appels d’offres semblables. Il a ajouté que, bien que RNCan avait des attentes en matière de qualité à l’égard des mosaïques produites, ces attentes visaient la qualité à laquelle s’attend la clientèle payante et aussi en accord avec la description d’une mosaïque figurant sur le site Web de la PNA. À cet égard, il a fait valoir que, pour un soumissionnaire exerçant dans ce domaine, il était raisonnable de penser que les mosaïques distribuées par la PNA, source de compétence reconnue au pays et centre d’excellence en distribution payante de photographies aériennes de qualité, seraient d’une grande qualité.

28. RNCan maintient en outre qu’il était évident que le but de l’exigence cotée C4 était de donner à la PNA la possibilité d’évaluer la qualité des mosaïques produites par les soumissionnaires. Il a fait observer que Dendron avait été avisée par courriel le 8 février 2010 qu’il n’y avait pas de spécifications pour les mosaïques et qu’on s’attendait à ce que les soumissionnaires y aillent de leurs meilleurs efforts pour donner une idée du genre de mosaïque qu’ils produiraient si le contrat leur était adjugé. À cet effet, il a soumis que l’exigence communément comprise et attendue était que les photos soient agencées de façon à produire une mosaïque offrant toutes les caractéristiques, par la qualité et la précision de l’intégration des photos, d’un produit fini. À son avis, les spécialistes du domaine doivent aller bien au-delà d’un simple exercice couper-coller. Toutefois, il a soumis que’ au lieu de produire la meilleure qualité de mosaïque pour démontrer sa compétence, Dendron s’était contentée d’une mosaïque entachée d’un certain nombre de lacunes en disant qu’elle en aurait produit une meilleure avec plus d’efforts, de temps et d’argent.

29. RNCan allègue que les évaluateurs étaient unanimes à juger la mosaïque de Dendron insuffisante et inférieure aux normes attendues par un client. Il a fait valoir que les évaluateurs ne s’étaient pas appuyés sur des spécifications non divulguées, mais avaient plutôt employé des descripteurs communs pour détailler les défauts et les insuffisances de la mosaïque de Dendron. Il a ajouté que les observations des évaluateurs n’étaient pas une surprise pour Dendron, celle-ci connaissant ses faiblesses, et ce, de son propre aveu dans sa proposition et à la séance d’information. De plus, il a soumis que si Dendron avait d’autres questions à soulever sur la création de la mosaïque après son échange de courriels avec RNCan les 5 et 8 février 2010, la DP lui imposait clairement le fardeau de les poser à RNCan.

30. Enfin, RNCan a soutenu que rien ne prouvait que des exigences non divulguées concernant la mosaïque auraient été connues d’un seul soumissionnaire. Elle soutient que le soumissionnaire retenu et Dendron avaient déjà de l’expérience en production de mosaïques; si Geotech avait produit une mosaïque de grande qualité comme partie de sa proposition, Dendron avait choisi, elle, d’en produire une d’une qualité nettement inférieure.

31. De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve au dossier établissent clairement que RNCan n’a pas fourni de critères précis d’évaluation pour l’exigence cotée C4. Les éléments de preuve, plus particulièrement les observations des évaluateurs par rapport à l’exigence cotée C4, font bien voir par ailleurs que RNCan avait certaines attentes bien définies quant aux résultats qu’il recherchait dans une mosaïque. La conclusion inévitable est qu’en l’espèce, l’évaluation a été fondée sur des critères non explicités, mais pour le Tribunal, la question est de savoir si ces critères ou les « attentes » au dire de RNCan auraient pu raisonnablement être prévus ou anticipés à partir des documents d’appel d’offres et des communications avec RNCan11 . Si le Tribunal juge que ces critères pouvaient raisonnablement être déduits de la DP et des réponses de RNCan aux questions des soumissionnaires, il n’interviendra pas dans l’évaluation au motif de non-divulgation des critères d’évaluation. En revanche, s’il parvient à la conclusion que ces critères n’auraient pu raisonnablement être déduits, il conclura à l’existence d’une dérogation à l’article 506(6) de l’ACI.

32. Dans le Merriam-Webster Online Dictionary, le terme « photomosaic » (mosaïque photographique) est défini comme il suit : « [...] une image se composant d’un grand nombre de photographies de moindre taille [...] » [traduction]. Sur le site Web de la PNA, on présente la définition suivante de « mosaïque » : « [...] une reproduction photographique d’un ensemble de photographies aériennes assemblées de manière à ce que les détails d’une photo correspondent à ceux de toutes les photos adjacentes12 . » Au niveau le plus élémentaire, une mosaïque est donc un ensemble de photos de moindre taille donnant l’apparence d’une photo unique.

33. Tel qu’il a été mentionné précédemment, selon l’exigence cotée C4, les soumissionnaires devaient« [...] démontrer leur expérience technique en créant une mosaïque à partir de photographies aériennes numérisées » [nos italiques, traduction]. De même, dans l’énoncé des travaux à l’annexe A de la DP, on assigne entre autres à l’entrepreneur la responsabilité de « fournir une mosaïque en noir et blanc ou en couleur tant en format numérisé que sur papier » en prévoyant que, dans cette production, « les photos ou images seront produites par numérisation d’imagerie et l’entrepreneur procédera au besoin à des rajustements de gradation » [traduction]. De plus, dans le courriel du 8 février 2010 de RNCan en réponse au courriel du 5 février 2010 de Dendron, on explique que la mosaïque doit être créée « [...] de la propre initiative [...] » du soumissionnaire et que RNCan ne fournira pas de spécifications quant à la manière de procéder parce que « cela fait partie de l’évaluation qui permettra de juger si le soumissionnaire peut accomplir le travail ». Dans sa réponse par courriel du 8 février 2010, Dendron dit avoir compris que RNCan ne fournirait pas de spécifications pour la création de la mosaïque.

34. Il ressort clairement de ce qui précède que le but de l’exigence cotée C4 était de déterminer si les soumissionnaires étaient en mesure de créer, de leur propre initiative, une mosaïque à partir des photographies aériennes numérisées afin de démontrer leur expérience technique. Selon le Tribunal, il est implicite dans cette exigence que, pour démontrer leur expérience technique, les soumissionnaires devaient créer la meilleure mosaïque possible compte tenu des limites imposées par le matériel d’origine (c.-à-d. des photographies aériennes) venant de RNCan13 . Dendron aurait dû à tout le moins savoir ou raisonnablement savoir que le but était d’évaluer sa compétence technique et son expertise et qu’une telle évaluation comprendrait nécessairement les rajustements effectués à la mosaïque, notamment les rajustements de gradation. S’il subsistait des doutes au sujet de l’exigence cotée C4 après le courriel du 8 février 2010 de RNCan, il appartenait à Dendron de demander des éclaircissements14 .

35. Le Tribunal souligne que, dans sa réponse à la question 2 pour la partie des questions et réponses au cours de la période d’appel d’offres, RNCan avait précisé que les spécifications applicables aux mosaïques produites dans le cadre du marché varieraient selon les résultats attendus par les clients de la PNA. C’est là une indication de plus que les soumissionnaires devaient démontrer pouvoir produire une mosaïque de grande qualité répondant aux attentes les plus élevées des clients.

36. Il se trouve que, dans le cas qui nous occupe, les évaluateurs de RNCan ont jugé que Dendron n’avait pas présenté la meilleure mosaïque possible. En fait, Dendron en convient dans sa propre proposition. À la section 3.4 de sa proposition, Dendron dit que sa mosaïque « [...] avait été produite par la procédure normale en quelques heures [...] » et que « le résultat aurait pu être meilleur avec de meilleurs efforts, mais à un coût susceptible d’augmenter d’un facteur de 3-4 et plus selon la qualité des photos et la taille de la mosaïque » [traduction]15 . Il est donc clair que Dendron savait que sa mosaïque pouvait être améliorée et savait aussi comment le faire.

37. Pour ce qui est des observations des évaluateurs sur la mosaïque, le Tribunal se dit d’avis qu’elles ne font pas voir de critères d’évaluation ni d’attentes que les soumissionnaires n’auraient pu raisonnablement prévoir ou anticiper compte tenu de la formulation de la DP et des réponses de RNCan aux questions posées.

38. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé.

39. Quant à l’allégation de Dendron selon laquelle le soumissionnaire retenu jouissait d’un avantage indu, ayant déjà produit des mosaïques pour la PNA, le Tribunal conclut que, comme il a déjà établi que les critères d’évaluation pour l’exigence cotée C4 auraient raisonnablement pu être prévus ou anticipés, Dendron n’était pas défavorisée pendant la période d’appel d’offres ou l’évaluation qui a suivi. Le Tribunal rappelle que, dans des décisions antérieures, il a précisé que l’avantage concurrentiel tenant au fait d’être titulaire de marchés ne pouvait être considéré comme injuste16 .

Défaut allégué d’évaluer intégralement la proposition de Dendron

40. Dans sa plainte, Dendron allègue que, à la séance d’information, il était devenu évident qu’une partie essentielle de sa proposition ayant directement à voir avec la mosaïque n’avait pas été lue par tous les évaluateurs. Plus précisément, elle a soutenu que certains des évaluateurs avaient admis que la section 3.4 de sa proposition, où il était question de ce qui, selon elle, constituait des exigences non divulguées pour l’exigence cotée C4, n’avait pas été lue par eux. Elle soutient donc que sa proposition avait été rejetée à la suite d’une évaluation incomplète.

41. Dans ses observations sur le RIF, Dendron fait valoir que, si l’explication donnée par RNCan des événements à la séance d’information était possible, son impression était toujours que la section 3.4 de sa proposition n’avait pas du tout été lue ou ne l’avait pas été avec soin au moment de l’évaluation.

42. Dans son RIF, RNCan réfute l’allégation de Dendron en maintenant que tous les évaluateurs avaient lu intégralement la proposition, y compris la section 3.4, lorsqu’ils avaient évalué la soumission. Il a soutenu que, de toute manière, la section 3.4 de la proposition de Dendron décrit seulement comment Dendron a préparé sa mosaïque en comportant l’aveu que les résultats auraient pu être meilleurs avec de meilleurs efforts de sa part. Selon RNCan, Dendron avance essentiellement comme argument que RNCan aurait pu par sa lecture avoir constaté quelle était sa compétence à créer une mosaïque de grande qualité. Cependant, RNCan soutient que seule la mosaïque même avait été évaluée et qu’affirmer qu’une meilleure mosaïque aurait pu être produite n’en constitue pas sa production en réalité.

43. Le Tribunal est incapable de discerner, à l’aide des éléments de preuve au dossier, si certains des évaluateurs avaient lu ou non la section 3.4 de la proposition de Dendron, mais il juge que cet aspect n’intervient pas dans le traitement de ce motif de plainte. À la section 3.4 de sa proposition, Dendron décrit comment elle a préparé sa mosaïque en précisant pourquoi toutes les photos aériennes ne pouvaient faire l’objet d’une parfaite « intégration » des contrastes et en signalant que « [...] les résultats auraient pu être meilleurs avec de meilleurs efforts [...] ».

