MARATHON WATCH COMPANY LTD.


MARATHON WATCH COMPANY LTD.
Dossier no PR-2010-011

Décision prise
le mercredi 19 mai 2010

Décision et motifs rendus
le jeudi 3 juin 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

MARATHON WATCH COMPANY LTD.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no W8486-097012/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale portant sur la fourniture de jumelles.

3. Marathon Watch Company Ltd. (Marathon) allègue que TPSGC a incorrectement déclaré sa proposition non conforme. De plus, Marathon allègue ce qui suit : 1) il y avait dans les documents du marché public des renseignements complexes, trompeurs et ambigus qui ont limité le nombre de soumissionnaires potentiels, 2) le prix du soumissionnaire gagnant était trop élevé et 3) il y a eu un manque d’égalité et d’équité.

4. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain 3 , au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur 4 , à l’Accord sur les marchés publics 5 , au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 6 ou au chapitre 14 de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Pérou 7 , selon le cas. En l’espèce, seule l’ACI s’applique8 .

5. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

6. La section I de la partie 3 de la demande de propositions (DP) prévoit ce qui suit :

Dans leur proposition technique, les soumissionnaires doivent démontrer leur conformité entière aux exigences obligatoires en remplissant le tableau 1 à l’annexe C, Spécifications pour la performance des jumelles – Exigences obligatoires [...].

[Traduction]

7. La procédure d’évaluation dans la DP indique ce qui suit : « Aucune modification à une proposition ne sera acceptée après la date de clôture pour la remise des propositions. Toutefois, pendant l’évaluation, [TPSGC] pourra, à sa discrétion, demander des éclaircissements par écrit » [traduction].

8. Le 6 mai 2010, TPSGC avisait Marathon que sa proposition avait été déclarée non conforme aux exigences obligatoires suivantes :

4.2 Au moins 90 p. 100 du revêtement doit être constitué de fluorure de magnésium.

5.1 Les jumelles doivent être munies d’un réticule gradué en mils, comme dans le schéma ci-dessous, ou gradué en décamètres.

5.7 L’échelle verticale doit avoir au minimum une portée totale d’au moins 100 mètres à 1000 mètres de distance, soit 30 mètres à 1000 mètres de distance sous la ligne horizontale, et doit comporter une graduation de 5 mètres à 1000 mètres de distance.

6.4 Le filtrage à bande large du rayonnement infrarouge doit se faire au moyen de verre absorbant (tel que KG-5, ISK 171 ou l’équivalent) qui agit comme substrat pour le filtre.

10.1 Les accessoires des jumelles (bandoulière, œilletons, couvercles d’oculaires et couvercles d’objectifs) doivent pouvoir être remplacés facilement par l’utilisateur sur le terrain qui n’a pas accès à un espace propre.

[Traduction]

9. En ce qui concerne l’exigence obligatoire 4.2, TPSGC indique que les spécifications n’étaient pas fournies. Bien que Marathon indique dans sa soumission qu’elle respecte cette exigence, elle affirme aussi que son produit est « [...] (entièrement à large bande et à couches multiples) pour chaque lentille » [traduction]. Dans sa plainte, Marathon affirme ce qui suit : « Nous avons utilisé les termes “entièrement à large bande et à couches multiples” qui sont utilisés dans l’industrie de l’optique et reconnus par quiconque achète des jumelles. TPSGC n’a pas compris cette terminologie et nous estimons que TPSGC aurait dû communiquer avec nous pour obtenir des éclaircissements » [traduction].

10. En ce qui concerne l’exigence obligatoire 5.1, TPSGC indique que le dessin technique et la photo fournis vont à l’encontre de la déclaration de conformité. Marathon indique dans sa soumission qu’elle respecte cette exigence. Dans sa plainte, Marathon affirme ce qui suit : « Il y a des divergences entre nos dessins et la photo mais le MDN n’a pas demandé d’éclaircissements » [traduction].

11. En ce qui concerne l’exigence obligatoire 5.7, TPSGC indique que le « [d]essin technique montre que l’échelle [verticale] a une portée totale de 100 m à 1000 m de distance soit 20 m à 1000 mètres de distance sous la ligne horizontale » [traduction]. Marathon indique dans sa soumission qu’elle respecte cette exigence. Dans sa plainte, Marathon affirme ce qui suit : « Il y a des divergences entre nos dessins et la photo mais le MDN n’a pas demandé d’éclaircissements » [traduction].

12. En ce qui concerne l’exigence obligatoire 6.4, TPSGC indique que l’Option B de la proposition de Marathon ne comportait pas de filtre infrarouge (IR) à large bande. Marathon indique dans sa soumission qu’elle respecte cette exigence et fait référence à ses données sur les spécifications et aux résultats de tests. La plainte de Marathon comprend un courriel adressé à TPSGC daté du 6 mai 2010 dans lequel elle affirme ce qui suit : « Comme nous l’avons mentionné dans notre lettre accompagnant la soumission, nous avons proposé deux options (A et B) pour la protection laser. Option A – nous pouvons produire des jumelles comportant un filtre IR à large bande. Option B – nous pouvons enduire directement l’objectif d’un filtre IR à large bande; par conséquent, un filtre IR à large bande n’est pas nécessaire selon cette option. Même le MDN a rejeté notre Option B, mais notre Option A respecte tout de même cette exigence » [traduction].

13. En ce qui concerne l’exigence obligatoire 10.1, TPSGC indique qu’étant donné que la proposition de Marathon affirme que les œilletons sont collés, ils ne sont pas facilement remplaçables par l’utilisateur sur le terrain. La plainte de Marathon comprend un courriel adressé à TPSGC daté du 6 mai 2010 dans lequel elle affirme ce qui suit : « C’est parce que les œilletons peuvent facilement tomber ce qui pourrait endommager les lentilles. Toutes les jumelles sont fabriquées de cette façon. Si les œilletons sont remplacés sur le terrain, les lentilles seront détruites » [traduction]. Sa plainte indique aussi que selon son expérience, « [...] il est très difficile pour un [soldat] de changer les œilletons sur le terrain sans avoir accès à un espace propre. Si les œilletons sont collés, ils n’ont pas besoin d’être remplacés car ils ne tombent pas » [traduction].

14. Dans des décisions antérieures, le Tribunal indique clairement que c’est au fournisseur qu’il incombe de répondre et de satisfaire aux critères établis dans une invitation9 . Le Tribunal indique clairement que c’est au soumissionnaire qu’est imposé le fardeau de demander des éclaircissements avant de présenter une offre10 . Il déclare en outre qu’il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, d’une autre manière, procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure11 .

15. En l’espèce, le Tribunal fait remarquer que Marathon reconnaît qu’il y a des divergences dans sa proposition, particulièrement en ce qui concerne les exigences obligatoires 5.1 et 5.7. Au sujet de l’exigence obligatoire 10.1, il est clair que les accessoires devaient pouvoir être « [...] facilement remplaçables par l’utilisateur sur le terrain [...] » [traduction]. Le Tribunal conclut que TPSGC a correctement déterminé que la proposition de Marathon ne respectait pas cette exigence.

16. En ce qui concerne l’affirmation de Marathon que TPSGC aurait dû demander des éclaircissements, le Tribunal fait remarquer qu’une telle demande était à la discrétion de TPSGC et qu’il n’était pas obligé de le faire. De toute façon, il est à remarquer que le processus d’éclaircissement n’aurait pas permis à Marathon de modifier sa proposition si les renseignements adéquats n’y figuraient pas en premier lieu.

17. Après examen, le Tribunal conclut que la plainte ne contient aucun élément de preuve montrant que les évaluateurs ne se sont pas appliqués quand ils ont évalué la proposition de Marathon et jugé qu’elle ne respectait pas les exigences obligatoires.

18. Selon le paragraphe 6(1) du Règlement, le fournisseur potentiel doit déposer sa plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».

19. Selon le paragraphe 6(2), « [l]e fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition [...] et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

20. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de l’opposition, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment ou elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation par l’institution fédérale.

21. En ce qui concerne l’allégation de Marathon qu’il y avait dans les documents du marché public des renseignements complexes, trompeurs et ambigus qui ont limité le nombre de soumissionnaires potentiels, afin de respecter les exigences de l’article 6 du Règlement, si Marathon avait toujours des préoccupations au sujet de la DP après la clôture des soumissions, elle avait 10 jours ouvrables après la date de clôture des soumissions du 5 février 2010, pour présenter une opposition à TPSGC ou déposer sa plainte auprès du Tribunal. Marathon n’a pas présenté d’opposition à TPSGC à ce motif et a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 13 mai 2010. Par conséquent, la plainte à ce motif a été déposée après le délai prescrit dans le Règlement.

22. En ce qui concerne l’allégation de Marathon que le prix du soumissionnaire gagnant est trop élevé, le Tribunal conclut à l’absence de preuve dans la plainte que cela constitue une violation des accords commerciaux pertinents.

23. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas dans une mesure raisonnable que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.

DÉCISION

24. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

8 . Le numéro d’identification des biens et services (NIBS) est N1240. Ce numéro correspond au code 12 de la classification fédérale des approvisionnements (CFA). Les biens qui correspondent à ce code, achetés pour le ministère de la Défense nationale, sont exclus de l’ALÉNA conformément à l’annexe 1001.1b-1, section B, de l’AMP conformément à l’annexe 1, de l’ALÉCC conformément à l’annexe Kbis-01.1-3 et de l’ALÉCP conformément à l’annexe 1401.1-3.

9 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Re plainte déposée par Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR-2000-040 (TCCE); Re plainte déposée par WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE).

10 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par Berlitz Canada Inc. (18 juillet 2003), PR-2002-066 (TCCE); Re plainte déposée par Primex Project Management Ltd. (22 août 2002), PR-2002-001 (TCCE).

11 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par Vita-Tech Laboratories Ltd. (18 janvier 2006), PR-2005-019 (TCCE); Re plainte déposée par Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE).