NAVISTAR DEFENCE CANADA, INC.


NAVISTAR DEFENCE CANADA, INC.
Dossier no PR-2010-023

Décision prise
le lundi 9 août 2010

Décision et motifs rendus
le mercredi 8 septembre 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

NAVISTAR DEFENCE CANADA, INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. Le Tribunal est d’avis que la procédure de passation du marché public en cause se rapporte à un contrat spécifique au sens de la Loi sur le TCCE. L’article 30.1 de la Loi sur le TCCE et le paragraphe 3(1) du Règlement définissent « contrat spécifique » comme étant tout contrat relatif à un marché accordé par une institution fédérale et visé par divers accords commerciaux.

3. La plainte porte sur une demande d’expression d’intérêt et de qualification (DEIQ) (demande no W847L-100018/A) en vue de l’acquisition de véhicules blindés tactiques de patrouille (VBTP) ayant une valeur estimative de 300 millions de dollars. Ces marchandises, si l’on tient compte de la valeur du marché, sont tout au moins visées par le chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur 3 . L’entité responsable de la passation du marché pour le compte du ministère de la Défense nationale (MDN) était TPSGC, qui est désigné comme une « institution fédérale » à l’alinéa 3(2)c) du Règlement.

4. Navistar Defence Canada, Inc. (Navistar) allègue que TPSGC a incorrectement déclaré sa réponse à la DEIQ non conforme à trois critères obligatoires et que, par conséquent, Navistar ne remplit pas les conditions préalables requises pour répondre à la demande de propositions (DP) à venir.

5. Les critères obligatoires en cause sont les spécifications des exigences relatives aux systèmes des véhicules (SESV) ci-dessous, qui figurent à l’annexe C de la DEIQ :

No d’identification Spécification des exigences relatives aux systèmes des véhicules Type d’exigence Directives au répondant
DEIQ-SESV 116 À la date de clôture de la DEIQ, la protection contre les mines sous les roues du VBTP doit fournir aux occupants du VBTP une protection contre une explosion de mine de niveau 3A suivant le STANAG 4569, annexe B, de l’OTAN, lorsque testée conformément à l’AEP-55, vol. 2, édition 1. Obligatoire [Telles que modifiées par la modification no 007] Les répondants doivent fournir la matrice d’inertie du véhicule. Les répondants doivent expliquer clairement comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées. Les répondants doivent fournir l’emplacement du site d’essai et un rapport d’essai contenant les résultats d’essais indépendants réalisés suivant les méthodes décrites dans l’AEP-55 vol. 2, édition 1 et présentés conformément à l’annexe F, qui démontrent la conformité à une protection minimale de niveau 3A suivant le STANAG 4569. Si les répondants ne sont pas en mesure de fournir des rapports d’essai à la date de clôture de la DEIQ, le dépôt de l’annexe H – Certificat de conformité établira la conformité à cette exigence pour les fins de la DEIQ. Cela n’élimine pas l’obligation qu’ont les répondants de fournir la matrice d’inertie du véhicule et d’expliquer clairement comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées.
DEIQ-SESV 117 À la date de clôture de la DEIQ, la protection contre les mines sous l’habitacle du VBTP doit fournir aux occupants du VBTP une protection contre une explosion de mine de niveau 2B suivant le STANAG 4569, annexe B de l’OTAN, lorsque testée conformément à l’AEP-55, vol. 2, édition 1. Obligatoire [Telles que modifiées par la modification no 007] Les répondants doivent fournir la matrice d’inertie du véhicule. Les répondants doivent expliquer clairement comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées. Les répondants doivent fournir l’emplacement du site d’essai et un rapport d’essai contenant les résultats d’essais indépendants réalisés suivant les méthodes décrites dans l’AEP-55 vol. 2, édition 1 et présentés conformément à l’annexe F, qui démontrent la conformité à une protection minimale de niveau 2B suivant le STANAG 4569. Si les répondants ne sont pas en mesure de fournir des rapports d’essai à la date de clôture de la DEIQ, le dépôt de l’annexe H – Certificat de conformité établira la conformité à cette exigence pour les fins de la DEIQ. Cela n’élimine pas l’obligation qu’ont les répondants de fournir la matrice d’inertie du véhicule et d’expliquer clairement comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées.
DEIQ-SESV 389 Le VBTP, avec une protection contre les mines de niveau 4A/3B et une protection balistique de niveau 3 suivant le STANAG 4569, doit avoir une charge utile disponible minimale de 2 000 kg. Obligatoire Les répondants doivent fournir de la documentation/des données afin de prouver la conformité de leur véhicule à cette exigence à la date de la DEIQ. Cette documentation/ces données peuvent prendre la forme d’une modélisation, d’une analyse ou de résultats d’essai.

[Traduction]

6. La DEIQ comprenait un document intitulé « Annexe H – Certificat de conformité » [traduction], qui exigeait une attestation des soumissionnaires, notamment, qu’ils « [...] respectent l’ensemble des articles, des clauses, des modalités et des conditions énoncés dans la DEIQ et qu’ils satisfont à et incorporent [...] ce qui suit : i.) l’ensemble des exigences de la DEIQ susmentionnée [...] » [traduction].

7. Ce document est mentionné expressément dans les DEIQ-SESV 116 et 117.

8. La DEIQ a été publiée le 25 mars 2010 et la modification no 007 mentionnée dans les DEIQ-SESV 116 et 117 a été publiée le 17 mai 2010. La date limite pour répondre à la DEIQ était le 2 juin 2010. Navistar a soumis une réponse avant cette date, mais a appris le 19 juillet 2010 que sa réponse ne satisfaisait pas à toutes les exigences obligatoires de la DEIQ, conditions préalables requises pour pouvoir répondre à la DP. TPSGC a fait référence expressément aux documents soumis par Navistar relativement aux DEIQ-SESV 116, 117 et 389.

9. Le jour même, Navistar demandait à TPSGC la tenue d’une séance d’information afin de s’opposer à son exclusion de la procédure d’appel d’offres. Une séance d’information avait lieu le 28 juillet 2010, durant laquelle TPSGC a maintenu sa position. Le 3 août 2010, Navistar déposait sa plainte auprès du Tribunal.

10. TPSGC a indiqué que la proposition de Navistar en réponse à la DEIQ ne répondait pas aux spécifications DEIQ-SESV 116 et 117 car Navistar « [...] n’a pas fourni la matrice d’inertie du véhicule »4 [traduction].

11. TPSGC a également indiqué que la proposition de Navistar en réponse à la DEIQ ne répondait pas à la spécification DEIQ-SESV 389 car Navistar « [...] n’a fourni aucune documentation ni donnée justificatives pour démontrer la conformité à cette exigence »5 [traduction].

DEIQ-SESV 116 ET 117

12. Quant aux DEIQ-SESV 116 et 117, Navistar admet qu’elle n’a pas fourni la matrice d’inertie, mais soutient qu’elle n’avait pas à le faire à ce stade pour les raisons suivantes : (i) la modification no 007 n’indiquait pas le moment auquel la matrice était exigée; (ii) il n’était pas possible sur le plan technique de fournir la matrice avant la date limite étant donné que des spécifications et des renseignements additionnels concernant le véhicule auraient été requis pas TPSGC au moment de la diffusion de la DP; (iii) en remplissant l’annexe H, Navistar indiquait sa capacité de se conformer intégralement aux exigences; (iv) le libellé de la DEIQ est ambigu; (v) Navistar a interprété ces exigences de manière raisonnable et y a satisfait6 .

13. Dans sa plainte, Navistar soumet qu’« [i]l est incohérent, inutile et déroutant que TPSGC demande aux soumissionnaires d’attester de la conformité à l’ensemble [des exigences obligatoires] en la forme de l’annexe H et demande ensuite une preuve de conformité « additionnelle » pour certaines [exigences obligatoires] » [traduction].

14. Le Tribunal est d’avis que le libellé des DEIQ-SESV 116 et 117, tel que modifié par la modification no 007, est clair.

15. Une simple lecture des DEIQ-SESV 116 et 117 révèle immédiatement que, nonobstant l’annexe H, Navistar devait, au minimum, (a) fournir la matrice d’inertie du véhicule, (b) expliquer comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées et (c) fournir l’emplacement du site d’essai. Il appert que l’annexe H ne s’appliquait qu’aux rapports d’essai eux-mêmes.

16. Le Tribunal ne peut faire fi de l’exigence suivante des DEIQ-SESV 116 et 117, qui est en caractères gras et indique clairement la nature de l’exigence, nonobstant l’annexe H :

Les répondants doivent fournir la matrice d’inertie du véhicule. [...] Cela n’élimine pas l’obligation qu’ont les répondants de fournir la matrice d’inertie du véhicule et d’expliquer clairement comment le niveau de protection a été établi en indiquant la norme d’essai et la méthodologie employées.

[Nos italiques, traduction]

17. L’obligation des répondants de fournir la matrice d’inertie du véhicule à la date de clôture de la DEIQ était sans ambiguïté et l’annexe H ne les libérait d’aucune façon de cette exigence obligatoire.

18. Lors de son examen de la DEIQ, le Tribunal a constaté les exemples de spécifications ci-dessous, où, dans les directives aux répondants, il est clair que seul le certificat de conformité (annexe H) était exigé pour se conformer aux exigences obligatoires :

No d’identification Spécification des exigences relatives aux systèmes des véhicules Type d’exigence Directives au répondant
DEIQ-SESV 115 À la date de clôture de la DP, la protection contre les mines sous l’habitacle du VBTP doit fournir aux occupants du VBTP une protection contre une explosion de mine de niveau 3B suivant le STANAG 4569, annexe B de l’OTAN, lorsque testée conformément à l’AEP-55, vol. 2, édition 1. Obligatoire Le dépôt de l’annexe H – Certificat de conformité dûment rempli établira la conformité à cette exigence pour les fins de la DEIQ. Les répondants peuvent être tenus de fournir des preuves à la date de clôture de la DP.
DEIQ-SESV 233 La protection balistique du VBTP (à l’exception du blindage transparent) doit être modifiable afin d’abaisser le niveau de protection jusqu’au niveau de base 1 ou 2 à des fins d’entraînement. Obligatoire Le dépôt de l’annexe H – Certificat de conformité dûment rempli établira la conformité à cette exigence pour les fins de la DEIQ. Les répondants peuvent être tenus de fournir des preuves à la date de clôture de la DP.

[Traduction]

19. Le Tribunal est d’avis que la DEIQ était claire à l’égard des cas dans lesquels l’annexe H était à elle seule suffisante et de ceux dans lesquels les répondants étaient tenus de fournir des renseignements additionnels.

20. En l’espèce, la DEIQ exigeait non seulement que les soumissionnaires fassent une déclaration de conformité à l’annexe H, mais également qu’ils fournissent des preuves additionnelles de la conformité aux exigences relatives à la protection contre les explosions (matrice d’inertie).

21. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que TPSGC avait des motifs raisonnables de juger que la déclaration de conformité générale de Navistar à l’annexe H était insuffisante pour satisfaire à tous les critères de la DEIQ, notamment les DEIQ-SESV 116 et 117, et de prendre acte des renseignements manquants dans la proposition.

22. Le Tribunal accorde aussi peu de poids à l’argument selon lequel Navistar ne pouvait fournir la matrice d’inertie des VBTP puisqu’il lui était impossible de le faire sans connaître les spécifications et les renseignements concernant la configuration définitive du véhicule.

23. Nulle part dans la DEIQ n’est-il fait mention que des précisions seraient fournies à une date ultérieure ou dans la DP à venir.

24. De plus, dans Info-Electronics H P Systems Inc. 7 , le Tribunal a statué qu’il incombait aux soumissionnaires de demander des éclaircissements avant de présenter une proposition s’ils jugeaient que le libellé ou une exigence d’une invitation n’était pas clair ou était ambiguë. Par conséquent, si Navistar avait de la difficulté à comprendre les DEIQ-SESV 116 et 117, il lui incombait de demander des renseignements complémentaires dans le cadre du processus de questions et réponses afin d’obtenir les précisions qu’il lui fallait pour élaborer une proposition adéquate.

25. Puisque Navistar n’a pas demandé ces renseignements ni déposé de soumission malgré les présumées précisions manquantes, le Tribunal ne peut accorder de poids à cette allégation.

DEIQ-SESV 389

26. Quant à la DEIQ-SESV 389, Navistar admet qu’elle n’a pas fourni de modélisation, d’analyse ou de résultats d’essais, mais prétend qu’il était suffisant de fournir, en plus de l’annexe H, une brochure spécifiant que le véhicule possède une capacité de charge utile allant de 5 000 lb à 8 500 lb (soit environ de 2 268 kg à 3 855 kg).

27. Navistar soutient que durant la séance d’information, TPSGC a reconnu avoir reçu la brochure, mais ne l’a pas jugé satisfaisante.

