ENVIRONMENTAL GROWTH CHAMBERS, LTD.

Décisions


ENVIRONMENTAL GROWTH CHAMBERS, LTD.
ET
ENCONAIRE (1984) INC.
Nos des greffes de la Commission: D90PRF6631-021-0017 et D90PRF6631-021-0018

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Environmental Growth Chambers, Ltd. de Winnipeg (Manitoba) une division de Integrated Development & Manufacturing de Chagrin Falls, Ohio (U.S.A.)

N° du greffe de la Commission: D90PRF6631-021-0017

et une plainte de Enconaire (1984) Inc. du 80, avenue Sutherland Winnipeg (Manitoba)

N° du greffe de la Commission: D90PRF6631-021-0018

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

14 janvier 1991

DÉCISION DE LA COMMISSION

Il s'agit en l'espèce de deux plaintes concernant un achat unique d'une salle de croissance et de deux chambres de croissance devant être utilisées à l'Institut de biotechnologie des plantes du Conseil national de recherches (IBP-CNR) situé à Saskatoon (Saskatchewan).

Comme les deux plaintes soulèvent essentiellement les mêmes questions et demandent les mêmes redressements, et comme la décision dans chaque cas est fondée exactement sur les mêmes faits, la Commission a été en mesure de traiter ces plaintes conjointement aux fins de la présente décision.

Les faits sont relativement simples. À la demande du CNR, le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), par l'entremise de son bureau régional à Regina, a lancé un appel d'offres pour acheter le matériel susmentionné. L'appel d'offres a pris fin à 14 h le 18 octobre 1990, et, à ce moment-là, deux soumissions avaient été reçues, soit l'une de chacun des plaignants. Toutefois, quelques heures seulement avant la clôture de l'appel d'offres, le MAS a reçu du CNR un message par télécopieur annulant la demande et le MAS a informé les soumissionnaires de cette annulation plus tard au cours de la même journée. Les motifs du CNR ont été donnés au MAS le jour suivant, par télécopieur, dans les termes suivants : [TRADUCTION] "Les scientifiques ont changé d'idée et ont décidé de ne pas faire cet achat". Le MAS en a conclu que l'achat n'était plus nécessaire, a publié un avis d'annulation dans la publication intitulée "Marchés Publics" et "a clos le dossier" (voir les annexes 7 et 8 du rapport d'enquête (R.E.)).

Or, les plaignants ont appris chacun de leur côté qu'un de leurs concurrents, une entreprise de Winnipeg appelée Controlled Environments Limited (ou Conviron), avait reçu, à titre de fournisseur exclusif, une commande pour exactement le même matériel de la part d'un organisme du gouvernement de la Saskatchewan appelé la Saskatchewan Economic Development Corporation (SEDCO), le matériel devant être installé dans un immeuble appartenant à la SEDCO sur le campus de l'Université de la Saskatchewan, où se trouve une partie de l'Institut de biotechnologie des plantes du CNR. Il s'avère que le matériel devait être utilisé par l'IBP.

Les plaignants allèguent que l'IBP-CNR n'a aucunement décidé d'annuler l'achat, mais a plutôt demandé au propriétaire du bâtiment où il est logé d'en faire l'acquisition en leur nom auprès d'un fournisseur exclusif.

Les plaignants allèguent par conséquent ne pas avoir eu une occasion juste et équitable d'obtenir le contrat et ils demandent le remboursement non seulement de leurs frais pour le dépôt de la plainte, mais aussi de leurs frais de préparation des soumissions et de leurs autres frais, pertes et dommages.

Les deux plaintes ont été déposées dans les délais prescrits et sont conformes aux autres exigences techniques. Étant donné que, à la date en question, aucun contrat officiel ou autre entente n'avait été conclu, la Commission a délivré une Ordonnance de suspension d'adjudication au CNR le 13 novembre 1990, conformément à l'alinéa 16(1)b) de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange.

L'enquête

Les allégations contenues dans ces plaintes, la réponse du gouvernement à ces allégations et les observations des plaignants au sujet de la réponse du gouvernement, ont fait l'objet d'une enquête au moyen d'entrevues et de l'examen de documents.

Un certain nombre de personnes ont été interviewées par téléphone pour confirmer diverses affirmations faites dans les documents ou y figurant. Ce sont : M. W. Cooley, du MAS à Regina (Saskatchewan) (superviseur de l'agent de négociation des contrats); M. Warren Steck, IBP-CNR, Saskatoon (Saskatchewan) (directeur général); M. Doug Tastad, SEDCO, Saskatoon (Saskatchewan) (gestionnaire des biens-fonds à Saskatoon); M. David H. Brant, Environmental Growth Chambers, Ltd., Winnipeg (Manitoba) (consultant en applications); M. Don Kruse, Enconaire (1984) Inc., Winnipeg (Manitoba) (directeur général); Mme Sharon Reid, Controlled Environments Limited, Winnipeg (Manitoba) (superviseure des ventes au Canada).

Le rapport de cette enquête (dont les renvois ci-après sont désignés par les lettres R.E.), présenté à la Commission par son personnel d'enquête, contient un certain nombre d'annexes comprenant des documents jugés pertinents pour la rédaction du rapport. Il n'y a pas nécessairement un renvoi à chacun de ces documents justificatifs dans la présente décision, mais les parties peuvent les consulter au besoin, de même que toute autre personne, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

Comme il a été possible au cours de l'enquête de recueillir suffisamment de renseignements pour que la Commission puisse, à son avis, statuer sur les questions soulevées dans la plainte, il a été décidé qu'aucune audience n'était nécessaire. Après avoir examiné le rapport de son personnel d'enquête, la Commission a tiré des conclusions et pris une décision en se fondant sur les faits qui y sont établis, les faits principaux étant relevés ci-après.

Le marché

L'IBP-CNR est situé à Saskatoon (Saskatchewan) sur le campus de l'Université de la Saskatchewan, au centre-ville. L'organisme est présentement logé à deux endroits différents. Il y a d'abord un immeuble appartenant au CNR qui est situé sur un terrain loué au 110 Gymnasium Place. Le deuxième, où le CNR vient tout juste d'emménager, est un nouvel immeuble situé à proximité sur Research Drive (voir les cartes du campus et de la ville à l'annexe 13 du R.E.). Ce deuxième immeuble, le Complexe de biotechnologie L.F. Kristjanson, appartient à la SEDCO et est situé sur un terrain loué de l'Université de la Saskatchewan. Le CNR est l'un des locataires de cet immeuble, qui est consacré à la recherche dans le domaine des biotechnologies. Le CNR loue à l'heure actuelle environ un tiers de la superficie disponible. L'IBP-CNR a établi à cet endroit ce qu'on appelle le Centre des plantes transgéniques. Cette installation sert à l'étude des caractéristiques des plantes produites par les techniques du génie génétique. Pour poursuivre les recherches, il faut deux chambres de croissance et une salle de croissance. Ces installations serviraient à faire l'essai et l'analyse de la résistance des plantes produites par les techniques du génie génétique aux effets de diverses nuisances, comme les insectes ou les champignons.

Le CNR a donc préparé une demande et l'a envoyée accompagnée de certains documents (voir l'annexe 14 du R.E.) au bureau régional du MAS à Regina, qui l'a reçue le 25 juillet 1990. Pour préciser les caractéristiques techniques des installations nécessaires, le CNR a joint à la demande une soumission qui lui avait été présentée antérieurement par Conviron, soit le 13 juin 1990. La demande indiquait que l'achat devait être fait auprès d'un fournisseur exclusif, soit Conviron. Pour justifier le recours à un fournisseur exclusif, on invoquait principalement la compatibilité et l'interchangeabilité des pièces, la réputation de Conviron et le service offert, ainsi que le lien à établir entre les nouvelles installations et celles qui existaient déjà. Il était également indiqué que la date de livraison du 31 mars 1991 était impérative pour que soient respectés les objectifs financiers et les engagements pour les projets de recherche. Dans une autre liste d'observations accompagnant les documents, on retrouve une date de livraison au 31 décembre 1990 et on lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

"Pendant que nous faisions les démarches pour acheter le matériel, comme on peut le voir dans la demande portant le numéro 31029-0-0037, nous avons appris que la Saskatchewan Economic Development Corporation (SEDCO) envisageait d'installer le matériel. L'IBP-CNR pourrait par conséquent louer le matériel décrit plutôt que de l'acheter."

Une note en date du 27 juillet 1990 (voir l'annexe 15 du R.E.) dans le dossier du MAS relatif à ce marché, indique que, à la demande du MAS, l'IBP-CNR a accepté de fournir une [TRADUCTION] "bonne description générique...sans parti pris" de sorte qu'une "description appropriée" puisse "être utilisée pour un appel d'offres visé par l'ALÉ". La demande originale a été renvoyée à l'IBP-CNR le 10 août 1990 et le MAS a reçu une demande corrigée le 16 août 1990 (voir l'annexe 17 du R.E.).

Toutefois, comme on l'a mentionné ci-dessus, au moins avant le 13 août 1990 (trois jours avant que le MAS ne reçoive la demande corrigée), le CNR avait déjà commencé à discuter directement avec la SEDCO une option de bail pour le même matériel. C'est ce qu'on peut constater dans une lettre de l'IBP-CNR en date du 13 août 1990 adressée à la SEDCO (voir l'annexe 18 du R.E.), dans laquelle on lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

"Nous, de l'IBP, avons envisagé d'acheter nous-mêmes les trois chambres de croissance. Dans ce cas, il nous faudrait respecter les règlements du ministère des Approvisionnements et Services, mais nous aurions ainsi risqué d'être trop tard (au cours du présent exercice). Nous souhaiterions donc que la SEDCO aménage des installations servant à exposer les plantes à des insectes et à des champignons phytopathogènes, soit une unité d'essai à contrôle biologique que nous pourrions louer. Nous aimerions que la SEDCO nous fasse part par écrit de sa volonté d'établir une unité d'essai à contrôle biologique au Complexe de biotechnologie L.F. Kristjanson, ainsi que du prix de location. Nous serions en mesure de présenter un plan d'aménagement et une description du matériel à acheter (Conviron, Winnipeg)."

Dans l'intervalle, le MAS a entrepris les démarches pour donner suite à la demande du CNR. Or, comme la valeur estimative du matériel demandé était de 139 610 $ (découlant de la soumission de Conviron), le bureau régional du MAS à Regina a dû considérer, pour cette raison parmi d'autres, que l'acquisition était assujettie au chapitre de l'Accord de libre-échange (ALÉ) portant sur les marchés publics. Un avis de projet de marché (APM) portant le code F-1 a été rédigé et publié dans le numéro du 30 août 1990 des "Marchés Publics". Il était indiqué que le marché est visé par l'Accord de libre-échange et doit faire l'objet d'un appel d'offres ouvert (voir l'annexe 19 du R.E.). La Demande de propositions (voir l'annexe 20 du R.E.), en date du 27 août 1990 et portant une date de clôture du 18 octobre 1990, a été préparée par le bureau du MAS à Regina et huit soumissionnaires éventuels ont demandé les documents de soumission.

Le 27 septembre 1990, la SEDCO a envoyé par télécopieur à l'IBP-CNR la version provisoire d'une lettre que la SEDCO proposait à l'IBP-CNR de lui renvoyer, accompagnée d'une proposition pour un prix de location.

Le projet de lettre fait état de la location d'une superficie suffisante pour aménager la salle de croissance et les deux chambres de croissance à un prix de location tenant compte de la superficie louée, des frais supplémentaires pour l'électricité (étant donné que les trois dispositifs consomment plus d'électricité que la consommation normale) et ajoute que la lettre de l'IBP-CNR à la SEDCO devrait comprendre ce qui suit :

[TRADUCTION]

"...B)En plus de A) ci-dessus, nous désirons louer de la SEDCO deux (2) chambres de croissance pour les plantes PGV 36 et une (1) salle de croissance pour les plantes GR 72 (Conviron) pour utilisation dans l'unité de biocontrôle. Nous savons que le coût en capital de ce matériel est d'environ [montant supprimé] dollars (voir l'annexe "A") et que la SEDCO consentirait à nous louer ce matériel pour la durée du bail actuellement en vigueur, à titre d'ajout audit bail. Nous savons que le taux de financement actuel est de 14,25 % et que l'Institut de biotechnologie des plantes pourrait payer en un montant forfaitaire le coût de ladite location, conformément à l'annexe "A". Il est également entendu que, à la fin du bail, le matériel sera vendu à l'Institut de biotechnologie des plantes pour un dollar."

Dans une note de service interne de l'IBP-CNR signée par le directeur général de l'IBP-CNR à l'intention du chef du Centre des plantes transgéniques et à d'autres personnes, en date du 1er octobre 1990 (voir l'annexe 23 du R.E.), faisant état de décisions prises à une réunion du 27 septembre 1990, il est question de ladite proposition en ces termes :

[TRADUCTION]

"...3. Nous avons discuté des modes d'acquisition de chambres de croissance, selon les prix de location du matériel récemment proposés par la SEDCO. Le CNR devrait procéder à une telle location avec option d'achat pour une somme d'un dollar à la fin du bail. Le coût de l'espace nécessaire sera de [montant supprimé] dollars annuellement en plus du loyer; et il suffirait probablement de faire un ajout à notre présent bail. SUITE À DONNER : Keller doit clarifier les conditions de la location avec la SEDCO; Yorke cherchera à obtenir un ajout au bail et à prendre les dispositions financières nécessaires pour la location..."

Dans une autre note de service interne de l'IBP-CNR, envoyée par le chef du Centre des plantes transgéniques au directeur général de l'IBP-CNR, en date du 3 octobre 1990 (voir l'annexe 24 du R.E.), il est question d'une réunion du 2 octobre 1990 entre le personnel de l'IBP-CNR et un représentant de la SEDCO :

[TRADUCTION]

"...pour fixer les conditions de la signature d'une entente contractuelle entre le CNR et la SEDCO pour la location (et l'achat éventuel) de l'installation..."

On lit également dans la note :

[TRADUCTION]

"...4. Nous avons jugé que la proposition de la SEDCO demandant quatre versements égaux pour la location de l'installation était un marché raisonnable pour l'IBP. Toutefois, elle nous a récemment proposé un paiement unique à l'avance. Nous estimons qu'il s'agit là d'une meilleure affaire et c'est la voie que nous recommandons. Nous devons également vous signaler que l'appel d'offres du MAS devrait bientôt produire des résultats et que nous pourrions encore retenir cette option si nous en décidons ainsi..."

La SEDCO avait déjà préparé une commande d'achat en date du 25 septembre 1990 portant la mention de projet suivante : [TRADUCTION] "Biocontrôle - IBP" (voir l'annexe 25 du R.E.). La note de service du 3 octobre 1990 susmentionnée fait également état de la rédaction d'une lettre de l'IBP-CNR à la SEDCO, laquelle, au moment où la SEDCO la recevrait, aurait la conséquence suivante :

[TRADUCTION]

"...la préparation d'un contrat lequel, une fois signé, amènerait la SEDCO à passer une commande à Conviron..."

Même si, d'après l'enquête, il n'y a eu aucun contrat officiel signé entre la SEDCO et le CNR pour la location du matériel, le CNR a envoyé à la SEDCO, le 5 octobre 1990, une lettre (voir l'annexe 26 du R.E.), exposant les "désirs" du CNR comme il suit :

[TRADUCTION]

"...a) Le Conseil national de recherches (CNR) désire louer environ 1100 pieds carrés bruts (800 pieds nets) d'espace de laboratoire dans la partie nord afin d'aménager une unité de biocontrôle. À notre connaissance, le tarif de location est de [montant supprimé] dollars le pied carré brut pour l'année pour un total de [montant supprimé] dollars annuellement.

b) Outre a) ci-dessus, nous désirons louer de la SEDCO deux (2) chambres de croissance des plantes PGV 36 et une (2) [sic] salle de croissance des plantes GR 72 (Conviron) devant servir dans l'unité de biocontrôle. Nous croyons savoir que le coût en capital de ce matériel est d'environ [montant supprimé] dollars (voir l'annexe "A") et que la SEDCO consentirait à nous louer ce matériel pour la durée du bail actuellement en vigueur, à titre d'ajout au bail. Nous croyons savoir que le CNR pourrait payer les frais de la location en un montant forfaitaire et que, à la fin du bail, le matériel sera offert en vente au Conseil national de recherches pour un dollar (1 $)..."

Ayant reçu cette lettre, la SEDCO a passé une commande à Conviron, qui l'a reçue le 12 octobre 1990 et en a accusé réception dans un message par télécopieur à l'intention de la SEDCO daté du 15 octobre 1990 (voir l'annexe 27 du R.E.).

Après plusieurs jours, soit le 17 octobre 1990 (d'après le Rapport de l'institution fédérale du MAS), l'IBP-CNR a communiqué avec le MAS à Regina pour lui dire que la demande "peut être" annulée. Ailleurs dans le même rapport, cette décision est présentée comme s'il s'agissait d'un avis selon lequel l'appel d'offres "doit être" annulé. Le bureau du MAS à Regina a demandé une confirmation par écrit, et un message par télécopieur de la demande modifiée annulant la demande originale a été envoyée le 18 octobre 1990, soit à la date de clôture de l'appel d'offres. Le MAS a également demandé les raisons de l'annulation et, le 19 octobre 1990, les motifs ont été confirmés par télécopieur (voir l'annexe 28 du R.E.). Dans ce message, le motif était libellé comme il suit :

[TRADUCTION]

"Les scientifiques ont changé d'idée et ont décidé de ne pas faire cet achat."

Au moment de l'annulation, deux propositions avaient été dûment reçues par le MAS, l'une de chacun des plaignants. Le MAS a publié un avis d'annulation dans le numéro du 5 novembre 1990 de la publication intitulée "Marchés Publics" (voir l'annexe 29 du R.E.). Conviron avait demandé les formulaires de soumission, mais n'a pas soumissionné parce que, a-t-elle expliqué, elle avait déjà reçu une commande de la SEDCO le 12 octobre 1990 pour fournir le matériel.

Les rapports des institutions fédérales

La position adoptée par le gouvernement en réponse à ces plaintes figure dans les rapports des institutions fédérales (RIF) déposés par le MAS (voir les annexes 7 et 8 du R.E.), accompagnés de documents préparés par le CNR.

Dans les documents du CNR, on lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

"3)Dans le cours des négociations pour obtenir de l'espace supplémentaire pour des serres, la SEDCO nous a offert de fournir tout l'espace avec les chambres de croissance nécessaires. L'option d'acquérir l'espace supplémentaire tout équipé était très attrayante pour le CNR pour les raisons suivantes :

a)La SEDCO est propriétaire de l'installation où le matériel sera installé et l'installation doit être approuvée par la SEDCO.

b)La SEDCO prendrait charge de tout le soutien connexe et de l'entretien permanent du matériel.

c)La location de l'espace supplémentaire avec les chambres de croissance pourrait être financée à même un budget de fonctionnement et d'entretien, par opposition à un budget d'immobilisations, ce qui nous permettrait de libérer des fonds d'immobilisations limités.

d)Le CNR n'a pas besoin du matériel pour longtemps. Il est par conséquent beaucoup plus rentable de le louer pour une courte durée. La modification proposée au bail avec la SEDCO est valide jusqu'en août 1993. (Il n'est habituellement pas possible de louer du matériel de ce genre pour une courte durée.)

4)Dès qu'il est devenu évident que le CNR serait en mesure de louer l'espace nécessaire pour les serres, avec les chambres de croissance, la Demande de propositions a été annulée. Il est regrettable que le processus d'appel d'offres ait été si avancé au moment de l'annulation, mais, dans les circonstances, il n'a pas été possible d'agir plus tôt.

5)L'entente proposée avec la SEDCO n'exige pas que la SEDCO achète l'équipement d'un fournisseur en particulier et il n'était pas dans notre intention de donner des directives à la SEDCO à cet égard.

Au moment où la Demande de propositions a été publiée, le CNR n'avait aucune arrière-pensée en ce qui concerne le processus d'appel d'offres; toutefois, le besoin du CNR a changé du tout au tout quand il a appris qu'une location était possible. C'est pour cette raison que la Demande de propositions a été annulée. Le CNR n'acquerra pas d'intérêt à long terme dans les chambres de croissance à la suite de l'entente avec la SEDCO. La modification proposée au contrat avec la SEDCO est une prolongation normale du contrat actuel entre le propriétaire et le locataire."

Dans les documents du MAS figurant dans les RIF, on lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

"L'acquisition de chambres de croissance s'est faite conformément aux dispositions habituelles, et il y a eu notamment des pourparlers entre le MAS et le CNR pour assurer le jeu de la concurrence. Le processus ayant été amorcé, il était prévu qu'il aboutirait à sa conclusion logique, c'est-à-dire l'acquisition des chambres. Malheureusement, il a fallu mettre fin au processus car le besoin est disparu. C'est là un événement non fréquent très regrettable et, conformément aux conditions de l'appel d'offres ouvert, le MAS a annulé la demande, même si c'était à la dernière minute. Le MAS estime que de telles annulations devraient être rares et a par conséquent pris des mesures avant d'informer les fournisseurs pour confirmer à nouveau que le besoin n'existait plus.

Comme l'indique la présentation ci-jointe du CNR, la demande d'espace de location n'est pas visée par l'ALÉ. En outre, la SEDCO, soit l'agence qui a fait l'acquisition des chambres de croissance, n'est pas une institution gouvernementale fédérale et n'est par conséquent pas assujettie à l'ALÉ."

Les observations du plaignant

Comme l'exigent les Règlements de la Commission de révision des marchés publics, copies des RIF ont été envoyées aux plaignants. Ceux-ci ont à leur tour répondu à la Commission en faisant des observations au sujet des RIF (voir les annexes 11 et 12 du R.E.) et ces observations ont été transmises au MAS et au CNR.

Les observations, tant d'EGC que d'Enconaire, portaient essentiellement sur les mêmes points. Le plus long des deux, soit celui d'EGC, manifeste une bonne compréhension de l'Accord de libre-échange et de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics sur lequel il est fondé. C'est pour ces raisons que les extraits pertinents de la réponse d'EGC sont longuement cités ci-après :

[TRADUCTION]

"...En premier lieu, EGC réfute l'assertion du RIF selon laquelle une location de matériel par le CNR n'est pas assujettie aux prescriptions de l'Accord de libre-échange. L'Accord du GATT relatif aux marchés publics dispose ce qui suit (article premier, paragraphe 1) : "Le présent accord s'applique : a) à toute loi, tout règlement, ainsi qu'à toute procédure et pratique concernant tout marché portant sur des produits, passé sous forme d'achat ou sous forme de crédit-bail, location ou location-vente, avec ou sans option d'achat, par les entités visées par le présent accord." Le CNR est un organisme spécifiquement "visé[es] par le présent accord" dans l'Accord de libre-échange (Annexe 1304.3, Entité numéro 22). L'affirmation dans le RIF selon laquelle la location n'est pas assujettie à l'Accord de libre-échange, est inexacte.

. . .

EGC allègue que, dans le processus d'acquisition des trois chambres ou salles de croissance, elle n'a pas eu une occasion juste et équitable d'obtenir le contrat, en contravention directe avec l'Accord de libre-échange. Les affirmations figurant dans le RIF ne parviennent pas à réfuter cette allégation et contribuent au contraire à renforcer la prétention d'EGC. Voici une liste chronologique des événements à cet égard, appuyée par les affirmations du RIF.

. . .

Les faits, tels qu'ils sont présentés dans le RIF, montrent la préférence du CNR à l'endroit de Conviron à titre de fournisseur exclusif du matériel, et l'intention du CNR d'obtenir le matériel de Conviron à titre de fournisseur exclusif malgré la législation interdisant une telle façon de faire.

. . .

À l'article IV, paragraphe 4, de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics, on lit ce qui suit : "Les entités contractantes ne solliciteront ni n'accepteront, d'une manière qui aurait pour effet d'empêcher la concurrence, un avis pouvant être utilisé pour l'établissement des spécifications relatives à un marché déterminé, de la part d'une société qui pourrait avoir un intérêt commercial dans le marché." Néanmoins, les spécifications dans la Demande de propositions ont été effectivement rédigées de manière à empêcher la concurrence et contenaient des passages identiques à la soumission de Conviron. On y lit que le matériel à fournir doit être compatible avec les systèmes actuels de télécommande qui ont été fournis par Conviron. En exigeant la compatibilité avec le matériel de Conviron, on limitait la concurrence, ce qui était une autre façon de limiter l'acquisition du matériel auprès de Conviron.

En outre, l'on sait que des consultations ont eu lieu entre Conviron et le CNR avant la présentation de la Demande de propositions. EGC figure sur la liste du MAS des fournisseurs de ce matériel et est connue du CNR. Or, EGC n'a pas eu également droit à ces renseignements précédant l'appel d'offres, ce qui est en contradiction avec l'alinéa 2 de l'article 1305 du chapitre 13 de l'Accord de libre-échange, lequel dispose que "En ce qui concerne les marchés visés dans le présent chapitre, chaque Partie devra a) accorder à tous les fournisseurs potentiels le même accès aux renseignements préalables à l'appel d'offres et les mêmes possibilités de concurrence à l'étape précédent la notification".

Le fait que Conviron n'ait pas présenté de proposition en réponse à la Demande de propositions montre clairement que Conviron savait à l'avance que la demande allait être annulée. Il est donc manifeste que la négociation d'un marché était en cours indépendamment de la Demande de propositions publiée, tandis qu'EGC préparait de bonne foi une réponse à la Demande de propositions, en engageant des frais. Un tel marché indépendant est spécifiquement interdit dans l'Accord du GATT relatif aux marchés publics, dont le paragraphe 3 de l'article V se lit comme il suit : "Les entités ne devront pas donner à un fournisseur potentiel des informations concernant un marché déterminé d'une manière qui aurait pour effet d'empêcher la concurrence." Autant que nous sachions, aucun fournisseur éventuel n'était au courant de ce processus de négociation conduisant à un marché, sauf Conviron. C'est seulement par un initié qui était partie à l'affaire que Conviron a pu être informé.

Le 5 décembre 1990, EGC s'est informée auprès de la Commission de révision des marchés publics pour essayer de se renseigner au sujet du bail entre le CNR et la SEDCO. De l'avis d'EGC, du fait que le RIF ne mentionnait pas le bail signé entre le Conseil national de recherches et la Saskatchewan Economic Development Corporation, nous aurions eu beaucoup de difficulté à signaler tous les faits à la Commission de révision des marchés publics (CRMP). Nous estimons que ces renseignements auraient dû être divulgués.

Le 6 décembre 1990, EGC a reçu de M. G. Offet, de la SEDCO, une lettre affirmant que [TRADUCTION] "il est absolument clair que la décision d'achat a été prise par nous et ne nous a pas été dictée par l'Institut de biotechnologie des plantes". La SEDCO n'indique pas qu'elle avait des motifs d'acquérir ce matériel, sauf du fait que le CNR le demandait. Le CNR semble effectivement avoir trouvé un moyen d'obtenir du matériel d'un fournisseur préféré en contournant l'ALÉ et en ne tenant pas compte des ordonnances de la Commission de révision des marchés publics.

RÉSUMÉ

Les faits montrent que, dès le départ, le Conseil national de recherches avait l'intention d'obtenir le matériel nécessaire auprès d'un fournisseur exclusif unique et préféré. Le CNR a eu recours à un subterfuge pour éviter entièrement le MAS et n'a pas indiqué les raisons de l'annulation de la Demande de propositions. EGC continue d'espérer que la Commission de révision des marchés publics lui accordera un redressement concernant ce mode de passation de marché qui n'est pas conforme à l'Accord de libre-échange et empêche une compagnie de faire des affaires avec le gouvernement du Canada sur un pied d'égalité..."

ANALYSE

Questions relatives à la compétence

Le premier point à signaler dans le présent cas, c'est que le CNR est une "institution fédérale", au sens de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, parce qu'il figure à titre d'entité à l'annexe 1304.3 de l'Accord. Par conséquent, pour tous ses achats de biens assujettis à l'Accord, il doit en respecter les dispositions.

Dans de nombreux cas, pour de nombreuses institutions fédérales énumérées dans l'annexe de l'Accord, c'est le ministère des Approvisionnements et Services qui effectue les achats, ce ministère ayant un mandat découlant des articles 5 et 9 de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services (SRC 1985, ch. S-25) d'acquérir des biens en leur nom, en agissant à titre d' "organisme de services communs". Dans ce cas, le MAS peut effectivement être considéré comme l'institution fédérale même (et il a ainsi été considéré et a agi à ce titre dans toutes les plaintes antérieures présentées à notre Commission). Toutefois, la décision de ne pas avoir recours au MAS à titre d'agent dans un marché assujetti à l'Accord de libre-échange ne dispense pas l'institution fédérale de l'obligation de se conformer à l'Accord. Si l'objectif est d'acquérir une salle de croissance et deux chambres de croissance pour le compte du CNR et si ces biens et leur valeur sont assujettis à l'Accord et à la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, alors le CNR doit s'y conformer.

Il importe peu que la SEDCO ait agi à titre d'agent ou d'entrepreneur principal en l'espèce. Il appartient à l'entité qui fait l'acquisition, en l'occurrence le CNR, de veiller à ce que soient respectées les règles auxquelles le gouvernement est assujetti en vertu de l'ALÉ. Le marché est passé par une "entité" du gouvernement canadien, laquelle est, par définition, une "institution fédérale" (article 13 de la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange).

D'après l'article 15 de ladite Loi, le fournisseur potentiel peut déposer une plainte auprès de la Commission concernant l'adjudication d'un contrat devant être accordé par cette institution fédérale. Si cela se produit et à condition seulement que la valeur en dollar et la catégorie du contrat sont dans les limites prescrites, la présente Commission a compétence pour enquêter sur une plainte.

Le CNR (appuyé par le MAS) a aussi soutenu qu'un marché de cette nature (la location d'un espace comprenant le matériel) n'est pas assujetti à l'Accord de libre-échange.

Les marchés auxquels s'applique l'Accord sont ceux qui sont décrits au paragraphe 1a) de l'article premier ("Portée et champ d'application") du Code du GATT lequel est, d'après l'article 1303 de l'Accord, incorporé au chapitre 13 de l'Accord et en fait partie. En voici le libellé :

"1.Le présent Accord s'applique :

a)à toute loi, tout règlement, ainsi qu'à toute procédure et pratique concernant tout marché portant sur des produits, passé sous forme d'achat ou sous forme de crédit-bail, location ou location-vente, avec ou sans option d'achat, par les entités visées par le présent accord, y compris les services accessoires à la fourniture des produits si la valeur de ces services accessoires ne dépasse pas celle des produits eux-mêmes, mais non les marchés de services en tant que tels;"

Les plaignants soutiennent que le marché en cause est visé par l'ALÉ même s'il s'agit d'une location, parce que les règles du Code du GATT s'appliquent lorsqu'un marché prend la forme d'un crédit-bail, d'une location ou d'une location-vente, avec ou sans option d'achat. L'enquête a révélé que, même s'il n'y a pas eu en l'espèce de bail officiel convenu ou signé par les parties, il reste que ses conditions principales sont exposées assez clairement dans la lettre du 5 octobre 1990 (voir l'annexe 26 du R.E. mentionnée ci-dessus) du CNR à la SEDCO. Elle indique que le CNR désire louer deux choses :

a)un ajout modeste à l'espace servant au laboratoire, à un tarif établi par pied carré, aux fins d'aménager une unité de biocontrôle;

b)deux chambres de croissance et une salle de croissance pour les plantes à être achetées de Conviron et devant servir d'unité de biocontrôle. Le loyer serait fondé sur le coût des unités et le CNR pourrait "payer...en un montant forfaitaire" le loyer et, à la fin de la période de location, le matériel serait offert en vente au CNR pour la somme d'un dollar.

C'est le point b) qui est assujetti très précisément à la description du Code du GATT. L'objectif est clairement d'acquérir les biens. Le "loyer" est fondé sur le prix des biens et doit être payé à l'avance en un montant forfaitaire équivalant au prix d'achat (ou, autrement, il existe un arrangement pour payer le loyer, y compris l'intérêt, en quatre versements, dont le total dépasse de beaucoup le prix d'achat) et, dans l'un et l'autre cas, le CNR a l'option d'acheter le matériel à la fin pour la somme d'un dollar.

Dans sa présentation aux fins du RIF, le CNR semble contredire les faits ci-dessus en affirmant ce qui suit :

[TRADUCTION]

"...le CNR n'a pas besoin du matériel pour longtemps. Il est par conséquent beaucoup plus rentable de le louer pour une courte durée. La modification proposée au bail avec la SEDCO est valide jusqu'en août 1993. (Il n'est habituellement pas possible de louer du matériel de ce genre pour une courte durée)..."

La Commission ne juge pas que cette affirmation tardive du CNR selon laquelle le matériel n'était pas nécessaire pour longtemps soit déterminante pour expliquer les gestes qu'elle a posés. La meilleure preuve des intentions du CNR à cet égard, c'est la note exprimant ses désirs que le CNR a, à ce même moment, envoyé directement à la SEDCO, et dont il a été question ci-dessus.

Par conséquent, la Commission conclut que l'opération constitue un marché donnant lieu à un contrat devant être adjugé par une institution fédérale et dont la valeur entre dans la gamme des valeurs fixées à l'article 15 de la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange et que, par conséquent, le marché doit se réaliser conformément aux procédures respectant les dispositions du Code.

Efficacité

Au sujet de l'affirmation du CNR selon laquelle il est [TRADUCTION] "...beaucoup plus rentable de...louer [le matériel]...", le rapport d'enquête montre que le paiement forfaitaire proposé est beaucoup plus élevé que celui qui figure dans la demande originalement envoyée au MAS laquelle, à son tour, était fondée sur une soumission de Conviron au CNR (laquelle, d'après la Demande de propositions, aurait été exemptée de la taxe de vente fédérale si les biens avaient été achetés à titre de matériel de recherche par l'entremise du MAS et, dans la mesure où le CNR est en cause, de la taxe provinciale également). La Commission comprend difficilement comment un tel paiement, ou l'autre option de paiement en quatre versements plus l'intérêt évalué à ce moment à 14,25 %, aurait pu être plus "rentable" que d'amener les compagnies à "se mettre à la tâche" pour obtenir le contrat dans un cadre concurrentiel juste.

Procéder simultanément à deux modes de passation de marché

Le CNR semble avoir réalisé, ou essayé de réaliser, le présent marché de deux façons différentes, par achat et par location du même coup. Si l'achat ou la location avait fait l'objet d'une seule Demande de propositions, c'est-à-dire si on avait fait des appels d'offres fondés sur l'une ou l'autre de ces possibilités d'après les règles et les procédures établies, les fournisseurs éventuels auraient alors su clairement à quoi s'en tenir dans la façon de présenter leur soumission et l'institution fédérale aurait disposé de soumissions assez comparables lui permettant de prendre une décision juste et éclairée au sujet de la rentabilité.

L'enquête n'a pas révélé si la rentabilité de la location par rapport à l'achat était la raison invoquée pour la double voie suivie en l'espèce, mais cette question relève davantage du Vérificateur général que de la présente Commission.

Ce qui importe, ce sont les conséquences de procéder simultanément à deux modes de passation de marché qui sont différents, distincts, parallèles et incompatibles, pour répondre au même besoin. En décidant de retenir le mode qui n'était pas conforme aux règles de l'ALÉ et d'annuler celui qui l'était, le CNR exposait les fournisseurs éventuels à des risques supérieurs aux risques commerciaux habituellement courus dans le cadre d'un appel d'offres juste et, pour cette raison, le CNR doit être imputable des conséquences si les plaignants ont subi un tort.

Il est effectivement inquiétant de constater que le CNR ait cherché à se ménager les deux options, et ce jusqu'à la toute fin de la période d'appel d'offres, peu importe les conséquences pour les soumissionnaires à qui le CNR avait fait croire qu'il leur serait avantageux de consacrer du temps, des efforts et de l'argent à cet appel d'offres inutile. Il n'est tout simplement pas honnête ni décent d'écrire tout simplement qu'il est [TRADUCTION] "regrettable" que l'appel d'offres "en soit rendu à ce point" mais que "dans les circonstances, il n'a pas été possible de procéder plus tôt à l'(annulation)" (voir les annexes 7 et 8 du R.E.), tout en sachant fort bien que "sans doute, l'abandon de l'appel d'offres décevra les soumissionnaires" (voir l'annexe 31 du R.E.). Ce n'est pas là une façon de traiter des soumissionnaires lors d'un appel d'offres équitable.

En ce qui concerne l'incapacité d'annuler plus tôt l'appel d'offres, la Commission note que la décision réelle à cet égard a été prise par le CNR le 27 septembre 1990 et que l'instruction du CNR à la SEDCO a été donnée le 5 octobre 1990. L'instruction de la SEDCO à Conviron a été donnée le 12 octobre 1990 et l'appel d'offres du MAS n'a pas été annulé avant le 18 octobre 1990, quelques heures seulement avant la clôture de l'appel d'offres. La Commission juge que, dans les circonstances, l'avis d'annulation aurait effectivement pu être donné plus tôt.

On peut aussi se demander si le MAS, à la lumière de l'indication dans la demande au sujet des autres modes de passation de marché, aurait dû faire davantage que tout simplement obtenir par écrit du CNR la confirmation que ce dernier n'avait plus l'intention d'acheter les biens, en vue de protéger l'intégrité du régime d'appel d'offres. D'après l'enquête, il est difficile de voir comment le MAS aurait pu faire autrement dans les circonstances. Le MAS est, comme on l'a dit ci-dessus un "organisme de services communs", et non un organisme d'enquête, et il lui aurait fallu entreprendre une enquête semblable à celle qui a été menée par le personnel de la Commission pour découvrir tout ce qui se passait réellement dans le cadre du présent marché.

Par conséquent, la Commission a l'intention d'accorder un redressement aux plaignants en l'espèce eu égard aux frais raisonnables qu'ils ont engagés pour le dépôt et l'instruction de ces plaintes, et aux frais raisonnables de préparation de leur soumission.

Comme l'appel d'offres n'a jamais été mené à terme et qu'il n'est pas possible de conclure que l'un ou l'autre des concurrents aurait nécessairement obtenu le marché (et particulièrement du fait que les mesures prises relativement aux négociations pour la location ont effectivement amené l'un des concurrents vraisemblables à se retirer du concours parce qu'il avait déjà obtenu une commande pour les biens), la Commission estime qu'il ne s'agit pas d'un cas où elle devrait recommander le versement de dommages-intérêts supplémentaires, comme le demandent les plaignants.

Au sujet du fournisseur exclusif

Pour faire un appel d'offre unique qui est assujetti à l'ALÉ, une institution fédérale doit invoquer les raisons autorisées à ce sujet figurant à l'article V.16 du Code du GATT, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Le CNR a tenté de justifier un appel d'offre unique au moment où il a présenté sa demande au MAS en août 1990, mais le MAS n'a pas trouvé ces raisons convaincantes et a demandé au CNR de préparer des spécifications génériques qui serviraient à lancer un appel d'offres ouvert. Le CNR a effectivement modifié les spécifications, mais a aussi décidé plus tard d'annuler l'appel d'offres pour utiliser son autre mode de passation de marché.

À cet égard, il n'y a vraiment pas de distinction entre le fait de faire un appel d'offre unique à Conviron, par l'intermédiaire de la SEDCO, ou de faire un appel d'offre unique à la SEDCO; dans l'un et l'autre cas, la mesure prise doit être justifiée par rapport à l'article V.16 du Code du GATT.

La Commission a mis l'accent particulièrement sur ce point, en partie du fait que les raisons invoquées par le CNR en août 1990 pour faire un appel d'offre unique semble avoir été conçues en fonction des règles énoncées pour faire un appel d'offre unique dans la directive 3002.9 du Guide de la politique des approvisionnements (GPA) du MAS, dans la mesure où elles s'appliquent aux marchés internes non assujettis soit au Code du GATT, soit à l'ALÉ. Si ces biens doivent faire l'objet d'un appel d'offre unique à l'avenir, les raisons à invoquer à cet égard doivent être conformes aux exigences plus rigoureuses du Code du GATT (qui figurent dans la Directive 3004.59 du GPA).

Enfin, la Commission note que les deux plaignants ont signalé que le CNR était en contact avec Conviron à l'étape du préavis pour demander des conseils sur la préparation des spécifications, et que cette façon de procéder a eu comme résultat de poser des obstacles à la concurrence, contrairement à certaines dispositions de l'article IV du Code du GATT, et à l'article 1305 de l'ALÉ. La Commission n'a pas jugé nécessaire d'aborder cet aspect du fait que la décision du CNR d'annuler l'appel d'offres l'a empêchée d'examiner des questions qui auraient été pertinentes si l'appel d'offres avait été mené à terme et avait été contesté à ce moment-là. La Commission n'a pas établi de fait particulier à ce sujet.

DÉCISION

La Commission a statué, d'après son enquête, que le présent marché conclu par le Conseil national de recherches n'est pas conforme aux exigences de l'article 17 de la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange parce que tous les fournisseurs éventuels n'ont pas bénéficié d'une possibilité égale de proposer leurs produits lors de l'étape de l'appel d'offres et des soumissions, étant donné que le CNR a eu recours à un fournisseur unique sans donner les justifications exigées par l'article V.16 du Code du GATT concernant l'appel d'offre unique.

La Commission décide :

1.d'adjuger aux deux plaignants leurs frais raisonnables relativement au dépôt et à l'instruction de ces plaintes; et

2.d'adjuger aux deux plaignants leurs frais raisonnables pour la préparation de leur soumission.

La Commission révoque par les présentes l'Ordonnance de suspension d'adjudication qu'elle a délivré le 13 novembre 1990 et recommande également au CNR de ne pas avoir recours à un appel d'offre unique pour le matériel en cause et, si le besoin existe toujours, de passer le marché conformément avec les dispositions de l'Accord de libre-échange et du Code du GATT relatifs aux marchés publics.

Gerald A. Berger
_________________________
Gerald A. Berger
Président de la
Commission de révision des marchés publics du Canada


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 août 1997