EARL C. MCDERMID LIMITED

Décisions


EARL C. MCDERMID LIMITED
N° du greffe de la Downsview (Ontario) Commission: E90PRF6608-021-0012

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Earl C. McDermid Limited 124, prom. Norfinch Downsview (Ontario)

N° du greffe de la Commission: E90PRF6608-021-0012

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

11 décembre 1990

DÉCISION DE LA COMMISSION

Il s'agit en l'espèce d'un marché par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), portant sur trois types de papier pour télécopieur devant être utilisé dans divers modèles de télécopieurs, tous fabriqués par Ricoh, et utilisés par le ministère des Affaires extérieures (MAE). L'intention du MAS était de procéder par la voie d'une offre permanente individuelle et régionale (OPIR) aux termes de laquelle le soumissionnaire retenu est appelé à fournir le papier en question selon certaines conditions convenues, telles que le prix, et en quantités variables déterminées lors de chaque commande passée directement par le ministère client du MAS (MAE). L'OPIR ne garantissait aucune commande, mais on prévoyait passer pendant la durée de l'OPIR, c'est-à-dire sur une période d'un an, des commandes d'une valeur estimative de 60 000 $. Le fait que ce montant soit supérieur au seuil de 31 000 $ fixé dans l'Accord de libre-échange (ALÉ) a été l'une des raisons pour lesquelles le MAS a estimé que ce marché était visé par l'ALÉ. Le marché a donc été annoncé dans un avis de projet de marché (APM) dans le numéro du 28 février 1990 de la publication intitulée «Marchés Publics».

À la date de clôture de l'appel d'offres, le 9 avril 1990, on avait reçu 24 soumissions. Le 18 avril, l'OPIR a été adjugée à la société Rittenhouse Ribbons and Rolls Ltd. (Rittenhouse), de Laval (Québec).

Le plaignant est la société Earl C. McDermid Limited, Paper Converters (McDermid), de Downsview (Ontario). Sa plainte, pour l'essentiel, se fonde sur le fait qu'elle a présenté une soumission moins élevée que celle de Rittenhouse, mais qu'elle n'a pas été retenue pour des raisons qui tiennent, selon elle, au fait que, contrairement à ce que le dossier de l'appel d'offres l'avait porté à croire, on a inclus des droits de douane et taxes de vente dans l'évaluation de sa soumission. Le plaignant croit qu'on n'a pas inclus ces facteurs dans l'évaluation de la soumission de Rittenhouse. Il demande que l'OPIR soit retirée, qu'on lance un nouvel appel d'offres ou encore que l'OPIR lui soit adjugée puisqu'il était «le moins-disant sur le produit de meilleure qualité».

Avant d'analyser cette plainte dans le détail, il convient de traiter d'abord deux objections soulevées par le MAS lorsqu'il a soumis le Rapport de l'institution fédérale après notification par la Commission du dépôt de la présente plainte. D'abord, la plainte aurait été déposée après le délai de «10 jours après la date de la découverte des motifs de la plainte ou la date à laquelle ceux-ci auraient dû vraisemblablement être découverts», comme le prévoit le paragraphe 23 (1) du Règlement de la Commission de révision des marchés publics (CRMP, également appelée la Commission). Deuxièmement, contrairement à l'alinéa 21(1)(f) du Règlement de la CRMP, la plainte n'aurait pas été «formulée de façon concise et logique» et ne renfermerait pas «un exposé clair et détaillé des motifs de la plainte et des faits à l'appui.»

L'OPIR a été adjugée le 18 avril 1990. La plainte a été déposée quatre mois plus tard, le 17 août. Il s'agit ici de déterminer la date à laquelle le plaignant a découvert les motifs de sa plainte. Comme indiqué plus haut, la plainte se fonde, pour l'essentiel, sur le fait que McDermid était le moins-disant, mais ne s'est pas vu adjuger l'OPIR, même si le dossier de l'appel d'offres indique clairement que l'OPIR serait adjugée au moins-disant. Les documents présentés ne révèlent pas la date à laquelle le plaignant a découvert qu'un autre fournisseur ayant présenté une soumission qu'il estimait être plus élevée que la sienne avait été retenu. Toutefois, McDermid a eu des échanges de lettres avec la Section de l'accès à l'information du MAS en mai, juin et juillet dans le but d'obtenir des informations sur ce marché et sur un autre marché qu'il avait soumissionnés. Il apparaît clairement que le plaignant a écrit au MAS le 29 juin pour exprimer son insatisfaction à l'égard de ces deux adjudications, qui ont toutes deux fait ultérieurement l'objet de plaintes devant la Commission. L'autre plainte a été examinée dans le greffe de la Commission portant le numéro E90PRF6635-021-0013, où la Commission a fait observer qu'une lettre du ministre responsable du MAS en date du 30 juillet 1990, portant sur les plaintes de McDermid à propos des deux marchés, constituait, dans les faits, l'instrument informant cette société des motifs de sa plainte. Tel n'est pas clairement le cas ici car la question qui se pose est quelque peu différente. Toutefois, dans sa lettre, le ministre a commenté la situation de la façon suivante :