28. Selon Navistar, il était déraisonnable de la part de TPSGC d’en arriver à cette conclusion puisque la limite inférieure de la capacité de charge utile dépasse la capacité minimale (soit 2 000 kg) exigée dans la DEIQ-SESV 389.

29. Navistar soumet également que toute détermination définitive d’une capacité de charge utile serait inutile puisqu’il existe un nombre infini de configurations d’éléments pouvant être ajoutés au véhicule. Navistar soutient qu’il était parfaitement approprié de fournir une capacité de charge utile minimale et maximale au lieu d’un nombre théorique à ce stade de la procédure de passation du marché.

30. Le Tribunal fait remarquer que dans les directives aux répondants relativement à cette spécification, TPSGC indique que « [c]ette documentation/ces données peuvent prendre la forme d’une modélisation, d’une analyse ou de résultats d’essai » [traduction].

31. Le Tribunal est d’avis que la DEIQ-SESV 389 était claire quant aux renseignements exigés.

32. Le Tribunal est d’avis que même si les directives de la DEIQ-SESV 389 ne constituaient pas une liste exhaustive de ce qui pouvait être fourni, elles requéraient néanmoins que les renseignements soient, de quelque façon, appuyés par des preuves pour se conformer à cette exigence.

33. L’emploi délibéré de termes comme « modélisation », « analyse » et « résultats d’essai » dénote plus qu’une simple affirmation d’un certain fait et signale une approche plutôt démonstrative.

34. Les termes employés dans la DEIQ-SESV 389 sont définis comme suit :

modélisation : « [...] produire une représentation ou une simulation de [...] construire ou façonner en imitant un modèle particulier [...] »8

analyse : « [...] l’étude d’une chose complexe, de ses éléments et des liens qui les unissent [...] »9

[Traduction]

35. Par conséquent, Navistar ne pouvait pas simplement se limiter à indiquer la capacité, mais devait plutôt décrire comment elle en était arrivée aux chiffres fournis. Le langage employé exige clairement plus qu’une simple assertion.

36. Contrairement à la position de Navistar, le Tribunal conclut que le jugement porté par TPSGC sur la brochure de Navistar, laquelle comportait une simple assertion de la capacité de charge utile et ne comprenait aucune documentation ni donnée à l’appui, comme l’exigeait la DEIQ, est raisonnable.

37. Dans le cas de cette exigence obligatoire en particulier, l’existence de l’annexe H ne change en rien l’opinion du Tribunal puisque cette exigence ne mentionne d’aucune façon le certificat de conformité, par opposition aux DEIQ-SESV 116 et 117. Encore une fois, le Tribunal ne voit pas l’annexe H comme un document global permettant une conformité immédiate et complète.

38. Tel qu’il est mentionné plus haut, le Tribunal est d’avis que sa décision dans Info-Electronics H P Systems Inc. s’applique aussi à cet aspect de la plainte. Si Navistar avait de la difficulté à comprendre la DEIQ-SESV 389, elle aurait dû demander des éclaircissements auprès de TPSGC avant de répondre à la DEIQ plutôt que de tenir certaines choses pour acquis ou d’appliquer le principe de temporisation quant au résultat du marché.

39. En venant aux présentes conclusions, le Tribunal est soucieux de sa décision dans MTS Allstream 10 , dans laquelle il ne voyait pas comment l’obligation de démontrer la conformité à des exigences obligatoires particulières permettrait de mieux comprendre le sens d’une proposition. Le Tribunal est d’avis que sa position dans MTS Allstream se distingue de celle en l’espèce.

40. La DP en cause dans MTS Allstream exigeait que les soumissionnaires précisent si leur proposition était conforme ou non conforme à chacun des critères obligatoires individuels et fournissent des déclarations ou de la documentation à l’appui pour démontrer leur conformité dans chaque cas. Dans cette décision, le Tribunal a adopté la position suivante :

25. Par conséquent, étant donné la définition du mot « conforme » dans la DP, telle qu’elle est stipulée à la section 1.1.2 de la partie 4, le Tribunal est d’accord avec l’allégation de MTS selon laquelle d’avoir répondu « conforme » à chaque critère technique obligatoire établissait « le respect total ou l’accord complet ou l’acceptation intégrale de chaque exigence ou condition énoncée, en tous points ». En d’autres termes, en répondant à chaque critère technique obligatoire par le mot « conforme », MTS remplissait l’exigence imposée aux soumissionnaires en vertu de la section 1.1.1 de la partie 4.

41. En l’espèce, par contraste, les DEIQ-SESV 116, 117 et 389 exigeaient plus qu’une simple déclaration de conformité pour satisfaire aux exigences obligatoires. Comme le Tribunal l’a déjà indiqué ci-dessus, il n’adhère pas à la position selon laquelle un certificat de conformité signé (annexe H) servait d’outil global pour « boucher les trous » lorsque le soumissionnaire le jugeait utile.

42. Quant aux DEIQ-SESV 116 et 117, il y avait certaines exigences au-delà du cadre de l’annexe H; cette annexe devait simplement servir de complément si certains renseignements n’étaient pas disponibles immédiatement. Comme il a déjà été mentionné, l’annexe H ne faisait pas en sorte que Navistar pouvait ignorer certaines exigences précises.

43. Quant à la DEIQ-SESV 389, elle ne fait aucunement mention de l’annexe H.

44. Ce certificat de conformité aurait été suffisant à l’égard de certaines exigences des DEIQ-SESV, mais il est clair qu’à l’égard d’autres exigences, comme celles qui sont en cause en l’espèce, il était insuffisant, ce qui distingue nettement la présente plainte, en fait et en droit, des enseignements de MTS Allstream.

45. Si on avait recours à la position de Navistar quant au rôle de l’annexe H, l’ensemble du processus d’évaluation n’aurait aucune portée pratique, puisqu’un seul document (l’annexe H) suffirait à rendre conforme l’entière DEIQ sur tous les points. Il est clair que cela n’était pas l’intention de la DEIQ.

46. Quant aux protestations de Navistar selon lesquelles certains aspects des spécifications en cause étaient prématurés ou inappropriés, elles n’ont pas respecté les délais.

47. Navistar aurait dû présenter son opposition à TPSGC plus tôt ou déposer sa plainte auprès du Tribunal plus tôt. Les paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement accordent au soumissionnaire potentiel un délai maximal de 10 jours ouvrables à compter de la date à laquelle celui-ci découvre ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte pour présenter une opposition à l’institution fédérale concernée ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si un plaignant présente son opposition à l’institution fédérale dans les délais prescrits, il peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale. Navistar aurait dû vraisemblablement savoir à la date de clôture de la DEIQ qu’aucune autre modification ne serait diffusée et que les spécifications demeureraient inchangées.

48. Par conséquent, si Navistar avait un problème à l’égard des DEIQ-SESV 116 et 117 ou 389, il lui incombait de présenter une opposition à TPSGC ou de déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant le 2 juin 2010, date de clôture de la DEIQ, soit au plus tard le 16 juin 2010. La première date à laquelle Navistar pourrait prétendre s’être opposée au libellé de ces spécifications est le 19 juillet 2010, soit bien après les délais prescrits.

49. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

50. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI]. Le Tribunal constate que dans la DEIQ, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) indique que seul l’ACI s’applique à ce marché public. Dans sa plainte, Navistar indique que les marchandises en cause sont répertoriées sous le numéro 2355, véhicules roulants de combat, d’attaque et de tactique, de la classification fédérale des approvisionnements. Navistar soutient que l’annexe 1001.1b-1 de l’Accord de libre-échange nord-américain (Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA]) énonce, à la section B, une liste des marchandises visées par le chapitre cinq de l’ACI, dont les « [v]éhicules automobiles, remorques et cycles (sauf [...] les camions et remorques militaires compris dans 2320 et 2330, et les véhicules chenillés de combat, d’attaque et de tactique compris dans 2350) » [nos italiques]. Navistar soutient qu’aucune exception n’est prévue dans l’ALÉNA relativement aux marchandises en cause et que la DEIQ est donc assujettie au chapitre dix de l’ALÉNA, conformément à l’annexe 1001.1b-1. L’Accord sur les marchés publics, l’Accord de libre-échange Canada-Pérou et l’Accord de libre-échange Canada-Chili contiennent des dispositions similaires. Le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à statuer sur les accords commerciaux s’appliquant au présent marché public puisque sa décision en l’espèce serait la même quels que soient les accords commerciaux applicables.

4 . Plainte confidentielle, para. 25.

5 . Ibid.

6 . Ibid., para. 63.

7 . (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE).

8 . Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 10e éd., s.v. « modelling » (modélisation).

9 . Ibid., s.v. « analysis » (analyse).

10 . (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE).