CARDINAL INDUSTRIAL ELECTRONICS LTD.

Décisions


CARDINAL INDUSTRIAL ELECTRONICS LTD.
N° du greffe de la Commission: E90PRF66W9-021-0009

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Cardinal Industrial Electronics Ltd. du 10630 - 172e rue Edmonton (Alberta)

N° du greffe de la Commission: E90PRF66W9-021-0009

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

23 août 1990

DÉCISION DE LA COMMISSION

Il s'agit en l'espèce d'une plainte concernant un contrat conclu avec Sa Majesté la Reine, représentée par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), le 8 juin 1990. Ce contrat, d'une valeur de 100 762,50 $, a été accordé à la compagnie Patlon Aircraft and Industries Ltd. (Patlon) de Mississauga (Ontario) pour la fourniture de 750 [TRADUCTION] "trousses de mise à la terre pour postes de travail" à divers dépôts d'approvisionnement des Forces canadiennes.

Ces trousses servent aux techniciens qui assemblent ou réparent du matériel et des pièces électroniques délicats susceptibles d'être endommagés par des décharges d'électricité statique qui peuvent se constituer au cours de la manutention. La trousse de mise à la terre a pour objet de réduire à zéro les charges d'électricité statique et de les y maintenir, selon les besoins. Elle comprend cinq parties : un tapis de table, un tapis de plancher, une corde électrique distincte pour chacun des tapis et un bracelet de poignet pour l'opérateur.

La plaignante est la compagnie Cardinal Industrial Electronics Ltd. (Cardinal) d'Edmonton (Alberta), l'un des 16 fournisseurs soumissionnaires. Elle allègue que l'évaluation de sa soumission a été insatisfaisante, celle-ci n'ayant pas reconnu que le produit offert était un "succédané équivalent" pour les produits mentionnés dans la Demande de proposition (DDP) et que si l'évaluation avait reconnu ce fait, elle aurait obtenu le contrat puisqu'elle était le soumissionnaire le moins-disant. Cardinal demande que le contrat soit annulé et lui soit adjugé.

L'achat a été annoncé par la voie d'un avis de projet de marché (APM) publié dans le numéro du 28 février 1990 dans la section GATT/ AL-É de la publication intitulée "Marchés publics", et portant le code d'appel "F-01", ce qui signifiait que les autorités acheteuses estimaient que l'avis entraînerait la passation d'un contrat visé par l'AL-É (dont la valeur serait vraisemblablement entre 31 000 $ et 210 000 $, soit la valeur visée par l'AL-É) et qu'il s'agissait d'un appel d'offres ouvert.

Ceux qui ont répondu à l'APM ont reçu une DDP de 21 pages (voir l'annexe 5 du rapport d'enquête). Ce document comprend un certain nombre de clauses importantes. Voici celles qui ont de la pertinence pour la présente décision :

1. L'achat concerne :

Numéro de
"001 4940-21-882-7143 750 $ chacune nomenclature
(sic) OTAN
TROUSSE DE MISE À LA TERRE, POSTE DE Description
1 TAPIS DE TABLE 2 PI SUR 4 PI SUR 0.125 PO contenue dans
D'ÉPAISSEUR, 1 TAPIS DE PLANCHER DE 4 PI SUR le catalogue
6 PI SUR 0.125 PO D'ÉPAISSEUR, 1 BRACELET DE des
POIGNET, 1 CORDE DE MISE À LA TERRE DE 6 PI publications
MUNIE D'UN BOUTON-PRESSOIR ET D'UNE PINCE des Forces
AUX BOUTS, 1 CORDE DE MISE À LA TERRE DE canadiennes
10 PI MUNIE D'UN BOUTON-PRESSOIR ET D'UNE (PFC 137)
PINCE AUX BOUTS.
PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES DES TAPIS : Ajoutées par
1.MISE À LA TERRE À TRAVERS UN RÉSISTEUR les autorités
- RÉSISTANCE DE SURFACE 106 À 109 OHMS. techniques du
2.TEMPS DE SUPRESSION - ±5KV À 0 EN MOINS MDN
DE 0,1 SECONDE.
Numéro du
09581 (3M CANADA INC.) P/N8020 OU fabricant et
L'ÉQUIVALENT" numéro de la
pièce

2. "AVIS AUX SOUMISSIONNAIRES :

- Si votre offre correspond aux numéros des pièces mentionnés, vous devez radier "OU L'ÉQUIVA- LENT".

- Si vous offrez un "succédané équivalent" vous devez radier la référence commerciale et y substituer la référence commerciale et le numéro de la pièce que vous offrez et fournir les données techniques à l'appui de votre offre. EN L'ABSENCE DE TELLES DONNÉES, VOTRE SOUMISSION NE PEUT ÊTRE ÉVALUÉE ET POURRAIT ÊTRE REJETÉE COMME ÉTANT NON ACCEPTABLE."

3. "LIVRAISON :

Bien que la livraison soit requise pour le 30 juin 1990, nos meilleures conditions de livraison sont ."

4. "Contrairement à un appel de soumission, la présente constitue une demande (communément appelée Demande de proposition) (DDP)) d'élaboration et de présentation des propositions au Ministre des Approvisionnements et Services indiquant les meilleurs moyens disponibles qui permettent d'atteindre certains buts et objectifs techniques, de rendement, de temps et autres en regard des exigences obligatoires indiquées. Le Ministre acceptera de conclure un marché pour l'exécution de la proposition la plus acceptable évaluée conformément aux facteurs indiqués dans la présente DDP. De plus, l'acceptation des conditions du contrat en vertu desquelles l'intéressé serait prêt à procéder à l'exécution de la proposition se fera en fonction des conditions inscrites dans la présente DDP."

5. "9. Le(les) contrat(s) sera(seront) attribué(s) au(x) fournisseur(s) compétent(s) qualifié(s) qui offre(nt) à la Couronne la meilleure valeur compte tenu du prix, des exigences techniques et des délais de livraison."

6. "CRITÈRES D'ÉVALUATION :

Les critères suivants s'appliqueront à l'évaluation de votre proposition :

1. Prix

2. Conformité avec l'exigence technique

- SOUHAITABLE

3. Livraison - SOUHAITABLE

Veuillez noter que votre proposition pourra être acceptée sans négociations préalables.

ILS DOIVENT INDIQUER LE NUMÉRO DE LA PIÈCE POUR LAQUELLE ILS PROPOSENT UN PRIX.

RESPECT DES DÉLAIS DE LIVRAISON :

LES FOURNISSEURS DOIVENT INDIQUER LE MEILLEUR DÉLAI DE LIVRAISON POUR CHAQUE ARTICLE, EN TENANT COMPTE DES CONSÉQUENCES NÉFASTES ÉVENTUELLES DE LA NON-EXÉCUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS (RÉSILIATION DU CONTRAT POUR MOTIF D'INEXÉCUTION)."

7. "INSPECTION : L'entrepreneur a la responsabilité d'exécuter ou de faire exécuter toutes les inspections et les essais nécessaires afin de confirmer que le matériel ou les services fournis sont conformes aux dessins, spécifications et exigences du contrat incluant toutes exigences techniques afférentes aux numéros de pièce spécifiques du fabricant."

La date de clôture des soumissions était le 11 avril 1990 et à cette date, 19 propositions de la part de 16 fournisseurs étaient dûment parvenues au MAS. Le ministère a déterminé que Cardinal était le soumissionnaire le moins-disant, son offre étant établie à 97 220 $. Patlon était au deuxième rang, avec un prix de 100 762,50 $. Ces deux prix, et ceux des six autres moins-disants, du troisième au huitième, accompagnés de la documentation technique remise par les soumissionnaires, ont été communiqués au MDN le 18 avril en vue d'une évaluation technique. Le tout était accompagné d'une lettre signée par l'agente de négociation des contrats (voir l'annexe 6 du rapport d'enquête) qui contenait les clauses pertinentes suivantes :

[TRADUCTION]

"OBJET : Demande de proposition no 019DE.W8473-0-MROA

Vous trouverez sous ce pli, à des fins d'évaluation et de recommandations, les propositions que nous avons reçues en réponse à la demande citée en objet.

NE RÉVÉLER CES RENSEIGNEMENTS QU'AUX AGENTS DU MINISTÈRE OU DE L'ORGANISME AUTORISÉS À PARTICIPER À CET ACHAT. N'EN DÉVOILER AUCUNE PARTIE À L'INDUSTRIE PRIVÉE.

Si vous recommandez l'acceptation d'une offre autre que l'offre la moins élevée, vous devez donner une explication complète, y compris des motifs précis et valables du rejet de toute offre inférieure. La réponse doit être signée par un agent autorisé de votre ministère.

Toutes les soumissions reçues doivent être évaluées de façon à arriver à au moins deux soumissions acceptables. Lorsqu'une seule soumission est jugée acceptable, il faut préciser les motifs du rejet de toutes les autres offres.

Si vous voulez que la date de livraison et les prix que vous mentionnés soient respectés, votre évaluation technique et vos recommandations doivent parvenir à ce bureau au plus tard le 2 mai 1990.

S'il vous est impossible de respecter cette date, veuillez en avertir le soussigné par le moyen le plus rapide possible, faute de quoi il pourrait y avoir des conséquences défavorables pour la date de livraison et les prix que vous exigez."

Malgré cet avertissement, le MDN a fait parvenir sa réponse au MAS le 22 mai seulement avec la formule MDN 635 "Choix de soumissions". Cette formule contient tous les motifs de rejet des deux soumissions jugées non acceptables, de même que les dérogations jugés acceptables. Comme la formule est brève et au point, elle est reproduite ici dans son intégralité, sauf que les prix unitaires et les noms des troisième au huitième compétiteurs ont été omis par souci de confidentialité.

La plaignante, Cardinal, a été mise au courant de cette évaluation lorsqu'elle a appelé le MAS pour s'en informer le 4 mai 1990, alors que ladite évaluation n'était pas encore terminée.

Elle a rappelé le 14 juin pour s'informer des résultats et appris que le contrat avait été adjugé à la compagnie Patlon le 8 juin. Sachant qu'elle avait proposé un prix inférieur à celui de Patlon, elle a demandé pourquoi elle n'avait pas obtenu le contrat et appris de vive voix les trois motifs donnés dans la formule MDN 635 reproduite ci-après.

[TRADUCTION]

Le temps de suppression n'est pas conforme aux spécifications (.1 seconde) étant de .5 seconde.

Les tapis n'ont pas l'épaisseur requise (3.18 mm .125 po) étant de .250 mm .0098 po.

Les cordes n'ont pas la longueur requise (1 de 6 pi et 1 de 10 pi) les 2 ayant 8 pi.

Acceptable sauf pour des dérogations mineures : le tapis de plancher n'a pas la largeur requise (4 pi x 6 pi) étant de 3 x 6.

Acceptable sauf pour une dérogation mineure : la corde de mise à la terre est plus longue que la longueur requise (10 pi) étant de 15 pi.

Acceptable sauf pour une dérogation mineure : le tapis de plancher est plus épais que l'épaisseur requise (1/8 po) étant de 3/8 po.

Aucune information concernant le bracelet de poignet ou les cordes de mise à la terre

Acceptable

Acceptable

Acceptable

S'opposant au rejet de son offre pour ces motifs et étant d'avis qu'elle avait offert un "succédané équivalent" valable à un prix inférieur, Cardinal a décidé de déposer une plainte auprès de la Commission. Dans sa lettre du 20 juin 1990, elle traite des trois motifs de rejet indiqués dans la formule DND 635, de la façon suivante :

[TRADUCTION]

"Selon l'agente de négociation des contrats, notre soumission a été rejetée pour trois raisons :

Temps de suppression

Épaisseur des tapis

Longueur des cordes

Temps de suppression :

La proposition disait :

Les propriétés électriques des tapis

Temps de suppression +/-5kv à 0 en moins de

0.1 seconde

Notre documentation technique dit :

Temps de suppression : < 0.5 seconde

Sans enquête plus poussée, notre temps de suppression inférieur à (<) 0.5 seconde a été jugé inconvenable. Dans des rapports de laboratoire, le Dissimat supprime une décharge de 5kv entre :

0.085211 et 0.039627 seconde

Ces chiffres ont été obtenus en faisant l'essai selon la méthode 101 (MIL81705B) proposée concernant E1A541. Ce temps de suppression est conforme aux spécifications.

Épaisseur des tapis :

La proposition demandait une épaisseur de tapis de .125 po. Notre documentation technique indique une épaisseur de .250 mm qui est une erreur typographique. Il s'agit plutôt de 2.5 mm (.098 pouce), une différence d'épaisseur inférieure à 1/32 po.

Longueur des cordes :

La proposition demande deux (2) cordes de mise à la terre, une (1) de 6 pieds et une (1) de 10 pieds. Notre soumission mentionne deux (2) cordes de huit (8) pieds de long.

Ces spécifications définitives, l'épaisseur des tapis et la longueur des cordes, n'étaient pas indiquées comme critère important (sic). Ce produit est utilisé pour contrôler l'accumulation de la décharge d'électricité statique pendant la manutention de dispositifs sensibles à l'électricité statique. Par conséquent, les propriétés électriques du tapis devraient constituer un aspect très important. Nous estimons que le produit que nous offrons fonctionnerait aussi bien sinon mieux que le produit acheté et il est moins cher.

Quant aux propriétés mécaniques, voici un extrait (sic) d'une décision antérieure de la Commission de révision des marchés publics du Canada :

"Néanmoins, si on exigeait que chaque produit offert comme "équivalent" comporte toutes les caractéristiques du produit utilisé comme norme dans la spécification, on retirerait à celle-ci son applicabilité générale, on enlèverait tout sens à l'expression "ou équivalent" et on transformerait l'adjudication en un achat pour lequel "aucun produit de remplacement" ne peut être accepté."

Nous estimons que le processus d'évaluation a été incomplet et qu'à la suite d'une autre enquête, le produit que nous offrons devrait être considéré comme un "succédané équivalent".

Si notre produit est effectivement un "succédané équivalent" et que nous avons présenté l'offre la plus basse, alors le contrat devrait être octroyé à Cardinal Industrial Electronics. Comme ce contrat a été adjugé seulement le 8 juin 1990, nous demandons que la commande originale soit annulée et passée plutôt chez Cardinal Industrial Electronics."

Cette plainte a été déposée dans le délai prescrit et est conforme aux Règlements de la Commission de révision des marchés publics du Canada (CRMP). Une copie du texte de la plainte a été communiquée au MAS qui a répondu dans son "rapport de l'institution fédérale" du 20 juillet 1990.

Ce rapport est une chronologie d'événements sans toutefois, de l'avis de la Commission, être véritablement conforme à l'alinéa 30(2)e) des Règlements de la CRMP qui exige que le rapport contienne "une déclaration renfermant les conclusions, les mesures et les recommandations de l'institution fédérale ainsi qu'une réponse à chaque allégation contenue dans la plainte". Le seul point de vue exprimé par le MAS au sujet de la plainte se trouve dans la dernière ligne de la note du 6 juillet signée par le Directeur général des produits industriels et commerciaux qui dit :

[TRADUCTION] "Vu ce qui précède, nous sommes d'avis qu'il faut faire droit au contrat adjugé." (Fait étrange, rien dans la partie de la note "qui précède" n'offre quelque justification que ce soit de la position adoptée) (voir l'annexe 14 du rapport d'enquête).

Le rapport contient néanmoins, à titre d'annexe, une explication un peu plus complète du rejet de l'offre de Cardinal par le MDN. Cette annexe a été préparée par le MAS, pour l'approbation du MDN, à la demande du Bureau de la secrétaire générale du MAS, une semaine après l'envoi par le Directeur général des produits industriels et commerciaux de la lettre du 6 juillet, citée plus tôt.

[TRADUCTION]

"ANNEXE A"

La proposition de Cardinal a été rejetée pour trois raisons :

1. Temps de suppression

2. Épaisseur des tapis

3. Longueur des cordes

1. TEMPS DE SUPPRESSION

La proposition dit :

Propriétés électriques des tapis

Temps de suppression - ±/5KV à 0 en moins de .1 seconde.

Cette propriété est un élément très important, car les postes de travail sont utilisés pour la réparation de pièces d'aéronefs et de matériel de télécommunications très sensibles et coûteux et si le temps de suppression de la décharge d'électricité statique n'est pas exact, celle-ci pourrait entraîner de sérieux dommages pour les dispositifs microélectroniques et pour les techniciens eux-mêmes.

La proposition de Cardinal disait : temps de suppression : moins de < 0.5 seconde. Dans sa plainte, elle affirme qu'une enquête plus poussée (faite par Bystat - le fabricant) indique que le temps de suppression se situe entre 0.085211 et 0.039627 seconde.

Cette précision aurait dû apparaître dans la documentation descriptive jointe à sa DDP, car des données techniques à l'appui de son offre étaient requises pour les fins de l'évaluation.

2. ÉPAISSEUR DES TAPIS

La proposition dit :

Épaisseur des tapis - 0.125 po (1/8 po)

L'épaisseur spécifiée est importante parce qu'il y a eu dans le passé des problèmes attribuables à des tapis moins épais qui s'enroulaient et des tapis trop peu consistants sur lesquels les fauteuils à roulettes pivotantes se déplaçaient mal.

L'épaisseur des tapis offerts par Cardinal mentionnée dans la documentation est .250 mm ce qui, selon la compagnie, était une erreur typographique et que l'épaisseur aurait dû être 2.5 mm (.098 po), soit une différence inférieure à 1/32 pouce.

Selon le MDN, l'épaisseur de .250 mm n'exigeait aucune demande d'échantillon ni question, car ces tapis sont fabriqués dans toutes les épaisseurs.

3. LONGUEUR DES CORDES

La proposition dit :

Une corde de mise à la terre de 6 pi

Une corde de mise à la terre de 10 pi

Ces longueurs des cordes de mise à la terre sont importantes, car la corde de 6 pi relie le tapis de la table au tapis du plancher, prévenant ainsi la possibilité qu'une pièce défectueuse contourne le résisteur protecteur (la corde de 8 pi dans la proposition de Cardinal aurait pu être acceptée à la place de la corde de 6 pi).

La corde de 10 pi relie le tapis du plancher à un point central de mise à la terre du poste de travail. La corde de 8 pi offerte par Cardinal est donc trop courte et de ce fait même pourrait constituer une dérogation majeure et rendre l'offre inacceptable.

L'acceptation d'une dérogation mineure dans la proposition de Patlon concernant un tapis de plancher de 3 pi sur 6 pi au lieu de 4 pi sur 6 pi n'est pas un facteur important. La longueur du tapis, soit 6 pi, est l'élément important, car celui-ci doit avoir la même longueur que le pupitre de 6 pi. La largeur, soit 4 pi, n'est pas importante et le tapis de 3 pi est tout à fait acceptable."

Conformément aux Règlements de la CRMP, le rapport de l'institution fédérale a été communiqué à la plaignante pour obtenir ses observations. Dans une lettre du 25 juillet, celle-ci a répondu en ces termes :

[TRADUCTION]

"...Dans le rapport de l'institution fédérale, partie 4, page 3, intitulée :

Facteurs :

Critères d'évaluation de la soumission :

Nous notons à la page 2 de la Demande de proposition, copie ci-jointe, un "Avis aux soumissionnaires" qui dit :

Si vous offrez un "succédané équivalent", vous devez radier la référence commerciale et y substituer la référence commerciale et le numéro de la pièce que vous offrez et fournir les données techniques à l'appui de votre offre. En l'absence de telles données, votre soumission ne peut être évaluée et pourrait être rejetée comme étant non acceptable. Cet avis devait "signifier" l'intention du MAS d'évaluer l'offre en se fondant sur la documentation technique...

...J'attire maintenant votre attention aux "Critères d'évaluation" à la page 11 de la Demande de proposition, copie ci-jointe. On y indique clairement les critères d'évaluation, on n'en sous-entend ou "signifie" aucun, mais il y est dit plutôt :

Les critères suivants s'appliqueront à l'évaluation de votre proposition :

1. PRIX

2. Conformité avec l'exigence technique - SOUHAITABLE

3. Livraison

- SOUHAITABLE -

Par conséquent, nous avons conclu que cette proposition serait évaluée d'après le PRIX des pièces mentionnées ou des succédanés équivalents.

Dans la partie 5, Annexe "A".

Notre proposition a été rejetée pour trois raisons :

1. Temps de suppression

La proposition demande un temps de suppression de +/-5Kv à 0 en moins de .1 seconde. Le produit que nous offrons répond à cette exigence et la documentation que nous avons envoyée indique un temps de suppression inférieur à .5 seconde, ce qui répond aussi à vos exigences.

On a supposé que le temps de suppression de notre produit était inférieur à .5 seconde, mais SUPÉRIEUR à .1 seconde. Pourquoi ne pas supposer moins de .5 seconde et moins de .1 seconde ou, encore mieux, pourquoi ne pas chercher à savoir exactement la nature de cette spécification? Cette supposition a été faite de façon arbitraire, incorrecte et tout à fait injuste en ce qui concerne Cardinal Industrial Electronics Ltd. et son produit.

Le rapport dit également : "Dans sa plainte, elle affirme qu'une enquête plus poussée (faite par Bystat, le fabricant) indique ..." . Ceci est faux, car notre plainte dit "sans une enquête plus poussée (par l'équipe d'évaluation) notre temps de suppression inférieur à .5 seconde a été jugé inacceptable". Les spécifications supplémentaires qui accompagnaient la plainte sont les rapports ordinaires de Bystat sur leurs produits et non pas les résultats d'un essai additionnel ou spécial ayant trait à cette soumission.

Le rapport dit "Cette propriété est un élément très important..." Même si nous admettons qu'elle est en effet l'élément le plus important d'une trousse de mise à la terre d'un poste de travail, sans compter que Cardinal Industrial Electronics Ltd. est le soumissionnaire le moins-disant, je soutiens qu'il aurait été justifié de procéder à un examen plus approfondi des spécifications techniques.

2. Épaisseur des tapis

Comme nous l'avons dit dans notre plainte, il y avait une erreur typographique dans la documentation technique qui aurait dû être très évidente. La proposition demande une épaisseur de tapis :

- de .125 po, 1/8 po, 3.715 mm

Notre documentation dit :

- .01 po < 1/64 po, .25 mm.

Il s'agit évidemment d'une erreur, car cette épaisseur est plutôt celle d'un sac que d'un tapis. Encore une fois, une enquête plus poussée aurait permis de corriger cette erreur.

3. Longueur des cordes

La longueur des cordes n'a jamais été qualifiée de critère important (sic) et le fait de modifier cette spécification après l'ouverture des soumissions sans en avertir tous les soumissionnaires est injuste et déloyal.

Si la longueur des cordes et l'épaisseur des tapis devaient être critiques pour l'évaluation de cette soumission, il aurait fallu l'indiquer dans la Demande de proposition.

Le rapport dit : "Selon le MDN, l'épaisseur de .250 mm n'exigeait aucune demande d'échantillon ni question..." et "la corde de 8 pi offerte par Cardinal est donc trop courte et de ce fait même pourrait constituer une dérogation majeure et rendre l'offre inacceptable."

Pourtant le fait d'acheter un produit à un coût plus élevé (d'environ 3 500 $) et d'obtenir 4500 pieds carrés de marchandises en moins n'est-il une dérogation mineure qui vaut une question ou une demande d'échantillon?

Compte tenu des critères d'évaluation énoncés dans la Demande de proposition :

Cardinal Industrial Electronics Ltd. a offert ce qui suit -

1.Une soumission au prix total de 97 220,00 $ soit 3 542,50 $ de moins que le prix offert par le soumissionnaire suivant.

2.En ce qui concerne la conformité avec l'exigence technique -Souhaitable -

Nous respectons ou dépassons les spécifications exigées sauf pour des dérogations mineures concernant l'épaisseur des tapis et la longueur des cordes et notre offre comporte 4500 pi carrés de produits de plus que l'offre du soumissionnaire suivant.

3. En ce qui concerne la livraison - Souhaitable

Le délai de livraison n'a aucune pertinence pour les soumissions ni pour la plainte.

Enfin, puisque l'offre de Cardinal était la plus rentable en fait de valeur monétaire totale du produit reçu, nous estimons qu'il aurait fallu faire un examen plus détaillé des autres critères d'évaluation. Comme cet examen n'a pas été fait, nous avons été privé d'une évaluation équitable et du contrat en ce qui concerne ce produit."

Enfin, conformément aux prescriptions de son Guide de la politique des approvisionnements (Directive 3006.16 du GPA), le MAS a communiqué avec l'adjudicataire du contrat le 27 juin 1990 pour lui demander de minimiser les coûts pour la Couronne des travaux à exécuter, en se conformant aux stipulations du contrat, jusqu'à ce que la question devant la Commission ait été tranchée.

Voici la réponse qu'il a reçue de Patlon :

[TRADUCTION]

"... Patlon est incapable de faire droit à votre demande, soit de garder le contrat précité "en veilleuse" pour les raisons que je vous expliquerai.

Après avoir vérifié la situation de cette adjudication, nous constatons que tout le matériel a été livré et que l'assemblage a commencé. Nous risquerions l'imposition de frais d'annulation de 100 % de la part de nos fournisseurs. Les bracelets de poignet, les cordes de mise à la terre et les tapis de plancher ont tous des dimensions non standard conçus spécifiquement pour le gouvernement canadien. Il sera virtuellement impossible de vendre ces produits à d'autres compagnies.

Malheureusement, si vous annulez cette commande, les frais d'annulation seront de 100 %.

Veuillez appeler si vous désirez discuter davantage de la question."

L'enquête

Le personnel de la Commission, au moyen d'interviews et d'examens des documents, a étudié les allégations de la plaignante, la réponse du gouvernement à ces allégations et les observations de la plaignante concernant la réponse du gouvernement.

Un certain nombre de particuliers ont été interviewés en personne et/ou par téléphone afin de confirmer diverses déclarations obtenues et/ou contenues dans la documentation. Ce sont : Mme Lynn Morris, MAS (agente de négociation des contrats); M. Robert Frogley, MAS (gestionnaire de groupe); le lieutenant-colonel J.P.R. Alain, MDN, Direction générale, Obtention et approvisionnement - matériel d'usage collectif (DOAMUC) - (chef de section); le major J.A. Gosselin, MDN - (DOAMUC), (chef de sous-section); M. J.P. Kroeplin, MDN - Direction générale - Génie et maintenance (Fourniment) (DFGM), (chef de section); M. Ed C. Sonnenburg, MDN - DFGM (chef de sous-section); l'adjudant-maître D.J. Murphy, MDN - DFGM (autorité technique); M. Thomas Hofmann, CARDINAL INDUSTRIAL ELECTRONICS LTD., Edmonton (Alberta) (la plaignante); M. Peter Green, 3M Canada Inc., London (Ontario), (3M est le fabricant de la pièce no 8020 qui était spécifiée dans la demande); M. John Kinoshita, PATLON AIRCRAFT AND INDUSTRIES LIMITED, Mississauga (Ontario) (Patlon), (l'adjudicataire) et M. Paul Brander, BYSTAT Inc. (Bystat), Ville Saint-Laurent (Québec), (le fabricant des produits offerts par Cardinal).

Le rapport d'enquête de la Commission contient un certain nombre d'annexes relatives au matériel et aux documents jugées pertinentes pour le fond dudit rapport. La présente décision ne mentionne pas expressément tous ces documents justificatifs qui sont néanmoins à la disposition des parties au besoin, et, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, de toute autre personne.

Comme l'enquête a produit suffisamment d'information pour permettre à la Commission de trancher, selon elle, les questions soulevées dans la plainte, celle-ci a décidé de ne tenir aucune audience formelle dans cette affaire. Pour arriver à ses conclusions, elle a examiné le rapport de son personnel enquêteur et fondé sa décision sur les faits essentiellement connus des parties qui y sont exposés et les éléments pertinents dudit rapport.

Analyse

Les problèmes inhérents au présent achat ont leur source dans les écarts observés entre ce que le MDN dit avoir voulu, ce que le MAS dit que le MDN voulait et ce que le MDN était ultimement (et est peut-être toujours) disposé à accepter.

Ayant annoncé dans la DDP que le choix du fournisseur serait fondé sur la détermination de l'offre la plus rentable pour la Couronne (plutôt que sur l'offre la moins élevée), le gouvernement n'a ensuite rien fait pour déterminer ladite rentabilité. Il a plutôt cherché à déterminer l'offre la moins élevée et prétendu adjuger le contrat en se fondant sur ce critère. Autrement dit, le gouvernement a établi les règles du jeu pour ensuite y déroger.

L'enquête le prouve d'ailleurs. La DDP ne fait état d'aucun moyen qui aurait pu vraiment servir à déterminer l'offre la plus rentable et le dossier ne contient aucune mention d'un plan qui aurait été établi par le MAS et le MDN en vue de l'évaluation des offres. Cependant, la DDP sous-entend l'adoption d'un tel plan.

La directive 3002 du Guide de la politique des approvisionnements (GPA) indique explicitement la procédure à suivre. L'article 30 exige que les propositions soient évaluées selon les critères exposés dans la DDP. Il mentionne l'annexe D de la directive 3002, concernant l'évaluation des propositions qui dit notamment ce qui suit :

"Critères d'évaluation

La cotation numérique est une procédure d'évaluation comportant une liste de critères auxquels on a assigné des valeurs et à l'aide desquels on évalue les données d'une proposition respectant les exigences obligatoires indiquées dans la DDP.

L'agent de négociation des contrats, de concert avec le client, doit établir les critères à employer pour évaluer les propositions, et ce avant d'émettre la DDP.

La DDP doit préciser clairement ces critères et leur importance relative. Au moment d'effectuer la pondération des critères, l'agent de négociation des contrats doit s'assurer qu'un total élevé de points assignés à des critères mineurs ne dépasse pas le total plus restreint des points attribués à des critères importants.

Tous les changements aux critères doivent être envoyés à tous les fournisseurs invités avant la date de clôture, et assez tôt pour permettre à chacun de répondre.

...

d)Choix de l'entrepreneur. La DDP doit faire état des critères qui serviront à choisir un entrepreneur parmi ceux ayant soumis une proposition recevable. Si l'on entend adjuger le contrat à l'entrepreneur offrant le meilleur rapport qualité-prix, il faut indiquer les critères et les méthodes utilisés pour arriver à ce choix..."

Pourtant, ces critères d'évaluation énoncés dans la DDP se sont résumés en la clause laconique, voire énigmatique, suivante :

"Critères d'évaluation

Les critères suivants s'appliqueront à l'évaluation de votre proposition :

1.Prix

2.Conformité avec l'exigence technique - SOUHAITABLE

3.Livraison - SOUHAITABLE"

Ceci ne constitue pas une méthode de cotation numérique ni aucune autre méthode pour déterminer l'offre la plus rentable.

En outre, bien que la DDP utilise l'expression "Souhaitable" par rapport à la conformité avec l'exigence technique et à la livraison, ce terme n'a jamais été défini dans la mesure où il s'appliquait à des éléments spécifiques de la description d'achat et c'est seulement après l'adjudication du contrat qu'il semble y avoir eu avec certaines velléités de décrire les éléments importants des articles achetés.

La question de la livraison est un exemple de la façon dont les choses se sont déroulées. La DDP sous-entendait que la date de livraison constituait un élément important, le délai prescrit étant le 30 juin 1990. On y demandait aux soumissionnaires de faire connaître leur "meilleur délai de livraison". L'importance de cette date a aussi été soulignée dans la lettre du MAS du 18 avril 1990 dans laquelle l'agente de négociation des contrats du MAS dit :

[TRADUCTION]

"Si vous voulez que la date de livraison ...que vous mentionnez ...votre évaluation technique et vos recommandations doivent parvenir à ce bureau au plus tard le 2 mai 1990."

La DDP, sous la rubrique "Critères d'évaluation", indique le respect de la date de livraison comme étant "souhaitable". L'adjudicataire a soumissionné 12 à 14 semaines après la réception de la commande, d'où le dépassement de la date du 30 juin mentionnée dans la DDP. La plaignante, pour sa part, a soumissionné quatre à six semaines après la réception de la commande. Il n'y a aucune autre mention du délai dans l'évaluation de la soumission ni dans la justification subséquente postérieure à l'adjudication. Ces faits semblent indiquer à la Commission que la livraison n'a jamais été un facteur important dans le choix d'un fournisseur ni dans l'évaluation de l'offre ayant "la meilleure valeur". Il n'est pas clair quelles auraient été les répercussions sur les soumissions des autres fournisseurs si ceux-ci avaient été mis au courant de ces faits.

L'autre exemple concerne la dimension du tapis de plancher. La description d'achat mentionne un tapis de plancher de 4 pi x 6 pi. Les critères d'évaluation de la DDP indiquent que la conformité à l'exigence technique était "souhaitable". L'adjudicataire a soumissionné une dimension de 3 pi x 6 pi (qu'il a expliquée plus tard comme étant conçue "spécifiquement pour le gouvernement canadien") que le MDN a considérée comme "une dérogation mineure". Cette différence résultait en une réduction de 4500 pieds carrés sur l'ensemble des tapis fournis. Encore une fois, qu'auraient fait les autres soumissionnaires s'ils avaient su que le MDN aurait accepté un tapis de 3 pi x 6 pi?

Ces exemples indiquent clairement que même si l'on avait essayé de faire une évaluation fondée sur "la meilleure valeur" mentionnée dans la DDP, aucun plan n'avait été établi quant aux modalités d'une telle évaluation et qu'il n'y avait aucun moyen d'en prédire les résultats. En outre, l'autorité technique n'a suivi aucune méthode pour évaluer l'équivalence des produits offerts. Enfin, contrairement à sa politique concernant la divulgation des prix aux ministères clients, le MAS a effectivement communiqué les prix des soumissions au MDN en même temps qu'une lettre qui semble indiquer que le contrat devrait être adjugé au soumissionnaire le moins-disant. Pour ces raisons, la Commission ne peut déterminer, après coup, si la plaignante a fait l'offre ayant la "meilleure valeur" ni, en fin de compte, si cette offre était la moins élevée. En vérité, les mêmes propos pourraient s'appliquer à l'adjudicataire du contrat.

Bref, tout ceci n'est qu'hypothèse parce que la DDP et le projet d'achat sous-jacent étaient fondamentalement imparfaits.

En outre, la soumission de Cardinal elle-même contenait certaines imperfections, notamment une erreur dans la documentation imprimée qui accompagnait ladite soumission concernant l'épaisseur des tapis, le temps de suppression mentionné qui ne semblait pas aussi rapide que le temps exigé dans les spécifications ou comportait tout au moins certaines imprécisions. À cet égard, le MAS signale qu'il revenait aux fournisseurs d'établir dans leur documentation technique (et par des essais, au besoin) que les substituts qu'ils offraient comme "équivalents", pouvaient avoir le rendement exigé. Il ajoute qu'il n'était de toute façon pas tenu de demander aux fournisseurs d'élucider leur offre.

La Commission estime que le MAS a plutôt raison à cet égard, SAUF QU'il est assujetti à une considération prédominante qui entre en jeu dans l'affaire en instance, c'est-à-dire la mention dans la directive 3002 du GPA du MAS à l'article 32 qui exige que les raisons de ne pas adjuger le contrat au soumissionnaire le moins-disant soient pleinement justifiées et versées au dossier. Tel n'a pas été le cas en ce qui concerne la soumission de Cardinal (en fait, bien que certaines raisons aient été données pour le rejet de l'offre, le dossier et l'enquête subséquente de la Commission indiquent qu'aucune explication n'a été exigée d'aucun des soumissionnaires). Si on avait demandé à Cardinal certaines explications, on aurait peut-être relevé les contradictions dans sa soumission. La Commission considère que le MAS aurait dû élucider ces points avant de conclure à l'irrecevabilité de l'offre du soumissionnaire le moins-disant et croit comprendre qu'il n'est pas inhabituel pour le MAS d'agir de cette façon (voir la Décision Bio-Temp du 1er juin 1990). La possibilité d'épargner 3 500 $ aurait bien valu un appel téléphonique, semble-t-il! D'un autre côté, Cardinal n'a rien fait non plus pour corriger ces contradictions après la présentation de son offre, mais avant la date de clôture des offres, bien qu'elle ait eu la possibilité de le faire.

Redressements

La Commission est d'avis que ce contrat devrait être annulé et que la commande devrait faire l'objet d'un nouvel appel d'offres, après l'établissement d'un plan d'achat convenable qui traiterait de questions comme :

- les aspects obligatoires et les aspects souhaitables

- l'importance relative des critères d'évaluation.

En vertu de la Loi, la Commission peut ordonner à un ministère du gouvernement de retarder l'adjudication d'un contrat en attendant la fin de son enquête. Elle n'a pas le pouvoir d'ordonner la suspension des travaux entrepris dans le cadre de contrats déjà adjugés.

Le MAS a effectivement par ailleurs des façons de communiquer avec des adjudicataires lorsqu'une plainte est déposée en vertu de la Loi. Dans cette affaire, le MAS a communiqué avec Patlon le 27 juin 1990 lui demandant de mettre le "contrat précité en veilleuse...". Patlon a répondu qu'elle était "incapable de faire droit à la demande..." prétextant que "les bracelets de poignet, les cordes de mise à la terre et les tapis de plancher sont tous de dimensions non standard conçus spécifiquement pour le gouvernement canadien", et ajoute "Il serait virtuellement impossible de vendre ces produits à d'autres compagnies." Il est intéressant de noter qu'en ce qui concerne les tapis de plancher, par exemple, les dimensions offertes par Patlon ne concordaient pas avec la description même du gouvernement (3 pi x 6 pi plutôt que 4 pi x 6 pi).

La Commission remarque que le MAS a le pouvoir, en vertu du paragraphe 4(4) de ses Conditions générales (1026A) qui font partie de ce contrat, de suspendre les travaux entrepris en vertu dudit contrat. S'il avait choisi de le faire au moment où la plainte a été déposée, il y aurait peut-être maintenant d'autres redressements à la disposition de la plaignante et, en fait, d'autres soumissionnaires pour cette commande. Parce qu'il ne l'a pas fait et que le temps a passé, la Commission est consciente des conséquences (particulièrement pour le contribuable canadien) à envisager si elle recommandait, par exemple, l'annulation du contrat et la tenue de nouvelles soumissions et, si une fois acceptées, on y donnait suite, surtout que le délai de livraison approche.

D'un autre côté, parce qu'elle détermine que l'adjudication ne répond pas aux exigences de l'article 17 de la Loi et que la plaignante est la partie qui a préséance, la Commission ordonne le remboursement à Cardinal des frais que sa plainte lui a entraînés.

Il y a également la question de savoir si la plaignante devrait aussi être dédommagée des frais inhérents à la préparation de sa soumission. Normalement, ces frais font partie des dépenses d'administration de l'industrie et la Commission a déjà ordonné de tels dédommagements dans le passé, mais seulement dans des affaires où il était clair que la partie plaignante aurait obtenu le contrat, n'eussent été les actions du gouvernement.

Il n'est pas clair quelle aurait été l'issue éventuelle dans la présente affaire parce que, nous l'avons déjà dit, il n'est pas certain que si le gouvernement avait respecté ses propres règles, Cardinal aurait obtenu le contrat. Par conséquent, la Commission ne peut recommander le redressement recherché par la plaignante, notamment l'adjudication du contrat, ni, pour la même raison, son dédommagement.

D'un autre côté, cette adjudication s'est effectuée dans le cadre du chapitre sur les Marchés publics de l'Accord de libre-échange qui comprend les dispositions de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics, de même que des exigences pertinentes des politiques et des procédures du MAS. Compte tenu d'un tel contexte la Commission estime que les soumissionnaires devaient pouvoir s'attendre à un traitement équitable de la part du gouvernement à toutes les étapes du processus d'achat. Tel n'a pas été le cas dans l'affaire qui nous occupe. Mais comme la plaignante est en partie responsable de ses problèmes, la Commission veut bien répartir la responsabilité entre celle-ci et le gouvernement et ordonne le remboursement de la moitié des frais que la plaignante a engagés dans la préparation de sa soumission.

Voici maintenant la décision de la Commission :

DÉCISION

La Commission a statué, en se fondant sur son enquête, que le présent marché n'a pas respecté les exigences de l'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, du fait qu'il n'a pas donné à tous les fournisseurs éventuels une chance égale de répondre aux exigences de l'entité acheteuse à l'étape des offres et des soumissions, notamment en utilisant dans l'évaluation des offres et l'octroi du contrat des critères de décision qui n'avaient pas été clairement spécifiés à l'avance.

La Commission ordonne également le remboursement à la plaignante des frais raisonnables qu'elle a engagés au titre du dépôt et de l'instruction de la plainte et d'une moitié des frais raisonnables que la préparation de sa soumission lui a entraînés.

Gerald A. Berger
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Gerald A. Berger
Président de la Commission de
révision des marchés publics du Canada


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Publication initiale : le 27 août 1997