ESPER CONSULTING INC.


ESPER CONSULTING INC.
Dossier no PR-2010-083

Décision prise
le vendredi 21 janvier 2011

Décision et motifs rendus
le jeudi 3 février 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

ESPER CONSULTING INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no EN578-055605/D) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de divers ministères en vue de la prestation de services professionnels en informatique centrés sur les tâches (SPICT).

3. Esper Consulting Inc. (Esper) allègue que TPSGC a refusé de divulguer ou de préciser clairement les critères d’évaluation et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères utilisés pour déterminer la viabilité financière d’un soumissionnaire et que, sans ces renseignements, les soumissionnaires n’avaient pas suffisamment de renseignements afin d’évaluer la possibilité de se qualifier.

4. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

5. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

6. Le 9 novembre 2010, TPSGC publiait une demande d’offre à commandes (DOC) et une demande d’arrangement en matière d’approvisionnement (DAMA) en vue de la mise à jour annuelle des offres à commandes et des arrangements en matière d’approvisionnement pour la prestation de SPICT.

7. L’article A4.6, « Viabilité financière » [traduction], de la DOC/DAMA, lequel est pertinent en l’espèce, prévoit ce qui suit :

1. Exigence en matière de viabilité financière : Le fournisseur doit être financièrement viable afin de conclure une offre à commandes ou un arrangement en matière d’approvisionnement. Afin de déterminer la viabilité financière du fournisseur, le responsable de l’arrangement en matière d’approvisionnement, en avisant le fournisseur par écrit, peut exiger la présentation de renseignements financiers désignés ci-après lors de l’évaluation des offres. [...]

[Traduction]

8. L’article A4.6 de la DOC/DAMA énumère ensuite le genre de renseignements financiers que TPSGC peut exiger, lesquels se limitent surtout à des états financiers. Cependant, l’article prévoit aussi que « le Canada se réserve le droit de demander tout autre renseignement auprès du fournisseur dont le Canada a besoin afin d’évaluer entièrement la capacité financière du fournisseur » [traduction].

9. Le 26 novembre 2010, TPSGC publiait la modification no 003 à la DOC/DAMA. Dans cette modification, en réponse à une demande de divulgation des critères qui serviraient à déterminer la viabilité financière, TPSGC a répondu comme il suit :

R12 :  Le Canada ne peut fonder sa décision que sur les renseignements fournis. Même si le Canada examine plusieurs éléments afin de déterminer la viabilité financière d’un offrant, y compris, mais non exclusivement, la taille de la société, la rentabilité, les fonds de roulement, la direction de la société, le ratio emprunts/capitaux propres et la capacité de la société à obtenir des fonds. Le Canada n’utilise pas un modèle financier en particulier parce qu’il prend en considération des renseignements qui proviennent de nombreuses sources afin de rendre sa décision. Veuillez remarquer que les renseignements financiers ne sont nécessaires que lorsqu’ils sont exigés.

[Traduction]

10. Le 17 décembre 2010, TPSGC publiait la modification no 006 à la DOC/DAMA. Dans cette modification, en réponse à une question concernant la raison pour laquelle TPSGC refusait de fournir aux soumissionnaires des critères quantifiables concernant l’évaluation de la viabilité financière, TPSGC a répondu comme il suit :

R58 :

L’article A4.6 exige qu’un soumissionnaire soit financièrement viable afin de conclure une offre à commandes ou un arrangement en matière d’approvisionnement. Afin d’être financièrement viable, le soumissionnaire doit disposer des moyens financiers lui permettant de conclure et d’accomplir avec succès le genre de contrats qui pourraient être adjugés à la suite de cette invitation, et ce, en application des modalités de tels contrats.

Le Canada doit conserver le droit d’être convaincu de la viabilité financière des soumissionnaires afin de s’assurer que les pratiques appropriées de gestion des risques peuvent être appliquées aux contrats adjugés. Afin de vérifier cette capacité du soumissionnaire, le Canada peut demander des renseignements financiers et autres, tel qu’il est indiqué dans l’article.

Puisque la situation financière et commerciale de chaque soumissionnaire est unique, les renseignements nécessaires pour que le Canada détermine la viabilité financière d’un soumissionnaire en fonction des exigences de l’invitation varieront selon la situation du soumissionnaire. À cet égard, les renseignements financiers qui existent relativement à un soumissionnaire donné peuvent varier largement. Afin d’être équitable envers tous les soumissionnaires, TPSGC doit conserver la capacité d’examiner tous les renseignements qui peuvent être pertinents afin de procéder à une analyse efficace de la viabilité financière. Ce faisant, il ne peut pas fournir dans les documents d’invitation une liste exhaustive de toutes les sources possibles des renseignements pertinents, ni indiquer comment ces derniers pourraient influer sur l’opinion professionnel nécessaire pour déterminer la viabilité financière, puisqu’une telle liste pourrait ne pas permettre à TPSGC de prendre en considération certains renseignements qui pourraient être essentiels à une évaluation équitable.

Afin d’être juste envers tous les soumissionnaires, TPSGC se réserve la capacité d’examiner tous les facteurs nécessaires afin de procéder à une analyse fondée et solide de la viabilité financière. Les soumissionnaires doivent savoir qu’aucun facteur ne sera concluant à lui seul pour les fins de former une opinion sur la viabilité financière.

[Traduction]

11. La clôture des soumissions était le 12 janvier 2011. Esper a présenté une proposition en réponse à l’invitation.

12. Esper soutient que jusqu’à la date de clôture des soumissions, TPSGC n’avait pas donné de définition claire, objective, quantifiable et transparente des exigences en matière de viabilité financière. Elle soutient aussi que TPSGC n’a pas répondu à la question sur ce qui constitue une preuve de viabilité financière et n’a pas fourni de système de cotation ni de critères précis qui auraient servi à évaluer la viabilité financière des soumissionnaires.

13. Le Tribunal fait remarquer que dans une plainte antérieure similaire déposée par Esper à l’égard d’une mise à jour annuelle antérieure d’offres à commandes et d’arrangements en matière d’approvisionnement en vue de la prestation de SPICT3 , il a conclu, compte tenu des éléments de preuve soumis, qu’Esper avait pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte ou aurait dû vraisemblablement les découvrir au plus tard à la date de clôture des soumissions. Puisque Esper n’avait pas présenté d’opposition à TPSGC ou déposé de plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date de clôture des soumissions, le Tribunal a conclu que la plainte n’avait pas été déposée dans les délais prévus dans le Règlement.

14. En l’espèce, les éléments de preuve soumis par Esper indiquent qu’elle a pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte ou aurait dû vraisemblablement les découvrir avant la date de clôture des soumissions. Plus précisément, le Tribunal considère qu’Esper a pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte ou aurait dû vraisemblablement les découvrir lorsqu’elle a pris connaissance des documents d’invitation ou, au plus tard, lorsqu’elle a pris connaissance des réponses données par TPSGC dans les modifications apportées à l’invitation. De l’avis du Tribunal, puisque Esper avait déjà déposé une plainte ayant trait, dans l’ensemble, à la même question, Esper aurait dû savoir que TPSGC adoptait une fois de plus une approche similaire lorsqu’elle a pris connaissance des documents d’invitation. Si Esper avait encore des doutes, manifestement, ceux-ci auraient dû être dissipés lorsqu’elle a pris connaissance des modifications apportées à l’invitation. Comme la dernière modification à l’invitation, qui comprenait une réponse de TPSGC eu égard aux critères de « viabilité financière », a été publiée le 17 décembre 2010, Esper avait, au plus tard, jusqu’au 5 janvier 2011 (c.-à-d. 10 jours ouvrables après le 17 décembre 2010) pour présenter une opposition à TPSGC ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant qu’Esper a présenté une opposition à TPSGC. Esper déposait sa plainte auprès du Tribunal le 18 janvier 2011.

15. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte a été déposée à l’extérieur du délai prescrit par le Règlement.

16. Même si la plainte avait été déposée dans le délai prescrit, le Tribunal n’aurait pas conclu, conformément à l’alinéa 7(1)c) du Règlement, qu’elle démontre, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents, soit, en l’espèce, l’Accord de libre échange nord-américain 4 , l’Accord sur le commerce intérieur 5 , l’Accord sur les marchés publics 6 , l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 7 et l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Pérou 8 .

17. De l’avis du Tribunal, l’article A4.6 de la DOC/DAMA, conjointement avec les réponses données par TPSGC dans diverses modifications apportées à l’invitation, fournissait aux soumissionnaires tous les renseignements qu’il était raisonnablement possible de fournir dans les circonstances. Le Tribunal reconnaît que les renseignements nécessaires pour déterminer la viabilité financière d’un soumissionnaire peuvent varier de beaucoup et que si TPSGC devait dresser la liste de toutes les sources possibles de renseignements et indiquer la manière dont ceux-ci pourraient influencer les résultats de son évaluation, il pourrait être empêché de prendre en considération des renseignements qui pourraient priver certains soumissionnaires d’une évaluation équitable. Le Tribunal fait toutefois remarquer que cela ne donne pas à TPSGC carte blanche pour prendre en considération n’importe quels renseignements lorsqu’il effectue son évaluation. Les renseignements doivent être du type qui sont normalement et raisonnablement associés à une décision concernant la viabilité financière.

18. Par conséquent, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

19. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Re plainte déposée par Esper Consulting Inc. (29 juillet 2010), PR-2010-017 (TCCE).

4 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

5 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm>.

6 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

7 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, 4 décembre 1996, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).