ENTREPRISE MARISSA INC.


ENTREPRISE MARISSA INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2010-086

Décision rendue
le lundi 13 juin 2011

Motifs rendus
le vendredi 22 juillet 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Entreprise Marissa Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

ENTREPRISE MARISSA INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Entreprise Marissa Inc. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur se situe au degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 20 avril 2011

Membre du Tribunal :Serge Fréchette, membre présidant

Directeur : Randolph W. Heggart

Enquêteur principal : Josée B. Leblanc

Conseiller juridique pour le Tribunal : Georges Bujold

Partie plaignante : Entreprise Marissa Inc.

Conseiller juridique pour la partie plaignante : Sylvain Trudel

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Alexandre Kaufman
Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun
Danie Belisle

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 27 janvier 2011, Entreprise Marissa Inc. (Marissa) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1. La plainte concerne un appel d’offres (invitation no EE517-111250/B) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) portant sur le dragage d’entretien de la voie navigable du fleuve Saint-Laurent dans le secteur de la traverse du Nord, entre Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans et le cap Gribane, et le secteur de Bécancour, qui s’étend de Bécancour à Batiscan.

2. Selon la plainte, la nature des travaux consiste principalement à effectuer le dragage d’entretien du secteur de la traverse du Nord en retirant annuellement un volume de sédiments estimé à 50 000 mètres cubes, ce qui représente le plus important contrat de ce type dans le tronçon de la voie navigable compris entre Montréal et l’île aux Coudres. Le contrat consiste également en des travaux de dragage pour retirer environ 20 000 mètres cubes de sédiments dans le secteur de Bécancour. En option, l’appel d’offres prévoit que le secteur de la traverse de Cap-Santé pourra également être dragué par l’adjudicataire du contrat.

3. Marissa allègue que l’une des exigences obligatoires de l’appel d’offres constitue une condition exagérément restrictive et crée un « obstacle non nécessaire » qui l’empêche de soumissionner, ce qui, selon Marissa, contrevient aux principes de passation équitable des marchés publics énoncés dans l’Accord sur le commerce intérieur2. L’exigence en question a trait au type d’équipement requis pour effectuer les travaux de dragage, à savoir l’obligation que la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes, avec laquelle les travaux doivent être exécutés, soit « équipée de fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont (split hull) pour décharger les matériaux »3. Selon Marissa, cette condition obligeant que la drague soit équipée d’un fond ouvrant n’avait jamais été prévue auparavant dans aucun des appels d’offres relativement au dragage de la traverse du Nord, nonobstant que l’obligation d’effectuer le dragage à l’aide d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes existe depuis approximativement 27 ans.

4. En outre, Marissa allègue que l’ajout de cette condition a pour effet de restreindre, sans raison valable, la concurrence à l’égard d’un contrat d’envergure, qui, de surcroît, sera attribué pour la toute première fois pour une période de sept ans.

5. À titre de mesure corrective, Marissa demande l’annulation de la procédure de l’appel d’offres en place et que le Tribunal recommande à TPSGC de lancer un nouvel appel d’offres en supprimant la nouvelle exigence obligatoire mentionnée ci-dessus partout où il y est fait référence dans l’appel d’offres qui fait l’objet de la plainte.

6. Le 4 février 2011, le Tribunal informait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics4. De plus, le même jour, le Tribunal rendait une ordonnance de report d’adjudication du contrat, dans laquelle il ordonnait à TPSGC de différer l’adjudication de tout contrat jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le bien-fondé de la plainte.

7. Le 14 février 2011, TPSGC demandait au Tribunal d’annuler l’ordonnance de report d’adjudication du contrat émise le 4 février 2011. Le même jour, Marissa demandait au Tribunal, dans l’éventualité où, aux termes du paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, il annulerait l’ordonnance de report d’adjudication du contrat, de rendre une autre ordonnance de report d’adjudication pour la portion du contrat au-delà de la première année afin de sauvegarder les objectifs de protection de l’intérêt public et du processus d’enquête du Tribunal ainsi que des droits des fournisseurs potentiels.

8. Le 15 février 2011, le Tribunal rendait une ordonnance annulant l’ordonnance de report d’adjudication du contrat du 4 février 2011 et ne donnait pas suite à la demande de Marissa d’ordonner le report de l’adjudication pour la portion du contrat au-delà de la première année. Le même jour, Marissa demandait au Tribunal la permission de déposer des observations additionnelles suite à cette annulation. Le 18 février 2011, le Tribunal refusait à Marissa sa demande de déposer des observations additionnelles à ce stade de la procédure mais l’informait qu’elle aurait l’occasion de le faire après le dépôt du rapport de l’institution fédérale (RIF).

9. Le 1er mars 2011, TPSGC déposait son RIF auprès du Tribunal. Le 11 mars 2011, Marissa déposait ses observations sur le RIF.

10. Le 22 mars 2011, le Tribunal avisait les parties qu’aux termes de l’article 105 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur5, il tiendrait une audience publique le 20 avril 2011 afin de clarifier certaines questions importantes liées à l’interprétation et à l’éventuelle application de l’article 404 (Objectifs légitimes) de l’ACI dans cette plainte. Dans la même correspondance, le Tribunal ordonnait aux parties de l’informer par écrit, au plus tard le 6 avril 2011, du nombre de témoins qu’elles avaient l’intention de faire entendre à l’audience, y compris le nom de ceux-ci. De plus, le Tribunal informait les parties de porter une attention particulière à l’article 22 des Règles si elles prévoyaient faire reconnaître un témoin à titre d’expert en déposant et signifiant aux autres parties un rapport, signé par l’expert, dans lequel devait figurer le nom de l’expert, son adresse, ses qualifications, son domaine d’expertise, son curriculum vitæ et un exposé détaillé de son témoignage. Le Tribunal informait également les parties qu’elles avaient jusqu’au 13 avril 2011 pour déposer, si elles le désiraient, des représentations additionnelles concernant soit le RIF, soit les observations sur le RIF.

11. Le 30 mars 2011, tel qu’il s’était engagé à le faire dans son RIF, TPSGC informait le Tribunal qu’il avait reçu cinq soumissions suite à l’appel d’offres, y compris celle de Marissa. Selon TPSGC, des cinq soumissions reçues, seule celle de Marissa ne satisfaisait pas au critère d’offrir une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes munie d’un fond ouvrant6.

12. Le 6 avril 2011, Marissa confirmait auprès du Tribunal sa participation à l’audience et lui fournissait le nom de ses témoins, y compris une copie du rapport d’expertise, daté du 5 avril 2011, du témoin qu’elle entendait produire à titre d’expert. Dans sa lettre du 6 avril 2001, Marissa demandait au Tribunal de reporter l’audience pour permettre à son témoin expert, M. Marc Villeneuve, de témoigner puisqu’il serait à l’extérieur du Canada du 15 au 25 avril 2011 ou de vérifier auprès de TPSGC s’il acceptait que le rapport d’expertise de son témoin expert soit déposé auprès du Tribunal sans nécessiter le témoignage de ce dernier.

13. Le 11 avril 2011, TPSGC informait le Tribunal qu’il ne s’objectait pas à ce que la lettre du 5 avril 2011 du témoin expert de Marissa soit déposée en preuve sans nécessiter le témoignage de ce dernier. Le 13 avril 2011, TPSGC et Marissa déposaient leurs représentations additionnelles respectives.

14. Le Tribunal tenait une audience à Ottawa (Ontario) le 20 avril 2011. À l’audience, Marissa a convoqué, à titre de témoins, M. René Lagacé, président de Marissa et de Métro Excavation Inc. (compagnie mère), ainsi que M. Benoit Blouin, ingénieur géologue, chargé de projets et estimateur de travaux en milieux hydriques. TPSGC a fait entendre, à titre de témoins, M. Jean Rochette, spécialiste en approvisionnement, Direction des approvisionnements, et M. Marc-André Baillargeon, chef, Dragage et levés bathymétriques, tous les deux de TPSGC.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

15. L’appel d’offres concernant l’invitation en cause a été diffusé par l’intermédiaire du MERX7 le 9 décembre 2010. L’invitation devait prendre fin le 3 février 2011, mais la date de clôture des soumissions a été repoussée au 24 février 2011, puis au 3 mars 2011 à la demande de certains entrepreneurs pour leur permettre de soumettre une proposition.

16. Les dispositions suivantes de l’appel d’offres sont particulièrement pertinentes en l’espèce :

IP10 EXIGENCES OBLIGATOIRES DE LA SOUMISSION

Une soumission doit respecter toutes les exigences obligatoires de l’appel d’offres pour être déclarée recevable, y compris celles contenues dans d’autres rubriques du présent appel d’offres, incluant les instructions, conditions et clauses intégrées par renvoi dans l’appel d’offres.

[...]

2. CONDITIONS SUPPLÉMENTAIRES (CS)

[...]

CS03 CONDITIONS OBLIGATOIRES DU CONTRAT

L’entrepreneur doit respecter toutes les conditions obligatoires du contrat autrement il sera considéré en défaut de contrat, y compris les autres obligations contenues dans d’autres rubriques du contrat, incluant les clauses du formulaire de soumission et d’acceptation, conditions et clauses intégrées par renvoi dans le contrat.

[...]

Conditions obligatoires Période de remise du document demandé Référence
[...]    
4. Caractéristiques obligatoires de la drague
Il s’agit d’un navire monocoque conçu pour draguer en marche par succion des sédiments et les accumuler dans sa cale. La drague doit être équipée de fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont (split hull) pour décharger les matériaux. Cette drague peut être équipée d’une ou de deux élinde(s) traînante(s). Le volume de la cale de la drague doit être d’un minimum de 750 m3.
L’entrepreneur sera en défaut de contrat si cette condition n’est pas satisfaite à tout moment durant le contrat.
L’entrepreneur devra démontrer que la drague satisfait à cette exigence dans un délai de quarante-huit (48) heures suivant la demande écrite du Canada. Appendice 4 du présent appel d’offres
Devis, section 01 11 11, article 1.4.2 et section 35 20 23, articles 2.1.1

17. Les dispositions pertinentes du devis8 prévoient ce qui suit :

Section 01 11 11

[...]

1.4 TRAVAUX VISÉS PAR LES DOCUMENTS CONTRACTUELS

[...]

.2 Les secteurs des travaux de dragage d’entretien, ainsi que les quantités pour chacune des années du contrat, sont :

.1 Bécancour à Batiscan, entre les bouées C33 et D68;

[...]

Ces travaux pourront être faits avec une drague à succion autoporteuse à élinde(s) traînante(s) et/ou avec drague à benne preneuse.

.2 Traverse du Nord, entre les bouées K136 et K91;

[...]

Ces travaux devront être obligatoirement faits avec une drague à succion autoporteuse à élinde(s) traînante(s).

[...]

Section 01 35 43

[...]

1.2 RÉFÉRENCES

.1 Pour chacune des années du contrat, l’Entrepreneur devra se conformer aux exigences de ou des examens environnementaux préalables (EP) le ou les plus récents disponibles (les recommandations des EP réalisés en 2010 apparaissent à l’annexe 9) en matière d’utilisation de ses équipements de dragage, de ses équipements flottants connexes s’il y a lieu. Il doit entre autres s’assurer que ses équipements et ses méthodes de travail soient conformes aux exigences qui y sont spécifiées.

.2 L’Entrepreneur doit se conformer aux lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, à la gestion des pêches et à la protection de l’habitat du poisson.

[...]

Section 35 20 23

[...]

1.3 DÉFINITIONS

[...]

.11 Drague à succion autoporteuse à élinde(s) traînante(s) : Navire monocoque conçu pour (1) draguer en marche, et par succion, des sédiments formant des hauts-fonds marins, pour (2) accumuler à son bord (cale) ces sédiments, et pour (3) les transporter et les déposer en eau libre dans des aires de mises en dépôts désignées. La drague devra être équipée de fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont (split hull) pour décharger les matériaux. Cette drague peut être équipée d’une ou de deux élinde(s) traînante(s). Le volume de la cale doit être d’un minimum de 750 m3.

[...]

2.1 ÉQUIPEMENTS DE DRAGAGE ET DE POSITIONNEMENT

.1 Les travaux dans la Traverse du Nord, entre les bouées K136 et K91, devront obligatoirement être exécutés avec une drague à succion autoporteuse à élinde(s) traînante(s), dont la définition apparaît à l’Art. 1.3.11 ci-dessus; les travaux entre Bécancour et Batiscan, et ceux sur option dans la Traverse Cap-santé, pourront être faits avec une drague à succion autoporteuse à élinde(s) traînante(s), ou avec une drague à benne preneuse.

18. Le 22 décembre 2010, Marissa présentait une lettre d’opposition à TPSGC dans laquelle elle demandait de supprimer l’exigence obligatoire énoncée dans l’appel d’offres sous la rubrique « Caractéristiques obligatoires de la drague », selon laquelle la drague en question doit être équipée d’un fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont pour décharger les matériaux. Le 14 janvier 2011, TPSGC répondait qu’il ne pouvait acquiescer à cette demande. TPSGC informait alors Marissa que la mention de fond ouvrant dans la description de la drague aux conditions obligatoires du contrat avait été ajoutée dans le seul but d’apporter plus de précision quant aux caractéristiques standards que doit posséder le type d’équipement requis afin de satisfaire aux contraintes opérationnelles et environnementales propres au dragage de la traverse du Nord. Dans cette lettre, TPSGC indiquait aussi que l’examen environnemental préalable préparé conformément aux exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale9 ne l’autorisait qu’à faire déposer les déblais de dragage dans des aires désignés de rejet en eaux libres, en faisant effectuer un dépôt massif à l’aide d’équipement à fond ouvrant.

19. Le 27 janvier 2011, Marissa déposait sa plainte auprès du Tribunal.

20. Le 24 mars 2011, le contrat en question était adjugé à un soumissionnaire autre que Marissa.

POSITION DES PARTIES

Position de Marissa

21. Marissa soutient que l’ajout de la condition obligatoire relative à la présence d’un fond ouvrant sur l’équipement requis pour effectuer les travaux de dragage dans le secteur de la traverse du Nord constitue un « obstacle non nécessaire » et, à tout le moins, a pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur, ce qui est incompatible avec l’article 403 de l’ACI. Selon Marissa, elle est automatiquement empêchée de soumissionner, et ce, uniquement en raison de l’ajout de cette condition obligatoire alors que son navire, bien qu’il n’ait pas de fond ouvrant, est conçu pour draguer en marche, par succion, au moyen d’élindes traînantes, est immatriculé au Canada et possède une capacité de chargement deux fois plus importante et une puissance quatre fois plus importante que les dragues qui ont effectué le dragage de la traverse du Nord entre 1984 et 2008. Marissa fait valoir qu’une drague à élindes traînantes comme celle qu’elle entendait proposer soit équipée ou non d’un fond ouvrant ne change en rien sa capacité de draguer convenablement suivant les prescriptions de l’appel d’offres et du devis, mais présente également des avantages au plan environnemental en ce qui à trait à sa façon de rejeter les sédiments dragués10.

22. De plus, Marissa soutient que TPSGC n’a pas démontré que cet obstacle au commerce est justifié par les dispositions de l’article 404 de l’ACI, qui permettent à une partie à l’ACI de maintenir une mesure incompatible avec l’article 403 si certaines conditions sont réunies. À cet égard, Marissa soutient que l’ajout de l’exigence d’un fond ouvrant et la position de TPSGC quant à la prétendue obligation d’un dépôt massif des sédiments à l’aide d’un équipement à fond ouvrant ne servent nullement aucun des objectifs légitimes prévus à l’article 404 et qui sont définis à l’article 200.

23. Sur cette question, Marissa soutient que la mesure n’a pas pour objet la protection de la sécurité du public ou la sécurité navale, puisque à partir du moment où un navire est de construction monocoque et effectue son dragage en mouvement à l’aide de ses élindes traînantes, la façon dont le navire décharge ses matériaux ne change en rien la nature de ses opérations de dragage et la sécurité maritime de celles-ci. En ce qui a trait à un objectif de protection de l’ordre public, Marissa soutient que ce critère n’est pas applicable en l’espèce. En ce qui a trait à la protection de la vie ou de la santé des humains, des animaux ou des végétaux, Marissa soutient que nulle part dans l’examen préalable de CJB Environnement Inc.11 de juillet 2008 ni dans celui de Dessau12 de mai 2010 il est discuté de la nécessité qu’une drague autoporteuse à élindes traînantes soit équipée d’un fond ouvrant en vue de poursuivre l’objectif de protéger, directement ou indirectement, la vie ou la santé des humains, des animaux ou des végétaux. Selon Marissa, seul l’enlèvement complet des sédiments hors du fleuve ne représenterait aucun inconvénient pour le Saint-Laurent, l’habitat du poisson et les couverts végétaux. En ce qui a trait à la protection de l’environnement, Marissa soutient que l’analyse des examens environnementaux préalables permet même de constater que des préoccupations répétées quant aux impacts sur l’environnement ont nécessité, en ce qui a trait au site de dépôt X-01, près de l’île Madame, une étude des impacts environnementaux par un groupe de travail ministériel ainsi qu’une entente visant l’abandon de l’utilisation de ce site.

24. Se fondant sur ces préoccupations et sur le fait que les examens préalables mentionnés ci-dessus font référence à d’autres méthodes de rejet des sédiments, Marissa prétend que le rejet en eaux libres par dépôt massif des sédiment dragués présente en soi des inconvénients au plan environnemental, de sorte que rien dans les éléments de preuve n’indique que l’exigence d’un fond ouvrant pour rejeter les sédiments au fond de l’eau est requise pour poursuivre un objectif légitime de protection de l’environnement. De toute façon, Marissa soutient que son navire peut déposer les matériaux dragués directement au fond de l’eau par dépôt massif à l’instar d’une drague munie d’un fond ouvrant, mais au moyen d’une trompe de 42 pouces de diamètre13. Selon Marissa, ce navire pourrait déposer les matériaux aux endroits prévus avec beaucoup de précision tout en minimisant, voire même en éliminant le risque que les matériaux ainsi déposés se déplacent à l’extérieur du site de rejet proprement dit.

25. Concernant les rapports d’examen environnemental préalable de Dessau de 2010 et de CJB Environnement Inc. de 2008, Marissa allègue qu’il y a de très grandes similitudes dans certains extraits de ces rapports et qu’il n’y est précisé nulle part, ni exigé, ni même recommandé que le déversement des matières draguées, lorsqu’elles sont mises en dépôt en eaux libres, doit être fait par le biais d’un fond ouvrant. Selon Marissa, ces documents présentent le rejet en eaux libres comme la solution la moins coûteuse qui peut être envisagée à certaines conditions, parmi lesquelles le dépôt massif à l’aide d’équipement à fond ouvrant n’est pas mentionné. Ainsi, Marissa soutient que la mise en dépôt en eaux libres des sédiments dragués aux sites déterminés qui est envisagée par Dessau et CJB Environnement Inc. peut se faire autrement que par un équipement muni d’un fond ouvrant.

26. En outre, Marissa soutient que, contrairement à ce que TPSGC prétend, une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes ne décharge pas nécessairement son contenu par un fond ouvrant, bien que généralement un tel type de drague soit équipé d’un tel fond. Marissa soutient que le navire qu’elle propose, bien qu’il ne soit pas équipé d’un fond ouvrant, peut rejeter les sédiments de deux façons14 : 1) à l’aide d’un « pipeline » télescopique (trompe extensible) qui rejette les sédiments par gravité, à la profondeur exacte désirée, et non de façon hydraulique ou forcée, ce qui constitue une méthode de dépôt qui s’apparente au dépôt massif à l’aide d’un équipement à fond ouvrant et qui est tout aussi valable, ou 2) par déchargement en milieu terrestre, à l’aide d’un convoyeur mobile dont son navire est déjà équipé.

27. Selon Marissa, TPSGC était tout à fait au courant que le navire qu’elle préparait à grands frais afin de pouvoir soumissionner le contrat en question ne possède ni un fond ouvrant ni une coque ouvrante à charnières de pont, puisque ce navire est amarré au port de Québec, tout près des bureaux de TPSGC et de la Garde côtière canadienne (GCC) depuis août 2009. Dans ces circonstances et considérant que c’est la première fois que la description des caractéristiques obligatoires de la drague fait expressément mention de l’exigence d’un fond ouvrant, Marissa soutient que l’intention de TPSGC en ajoutant cette exigence était manifestement d’éliminer le navire qu’elle entendait proposer du processus d’appel d’offres et de l’empêcher de présenter une soumission recevable15.

28. Dans ses commentaires sur le RIF, Marissa soutient que, puisqu’il y avait eu peu de concurrence pour l’obtention du contrat de dragage dans le secteur de la traverse du Nord par le passé, TPSGC pouvait faire preuve de souplesse et d’ouverture quant aux caractéristiques des équipements qu’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes peut offrir sans compromettre ses qualités essentielles de draguer en naviguant. Selon Marissa, ce sont les caractéristiques particulières relatives à l’autonomie, la manœuvrabilité et la capacité de draguer en se déplaçant qui sont les caractéristiques les plus importantes d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes pour les travaux de dragage de la traverse du Nord et non la façon dont elle décharge les sédiments amassés. Marissa soutient que les documents d’appel d’offres auraient pu être rédigés de façon à permettre les propositions de produits équivalents, soit une drague autoporteuse à élindes traînantes qui décharge les sédiments autrement que par un fond ouvrant.

29. Marissa soutient qu’elle est d’accord avec TPSGC qu’il est obligatoire pour la GCC, promoteur du projet de dragage du fleuve Saint-Laurent, de réaliser une évaluation environnementale suivant la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Par contre, Marissa est en désaccord avec les arguments de TPSGC, où il précise que les évaluations avaient été faites en considérant les effets sur l’environnement lorsque les travaux étaient entrepris avec une drague à fond ouvrant. Marissa soutient que nulle part dans l’examen préalable de Dessau ni dans celui de CJB Environnement Inc. une telle mention est précisée. De plus, Marissa soutient que dans ces mêmes rapports il n’est pas non plus précisé que la « drague à succion autoporteuse à élindes traînantes » doit être équipée d’un fond ouvrant.

30. Quant à l’allégation de TPSGC selon laquelle « [l]’utilisation [du système de déversement du navire de Marissa] pourrait avoir des conséquences néfastes sur la qualité de l’eau et sur l’habitat du poisson »16, Marissa soutient qu’il s’agit d’une affirmation tout à fait gratuite, sans aucun fondement ni référence technique quelconque. Marissa soutient qu’elle est en complet désaccord et trouve exagérément interprétatif et aucunement fondé sur aucun texte de loi l’affirmation de TPSGC selon laquelle « [a]ccepter un équipement dont les conséquences environnementales n’ont jamais été évaluées enfreindrait la loi »17.

31. Selon Marissa, le rapport de Dessau18, qui fait état des véritables préoccupations environnementales aux pages 85 et 86 et qui sont illustrées à la figure 2, « Comportement des sédiments au cours d’un dépôt en eaux libres », décrit bien où se trouve la partie problématique d’un rejet massif en eaux libres. Marissa soutient qu’il y est clairement expliqué l’effet de la « diffusion passive » des sédiments qui, ayant trait surtout aux particules fines, seront entraînés plus loin sous l’action de la turbulence lors de la descente massive des sédiments. Marissa fait valoir que ce sont ces particules fines, qui représentent de 1 à 5 p. 100 de l’ensemble des sédiments déposés, qui constituent l’essentiel des préoccupations environnementales puisqu’elles sont dispersées sur de plus longues distances. Selon Marissa, la figure 2 illustre le « rejet massif » des sédiments de façon concentrée, c’est-à-dire que le rejet ne s’exécute pas sur une grande surface sous le bateau. D’après Marissa, cette figure illustre parfaitement la façon dont les sédiments seraient rejetés par son navire, puisque celle-ci utiliserait un « pipeline » télescopique qui rejette les sédiments par gravité.

32. Marissa soutient donc qu’elle ne voit pas en quoi quelque disposition réglementaire ou législative pourrait justifier d’empêcher sa drague autoporteuse à élindes traînantes, qu’elle soit ou non équipée d’un fond ouvrant, d’effectuer l’opération de dragage.

Position de TPSGC

33. TPSGC soutient qu’il est bien établi que la Couronne peut fixer ses exigences dans la mesure où elles reflètent de bonne foi ses besoins opérationnels légitimes19. Selon TPSGC, le critère selon lequel la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes doit être équipée d’un fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont (split hull) pour décharger les sédiments reflète les besoins opérationnels légitimes de la GCC et que cette dernière ne devrait pas être obligée de compromettre ses besoins opérationnels légitimes pour accommoder le projet de transformation du navire de Marissa. De plus, TPSGC affirme qu’il n’y a aucune preuve que Marissa n’était pas en mesure de satisfaire à l’exigence contestée, puisqu’elle aurait pu, au même titre que d’autres entrepreneurs, munir un de ses navires d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes d’un fond ouvrant. En outre, TPSGC souligne que, malgré la présence du critère obligatoire en question, le niveau de concurrence pour l’obtention du contrat en question était en nette amélioration par rapport à la situation antérieure. Par conséquent, TPSGC soutient que le critère exigeant que la drague soit équipée d’un fond ouvrant n’est pas une condition qui restreint la concurrence, qui est exagérément restrictive ou qui crée un obstacle au commerce intérieur incompatible avec l’article 403 de l’ACI.

34. TPSGC conteste aussi l’affirmation de Marissa selon laquelle ce critère constitue une nouvelle exigence, puisque bien que cette caractéristique de l’équipement requis figure pour la première fois dans l’appel d’offres, toutes les dragues qui ont été utilisées pour effectuer les travaux dans le secteur de la traverse du Nord, depuis au moins 1986, étaient munies d’un fond ouvrant. Selon TPSGC, les éléments de preuve démontrent que dans l’industrie du dragage, il est généralement reconnu qu’une drague à succion autoporteuse à élindes trainantes comporte des caractéristiques standards, dont un fond ouvrant ou une coque ouvrante. TPSGC soutient que cela confirme que l’exigence d’un fond ouvrant a été ajouté dans le seul but d’apporter plus de précision quant aux caractéristiques standards que doit posséder le type d’équipement requis et non dans le but d’empêcher la concurrence.

35. TPSGC soutient que cette précision dans les caractéristiques obligatoires ne constitue nullement un « obstacle non nécessaire ». TPSGC soutient qu’à cet effet, l’examen environnemental préalable de Dessau20, qui a été produit en vertu des exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, n’autorise qu’à faire déposer les déblais de dragage dans des aires de rejet en eaux libres, en effectuant un dépôt massif à l’aide d’équipement à fond ouvrant. Selon TPSGC, aucun autre mode de disposition et aucun autre site de dépôt n’ont été autorisés. À cet égard, TPSGC réfère Marissa au devis21, faisant partie intégrante de l’appel d’offres, lequel fait état de ces exigences concernant le rejet en eaux libres ainsi que des sites de dépôt autorisés pour la traverse du Nord.

36. Subsidiairement, même si le Tribunal décidait que le critère obligatoire en question est incompatible avec les dispositions de l’ACI, TPSGC soutient qu’il serait néanmoins permis puisqu’il satisfait aux quatre conditions énumérées à l’article 404 de l’ACI. Selon TPSGC, pour satisfaire à la première de ces conditions, il faut démontrer que la mesure a pour objet la réalisation d’un objectif légitime tel que défini au chapitre deux de l’ACI. Selon TPSGC, le critère obligatoire en question a pour objet la poursuite des objectifs légitimes que sont le respect des lois et la protection de l’environnement. À cet égard, TPSGC fait valoir que les critères énoncés dans l’appel d’offres reprennent textuellement les exigences évaluées par des experts environnementaux, qui préconisent que le rejet des sédiments soit effectué par descente massive en eaux libres. En outre, TPSGC soutient que le critère contesté n’est pas une restriction déguisée et ne constitue pas une mesure qui a un effet excessif indu ou qui restreint le commerce plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser ces objectifs légitimes.

37. TPSGC soutient qu’un examen environnemental requis par la loi doit être effectué avant de procéder aux travaux de dragage. Cet examen a conclu qu’« en raison des diverses contraintes environnementales, économiques et techniques, le dépôt en eaux libre[s] des sédiments qui seront dragués, dans le cadre du présent projet, constitue la solution appropriée »22. TPSGC soutient qu’il est implicite dans le rapport d’examen préalable de Dessau, de même que dans les études environnementales précédentes, qui préconisent toutes qu’une drague à succion autoporteuse à élindes trainantes soit utilisée dans le cadre des travaux dans le secteur de la traverse du Nord, que la drague en question doit être munie d’un fond ouvrant ou d’une coque ouvrante, compte tenu que ce sont là des caractéristiques standards de ce type de drague et que la descente « en masse » des sédiments qui est recommandée ne peut être faite qu’avec un fond ouvrant. TPSGC fait valoir que ces faits ont été confirmés par la suite dans une lettre de Dessau23 du 23 février 2011 ainsi que dans une lettre de CJB Environnement Inc.24 du 16 février 2011.

38. Selon TPSGC, puisque aucune étude environnementale n’a été entreprise pour déterminer l’impact sur l’environnement d’un rejet par « trompe », un tel système pourrait avoir des répercussions aussi bien sur la qualité de l’eau, dû à la remise en suspension des sédiments, que sur l’habitat du poisson. TPSGC ajoute que, puisqu’il est obligatoire pour la GCC de réaliser une évaluation environnementale afin de prendre en considération les effets sur l’environnement des travaux de dragage, accepter un équipement dont les conséquences environnementales n’ont jamais été évaluées enfreindrait la loi.

39. TPSGC soutient que les entreprises Dessau et CJB Environnement Inc. ont toutes deux affirmé que des études techniques supplémentaires devraient être entreprises si une autre méthode de décharge était considérée. TPSGC soutient que même la lettre du témoin expert de Marissa, M. Villeneuve, ne se fait pas rassurante quant aux effets sur l’environnement que pourrait avoir une décharge par « trompe »25. TPSGC allègue qu’il est évident, à la lecture du curriculum vitæ de M. Villeneuve, que ce dernier n’a aucune expertise dans le domaine de l’environnement, car son domaine d’expertise est le génie civil. De plus, selon TPSGC, l’opinion de M. Villeneuve contient plusieurs réserves et mises en garde qui diminuent grandement son utilité. TPSGC soutient donc que Marissa n’a pas démontré que sa technique de déversement de sédiments respectait l’objectif légitime poursuivi.

40. TPSGC soutient qu’il n’exclut pas que des techniques de décharges autres que le dépôt en masse par fond ouvrant puissent être acceptables au plan environnemental. Toutefois, avant d’être permises et acceptées, elles doivent être proposées et évaluées. Selon TPSGC, Marissa n’a proposé un rejet par « trompe » qu’une fois l’appel d’offres émis et l’évaluation environnementale conclue, ce qui ne laissait pas suffisamment de temps à la GCC pour procéder à l’évaluation environnementale de sa méthode de rejet. TPSGC soutient que lors de consultations avec l’industrie en septembre 2010, personne ne l’avait contacté pour proposer un autre mode de rejet de sédiments. D’après TPSGC, si cela avait été fait, la méthode proposée par Marissa aurait pu être étudiée en temps opportun.

41. Dans ses représentations additionnelles déposées le 13 avril 2011, TPSGC soutient également que le faible niveau de concurrence dans le passé était dû à la durée des contrats, au marché restreint dans l’est du Canada dans le domaine du dragage, en particulier pour ce type d’équipement, et aux exigences de la « Floating Plant Clause »26 (FPC). Selon TPSGC, il est donc clair que la mesure contestée n’a presque aucun effet sur le commerce et que sa portée se limite à empêcher des travaux de dragages dont l’effet sur l’environnement est incertain. TPSGC soutient qu’il faut remarquer que le Tribunal, dans le cadre d’affaires précédentes,27 a accepté qu’une mesure ne contrevenait pas à l’article 404 de l’ACI lorsqu’elle était mise en place pour éviter un risque.

42. Ainsi, selon TPSGC, les critères énoncés dans l’appel d’offres reprennent textuellement les exigences des experts environnementaux, qui préconisent clairement que le dragage soit fait à l’aide d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes équipée d’un fond ouvrant et que le rejet des sédiments soit effectué par « descente massive »28 en eaux libres. TPSGC soutient qu’il a élaboré un devis technique pour des raisons légitimes liées à des considérations environnementales et opérationnelles et en vue de se conformer aux lois, non dans le but d’empêcher la concurrence. TPSGC soutient que les mesures prises, dont un contrat d’une durée de sept ans, ont suscité suffisamment d’intérêt dans l’industrie, ce qui a eu pour effet d’augmenter la concurrence puisque cinq soumissions ont été reçues dans le cadre de cet appel d’offres. Selon TPSGC, Marissa avait l’occasion de munir un de ses navires d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes à fond ouvrant, mais a choisi de ne pas le faire. TPSGC fait remarquer que dans Canada (Procureur général) c. Trust Business Systems, la Cour d’appel fédérale notait que « [r]ien n’empêchait Trust de soumettre une proposition en utilisant les produits de marque mentionnés par Travaux publics »29. Selon TPSGC, la même conclusion s’applique en l’espèce. TPSGC soutient qu’il a augmenté la durée du contrat à sept ans pour que les modifications ou l’acquisition d’un tel équipement soient rentables pour les fournisseurs potentiels en plus d’augmenter la portée des travaux. Selon TPSGC, ces gestes ont eu pour effet d’augmenter la concurrence et non pas de la restreindre.

ANALYSE

43. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, en l’espèce, l’ACI30. À cet égard, il convient de mentionner qu’il n’est pas contesté que l’ACI est le seul accord commercial pertinent et que la procédure du marché public en question est, par conséquent, assujettie aux dispositions du chapitre cinq de l’ACI.

44. Le chapitre cinq de l’ACI porte sur les modalités de passation des marchés publics, dont l’objectif est la mise en place d’un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics tout en favorisant la concurrence, la réduction des coûts d’achat et l’établissement d’une économie vigoureuse dans un contexte de transparence et d’efficience31.

45. Le chapitre cinq de l’ACI contient un ensemble de règles générales et d’obligations particulières devant être respectées par les parties à l’ACI, y compris le gouvernement fédéral. Concernant les règles générales, l’article 500 (Application des règles générale) prévoit entre autres que les articles 403 (Absence d’obstacles) et 404 (Objectifs légitimes) s’appliquent au chapitre cinq32. Pour sa part, l’article 504 prévoit une obligation expresse de non-discrimination à l’égard des produits et services faisant l’objet de l’accord et à l’endroit des fournisseurs de ces produits ou services dans le cadre des marché publics visés par le chapitre cinq.

46. Compte tenu des faits relatifs à la présente plainte et des allégations de Marissa, le Tribunal doit se pencher sur l’interprétation et l’application des articles 403 (Absence d’obstacles), 404 (Objectifs légitimes) et 504 (Non-discrimination réciproque) de l’ACI dans son analyse. En effet, Marissa allègue que l’exigence obligatoire de l’appel d’offres relative à l’utilisation d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes « équipée de fond ouvrant ou d’une coque ouvrante à charnières de pont (split hull) pour décharger les matériaux » constitue une condition exagérément restrictive qui crée un obstacle non justifié au commerce. Par ailleurs, de manière plutôt implicite, Marissa allègue que cette mesure est discriminatoire à son encontre33. Ces allégations font en sorte que le Tribunal examinera la portée des articles 403 et 504 afin de déterminer si l’exigence de l’utilisation exclusive et obligatoire d’une drague comportant un fond ouvrant constitue une mesure incompatible avec l’un de ces articles.

47. Toutefois, les obligations énoncées aux articles 403 et 504 de l’ACI ne sont pas absolues, elles s’appliquent « sous réserve de l’article 404 ». Cette disposition permet le maintien d’une mesure incompatible avec l’article 403 ou l’article 504 si certaines conditions sont réunies.

48. Autrement dit, les questions en litige sont les suivantes. Le Tribunal doit déterminer s’il existe une violation de l’article 403 de l’ACI, en raison de l’existence d’un obstacle au commerce, ou de l’article 504, en raison de l’existence d’une mesure discriminatoire liée aux conditions du marché public en cause. Dans l`affirmative, le Tribunal doit déterminer si TPSGC peut bénéficier de l’exception prévue à l’article 404, qui pourrait s’appliquer si la mesure incompatible a pour objet la réalisation d’un objectif légitime, permettre la mesure et ainsi justifier l’existence de la violation. Le Tribunal examinera d’abord la question de savoir si l’exigence obligatoire contestée en l’espèce enfreint l’article 403.

L’exigence d’un fond ouvrant a-t-elle pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur?

49. L’article 403 (Absence d’obstacles) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Sous réserve de l’article 404, chaque Partie s’assure que les mesures qu’elle adopte ou maintient n’ont pas pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur.

50. Le Tribunal doit donc déterminer si l’exigence obligatoire selon laquelle l’appel d’offres est limité aux fournisseurs qui peuvent proposer une drague possédant un fond ouvrant constitue une mesure qui a « pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur » au sens de l’article 403 de l’ACI.

51. Aux termes de l’article 200 de l’ACI, une « mesure » s’entend notamment des lois, règlements, directives, exigences, prescriptions, lignes directrices, programmes, politiques, pratiques administratives ou autres procédures. Par conséquent, l’exigence contestée, laquelle constitue une des exigences obligatoires ou des prescriptions de l’appel d’offres, est une « mesure » aux fins de l’article 403. TPSGC n’a pas contesté ce fait. Il n’est pas non plus contesté que cette mesure a été adoptée par TPSGC au nom du gouvernement fédéral, qui est un des signataires de l’ACI. Il s’agit donc d’une mesure adoptée ou maintenue par une partie à l’ACI.

52. L’ACI ne contient aucune définition de ce que constitue un « obstacle au commerce intérieur ». Le Tribunal doit donc s’en remettre à la règle d’interprétation applicable en semblables circonstances. Lorsqu’il interprète les dispositions des accords commerciaux, le Tribunal tient compte du paragraphe 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités34, qui prévoit ce qui suit :

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

53. Ce principe est compatible avec l’approche contextuelle moderne de l’interprétation des lois, selon laquelle le libellé d’un texte de loi doit être interprété dans l’ensemble de son contexte et dans son sens grammatical et ordinaire en harmonie avec les dispositions de la loi, l’objet de la loi et l’intention du Parlement35. Ainsi, il ne faut pas interpréter l’article 403 de l’ACI comme une disposition isolée, et son sens doit être déterminé compte tenu de tout son contexte ainsi que de l’objet et du but de l’ACI.

54. Le Nouveau Petit Robert définit le terme « obstacle » comme suit : « 1 Ce qui s’oppose au passage, gêne le mouvement36. » Rien dans cette définition n’indique que l’effet de l’obstacle doit être absolu. En fait, la représentation de ce que peut constituer une « gêne au mouvement » n’a rien d’un absolu. Ainsi, un obstacle peut entraver, restreindre ou gêner le mouvement sans nécessairement le bloquer ou l’interdire. Cette connotation semble implicite à la définition. Suivant son sens ordinaire, le terme « obstacle » englobe donc tant une interdiction totale qu’une restriction partielle au passage ou au mouvement de quelque chose.

55. Il est clair à la lecture de l’expression « obstacle au commerce intérieur » que c’est le « commerce intérieur » qui est l’objet de l’obstacle, c’est-à-dire de la gêne au passage, au mouvement ou à l’action causée par la mesure visée. Le préambule et les articles 100 et 101 de l’ACI donnent des indications sur ce que constitue le commerce intérieur. Il est écrit, au préambule, que les parties à l’accord ont résolu de promouvoir « un marché intérieur ouvert, performant et stable » et « l’égalité des chances, sur le plan économique, pour tous les Canadiens » ainsi que de réduire « les obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l’intérieur du Canada ». L’article 100 prévoit que les parties ont l’obligation d’éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l’intérieur du Canada et d’établir un marché intérieur ouvert, performant et stable. Selon le paragraphe 101(1), l’ACI s’applique au commerce intérieur du Canada. Le paragraphe 101(3) fournit des explications supplémentaires à cet égard. L’alinéa 101(3)a) indique que les parties n’érigeront pas de nouveaux obstacles au commerce intérieur et l’alinéa 101(3)b), qu’elles traiteront sur un pied d’égalité les personnes, les produits, les services et les investissements, indépendamment de leur lieu d’origine au Canada. Selon les alinéas 101(3)c) et 101(3)d), les parties doivent concilier leurs normes et leurs mesures réglementaires pertinentes ainsi que leurs politiques administratives en vue d’assurer la libre circulation du commerce à l’intérieur du Canada.

56. L’article 501 de l’ACI expose l’objet du chapitre cinq : « [...] établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics [...]. » L’expression « fournisseur canadien » est définie à l’article 518 comme un « [f]ournisseur qui a un établissement au Canada ».

57. Ces dispositions fournissent un contexte utile pour déterminer le sens de l’expression « commerce intérieur » et, interprétées ensemble, permettent de conclure que les marchés publics passés au Canada sont une sous-catégorie du commerce intérieur au Canada par laquelle le gouvernement acquiert des fournitures ou obtient des services de fournisseurs canadiens37.

58. Par conséquent, il va de soi que lorsqu’elle est utilisée dans le contexte du chapitre cinq de l’ACI, l’expression « obstacle au commerce intérieur » s’entend d’une mesure qui a pour effet de faire obstacle à ou de gêner l’accès égal des fournisseurs canadiens aux marchés publics puisque c’est là l’objet prévu au chapitre cinq. C’est cette interprétation de l’expression qui constitue le point de départ de l’analyse du Tribunal.

59. Toutefois, puisqu’il s’agit ici de déterminer ce qui constitue un « obstacle au commerce intérieur » dans le cadre des procédures de passation des marchés publics, cette expression doit être interprétée en prenant en compte les dispositions particulières du chapitre cinq de l’ACI qui gouvernent ces matières. En effet, ces dispositions sont pertinentes aux fins de définir le sens et la portée de l’expression « obstacle au commerce intérieur » dans le cas qui nous occupe, car elles font clairement partie du contexte de l’article 403. Le Tribunal est d’avis que ces dispositions influencent donc la portée qui peut être donnée à l’article 403 tel qu’il doit être interprété et appliqué dans le contexte particulier des marchés publics. À cet égard, le paragraphe 506(6) prévoit que les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public et qu’une partie peut tenir compte de la capacité d’un fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public dans l’évaluation des offres. Autrement dit, le gouvernement fédéral peut imposer des conditions qui peuvent restreindre l’accès aux marchés publics afin de s’assurer d’obtenir des biens ou des services qui répondent à ses besoins. Ainsi, compte tenu des dispositions du chapitre cinq, il est clair que le gouvernement peut imposer des conditions de participation aux procédures d’appel d’offres qui sont essentielles pour s’assurer qu’un fournisseur est en mesure d’exécuter le marché public visé.

60. Pour cette raison, le Tribunal ne peut conclure, en se fondant simplement sur le fait que l’exigence selon laquelle la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes doit nécessairement être munie d’un fond ouvrant a manifestement pour effet d’empêcher les fournisseurs de services de dragage qui ne sont pas équipés d’un tel équipement d’offrir leurs services en réponse à l’appel d’offres, que cette exigence constitue un « obstacle au commerce intérieur », et ce, pour toute entreprise qui n’est pas en mesure d’offrir un tel équipement. Si telle était la portée de l’article 403 de l’ACI, cela signifierait que toute exigence dans un appel d’offres que le gouvernement impose afin de s’assurer d’obtenir des biens ou des services qui répondent à ses besoins conformément aux dispositions du chapitre cinq, mais qui a pour effet de limiter l’accès au marché public pour certaines entreprises, deviendrait un obstacle au commerce intérieur que le gouvernement devrait justifier dans chaque cas aux termes de l’article 404. Cette interprétation de l’article 403 apparaît déraisonnable.

61. Si telle était la portée de l’article 403 de l’ACI, simplement en exigeant, comme il le fait depuis plusieurs années, que les travaux de dragage dans le secteur de la traverse du Nord soit obligatoirement effectués au moyen d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes à l’exclusion de tout autre type d’équipement comme, par exemple, une drague à benne preneuse, le gouvernement fédéral se trouverait à créer un obstacle au commerce. En effet, il est clair que le gouvernement fédéral empêche ainsi toutes les entreprises qui pourraient effectuer le dragage d’entretien autrement qu’avec une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes d’avoir accès au marché public. Le Tribunal est d’avis qu’interpréter l’article 403 sans tenir compte des besoins du gouvernement serait donc inacceptable, car une exigence, soit l’utilisation d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes, qui est clairement requise pour que le gouvernement fédéral obtienne des services de dragage qui répondent à ses besoins dans le secteur de la traverse du Nord, un fait qui n’est pas contesté par Marissa, serait alors incompatible avec l’article 403. Dans le contexte des procédures de passation des marchés publics, l’expression « obstacle au commerce intérieur » n’englobe donc pas, de l’avis du Tribunal, toutes les mesures qui ont pour effet de limiter l’accès à un marché public pour certains fournisseurs.

62. D’ailleurs, le Tribunal a affirmé à maintes reprises que le gouvernement fédéral est en droit de définir les exigences de ses marchés publics dans la mesure où celles-ci répondent à ses besoins opérationnels38. De plus, la jurisprudence du Tribunal indique que le gouvernement n’est pas obligé de compromettre ses besoins opérationnels légitimes pour tenir compte des circonstances particulières d’un fournisseur potentiel ou pour répondre aux besoins des fournisseurs. En outre, les conditions d’un appel d’offres peuvent résulter en l’exclusion de certains fournisseurs39. Le Tribunal a également déjà indiqué qu’une procédure d’appel d’offres n’est pas nécessairement discriminatoire et peut être conforme à l’esprit de l’article 501 de l’ACI, même lorsque les soumissionnaires ne sont pas sur un même pied d’égalité au moment de s’engager dans la procédure de soumission. Certains avantages concurrentiels pour certains fournisseurs par rapport à d’autres peuvent découler du fait qu’une société est titulaire d’un contrat, détient des droits de propriété intellectuelle ou de divers autres facteurs commerciaux40.

63. Compte tenu de ces précédents, le Tribunal est d’avis que l’article 403 de l’ACI doit être interprété en tenant compte du principe que les méthodes de passation des marché publics visent l’atteinte d’un équilibre entre l’intérêt des fournisseurs potentiels de bénéficier d’un accès équitable et transparent aux occasions de marchés publics et l’intérêt des institutions gouvernementales d’obtenir les biens et services nécessaires. La Cour d’appel fédérale a récemment affirmé, dans Almon Equipment Ltd. c. Canada (Procureur général)41, que les objets du mécanisme fédéral de passation des marchés publics sont notamment 1) de garantir aux concurrents un mécanisme d’adjudication équitable et 2) d’accroître au maximum la probabilité que le gouvernement obtienne des biens et services de grande qualité qui répondent à ses besoins.

64. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce ne sont pas toutes les conditions qui restreignent ou entravent l’accès à un marché public pour certains fournisseurs qui ont pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur au sens de l’article 403 de l’ACI. Si tel était le cas, il serait en principe interdit aux institutions gouvernementales d’imposer des exigences qu’elles considèrent essentielles pour obtenir des biens ou des services qui correspondent à leurs besoins, lorsque celles-ci ont pour effet d’exclure la participation de certains fournisseurs à une procédure d’appel d’offres. Le Tribunal est d’avis que les parties à l’ACI ne peuvent avoir envisagé pareil résultat et ne peut interpréter l’article 403 en lui donnant une portée si large qu’il interdirait l’inclusion, dans un appel d’offres, de conditions ou d’exigences par ailleurs conformes aux dispositions du chapitre cinq et qui reflètent les besoins opérationnels légitimes du gouvernement.

65. Toutefois, le Tribunal est d’avis que les institutions gouvernementales doivent éviter de décourager les soumissionnaires potentiels de participer pleinement à la procédure de passation des marchés publics ou de les empêcher de le faire en imposant des conditions onéreuses ou restrictives qui ne reflètent pas leurs exigences opérationnelles légitimes. Ainsi, le Tribunal conclut qu’une exigence ou une prescription d’un appel d’offres aura pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur si elle ne constitue pas un besoin opérationnel légitime. Le Tribunal est d’avis que, dans une telle situation, le gouvernement se trouverait à restreindre ou à gêner l’accès des marchés publics aux fournisseurs canadiens d’une manière incompatible avec l’article 403 de l’ACI.

66. Vu son interprétation de la signification et de la portée de l’article 403 de l’ACI dans le contexte des marchés publics, le Tribunal doit donc examiner si l’exigence de l’appel d’offres selon laquelle l’équipement requis pour effectuer les travaux de dragage visés par le marché public en question doit être muni d’un fond ouvrant constitue un besoin opérationnel légitime de l’institution fédérale. Si tel n’est pas le cas, il devra conclure que cette mesure est incompatible avec l’article 403.

67. Dans le cadre d’un dossier précédent, le Tribunal a affirmé ce qui suit concernant la question des besoins opérationnels légitimes d’une entité acheteuse :

Le Tribunal a souvent déclaré, et Foundry est d’accord sur ce point, que les entités acheteuses ne sont pas tenues de compromettre leurs besoins opérationnels légitimes pour tenir compte des besoins particuliers des soumissionnaires. Néanmoins, le Tribunal est d’avis que ce ne sont pas toutes les exigences qui peuvent être qualifiées de « besoins opérationnels légitimes ». Plutôt, le Tribunal est d’avis que, lorsqu’il est affirmé qu’une fonction, une caractéristique ou toute autre exigence constitue un « besoin opérationnel légitime », l’entité acheteuse doit pouvoir démontrer pourquoi une telle fonction ou une telle caractéristique est légitimement nécessaire pour répondre à ses besoins et pour réaliser le résultat final voulu42.

68. Le Tribunal est d’avis que cette démonstration n’a pas été faite en l’espèce. Au contraire, les éléments de preuve indiquent que c’est la première fois que TPSGC impose l’exigence contestée dans la description des caractéristiques obligatoires de la drague. Le fait que, par le passé, TPSGC ne jugeait pas nécessaire de préciser que la drague requise pour effectuer les travaux de dragage dans le secteur de la traverse du Nord devait être équipée d’un fond ouvrant suggère que la caractéristique principale de l’équipement requis pour effectuer ces travaux est de draguer en mouvement, par succion, au moyen d’élindes traînantes. Rien dans les éléments de preuve ne démontre que, du point de vue opérationnel, les circonstances ont changé par rapport aux appels d’offres antérieurs, de telle sorte que limiter le déversement des sédiments dragués à une seule méthode de rejet à l’exclusion de toutes les autres était devenu un besoin essentiel pour mener les travaux à terme et obtenir le résultat final voulu. Les éléments de preuve démontrent qu’à partir du moment où un navire est de construction monocoque et effectue son dragage en mouvement et accumule les sédiments à son bord à l’aide d’élindes traînantes, la façon dont il décharge ses matériaux ne change pas la nature de ses opérations de dragage et n’affecte pas la sécurité maritime de celles-ci.

69. À cet égard, bien que les éléments de preuve déposés par TPSGC indiquent qu’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes comporte souvent un fond ouvrant, ils n’établissent pas que cet attribut constitue une caractéristique standard pour ce type d’équipement. En effet, les documents produits démontrent plutôt que ce type de drague peut rejeter les sédiments autrement que par un fond ouvrant et qu’il n’y a pas de normes minimales généralement acceptées dans l’industrie qui définissent les caractéristiques que doit posséder une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes43. Le Tribunal a aussi déjà affirmé, s’appuyant sur diverses définitions provenant de sources du domaine de la navigation et du dragage maritime, que ce qui caractérise une drague autoporteuse à élindes traînantes est sa capacité à draguer en se déplaçant librement, à transporter à son bord les sédiments dragués et à les déverser par la suite, sans faire référence à la présence d’un fond ouvrant44.

70. De surcroît, le Tribunal remarque que les éléments de preuve déposés par Marissa, de même que les témoignages de Messieurs Lagacé et Blouin selon lesquels la drague que Marissa proposait, qui est munie d’élindes traînantes, serait en mesure d’effectuer les travaux convenablement suivant les prescriptions de l’appel d’offres et du devis et, en particulier, pourrait déposer les sédiments aux sites de dépôt prévus avec beaucoup de précision45, n’ont pas été contredits. De plus, M. Rochette, un des témoins de TPSGC, a indiqué que l’exigence d’un fond ouvrant avait été ajoutée pour répondre à des préoccupations environnementales et non pour des motifs relatifs à la sécurité ou aux caractéristiques requises de la drague au plan de la navigabilité46.

71. Après avoir examiné tous les éléments de preuve, le Tribunal n’est donc pas convaincu que les besoins opérationnels du gouvernement justifiaient la limitation de l’appel d’offres aux fournisseurs pouvant offrir une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes munie d’un fond ouvrant.

72. En ce qui a trait à l’argument de TPSGC voulant que Marissa, au même titre que d’autres fournisseurs potentiels, n’avait qu’à investir pour munir un de ses navires d’un fond ouvrant pour pouvoir soumettre une proposition conforme, le Tribunal remarque que la définition du terme « obstacle » n’exige pas que l’obstacle au commerce en cause soit absolu mais qu’il suffit, théoriquement, qu’une mesure, qui ne constitue pas une exigence opérationnelle légitime, « gêne » l’accès au marché public pour qu’elle soit incompatible avec l’article 403 de l’ACI. À partir du moment où il n’a pas été établi qu’une exigence obligatoire d’un appel d’offre constitue un besoin opérationnel légitime, il importe peu que la mesure n’ait pas pour effet d’empêcher complètement un fournisseur potentiel de soumissionner. Un obstacle au commerce est créé dès que l’effet de la mesure est de gêner ou d’entraver l’accès égal aux marchés publics en imposant un fardeau injustifié à certains fournisseurs potentiels. En ce sens, une mesure qui défavorise, sans motifs opérationnels valables, un fournisseur potentiel en le forçant à se doter d’un équipement qu’il ne possède pas afin de pouvoir avoir accès à un marché public demeure une restriction partielle à l’accès au marché public et, donc, un obstacle au commerce intérieur.

73. À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut que l’exigence selon laquelle la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes requise doit obligatoirement être munie d’un fond ouvrant a pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur au sens de l’article 403 de l’ACI et, de ce fait, constitue une violation de l’obligation prévue à cet article.

L’exigence d’un fond ouvrant est-elle permise par l’article 404 de l’ACI?

74. Tel que mentionné précédemment, l’article 500 de l’ACI prévoit aussi l’application de l’article 404 aux mesures prévues dans le chapitre cinq. Ainsi, l’article 403 est assujetti à l’article 404, qui prévoit un moyen de défense pouvant être invoqué par une institution fédérale s’il est déterminé qu’une de ses mesures enfreint l’article 403.

75. L’article 404 (Objectifs légitimes) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Lorsqu’il est établi qu’une mesure est incompatible avec l’article 401, 402 ou 403, cette mesure est néanmoins permise par le présent accord si les conditions suivantes sont réunies :

a) la mesure a pour objet la réalisation d’un objectif légitime;

b) la mesure n’a pas pour effet d’entraver indûment l’accès des personnes, des produits, des services ou des investissements d’une Partie qui respectent cet objectif légitime;

c) la mesure ne restreint pas le commerce plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;

d) la mesure ne crée pas une restriction déguisée du commerce.

76. Il importe donc d’examiner si, dans les circonstances de la présente affaire, TPSGC peut justifier l’existence d’un obstacle au commerce intérieur en répondant aux conditions énumérées à l’article 404 de l’ACI.

77. Il est clair, compte tenu du libellé de l’article 404 de l’ACI, que toutes les conditions doivent être remplies pour qu’une mesure demeure permise même si elle est incompatible avec l’article 403. Il semble aussi clair que l’article 404 constitue une exception à l’obligation prévue à l’article 403 et que TPSGC assume le fardeau de démontrer que ces conditions sont satisfaites47.

78. Par conséquent, pour déterminer si l’exigence contestée qui est énoncée dans l’appel d’offres est permise en vertu de l’article 404 de l’ACI, le Tribunal doit d’abord déterminer si les éléments de preuve démontrent qu’il est satisfait aux quatre conditions énumérées.

Alinéa 404a) de l’ACI : la réalisation d’un objectif légitime

79. La première de ces conditions est que la mesure ait pour objet la réalisation d’un objectif légitime. L’article 200 de l’ACI définit « objectif légitime » comme l’un des objectifs suivants, poursuivis sur le territoire d’une partie :

a) la sécurité du public;

b) l’ordre public;

c) la protection de la vie ou de la santé des humains, des animaux ou des végétaux;

d) la protection de l’environnement;

e) la protection des consommateurs;

f) la protection de la santé, de la sécurité et du bien-être des travailleurs;

g) les programmes de promotion sociale à l’intention des groupes défavorisés,

compte tenu notamment, s’il y a lieu, des facteurs géographiques fondamentaux, dont les facteurs climatiques, des facteurs technologiques ou liés à l’infrastructure, ou des justifications scientifiques.

80. Le Tribunal remarque qu’il est clair que la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et divers règlements fédéraux en vigueur exigent qu’une évaluation environnementale soit réalisée avant l’exécution des travaux de dragages dans le secteur de la traverse du Nord48. En l’espèce, le rapport d’examen préalable préparé par Dessau constitue l’évaluation environnementale requise par la Loi. Conformément à ces exigences, ce rapport porte notamment sur les impacts environnementaux du projet et propose des solutions et des mesures préventives afin de minimiser les répercussions que ces travaux de dragage pourraient avoir sur l’environnement49. Dans le cadre de cet examen préalable et afin qu’il soit conforme aux lois et règlements applicables, Dessau a consulté le ministère de l’Environnement (ministère expert notamment en ce qui a trait à la gestion des sédiments dragués), le ministère des Transports, parce que la voie navigable du Saint-Laurent relève de la compétence de ce ministère, et le ministère des Pêches et des Océans, en raison de la perturbation potentielle de l’habitat du poisson que pourraient causer les travaux de dragage d’entretien.

81. TPSGC soutient que l’exigence d’un fond ouvrant a pour objet la réalisation des objectifs légitimes que sont le respect des lois et la protection de l’environnement puisque ce critère ne fait que mettre en œuvre les mesures préconisées par les experts de Dessau qui, compte tenu des contraintes environnementales, considèrent que la drague utilisée pour ces travaux doit être une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes munie d’un fond ouvrant. Pour sa part, Marissa soutient que rien dans le rapport d’examen préalable de Dessau ne lie expressément ou explicitement la mesure de protection environnementale pertinente et recommandée, à savoir le dépôt en masse des sédiments en eaux libres, et l’exigence obligatoire d’un fond ouvrant sur la drague utilisée pour déverser les sédiments.

82. Le Tribunal est d’avis que, pour que l’exigence obligatoire d’un fond ouvrant ait pour objet la réalisation des objectifs légitimes que sont la protection de la vie ou de la santé des animaux et des végétaux, l’alinéa c) de la définition d’« objectif légitime » à l’article 200 de l’ACI, et la protection de l’environnement, l’alinéa d), l’existence d’une relation factuelle ou d’une connexité étroite entre la mesure contestée de l’appel d’offres et les solutions contenues dans le rapport de Dessau, qui tiennent compte des contraintes environnementales du projet, doit être démontrée. Cette démonstration sera faite dans la mesure où il est établi que l’exigence obligatoire contestée peut raisonnablement être interprétée comme ayant pour objet la mise en œuvre des recommandations du rapport d’examen préalable.

83. Or, le rapport d’examen préalable réalisé par Dessau en 2010 établit clairement l’importance de l’utilisation du déversement massif comme technique de dépôt pour assurer l’atteinte des objectifs concernant la protection de l’environnement, de manière générale, ainsi que de la vie et de la santé des espèces animales (poissons) et végétales présentes dans l’espace marin concerné50. Toutefois, le rapport ne précise pas explicitement que cette technique de dépôt nécessite l’utilisation d’un fond ouvrant. TPSGC prétend que l’exigence du fond ouvrant est directement conséquente de la nécessité selon le rapport de procéder au dépôt des sédiments par la technique de la « descente en masse ».

84. Il doit être tenu pour acquis au départ que le Tribunal ne doit pas juger ici de la pertinence des considérations environnementales qui figurent dans le rapport d’examen préalable de Dessau et, plus particulièrement, de la nécessité, du point de vue environnemental, de disposer des sédiments accumulés en utilisant la méthode du dépôt massif. Cette question n’a d’ailleurs pas vraiment été contestée par les parties.

85. En effet, même si Marissa allègue que la drague qu’elle proposait était en mesure de répondre au préoccupations environnementales liées à la disposition des sédiments en les retirant complètement de l’eau pour être réutilisés en guise de matériaux de construction de routes, il ressort clairement du rapport de Dessau que le déplacement des sédiments en milieu terrestre n’est pas la solution recommandée en raison des effets potentiellement nuisibles de cette méthode de gestion des sédiments sur l’environnement51. Le rapport conclut plutôt qu’en raison « [...] des diverses contraintes environnementales, économiques et techniques, le dépôt en eaux libres des sédiments qui seront dragués [...] constitue la solution appropriée »52.

86. Marissa semble accepter cette recommandation. Ce qu’elle conteste au fond, c’est l’existence de la relation entre la méthode du dépôt en masse des sédiments en eaux libres et la nécessité, pour ce faire, d’utiliser une drague à fond ouvrant. Marissa prétend que le rapport d’examen préalable de Dessau ne fait aucune allusion à une telle exigence et que, de ce fait, l’exigence obligatoire du fond ouvrant ajoutée à l’appel d’offres ne peut donc être fondée sur des considérations liées au respect des lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, à la gestion des pêches et à la protection de l’habitat du poisson. Marissa soutient même que le rapport n’exclut pas d’autres alternatives que l’utilisation d’un fond ouvrant pour procéder au dépôt en eaux libres des sédiments dragués.

87. Tel que mentionné, l’absence de mention ou de référence de l’exigence d’un fond ouvrant dans le rapport d’examen préalable de Dessau est admise par TPSGC. Cependant, TPSGC soutient que, puisqu’il préconise l’utilisation d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes pour l’exécution des travaux dans le secteur de la traverse du Nord, l’utilisation de la méthode du dépôt en masse pour le déchargement des sédiments et, compte tenu du fait que des dragues à succion autoporteuse à élindes traînantes munies d’un fond ouvrant ont été historiquement utilisées dans le cadre de ce projet, le rapport de Dessau implique nécessairement, lorsqu’il indique que les sédiments de dragage peuvent être déposés avec une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes, que la drague en question doit être munie d’un fond ouvrant. Selon TPSGC, c’est là le seul type de drague qui a fait l’objet de considération et d’approbation en ce qui concerne ce secteur particulier.

88. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve démontrent de manière prépondérante qu’il existe bel et bien une relation de facto étroite entre la mesure contestée et les considérations environnementales contenues dans le rapport d’examen préalable de Dessau. Après avoir examiné avec soin le contenu de ce rapport, le Tribunal considère, comme TPSGC, qu’il y est implicite que la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes recommandée pour effectuer les travaux doit être munie d’un fond ouvrant afin de déverser les matériaux dragués. Rien dans les éléments de preuve ne permet au Tribunal de douter des affirmations des témoins de TPSGC selon lesquels l’exigence d’un fond ouvrant a été ajoutée afin de réaliser un objectif de protection de l’environnement et que, compte tenu de l’historique du dragage d’entretien dans le secteur de la traverse du Nord, il est raisonnable de conclure que lorsque le rapport d’examen préalable traite du dépôt des sédiments au moyen d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes, il réfère au dépôt au moyen d’un fond ouvrant53.

89. Les prétentions de TPSGC à cet égard sont étayées par le contenu du rapport de Dessau. La description du projet concernant les travaux de dragage d’entretien de la traverse du Nord contenue à la page 11 du rapport d’examen préalable de Dessau indique ce qui suit : « La deuxième période de dragage serait réalisée du 17 août au 10 octobre dans la Traverse du Nord [...]. Obligatoirement, c’est une drague à succion à élindes traînantes qui sera utilisée pour les travaux. Il serait extrêmement difficile (ou presque impossible) pour une drague à benne preneuse d’exécuter le dragage d’entretien de la Traverse du Nord » [nos italiques].

90. La section 2.1.5 de la partie descriptive du projet traite du type de dragues utilisées et précise aussi ce qui suit : « Une drague à succion à élindes traînantes a toujours été exigée et utilisée pour les dragages d’entretien dans la Traverse du Nord. »

91. La section 2.2 concerne les « alternatives et variantes de gestion des sédiments dragués ». Il y est précisé que, « [s]uivant les disponibilités, les besoins, les aptitudes et les contraintes du milieu ainsi que selon le degré de contamination, plusieurs scénarios de gestion peuvent être envisagés lorsqu’il s’agit de mettre en dépôt des sédiments dragués. Ils peuvent être déposés en eaux libres, en berge ou en milieu terrestre. Dans les trois cas, selon les niveaux de contamination des sédiments, il sera possible de les déposer de façon libre (sans mesures de protection ou de confinement), les confiner partiellement ou leur assurer un confinement hautement sécuritaire54. » On peut constater dans ce dernier passage que le mode de gestion des sédiments variera selon leur niveau de contamination.

92. Le dépôt en eaux libres constitue l’un des modes de gestion disponible. On précise ce qui suit à la section 2.2.1.1 du rapport d’examen préalable de Dessau, et ce, avant de conclure à la section 2.3 que ce mode de gestion constitue la solution appropriée : « Lors des opérations de dépôt des sédiments dragués, des mesures doivent être adoptées afin de limiter le plus possible l’augmentation de la concentration des matières en suspension55. » Il est aussi précisé que, dans le cas où des sites de mise en dépôt en eaux libres sont utilisés depuis un certains temps, comme c’est le cas pour la traverse du Nord, « [...] il est généralement préférable de poursuivre l’utilisation de ces sites déjà perturbés par de telles activités. Les sédiments de dragage peuvent être déposés directement à l’aide d’un pipeline, avec une barge ou encore avec une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes56. » Ce passage fait clairement une distinction entre différentes technologies de mise en dépôt. Ainsi l’utilisation d’un « pipeline », d’une barge ou d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes constitue des méthodes différentes de mise en dépôt. Ce passage indique de façon implicite que, dans l’esprit des auteurs du rapport, le déversement des sédiments au moyen d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes ne se fait pas en utilisant un « pipeline » ou un tuyau.

93. La section 2.3.1 du rapport d’examen préalable de Dessau indique que le choix précis de mise en dépôt a été effectué après considération de contraintes environnementales : « Tous les sites de mise en dépôt sont localisés à des endroits où les fonds ont été qualifiés de stables et où l’environnement est le moins affecté. Il appert de mentionner que depuis 2009, il n’est plus permis d’utiliser le site de mise en dépôt X-01 qui est situé au sud de l’île Madame dans la Traverse du Nord. C’est à la suite d’études [...] qui ont démontré que la mise en dépôt annuelle de sédiments à ce site diminuait la capacité de production d’une importante aire d’alimentation de juvéniles de l’esturgeon noir située plus en aval dans le chenal Saint-Thomas, que ce site a été abandonné. Ces mêmes études ont mené à restreindre également le volume total annuel des sédiments à déposer au site X-02 à 10 000 m3 [...]. Tous les autres sédiments qui sont dragués dans la voie navigable de la Traverse du Nord sont déposés dans le site de mise en dépôt X-03 (Sault-au-Cochon)57. »

94. La partie 3 du rapport d’examen préalable de Dessau traite expressément des considérations environnementales, de protection des animaux et des végétaux. La section 3.5.4 porte particulièrement sur ces considérations dans le secteur de la traverse du Nord.

95. La partie 4 du rapport d’examen préalable de Dessau porte sur les impacts environnementaux. La section 4.1.2.2 traite expressément des impacts de la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes. Elle indique ce qui suit : « Un programme de suivi intensif a été réalisé pendant les travaux de 1996 pendant le dragage de la Traverse du Nord [...]. Les résultats de cette campagne de suivi indiquent que l’utilisation d’une drague autoporteuse à élindes traînantes a très peu d’impact sur la qualité de l’eau, que ce soit lors du dragage ou lors de la mise en dépôt des sédiments en eaux libres58. » Ce passage indique clairement que l’historique récent démontre que ce type de drague a été utilisé et que des constats ont été faits quant à ses impacts sur le milieu marin dans le secteur de la traverse du Nord, que ce soit pour le dragage ou la mise en dépôt. Aucune référence n’est faite à aucun autre type de drague.

96. En se fondant sur ces constats, le rapport conclut que « [l]a remise en suspension occasionnée par les travaux de dragage sera donc relativement faible et circonscrite. On peut donc juger les impacts sur la qualité de l’eau comme mineurs59. » Il semble évident dans cette section que le constat des impacts sur l’environnement dans le secteur de la traverse du Nord est lié à l’utilisation de la drague à succion autoporteuse à élindes traînantes seulement, tant en ce qui concerne le dragage que la mise en dépôt.

97. La section 4.2 du rapport d’examen préalable de Dessau traite des impacts de la mise en dépôt en eaux libres et la section 4.2.3 parle de l’impact sur la qualité de l’eau. On y explique assez clairement que la « descente en masse »60 est la méthode de mise en eaux libres qui a fait l’objet des études considérées dans le rapport. La méthode fait l’objet d’une description ainsi que d’un schéma qui montre les différentes étapes et phases de l’exécution de cette méthode. Le schéma (figure 2) montre un déchargement de la drague par le fond, suggérant par là l’idée que la drague possède un fond ouvrant61. Le Tribunal remarque également que cette illustration ne montre pas un déversement au moyen d’un tuyau, d’une trompe ou d’un « pipeline ».

98. En soi, ce qui précède ne permet pas au Tribunal de conclure nécessairement que seul ce type d’équipement a fait l’objet de l’étude, mais le Tribunal doit dire qu’il s’agit d’une forte indication en ce sens lorsque l’ensemble des éléments précédents est pris en considération.

99. Cependant, l’élément déterminant à cet égard est sans contredit la lettre62 de Dessau du 23 février 2011, déposée avec le RIF, qui indique très clairement que des études techniques supplémentaires doivent être entreprises si une autre méthode de déversement devait être envisagée. La lettre indique ce qui suit : « Ainsi, advenant le cas où un autre mode de mise en dépôt des sédiments était utilisé, remplaçant ainsi l’utilisation d’un fond ouvrant, il s’avérerait nécessaire de modifier le rapport d’examen préalable en fonction de cette nouvelle installation. En effet, comme le rapport d’examen préalable évalue les impacts de la mise en dépôt des sédiments en eaux libres à partir d’une installation à fond ouvrant, il sera obligatoirement nécessaire de revoir l’ensemble de cette analyse. Cette nouvelle analyse devra être basée sur une revue complète de la littérature existante, en plus de conclusions tirées d’études techniques réalisées dans différents domaines (courantométrie, dynamique hydrosédimentaire, régime marégraphique, etc.) et propres au secteur visé par les travaux, permettant de déterminer précisément le mode de dispersion des sédiments lors de l’utilisation d’une conduite ou d’un pipeline. »

100. En se fondant sur le contenu de cette lettre, le Tribunal conclut que l’analyse des impacts environnementaux de l’utilisation de la méthode de mise en dépôt des sédiments en eaux libres a été faite, en ce qui concerne le secteur de la traverse du Nord, en ne tenant compte que de l’utilisation d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes munie d’un fond ouvrant. Ainsi, à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve examinés précédemment, il est clair qu’il existe une forte relation factuelle entre l’objectif du respect des lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, à la gestion des pêches et à la protection de l’habitat du poisson et l’exigence d’utiliser une drague à fond ouvrant pour effectuer les travaux. En fait, la mesure contestée ne fait que reprendre une exigence jugée acceptable sur le plan environnemental par Dessau.

101. Autrement dit, il ressort des éléments de preuve que l’objectif poursuivi par la mesure était d’assurer la mise en place des mesures de protection et de prévention prévues dans le rapport d’examen préalable de Dessau. Le Tribunal est donc convaincu que l’exigence d’un fond ouvrant visait la poursuite des objectifs légitimes mentionnés aux alinéas c) et d) de la définition d’« objectif légitime » à l’article 200 de l’ACI. Par conséquent, le Tribunal conclut que la mesure « a pour objet la réalisation d’un objectif légitime » au sens de l’alinéa 404a) et que la première condition d’application de l’article 404 est remplie.

Alinéa 404b) de l’ACI : absence d’entraves indues

102. L’alinéa 404b) de l’ACI prévoit la deuxième condition d’application de l’article 404. Pour que cette condition soit remplie, TPSGC doit démontrer que « la mesure n’a pas pour effet d’entraver indûment l’accès des personnes, des produits, des services ou des investissements d’une Partie qui respectent cet objectif légitime ». Cette condition indique clairement au Tribunal qu’il doit examiner, en l’espèce, si l’effet de la mesure contestée est d’entraver « indûment » l’accès des personnes (fournisseurs potentiels) ou de certains services au marché public en question63.

103. Dans Port Weller Dry Docks, le Tribunal a affirmé que « [...] la condition énoncée à l’alinéa 404b) de l’ACI doit être interprétée en tant que sauvegarde contre l’établissement d’une mesure restrictive qui entraîne un effet excessif »64. Selon le Tribunal, pour respecter la deuxième condition, la mesure contestée ne doit pas avoir pour effet d’entraver indûment la participation à la procédure de passation du marché public d’un soumissionnaire qui peut atteindre les objectifs de protection de l’environnement ciblés ou à ses services. Autrement dit, même s’il est entendu qu’une mesure ayant pour objet la réalisation d’un objectif légitime peut avoir pour effet de restreindre la participation d’un soumissionnaire à une telle procédure, il faut toutefois qu’elle permette la participation des soumissionnaires potentiels dont les services respectent cet objectif légitime. Sinon, la mesure se trouverait à restreindre de façon excessive la participation à un marché public et constituerait ainsi une entrave indue au commerce intérieur. Il convient donc d’examiner si la mesure contestée a pour effet d’écarter la participation au marché public des soumissionnaires pouvant respecter l’objectif légitime du gouvernement.

104. Dans le cas qui nous occupe, afin de remplir la deuxième condition de l’article 404 de l’ACI, le critère obligatoire de l’utilisation d’une drague munie d’un fond ouvrant ne doit donc pas entraver l’accès au marché public des personnes ou des services d’une partie qui respectent les objectifs légitimes que vise la mesure. Bref, la question est de savoir si la solution proposée par Marissa pour effectuer les travaux de dragage dans le secteur de la traverse du Nord respecte les objectifs légitimes susmentionnés. En effet, s’il est démontré que cette offre de services, qui ne comporte pas l’utilisation d’une drague munie d’un fond ouvrant, permettrait au gouvernement d’atteindre ses objectifs légitimes de protection de l’environnement, il faudrait conclure que la mesure contestée constitue une entrave indue au sens de l’alinéa 404b).

105. Or, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que la méthode de déversement des sédiments dragués proposée par Marissa respecte les objectifs légitimes du gouvernement. En effet, les experts de Dessau et de CJB Environnement Inc. ont affirmé que des études techniques supplémentaires devraient être effectuées pour mesurer les impacts environnementaux si une conduite ou un « pipeline » était utilisé pour déverser les sédiments. Ils ont aussi indiqué qu’il serait nécessaire de revoir et de modifier le rapport d’examen préalable dans le cas de l’utilisation de cette nouvelle méthode65. De plus, comme l’a remarqué TPSGC, même la lettre de M. Villeneuve, déposée par Marissa, laisse entendre que les effets sur l’environnement de la méthode de rejet que propose cette dernière sont incertains. La lettre n’indique pas non plus de manière concluante que le mode de rejet en question ne serait pas dommageable ou ne poserait pas de risque accru pour l’environnement66.

106. Par ailleurs, lors de l’audience, les témoins de Marissa ont admis que le mode de déversement des sédiments proposé n’avait jamais été véritablement étudié au Canada et ont été incapables d’appuyer sur des sources reconnues leur affirmation selon laquelle cette méthode respecte les normes environnementales pertinentes67. Ainsi, le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure que les effets sur l’environnement de la méthode proposée par Marissa sont inconnus et n’ont jamais vraiment été évalués. Or, afin de respecter les objectifs de protection de l’environnement ciblés par le gouvernement, la méthode de déversement proposée par Marissa doit avoir été jugée acceptable sur le plan des impacts environnementaux, ou équivalente au rejet des sédiments au moyen d’un fond ouvrant, ce qui n’est manifestement pas le cas.

107. Par conséquent, en ne permettant pas à Marissa et aux services de dragage qu’elle propose d’avoir accès au marché public, en exigeant une drague munie d’un fond ouvrant, la mesure contestée n’a pas pour effet « d’entraver indûment l’accès des personnes [...] [ou] des services [...] d’une Partie qui respectent cet objectif légitime ». Puisque les éléments de preuve ne démontrent pas que l’accès d’autres personnes ou de services qui respectent cet objectif légitime a été entravé par la mesure contesté, le Tribunal conclut que la deuxième condition d’application de l’article 404 de l’ACI est remplie.

Alinéa 404c) de l’ACI : nécessité de la mesure pour réaliser l’objectif légitime

108. L’alinéa 404c) de l’ACI prévoit ce qui suit : « la mesure ne restreint pas le commerce plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime ». Ce libellé indique clairement que l’alinéa 404c) vise l’examen des effets de la mesure sur le commerce. Toutefois, à la différence de la condition de l’alinéa 404b), la question n’est pas de savoir si la mesure entrave l’accès au marché public des personnes, des produits, des services ou des investissements qui respectent l’objectif légitime visé, mais bien d’examiner si, afin de réaliser cet objectif légitime, il était nécessaire pour le gouvernement de restreindre autant le commerce. Autrement dit, afin de satisfaire à la condition énoncée à l’article 404c), la mesure ne peut avoir une portée plus vaste qu’il n’est nécessaire pour réaliser l’objectif légitime.

109. Le Tribunal est d’avis qu’il ne faut pas confondre l’objet des différentes conditions prévues aux alinéas 404b) et 404c) de l’ACI, qui impliquent toutes les deux un examen des effets de la mesure, puisqu’il est raisonnable de croire que les parties à l’ACI n’entendaient pas rendre ces conditions redondantes. Le Tribunal interprète donc l’alinéa 404c) de manière à éviter un possible chevauchement entre ces deux conditions.

110. Le Tribunal a précédemment donné un aperçu de son interprétation de l’alinéa 404c) de l’ACI. Dans Port Weller Dry Docks, il a en effet affirmé que le critère de l’alinéa 404c) ressemble à celui de la nécessité de la « restriction au commerce » de l’article XX du GATT 1947 au sujet duquel le groupe spécial, dans États-Unis, L’article 337 de la Loi douanière de 1930, a déclaré ce qui suit :

Il était clair pour le Groupe spécial qu’une partie contractante ne peut justifier une mesure incompatible avec une autre disposition de l’Accord général en la déclarant « nécessaire » au sens de l’article XX d) si elle dispose d’une autre mesure dont on pourrait attendre raisonnablement qu’elle l’emploie et qui n’est pas incompatible avec d’autres dispositions de l’Accord général. De même, dans les cas où une mesure compatible avec d’autres dispositions de l’Accord général n’est pas raisonnablement disponible, une partie contractante a l’obligation d’utiliser, parmi les mesures dont elle dispose raisonnablement, celle qui comporte le moindre degré d’incompatibilité avec les autres dispositions de l’Accord général68.

111. Dans Communautés Européennes, Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant69, l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce a indiqué qu’afin de déterminer si une mesure était « nécessaire » au sens de l’Article XX du GATT 1947, il convenait d’examiner si une mesure de rechange était raisonnablement disponible et si cette autre mesure permettait d’atteindre le même objectif tout en ayant un effet moins restrictif sur les échanges commerciaux.

112. Le Tribunal doit donc examiner l’effet de la mesure contestée en l’espèce et s’interroger à savoir si ces effets sont nécessaires, c’est-à-dire s’il existe une autre mesure, moins restrictive pour le commerce, qui permettrait de réaliser l’objectif légitime du gouvernement.

113. À cet égard, il importe de mentionner que Marissa n’a fait aucune représentation à cet égard. L’argument de Marissa se limite à dire que l’exigence n’était pas nécessaire et que ces effets qui sont d’interdire à Marissa l’accès au marché public sont excessifs compte tenu qu’il n’est prévu au rapport d’examen préalable de Dessau aucune exigence concernant un fond ouvrant. La conséquence logique de cet argument est qu’il n’était pas nécessaire d’exiger cette caractéristique obligatoire, à savoir que la drague soit équipée d’un fond ouvrant, afin de réaliser l’objectif légitime du gouvernement.

114. Quant à TPSGC, il soutient que la mesure contestée n’a presque aucun effet sur le commerce puisque le nombre de soumissions reçues en réponse à l’appel d’offres démontre un niveau de concurrence qui ne s’était jamais vu auparavant et que la portée de la mesure se limite à empêcher des travaux de dragage dont l’effet sur l’environnement est incertain. Compte tenu des positions respectives des parties, est-ce que ce niveau de restriction est plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser l’objectif du respect des lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, à la gestion des pêches et à la protection de l’habitat du poisson?

115. Cette question doit être déterminée en tenant compte du contexte factuel déjà considéré. Les travaux de dragage ne peuvent avoir lieu sans qu’il n’y ait eu d’évaluation environnementale des impacts des travaux projetés. L’idée étant que le rapport d’évaluation doit fournir les mesures protectrices requises aux fins de la protection de l’environnement dans le milieu concerné qui, dans notre cas, est le secteur de la traverse du Nord, que TPSGC doit mettre en œuvre par le biais des exigences de l’appel d’offres. Bref, les conditions obligatoires de l’appel d’offres peuvent et même doivent tenir compte des contraintes environnementales pertinentes.

116. Le rapport d’examen préalable de Dessau a été fait en tenant compte des données accumulées lors des années antérieures. Comme il a été établi, les mesures protectrices prévoyaient implicitement l’utilisation d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes avec fond ouvrant. La lettre de Dessau du 23 février 2011 indique que tout autre mode de déversement que celui ayant fait l’objet de l’étude devrait faire l’objet d’une étude préalable aux travaux. La compréhension du Tribunal du cadre réglementaire applicable à ce sujet est aussi que tout autre mode de déversement devrait être assujetti à une telle étude. Autrement dit, l’étude qui permet que les travaux soient faits pour la période visée par l’appel d’offres n’approuve aucun autre mode de déversement que celui effectué au moyen d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes munie d’un fond ouvrant. L’utilisation de ce type de drague est donc le seul moyen par lequel, à ce stade-ci, TPSGC peut assurer l’exécution du service de dragage dans la période requise tout en réalisant l’objectif du respect des lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, à la gestion des pêches et à la protection de l’habitat du poisson.

117. Le Tribunal n’a aucun motif de douter des prétentions de Marissa selon lesquelles la méthode de dépôt des sédiments qu’elle propose respecte le même niveau d’exigence en termes de protection environnementale. Cependant, cette méthode n’a pas fait l’objet d’une évaluation au sens de la loi applicable. Le Tribunal ne peut donc être influencé par les représentations de Marissa à cet égard aux fins de sa décision. La question de la nécessité de la mesure et de l’existence d’une autre mesure qui permette d’atteindre les résultats recherchés ne peut être décidée sans tenir compte de la nécessité de mesurer les impacts environnementaux potentiels d’une telle mesure de rechange. C’est là tout le cœur de l’affaire sur cette question. Or, les éléments de preuve prépondérants devant le Tribunal indiquent que ces impacts sont inconnus. Dès lors, le Tribunal ne peut conclure que la méthode de rejet proposée par Marissa permet l’atteinte des objectifs légitimes du gouvernement.

118. Il ressort donc des éléments de preuve et de l’ensemble des faits qui ont été pris en compte précédemment qu’il n’existe pas d’autre mesure que celle d’un fond ouvrant pour permettre à TPSGC de réaliser ses objectifs légitimes, puisque aucune n’a fait l’objet d’une évaluation environnementale. Bien que théoriquement possible, la méthode suggérée par Marissa ne constitue pas une méthode possible et acceptable compte tenu des restrictions législatives dont TPSGC devait tenir compte et du fait qu’il a été établi devant le Tribunal que cette méthode de déversement pourrait avoir des répercussions sur l’environnement qui vont au-delà des impacts que les rapports d’examen préalables de Dessau et de CJB Environnement Inc. ont jugé acceptables. Le Tribunal ne peut pas non plus reprocher à TPSGC de ne pas avoir commandé d’études environnementales supplémentaires afin de faire valider, au regard de ses objectifs légitimes, la méthode proposée par Marissa, puisqu’il s’agit, de l’aveu même de Marissa, d’une solution « avant-gardiste »70 qui n’avait jamais été envisagée dans le cadre du dragage d’entretien de la traverse du Nord. De plus, le Tribunal accepte les arguments de TPSGC selon lesquels l’échéancier entre le moment de la diffusion de l’appel d’offres et le début des projets ne permettait pas une nouvelle évaluation environnementale. Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que l’interprétation de TPSGC de ses obligations aux termes des dispositions législatives et réglementaires applicables était raisonnable dans les circonstances.

119. Conséquemment, le Tribunal conclut que l’exigence d’un fond ouvrant ne restreint pas l’accès au marché public concerné par l’appel d’offres plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser l’objectif légitime au sens de l’alinéa 404c) de l’ACI. Cette mesure ne fait qu’assurer au gouvernement que les travaux de dragage seront effectués selon une méthode éprouvée, dont les effets sur l’environnement sont connus et jugés acceptables. TPSGC a donc veillé à ce que la mesure ne restreigne pas le commerce plus que nécessaire. La troisième condition pour l’application de l’article 404 est donc satisfaite.

Alinéa 404d) de l’ACI : pas de restriction déguisée au commerce

120. L’alinéa 404d) de l’ACI prévoit que « la mesure ne crée pas une restriction déguisée du commerce. »

121. Cette condition vise à déterminer si la mesure concernée crée, sans que cela ne soit évident ou apparent de prime abord, une restriction au commerce. L’idée d’une restriction non apparente ou cachée au commerce est au cœur de cette disposition.

122. Le Tribunal n’a aucune difficulté à affirmer que la mesure contestée était évidente à première vue à la lecture du contenu de l’appel d’offres et était donc transparente. La confirmation la plus évidente de ce fait est la rapidité avec laquelle Marissa a communiqué avec TPSGC pour discuter de la nécessité de cette exigence et lui demander de l’éliminer. Ceci indique clairement que la restriction était évidente et n’était pas une mesure déguisée. Le libellé de l’exigence indique immédiatement la portée de ses effets, c’est-à-dire de limiter l’accès à l’appel d’offres aux soumissionnaires en mesure d’effectuer les travaux de dragage au moyen d’une drague munie d’un fond ouvrant. En ce sens, il ne peut y avoir de « restriction déguisée du commerce » en l’espèce.

123. TPSGC soutient que lors de consultations avec l’industrie en septembre 2010, personne ne l’avait contacté pour proposer un autre mode de rejet de sédiments. D’après TPSGC, si cela avait été fait, la méthode proposée par Marissa aurait pu être considérée en temps opportun. Marissa allègue que la non-inclusion du critère obligatoire au moment de la publication de l’avis d’avant-projet dénotait une intention de cacher les intentions véritables de TPSGC. Marissa soutient qu’elle ne pouvait répondre à l’avis d’avant-projet puisqu’elle ne savait pas que cette importante restriction serait ajoutée dans l’appel d’offres. Le Tribunal est d’avis qu’aucun élément de preuve n’appuie l’allégation selon laquelle TPSGC avait une intention particulière ou malveillante en omettant ce critère lors de la publication de l’avis d’avant-projet. D’une manière similaire, le Tribunal estime dénuée de fondement l’allégation de Marissa selon laquelle TPSGC a délibérément produit des renseignements trompeurs lorsqu’il a diffusé son avis d’avant-projet.

124. Le Tribunal remarque aussi que, bien que cela ait été souhaitable, TPSGC n’avait aucune obligation d’inclure la mention de ce critère à cette étape du processus. L’objectif de cet avis n’était que d’informer l’industrie du dragage de la stratégie d’approvisionnement élaborée par TPSGC et la GCC afin de faire exécuter les travaux de dragage d’entretien. Cet avis ne visait clairement pas à décrire en détail les exigences obligatoires de l’appel d’offres. Donc, ce sont les dispositions de l’appel d’offres qui doivent être examinées afin de déterminer si la mesure crée une restriction déguisée au commerce et, en cas d’incompatibilité entre l’appel d’offres et l’avis d’avant-projet, c’est l’appel d’offres qui doit primer.

125. La quatrième condition d’application de l’exception prévue à l’article 404 de l’ACI est donc satisfaite.

126. Le Tribunal conclut que bien que la mesure contestée a pour effet de créer un obstacle au commerce en violation de l’article 403 de l’ACI, elle est néanmoins permise puisque les conditions applicables en vertu de l’article 404 (Objectifs légitimes) sont réunies.

127. Le Tribunal juge aussi approprié de réitérer les limites de la portée de sa décision concernant l’article 403 de l’ACI. Le Tribunal tient à préciser qu’il n’entend pas signaler par la présente décision que toute mesure ayant pour effet de limiter l’accès aux marchés publics visés par le chapitre cinq devient automatiquement un obstacle au commerce et que TPSGC devra dans chaque marché public justifier cette mesure aux termes de l’article 404. Il ne doit pas y avoir de chevauchement entre les disciplines particulières et générales prévues au chapitre cinq. La définition d’obstacle au commerce de l’article 403 est tellement large qu’il pourrait théoriquement embrasser toute espèce de description de produits ou services qui a pour effet de limiter la nature du bien ou du service visé par le marché public. Le chapitre cinq contient des disciplines précises qui s’appliquent en de telles circonstances, comme celles sur la non discrimination (article 504) ou sur les conditions particulières aux produits et services applicables aux marchés publics (article 506). Dans l’abstrait, il apparaît déraisonnable qu’une mesure qui respecterait les exigences de ces disciplines précises puisse être assujettie aux disciplines plus générales de l’article 403 sous le même chef et pour les mêmes effets reprochés. Le Tribunal est d’avis qu’un tel chevauchement dans les disciplines ne saurait exister. Ce sont les faits particuliers d’une affaire, et en particulier les besoins opérationnels légitimes des entités acheteuses, qui permettent au Tribunal de préciser les champs respectifs d’application des disciplines particulières et générales du chapitre cinq, au cas par cas, compte tenu des circonstances particulières d’une plainte.

L’exigence d’un fond ouvrant est-elle discriminatoire au sens de l’article 504 de l’ACI?

128. Les paragraphes 504(1) et 504(2) de l’ACI interdisent d’une façon générale l’exercice de la discrimination entre les services et les fournisseurs dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public. Le paragraphe 504(3) fournit des exemples de mesures incompatibles avec les paragraphes 504(1) et 504(2) et prévoit notamment ce qui suit :

3. Sauf disposition contraire du présent chapitre, sont comprises parmi les mesures incompatibles avec les paragraphes 1 et 2 :

[...]

b) la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser des produits ou services donnés, y compris des produits ou services inclus dans des marchés de construction, soit à favoriser ou à défavoriser des fournisseurs de tels produits ou services, en vue de se soustraire aux obligations prévues par le présent chapitre;

129. Dans la mesure où Marissa plaide que TPSGC a été discriminatoire à son égard ou à l’égard de ses services en ajoutant le critère exigeant l’utilisation d’une drague à fond ouvrant, le Tribunal estime que cette allégation est dénuée de fondement. En effet, les affirmations de Marissa à cet égard ne sont pas corroborées par les éléments de preuve. En effet, contrairement aux prétentions de Marissa, les éléments de preuve ne démontrent pas que les responsables de TPSGC connaissaient les caractéristiques du navire que Marissa entendait proposer et qu’ils ont rédigé les spécifications techniques dans le but de défavoriser Marissa ou de l’empêcher de déposer une proposition recevable. Au contraire, les témoins de TPSGC ont affirmé à l’audience que ce n’est qu’après avoir diffusé l’appel d’offres qu’ils ont appris que le navire de Marissa n’avait pas de fond ouvrant et avaient peu de connaissance concernant le projet de Marissa au moment de préparer l’appel d’offres. Le Tribunal conclut donc qu’il n’a pas été établi que l’exigence en question avait été ajoutée en vue d’éliminer Marissa du processus et que TPSGC a été discriminatoire à l’endroit de Marissa ou de ses services.

130. De toute façon, même si cela avait été le cas, l’article 504 de l’ACI est assujetti à l’article 404 et, tel que mentionné précédemment, le Tribunal est convaincu que les conditions d’application de l’article 404 sont réunies en l’espèce. Par conséquent, même si la mesure était incompatible avec l’article 504, elle demeurerait permise par l’ACI en vertu de l’article 404.

131. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal est d’avis que l’exigence d’une drague à succion autoporteuse à élindes traînantes avec fond ouvrant satisfait aux conditions prévues à l’article 404 de l’ACI et est donc autorisée en vertu de l’ACI. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

Frais

132. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.

133. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

134. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au plus haut degré prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 3). La complexité du marché public était élevée puisqu’il visait une installation complexe et des services spécialisés. Le Tribunal conclut que la complexité de la plainte était élevée puisque celle-ci portait sur une allégation selon laquelle une spécification était trop restrictive, dont l’examen a nécessité la prise en compte d’un cadre législatif et d’études environnementales complexes. Enfin, la complexité de la procédure était élevée puisque le Tribunal a permis aux parties de présenter des renseignements supplémentaires allant au-delà de l’échange d’information habituel dans le cadre des enquêtes du Tribunal. De plus, la procédure a exigé le recours au délai de 135 jours pour déterminer la validité de la plainte et il y a eu une audience publique.

135. Par conséquent, conformément à la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 4 100 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

136. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

137. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Marissa. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal se situe au degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

3 . Plainte à la p. 4, para. 18.

4 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

5 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

6 . TPSGC a initialement indiqué que l’information contenue dans sa lettre du 30 mars 2011 était de nature confidentielle. Toutefois, lors de l’audience publique, les témoins de TPSGC de même que son procureur ont affirmé que TPSGC avait reçu cinq soumissions et que quatre d’entre elles proposaient un équipement muni d’un fond ouvrant. Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 77, 103, 190-193; représentations additionnelles de TPSGC, pièce PR-2010-086-31 à la p. 7, para. 20.

7 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

8 . RIF, onglet L.

9 . L.C. 1992, c. 37.

10 . Marissa prétend notamment que l’un de ces avantages serait de ne pas rejeter les matériaux dragués dans le fleuve Saint-Laurent (ailleurs que dans la voie navigable), mais de les retirer complètement de l’eau pour être réutilisés en guise de matériaux de construction de route.

11 . Plainte, pièce P-5.

12 . RIF, onglet D.

13 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 150-157.

14 . Commentaires de Marissa sur le RIF au para. 15.

15 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 161-163, 169-170.

16 . RIF au para. 37.

17 . RIF au para. 42.

18 . RIF, onglet D aux pp. 85, 86.

19 . Plainte déposée par Computer Talk Technology, Inc. (26 février 2001), PR-2000-037 (TCCE) à la p. 11.

20 . RIF, onglet D.

21 . RIF, onglet L.

22 . Représentations additionnelles de TPSGC au para. 6.

23 . RIF, onglet H.

24 . RIF, onglet I.

25 . Pièce du Tribunal PR-2010-086-28.

26 . En français, « Clause d’outillage flottant ». La FPC oblige le gouvernement canadien à octroyer des contrats de dragage à des firmes utilisant des équipements fabriqués au Canada. Si l’outillage flottant est de fabrication étrangère, celui-ci peut être accepté à condition qu’il soit de propriété canadienne depuis au moins un an et ait fait l’objet de modifications par un chantier maritime canadien pour une valeur supérieure à son prix d’acquisition. TPSGC soutient que suite à l’appel d’offres de 2008 qui dénotait une non-disponibilité de dragues conformes à la FPC, le Cabinet avait approuvé en mai 2009 une dérogation à la FPC pour une période de trois ans, soit pour les travaux des années 2009 à 2011. Selon TPSGC, les dragages de 2009 et 2010 furent donc réalisés à l’aide d’une drague de propriété étrangère, non conforme à la FPC. TPSGC soutient que, puisque la dérogation à la FPC obtenue au printemps 2009 arrivait à échéance en 2011, il avait estimé, en consultation avec l’industrie, qu’il fallait accorder aux entrepreneurs un délai de 18 mois pour qu’ils aient un équipement canadien disponible au mois d’août 2012. TPSGC soumet que c’est pour cette raison qu’il était nécessaire d’accorder le contrat pour les travaux à partir de 2012 le plus tôt possible et que l’échéancier ne permettait pas une nouvelle évaluation environnementale.

27 . Plainte déposée par Port Weller Dry Docks, a Division of Canadian Shipbuilding & Engineering Ltd. (14 juillet 2003), PR-2003-007 (TCCE) à la p. 9 [Port Weller Dry Docks].

28 . RIF au para. 53.

29 . 2007 CAF 89 au para. 7 [Trust Business Systems].

30 . L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), l’Accord sur les marchés publics (AMP), l’Accord de libre-échange Canada-Chili (ALÉCC) et l’Accord de libre-échange Canada-Pérou (ALÉCP) ne s’appliquent pas au présent marché public. Les services de construction relatifs aux marchés de dragage sont exclus de la portée du chapitre 10 (para. 1 de la section B de l’annexe 1001.1b-3) de l’ALÉNA, de l’article VI (note 1 de l’annexe 5) de l’AMP, de l’article Kbis-07 (para. 1 de la section B de l’annexe Kbis-01.1-5) de l’ALÉCC et du chapitre 14 (para. 1 de la section B de l’annexe 1401.1-5) de l’ALÉCP.

31 . Article 501, « Objet ».

32 . L’article 500 de l’ACI stipule ce qui suit :

[...]

2. Il est entendu que les articles 400 (Application), 402 (Droit d’entrée et de sortie), 403 (Absence d’obstacles), 404 (Objectifs légitimes) et 405 (Conciliation) s’appliquent au présent chapitre.

3. Pour l’application de l’article 504, le renvoi à l’article 401, dans l’article 404 (Objectifs légitimes), constitue un renvoi à l’article 504.

33 . Bien que la plainte ne contienne pas une allégation explicite que la mesure contestée est incompatible avec l’article 504 de l’ACI, le Tribunal remarque que Marissa a soutenu que l’exigence obligatoire d’un fond ouvrant à été ajoutée en vue de l’empêcher de soumissionner et visait ainsi à la défavoriser. Marissa a également soutenu que cette mesure avait pour effet de rendre inapte son navire et de l’exclure de la procédure du marché public.

34 . (1969) 1155 R.T.N.U. 331, entré en vigueur le 27 janvier 1980.

35 . Re plainte déposée par Georgian College of Applied Arts and Technology (3 novembre 2003), PR-2001-067R (TCCE) à la p. 4.

36 . 2009, s.v. « obstacle ».

37 . Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), 2009 CSC 50, [2009] 3 RCS 309 au para. 25.

38 . Re plainte déposée par Inforex Inc. (24 mai 2007), PR-2007-019 (TCCE); Re plainte déposée par FLIR Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE); Re plainte déposée par Aviva Solutions Inc. (29 avril 2002), PR-2001-049 (TCCE).

39 . Re plainte déposée par Eurodata Support Services Inc. (30 juillet 2001), PR-2000-078 (TCCE); Re plainte déposée par Bajai Inc. (7 juillet 2003), PR-2003-001 (TCCE).

40 . Re plainte déposée par CAE Inc. (7 septembre 2004), PR-2004-008 (TCCE).

41 . [2010] J.C.F. no 948.

42 . Re plainte déposée par Foundry Networks Inc. (12 mars 2002), PR-2001-048 (TCCE) à la p. 11.

43 . RIF, onglets E, F et G.

44 . Re plainte déposée par Métro Excavation inc. et Entreprise Marissa inc. (5 novembre 1999), PR-99-016 (TCCE).

45 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 18-25, 41-48.

46 . Ibid. aux pp. 132-133.

47 . Trust Business Systems à la p. 14.

48 . Le contexte législatif et le cadre juridique entourant ces opérations de dragage sont décrits aux pages 10-11 du RIF. Marissa admet qu’il est obligatoire pour la GCC, promoteur du projet de dragage d’entretien du fleuve Saint-Laurent, de faire réaliser une évaluation environnementale avant que les travaux ne soient entamés. En vertu des dispositions règlementaires pertinentes, la GCC doit consulter les autorités fédérales pouvant avoir une attribution législative ou règlementaire désignée ou être une autorité fédérale experte dans le cadre du projet.

49 . RIF, onglet D.

50 . RIF, onglet D à la p. 85, section 4.2.3.

51 . RIF, onglet D à la p. 25.

52 . Ibid. à la p. 29.

53 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 133-138.

54 . RIF, onglet D à la p. 18.

55 . Ibid. à la p. 18.

56 . Ibid. à la p. 19.

57 . Ibid. à la p. 29.

58 . Ibid. à la p. 77.

59 . Ibid. à la p. 78.

60 . Ibid. à la p. 85.

61 . Ibid. à la p. 86.

62 . RIF, onglet H.

63 . L’accès des « produits » ou des « investissements » n’est pas en cause dans le cas qui nous occupe.

64 . À la p. 8.

65 . RIF, onglets H, I.

66 . Pièce PR-2010-086-28.

67 . Transcription de l’audience publique, 20 avril 2011, aux pp. 58-60.

68 . 7 novembre 1989, IBDD S36/345 au para. 5.26.

69 . CE — Amiante, WT/DS135/AB/R, rapport de l’Organe d’appel adopté le 5 avril 2001 au para. 172.

70 . Plainte, pièce P-3 à la p. 3.