44. Le Tribunal a déjà établi que les critères d’évaluation auraient pu raisonnablement être prévus ou anticipés pour l’exigence cotée C4. Ainsi, Dendron aurait dû créer une mosaïque conforme à ces critères. Cependant, les évaluateurs ont jugé que la mosaïque de Dendron ne respectait pas ces critères; rien n’indique non plus qu’ils ne se sont pas appliqués dans leur évaluation. Que les évaluateurs aient lu ou non la section 3.4 de la proposition de Dendron n’influe en rien sur ce résultat. Dendron a choisi de produire une mosaïque qui n’était pas de la meilleure qualité qu’elle pouvait produire en affirmant que les résultats auraient pu être meilleurs avec de meilleurs efforts. Le Tribunal est d’avis qu’écrire que les résultats auraient pu être meilleurs ne démontre ni ne garantit qu’ils l’auraient bel et bien été.

45. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas non plus fondé.

Frais

46. Le Tribunal accorde à RNCan le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, il a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), laquelle fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

47. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au premier degré prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. Le marché public n’était pas complexe, portant sur la prestation d’un ensemble simple de services. La plainte n’était pas complexe non plus, traitant simplement de la question de savoir s’il y avait eu ou non des critères d’évaluation non divulgués et de l’évaluation de la proposition de Dendron par rapport à une seule exigence cotée. Enfin, la complexité de la procédure était faible, car il n’y avait pas eu de requêtes ni d’audience publique et la seule partie intervenante n’avait pas produit d’observations. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal se chiffre à 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

48. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

49. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à RNCan le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Dendron. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès Tribunal, comme le prévoit la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S. /93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Plainte, document no 11.

5 . Ibid.

6 . Ibid.

7 . Plainte, document no 10.

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI]. Les services demandés de numérisation de photographies aériennes relèvent du groupe T, « Services de communications, de photographie, de cartographie, d’impression et de publication », du Système commun de classification et, à ce titre, se trouvent expressément exclus de l’application de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994), de l’Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) (le chapitre Kbis sur les marchés publics est entré en vigueur le 5 septembre 2008) et de l’Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009). Les services demandés ne figurent pas non plus dans la liste des services assujettis à l’Accord sur les marchés publics, 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.OMC.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

9 . Re plainte déposée par Chamber of Shipping of British Columbia (24 mars 2010), PR-2009-069 (TCCE).

10 . Re plainte déposée par Vita-Tech Laboratories Ltd. (18 janvier 2006), PR-2005-019 (TCCE); Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

11 . Re plainte déposée par Beals, Lalonde & Associates (27 juillet 2004), PR-2004-009 (TCCE) au para. 29.

12 . RIF, onglet 1, para. 3.

13 . Dendron fait valoir que les normes d’évaluation ou les attentes de RNCan n’étaient pas des plus élevées, puisque « la mosaïque pouvait être produite en modélisation numérique des hauteurs et ombrée de manière à créer un effet tridimensionnel [...] ou que la résolution des photos d’origine en numérisation aurait pu être améliorée [...] » [traduction]. Rien n’indique cependant que le matériel d’origine fourni par RNCan se serait prêté à de telles modifications ou rajustements. Le seul matériel fourni par RNCan consistait en photographies aériennes numérisées qu’on devait récupérer en ligne.

14 . Dans des décisions antérieures, le Tribunal a clairement dit que le soumissionnaire a le devoir de demander des éclaircissements avant de produire une offre ou une soumission. Voir, par exemple, Re plainte déposée par Berlitz Canada Inc. (18 juillet 2003), PR-2002-066 (TCCE); Re plainte déposée par Primex Project Management Ltd. (22 août 2002), PR-2002-001 (TCCE). Ajoutons que, dans la présente affaire, l’article 1 de la partie 2 de la DP prévoit expressément ce qui suit : « Il incombe au soumissionnaire de faire clarifier au besoin les exigences qu’énonce la DP avant de produire sa proposition » [traduction].

15 . Plainte, document no 6 à la p. 17.

16 . Re plainte déposée par Array Systems Computing Inc. (25 mars 1996), PR-95-024 (TCCE) à la p. 8; Re plainte déposée par CAE Inc. (7 septembre 2004), PR-2004-008 (TCCE) au para. 43.