[TRADUCTION]

«L'adjudication de l'offre permanente à la société Rittenhouse Ribbons and Rolls s'est faite en fonction du plus bas prix total. Je tiens à vous donner l'assurance qu'il a été tenu compte des droits de douane dans l'évaluation des soumissions, même si, selon les informations dont je dispose, l'agent de négociation des contrats vous a dit le contraire. Je regrette ce malentendu. Je dois vous préciser que les règles d'origine régissant les marchés assujettis à l'ALÉ stipulent que les produits destinés au gouvernement doivent provenir du Canada ou des États-Unis. Dans le cas des produits qui ne sont pas d'origine domestique, le prix de la soumission est augmenté d'un facteur de 10 p. 100 aux fins d'évaluation. Étant donné que votre soumission comportait des biens d'origine japonaise dans une proportion de 66 p. 100, elle a été assujettie à ce coefficient.»

Il se dégage nettement de cette explication que, de l'avis du ministère, Rittenhouse était le soumissionnaire le moins-disant. Le ministère rejetait clairement le recours. Toutefois, même si l'on voit dans cette lettre la première possibilité pour le plaignant de découvrir les motifs de sa plainte, on ne saurait affirmer, comme l'a constaté la Commission dans l'autre cause, que cette plainte a été déposée dans un délai de dix jours. De fait, puisqu'elle a été déposée le 17 août 1990, elle dépassait l'échéance d'au moins une semaine.

Cependant, la Commission a le pouvoir, en vertu du paragraphe 23 (4), d'examiner une plainte qui n'est pas déposée dans le délai applicable prévu à l'article 23 «si des motifs valables justifient le non-respect du délai ou si elle juge que la plainte soulève des points importants qui touchent le mécanisme d'adjudication».

En l'occurrence, la Commission a estimé que la plainte soulève effectivement des points importants qui touchent le mécanisme d'adjudication. En effet, dans un appel d'offres ouvert où il est indiqué que, normalement, le soumissionnaire le moins-disant sera retenu, il n'y a guère de question plus importante pour le mécanisme d'adjudication qu'une allégation selon laquelle l'évaluation n'a pas abouti au choix du soumissionnaire le moins-disant. McDermid croyait savoir que sa soumission était moins élevée que celle de Rittenhouse - d'après les indications fournies dans la demande d'offres permanentes (DOP) (où il lui était demandé de donner l'assurance que le prix proposé ne comprenait pas les droits de douane ou les taxes) - et cette société avait en sa possession une lettre du ministre où on lui signalait que les évaluations avaient été effectuées en fonction de l'inclusion des droits de douane dans le prix. En outre, il s'agit de la première plainte reçue par la Commission où la question porte sur la prise en compte adéquate, dans l'évaluation des soumissions, de trois éléments : les taxes, les droits de douane et l'origine des biens. C'est pourquoi la Commission a estimé que des points importants touchant le mécanisme d'adjudication avaient été soulevés. Elle a donc décidé, à sa réunion du 28 août 1990 (voir l'annexe 2 du rapport d'enquête), d'ouvrir une enquête sur cette plainte.

En ce qui a trait à la deuxième allégation présentée par le gouvernement, à savoir que la plainte elle-même n'est pas formulée de façon concise et logique et ne renferme pas un exposé clair et détaillé des motifs de la plainte et des faits à l'appui, selon l'obligation faite aux plaignants aux termes de l'alinéa 21(1)(f) du Règlement de la CRMP, la Commission souhaite préciser l'interprétation qu'elle entend faire de cette exigence. Elle estime que cette disposition doit être interprétée avec une souplesse raisonnable, de façon à éviter que des plaintes fondées ne soient rejetées pour des motifs excessivement techniques - particulièrement, comme c'est le cas en l'occurrence, lorsque les adjudications portent sur des montants peu élevés, lorsque les plaignants déposent un recours en leur nom propre et ne disposent pas d'un soutien très poussé, d'ordre juridique ou autre, et lorsqu'il leur est difficile de prendre connaissance de tous les faits. Il leur faut parfois attendre l'aboutissement du processus d'accès à l'information avant d'avoir la certitude qu'ils disposent de suffisamment d'éléments pour déposer une plainte qui soit recevable. En revanche, cette disposition ne doit pas être interprétée de manière tellement laxiste qu'elle aurait pour effet de surcharger le mécanisme de dépôt de plaintes d'allégations banales, frivoles ou inintelligibles, voire malveillantes. La Commission entend conserver un équilibre entre ces deux extrêmes, en s'inspirant du principe énoncé au paragraphe 20(1) du Règlement de la CRMP, qui précise que «les affaires dont est saisie la Commission sont traitées de façon aussi informelle et expéditive que les circonstances et le souci d'équité le permettent.»

Dans la présente cause, bien que la lettre du plaignant ne soit pas nécessairement très claire de prime abord et ne soit pas exempte d'appréciations et d'éléments étrangers à l'affaire, elle expose néanmoins avec une clarté suffisante, particulièrement si on la lit en tenant compte des autres documents qui lui sont joints, la véritable nature de la plainte. La Commission considère qu'elle donne suffisamment de raisons de douter que l'adjudication se soit faite conformément aux politiques, pratiques et façons de faire du gouvernement du Canada.

Dans ces circonstances, la Commission a estimé qu'elle se devait d'enquêter sur cette affaire.

Voici maintenant le fond de la plainte.

L'enquête

Le personnel de la Commission, au moyen d'interviews et d'un examen des documents, a étudié les allégations du plaignant, la réponse du gouvernement à ces allégations et les observations du plaignant au sujet de la réponse du gouvernement.

Un certain nombre de particuliers ont été interviewés en personne et/ou par téléphone afin de confirmer certaines déclarations obtenues et/ou contenues dans la documentation. Ce sont : M. Marcel Roy, MAS (agent de négociation des contrats); Mme Julia Brunette, MAS (agent suppléant de négociation des contrats); Mme Johanne Camirand, MAS (superviseur des agents de négociation des contrats); M. Brian Carroll, MAS (chef de section); M. Earl C. McDermid, Earl C. McDermid Limited, Downsview (Ontario) (président); M. Thomas Clarke, McDermid (responsable des achats); M. G. Michael Dies, Rittenhouse Ribbons and Rolls, Markham (Ontario) (gérant général, opérations canadiennes); M. A. Martin, MEA (agent aux commandes).

Le rapport d'enquête de la Commission contient un certain nombre d'annexes relatives au matériel et aux documents jugées pertinentes pour le fond dudit rapport. La présente décision ne mentionne pas expressément tous ces documents justificatifs qui sont néanmoins à la disposition des parties au besoin, et, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, de toute autre personne.

Comme l'enquête a produit suffisamment d'information pour permettre à la Commission de trancher, selon elle, les questions soulevées dans la plainte, celle-ci a décidé de ne tenir aucune audience formelle dans cette affaire. Pour arriver à ses conclusions, elle a examiné le rapport de son personnel enquêteur, dont une version préliminaire a été mise à la disposition des parties afin qu'elles le commentent, et elle a fondé ses constatations et conclusions sur les faits qui y sont exposés, ainsi que sur les observations des parties, dont les éléments pertinents figurent dans la présente décision.

L'adjudication

La demande d'offre permanente (voir l'annexe 7 du rapport d'enquête) avait été préparée par le Centre d'approvisionnement de la région de la capitale (CARC). Elle était datée du 28 février 1990 et la date de clôture indiquée était le 9 avril 1990. Elle comprenait notamment :

a) Deux cases sur la première page où il faut inscrire le pays d'origine des éléments étrangers des biens qui sont proposés ainsi que la valeur de ces éléments étrangers :

«
Country of Foreign Content Value of Foreign Content
Pays d'origine des éléments étrangers Valeur des éléments
étrangers
$ CDN
»

b) [TRADUCTION]

« AVIS AU FOURNISSEUR» :

-LE PRIX DOIT COMPRENDRE LA LIVRAISON (F.A.B. À DESTINATION) [Ottawa].

-DES SUCCÉDANÉS SERONT PRIS EN CONSIDÉRATION. CEPENDANT, LE FOURNISSEUR SERA TENU RESPONSABLE DES FRAIS DE RÉPARATION ÉVENTUELS ASSOCIÉS À UN BRIS D'ÉQUIPEMENT RÉSULTANT DE L'UTILISATION D'UN SUCCÉDANÉ.»

EXIGENCE :

LA FOURNITURE DE PAPIER POUR TÉLÉCOPIEUR EN ROULEAUX DE 8 1/2 PO x 328 PI PENDANT UNE PÉRIODE D'UN AN. LES QUANTITÉS NÉCESSAIRES VARIERONT D'UNE COMMANDE À L'AUTRE.

001 TYPE 200A (POUR UTILISATION SUR LES TÉLÉCOPIEURS RICOH DE LA GAMME 100/200 AINSI QUE SUR LES MODÈLES 510 ET 610).

1 700,00 rl

OO2 TYPE 300A (POUR TÉLÉCOPIEUR RICOH, MODÈLES 60, 60E, 70, 70E, 75 ET 76).

1 700,00 rl

003 TYPE 50A (POUR TÉLÉCOPIEUR RICOH, MODÈLES 10, 15, 20, 25 ET 35).

550,00 rl

c)«TAXE DE VENTE, TAXES D'ACCISE ET DROITS DE DOUANE :

Comme ces marchandises sont destinées à l'exportation, nous certifions que les prix cités dans les présentes ne comprennent aucun montant au titre de la taxe de vente, ni aucun montant représentant les taxes d'accise ou les droits de douane remboursables payés au moment de l'importation des matières, pièces ou composants qui sont ou seront incorporés à ces marchandises.

Le ministère des Approvisionnements et Services fournira un certificat de drawback qui permettra à l'Entrepreneur de réclamer le drawback du ministère du Revenu national.

(t320)

[TRADUCTION]

La clause ci-dessus (t320) est assujettie aux précisions suivantes :

-La taxe de vente fédérale et les droits de douane s'appliqueront dans certains cas.

-Les commandes 942 indiqueront si la facture doit comprendre la taxe de vente fédérale et les droits de douane.»

d)«Tout contrat résultant des présentes sera normalement adjugé au soumissionnaire dont le prix engendre la plus basse totalité des frais à la destination.

t540a»

e)«DÉCLARATION DES BIENS ADMISSIBLES :

Le Soumissionnaire déclare et garantit que la déclaration des biens admissibles jointe à la présente soumission est précise et complète et respecte la définition des biens admissibles stipulée dans la déclaration en question.

Le Soumissionnaire reconnaît par ailleurs que le Ministre se fie à une telle déclaration et une telle garantie pour conclure un marché quel qu'il soit à la suite de la présente soumission.

Les soumissions portant sur des biens admissibles et celles qui se rapportent à des produits d'origine canadienne peuvent recevoir la préférence par rapport aux autres soumissions, conformément aux méthodes de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les marchés publics, publiées chaque année dans la Gazette du Canada.

Une telle déclaration et une telle garantie peuvent faire l'objet d'une vérification à la convenance du Ministre.

t543»

Il convient également de faire remarquer que la DOP stipule que les marchandises sont destinées à l'exportation. Dans ces circonstances, les taxes et droits ne sont pas exigibles. De ce fait, la DOP impose aux soumissionnaires l'obligation de garantir que les prix qu'ils proposent ne comprennent aucune composante de taxe de vente ou de taxes d'accise ou de droits de douane remboursables.

Toutefois, l'enquête montre qu'à la fin janvier 1990, le MAS savait certainement que la plus grande partie des marchandises devant faire l'objet de commandes (peut-être 80 p. 100 de celles-ci) en vertu de l'offre permanente allaient être utilisées au Canada.

Il est ensuite indiqué dans la DOP que seulement une partie des marchandises était susceptible d'être utilisée aussi au Canada - auquel cas le gouvernement acquitte des taxes et des droits sur les biens qu'il achète. C'est probablement pour cette raison qu'il est également signalé aux soumissionnaires que [TRADUCTION] «La taxe de vente fédérale et les droits de douane s'appliqueront dans certains cas» et que [TRADUCTION] «Les commandes 942 indiqueront si la facture doit comprendre la taxe de vente fédérale et les droits de douane» (942 renvoie au numéro du formulaire standard que les ministères clients remplissent pour faire parvenir une «commande directe» au fournisseur dans le cadre d'une OPIR). (Curieusement, cette dernière clause de la DOP ne figure pas dans la version en français).

L'APM est paru dans la publication «Marchés Publics» à la fin février (Vol. 2, No 9, en date du 28 février 1990) et il y était indiqué que la date de clôture était le 9 avril 1990. On a envoyé aux entreprises qui y ont répondu une trousse de soumission qui comprenait la DOP sans qu'aucun changement n'ait été apporté à la méthode d'évaluation.

En dernière analyse, l'évaluation a été effectuée, dans la plupart des cas, sans prise en compte de la TVF (on a estimé, apparemment, qu'on pouvait se permettre de la laisser de côté parce qu'elle entraînerait une augmentation des soumissions du même coefficient dans tous les cas), mais avec prise en compte des droits de douane (apparemment parce que divers taux de droit étaient susceptibles de s'appliquer en fonction des diverses origines étrangères des marchandises; on a estimé qu'on ne pouvait les laisser de côté parce que cet élément risquait d'influer sur le classement des soumissions).

Malheureusement, comme nous le verrons, cette façon de faire n'a pas été suivie uniformément pour toutes les soumissions.

En outre, une série d'événements inhabituels se sont produits, ce qui a compliqué encore davantage la situation. Il en a résulté, en dernière analyse, un processus d'évaluation foncièrement critiquable.

En premier lieu, les documents de l'appel d'offres indiquaient à tous les soumissionnaires que (puisqu'il s'agissait d'une adjudication visée par l'ALÉ), le dossier de soumission comprenait un formulaire de «Déclaration des biens admissibles» et qu'il était demandé au soumissionnaire de remplir ce formulaire et de le renvoyer avec sa soumission, et de «déclarer et garantir» que la déclaration faite sur ce formulaire était précise et complète et, en outre, on mentionnait le fait que le Ministre allait se fier à cette déclaration pour conclure tout marché résultant de cette soumission.

L'enquête a permis d'établir que, malheureusement, les dossiers de soumission envoyés ne comprenaient aucun de ces formulaires. De ce fait, aucune des soumissions présentées ne comportait ces formulaires remplis; donc, on ne disposait pas de certains éléments d'information d'une importance cruciale pour l'évaluation des soumissions.

Cet oubli est grave car, s'agissant des adjudications visées par l'ALÉ, il est crucial de savoir si les fournisseurs proposent des biens admissibles. La DOP comporte l'avertissement suivant :

«Les soumissions portant sur des biens admissibles et celles qui se rapportent à des produits d'origine canadienne peuvent recevoir la préférence par rapport aux autres soumissions, conformément aux méthodes de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les marchés publics, publiées chaque année dans la Gazette du Canada.»

La nature de la «préférence» évoquée n'est pas précisée. En outre, comme l'a constaté la Commission lors de l'examen de l'autre plainte de la société McDermid dont il est fait état plus haut, le recours aux «méthodes de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les marchés publics, publiées chaque année dans la Gazette du Canada» ne fournit pas davantage d'information sur la préférence ou sur la façon dont elle est appliquée. Comme la Commission l'a fait observer dans cette affaire traitée précédemment :

«Les procédures en question sont désormais publiées dans la publication intitulée «Marchés Publics» et, en ce qui a trait à ce marché, une copie de ces procédures a été publiée dans le numéro du 31 janvier de ce pamphlet. Les procédures ne mentionnent pas les questions de l'évaluation des soumissions des produits d'origine domestique, les produits désignés des entreprises rationalisées, ni les biens non admissibles d'origine étrangère. Ces procédures ont récemment été publiées à nouveau dans le numéro du 28 septembre 1990 de la publication intitulée «Marchés Publics» et ne font toujours pas mention de ces questions.

Il est vrai que le MAS a rendu public la procédure d'évaluation mentionnée ci-dessus dans le numéro 6 de mars 1989 de la publication intitulée «Le fournisseur». Ce moyen de communication, utilisé au moment de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, ne constitue cependant pas un avis officiel de l'application de telles procédures. En fait, la publication officielle des procédures dans la partie I de la Gazette du Canada du 21 janvier 1989, peu de temps après la mise en application de l'AL-É, ne faisait pas non plus référence au facteur d'évaluation.

Dans la mesure où la publication intitulée «Marchés Publics» est désormais la source d'information officielle vers laquelle un soumissionnaire devrait être dirigé, la Commission considère que les dispositions de l'article 1305:c)iii) de l'AL-É exigeant que les critères de décision utilisés dans l'évaluation des soumissions soient «clairement spécifiés à l'avance» ne sont pas respectées.»

La conclusion qui se dégage de toutes ces considérations est la suivante :

(1) Étant donné qu'on n'avait pas mis à la disposition des soumissionnaires des informations complètes sur l'application du mécanisme de préférence, et qu'on ne les avait pas non plus dirigés vers la source d'information adéquate, il n'y avait pas lieu de l'appliquer dans l'évaluation des soumissions. Le rapport d'enquête montre qu'on ne l'a appliqué qu'à une seule soumission : celle du plaignant;

(2) En appliquant le mécanisme de préférence - qui comporte une augmentation de 10 p. 100 du prix de la soumission par article étranger, en guise de pénalité exigible pour non-proposition de biens admissibles ou nationaux (ou pour non-renvoi du formulaire dûment rempli de Déclaration des biens admissibles), le MAS n'a pénalisé aucun soumissionnaire pour non-renvoi du formulaire, mais a pénalisé le plaignant en vertu de la case «Éléments étrangers» de la DOP, où il était indiqué que les marchandises étaient d'origine japonaise dans une proportion de 66 p. 100. Il a donc fondé sa décision non pas sur des informations relevant de la Déclaration des biens admissibles, mais sur des informations obtenues à partir d'une partie du formulaire de DOP (les cases relatives aux «éléments étrangers») qui ne s'applique pas aux marchés visés par l'ALÉ et n'aurait pas dû être utilisée à des fins d'évaluation de ces adjudications (en fait, McDermid a peut-être proposé des biens que le MAS qualifierait de «domestiques», lesquels, selon ses règles, seraient traités de la même façon que des «biens admissibles» et, donc, ne seraient pas assujettis au coefficient de pénalité de 10 p. 100);

(3) Enfin, sur le plan interne, il apparaît qu'en poursuivant le processus d'évaluation sans les informations requises au sujet des biens admissibles, on procédait en fonction de critères différents de ceux que le Canada, aux termes de l'ALÉ avec les États-Unis, avait convenu d'appliquer pour la passation de ces marchés.

Autre fait venant compliquer la situation, certaines des soumissions ne comportaient pas toutes les informations demandées dans la DOP, tandis que d'autres présentaient spontanément des renseignements qui n'avaient pas été demandés. Il convient de citer un long passage du rapport d'enquête afin d'illustrer les difficultés que cette situation a suscitées et de montrer la façon dont le MAS les a traitées :

[TRADUCTION]

«Bien que cela ne leur avait pas été demandé‚, certains fournisseurs ont présenté des informations sur le taux de droits applicable à leurs prix. Tous ces fournisseurs, cependant, n'ont pas fourni des renseignements complets sur le taux de droits applicable et sur les éléments de leur proposition (matériels, pièces et composants) auxquels il s'appliquerait. Les offres soumises ont fait l'objet d'une évaluation et on peut résumer ce processus comme suit :

PRODUITS ÉQUIVALENTS :

-il apparaît que tous les produits de marque ont été acceptés comme étant des produits équivalents;

DÉCLARATION DES BIENS ADMISSIBLES :

-aucun des vingt-quatre fournisseurs n'a soumis une Déclaration des biens admissibles avec sa soumission;

-on a augmenté une soumission du coefficient de 10 p. 100 à des fins d'évaluation parce qu'elle portait sur des marchandises d'origine étrangère non admissibles sans qu'une déclaration en ce sens n'ait été faite, cette décision reposant sur la déclaration d'éléments étrangers [McDermid - voir plus haut];

TAXE DE VENTE FÉDÉRALE :

-six fournisseurs ont indiqué un prix comprenant la TVF «en sus»; parmi eux, trois ont précisé que le taux de 13,5 p. 100 serait applicable;

-un fournisseur a soumis deux prix, l'un avec la TVF «en sus» et l'autre avec la TVF «comprise», avec un taux de TVF applicable de 13,5 p. 100;

-un fournisseur a soumis un prix avec TVF «comprise» au taux de 13,5 p. 100;

-seize fournisseurs n'ont pas présenté d'informations autres que leur garantie relative à la TVF;

DROITS DE DOUANE :

-deux fournisseurs ont soumis un prix avec les droits de douane «en sus», l'un d'eux précisant que le taux applicable serait de 9,2 p. 100;

-vingt-deux fournisseurs n'ont pas présenté d'informations autres que leur garantie relative aux droits de douane;

ÉLÉMENTS ÉTRANGERS :

-onze fournisseurs n'ont rien inscrit dans les cases réservées aux éléments étrangers et au pays d'origine;

-cinq fournisseurs ont indiqué la valeur des éléments étrangers et le pays d'origine des marchandises faisant l'objet de leur soumission;

-sept fournisseurs ont indiqué que les marchandises faisant l'objet de leur soumission ne comportaient aucun élément étranger;

-un fournisseur a présenté des informations partielles sur les éléments étrangers.

On peut résumer comme suit le calcul, établi par le MAS, des cinq offres moins-disantes :

-On s'est basé, pour le calcul, sur les prix soumis par Rittenhouse Ribbons and Rolls (Rittenhouse) (avec la précision que la TVF n'était pas comprise et la garantie que les droits remboursables étaient exclus). Rittenhouse (bureau de Scarborough) avait joint à son offre une lettre stipulant que «...les prix indiqués NE COMPRENNENT PAS LA TVF». La lettre ne dit rien à propos des droits de douane (voir l'annexe 9).

-On a diminué les prix du deuxième soumissionnaire de 13,5 p. 100, taux correspondant au taux de TVF applicable intégré dans sa soumission.

-On a augmenté les prix du troisième soumissionnaire, McDermid, du taux de 9,2 p. 100 dont l'offre précisait qu'il correspondait au taux de droits applicable en sus. De plus, un montant distinct comprenant le coefficient de 10 p. 100 au titre de l'évaluation des biens non admissibles d'origine étrangère figure sur le document résumant l'évaluation des offres.

-Dans le cas du quatrième soumissionnaire, on a fait le calcul d'après les prix soumis. Un éclaircissement donné par l'agent de négociation des contrats au fournisseur avant l'adjudication de l'offre permanente indiquait que des droits de douane d'un taux de 3,9 p. 100 seraient applicables. Le prix total de sa soumission a été corrigé [par ajout du montant correspondant]. Le motif de cette augmentation figure dans le calcul sous la forme suivante : «avec droits de douane». On ne donne pas d'autre explication.

-On a retenu les prix soumis par le cinquième soumissionnaire, l'agent de négociation des contrats n'ayant pas cherché à obtenir d'éclaircissement au sujet des droits de douane.

Avant l'adjudication de l'offre permanente, le 11 avril 1990, l'agent de négociation des contrats a cherché à obtenir de Rittenhouse confirmation du fait que les marchandises qu'il proposait ne comportaient pas d'éléments d'origine japonaise. Le même jour, Rittenhouse (bureau de Laval) a écrit à l'agent de négociation des contrats pour confirmer qu'il offrait des marchandises dont le contenu était américain dans une proportion de 65 p. 100 et canadien dans une proportion de 35 p. 100 (voir l'annexe 10).

Le MAS a communiqué avec les deuxième et quatrième fournisseurs pour établir si leur soumission comprenait la TVF et, si oui, à quel taux. Le deuxième fournisseur avait précisé, dans sa soumission, que celle-ci comprenait la TVF au taux de 13,5 p. 100. Le quatrième a indiqué que la TVF s'appliquerait au taux de 13,5 p. 100. Le MAS a également vérifié auprès du quatrième soumissionnaire que le taux de droits de douane de 3,9 p. 100 s'appliquerait. Selon l'agent suppléant de négociation des contrats, le MAS a communiqué avec le neuvième soumissionnaire pour établir le taux de TVF et a réduit les prix proposés de 13,5 p. 100 pour les fins de l'évaluation, même si la proposition du fournisseur indiquait clairement : «FSTNI» [abréviation anglaise signifiant : taxe de vente fédérale non comprise]. En outre, le MAS a communiqué avec le vingt-deuxième soumissionnaire pour bien vérifier que le prix proposé correspondait au prix par boîte et non par rouleau. Il a également établi que la TVF n'était pas comprise (voir l'annexe 11).

.....

Le 17 avril 1990, l'agent de négociation des contrats a communiqué avec l'agent aux commandes pour l'informer de l'identité du candidat le mieux placé pour l'adjudication de l'offre permanente (voir l'annexe 12). Le 18 avril 1990, le superviseur de l'agent de négociation des contrats a adjugé l'entente d'offre permanente à Rittenhouse (bureau de Laval), en indiquant clairement que les «prix convenus dans le contrat» étaient exempts de droits et de la taxe de vente fédérale (voir l'annexe 13). L'entente comportait également la clause suivante :

«CERTIFICAT DE DRAWBACK DE DROITS DE DOUANE, TAXES D'ACCISE ET TAXE DE VENTE CANADIENS :

Nous certifions que le présent contrat a été passé avec votre entreprise et que vous avez exclu du prix contractuel tous les droits de douane et taxes que vous deviez payer ou pourrez avoir à payer sur les biens importés utilisés pour fabriquer les marchandises que vous avez accepté de fournir. En conséquence, nous vous autorisons, par la présente, à demander un drawback de droits de douane applicables aux termes du règlement établi par le ministère du Revenu national, Douanes et Accise, lorsque les produits fabriqués auront été exportés (ou fournis à notre satisfaction au Canada).»»

Comme indiqué plus haut, le plaignant a, le 29 juin 1990, écrit au MAS pour exprimer son mécontentement au sujet de ce marché et de l'autre marché qu'il avait soumissionnés. Lors de la préparation de la lettre que devait signer le Ministre, on a tenté d'établir les faits qui s'étaient produits au moment de l'évaluation des soumissions relatives à la présente adjudication. À un certain moment, on a indiqué au plaignant qu'on n'avait jamais tenu compte, lors de l'évaluation du prix soumis par Rittenhouse, ni des taxes ni des droits de douane. Cette information s'est révélée être erronée et on l'a corrigée dans la lettre du Ministre envoyée au plaignant le 30 juillet 1990, l'informant qu'on avait tenu compte des droits de douane. Le MAS avait confirmé ce fait plus tôt, lors d'une communication directe avec Rittenhouse, et le MAS, le 18 juillet 1990, a amendé l'OPIR pour indiquer que les prix unitaires proposés étaient considérés comme comprenant les droits de douane, mais exempts de la TVF (dans la version initiale de l'OPIR, les deux étaient exempts). Un peu plus tard, après le dépôt de la plainte et après que la Commission eut envoyé à Rittenhouse, en sa qualité d'adjudicataire, une copie de la plainte, Rittenhouse envoya à la Commission une lettre affirmant :

[TRADUCTION]

«M. McDermidt (sic) fait erreur lorsqu'il fait valoir que les prix que nous avons proposés ne comprennent pas la taxe de vente fédérale et les droits de douane.

NOS PRIX COMPRENNENT TANT LA TVF QUE LES DROITS DE DOUANE.»

(Voir l'annexe 24 du rapport d'enquête)

Enfin, pour dissiper tout doute qui pourrait subsister, Rittenhouse, répondant à une question posée verbalement directement sur ce point, écrivit à la Commission un mois plus tard :

[TRADUCTION]

«Nous vous faisons parvenir la présente lettre pour confirmer que le montant correspondant aux rouleaux de papier pour télécopieur faisant l'objet de l'offre permanente (08009-9-9750/01-OTT) comprend la TVF et tous les droits de douane.» (voir l'annexe 25 du rapport d'enquête).

Or, le rapport d'enquête montre que dans les factures soumises au gouvernement pour les marchandises commandées directement et payées, pour utilisation au Canada, la TVF a été facturée en sus.

Le Rapport de l'institution fédérale

Le RIF, envoyé à la Commission en réponse à la plainte qui avait été acheminée au MAS, traite les deux questions préliminaires évoquées au début de la présente décision, puis demande instamment que la plainte soit rejetée, en outre, pour les raisons suivantes :

[TRADUCTION]

«Le plaignant, M. McDermid, soutient que l'entreprise à laquelle le marché a été adjugé n'était pas le soumissionnaire le moins-disant. Cette allégation se fonde sur une déclaration erronée faite au cours d'une conversation téléphonique entre l'agent de négociation des contrats d'ASC et M. McDermid. L'agent de négociation des contrats a affirmé par inadvertance que la valeur du marché ne comprenait pas les droits de douane alors qu'en réalité, le prix donné à M. McDermid les comprenait. Étant donné que sa soumission avait indiqué que les prix étaient exempts de droits de douane, sa soumission semblait effectivement être moins élevée.

La méthode d'évaluation et de calcul de ce dossier a fait l'objet d'un examen approfondi et il est évident que le CARC a appliqué correctement toutes les politiques et procédures importantes. Aucune erreur n'a été commise dans l'adjudication de l'offre permanente et le CARC n'a aucunement eu l'intention de cacher des informations ou de tromper M. McDermid de quelque façon que ce soit.

Une fois de plus, nous n'avons commis aucune erreur administrative en effectuant l'évaluation et en retenant Rittenhouse.»

Dans ces circonstances, les enquêteurs de la Commission ont procédé, à titre expérimental, à l'évaluation des cinq soumissions les moins élevées, en suivant la méthode qui semblait être requise conformément à la DOP et aux directives ministérielles, afin de déterminer si cette façon de faire aurait changé quelque chose au classement de ces cinq soumissions. Il est apparu que les troisième et quatrième soumissions se seraient classées aux premier et second rangs, et que les deuxième et troisième se seraient classées troisième et quatrième. La soumission classée au cinquième rang y serait restée.

Les enquêteurs ont également tenté de procéder à une deuxième évaluation expérimentale du même groupe de cinq soumissions, en suivant la méthode que le MAS avait effectivement appliquée, c'est-à-dire en intégrant les droits de douane, mais non la TVF, et en appliquant cette méthode de manière uniforme. Malheureusement, il n'a pas été possible de mener cette tentative à bien à cause de l'insuffisance des informations disponibles.

Lorsque le personnel de la Commission a constaté la différence de résultat final qui aurait été obtenu si on avait adopté une autre méthode d'évaluation, il en a informé la Commission. La Commission a alors demandé que le rapport préliminaire d'enquête comportant les résultats de l'évaluation expérimentale effectuée soit communiqué aux parties pour qu'elles le commentent, avant qu'il ne l'examine lui-même, et il a autorisé la prorogation du délai fixé à l'article 39 du Règlement de la CRMP pour rendre sa décision.

Le rapport préliminaire a été envoyé par le secrétaire de la Commission à chacune des parties, accompagné d'une lettre dont la partie pertinente se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

«Le personnel de la Commission a terminé une partie de son enquête sur cette plainte et a rédigé un rapport préliminaire, dont vous trouverez une copie ci-jointe. Nous considérons qu'il est nécessaire de présenter le rapport préliminaire aux parties pour qu'elles le commentent avant d'achever le rapport qui sera soumis à la Commission. Nous procédons de cette façon parce que le rapport contient des informations que les parties ne connaissaient peut-être pas. Les informations en question concernent le résultat d'une évaluation, effectuée à titre expérimental, des soumissions. Elle a été faite par les enquêteurs de la Commission uniquement à des fins de comparaison. On a procédé de cette façon parce que l'enquête sur l'évaluation effectuée par le MAS a fait apparaître ce qui semble être des incohérences. L'évaluation expérimentale a été réalisée conformément aux critères d'évaluation exposés dans les documents relatifs à la soumission et elle a abouti à des différences importantes de classement des soumissions. Nous souhaiterions obtenir les réactions des parties sur ce point avant de terminer l'enquête. Certains noms et chiffres ont été supprimés pour des raisons de confidentialité, mais, à notre avis, cela n'enlève rien à la question dont il s'agit.»

On peut résumer la réponse du plaignant en indiquant qu'il a réaffirmé sa position selon laquelle il offrait le produit de meilleure qualité pour les appareils auxquels il était destiné. Il s'est plaint de s'être vu imposer un coefficient d'augmentation de 10 p. 100 pour avoir proposé dans sa soumission des biens non admissibles, et il a fait observer que la méthode retenue pour déterminer le type de produit requis ne lui avait laissé d'autre choix que de proposer un produit de la même qualité que le produit recommandé pour ces appareils. McDermid considère qu'aucun autre produit proposé ne respectait cette norme, même s'il n'affirme pas clairement qu'on ne peut pas utiliser avec ces appareils un papier pour télécopieur de qualité moindre.

Nous citons dans son intégralité la réponse du gouvernement au rapport préliminaire parce qu'elle diffère sensiblement de la teneur du RIF :

[TRADUCTION]

«MÉMOIRE D'APPROVISIONNEMENT ET SERVICES CANADA

AU SUJET DU RAPPORT D'ENQUÊTE DE LA CRMP

No DE PLAINTE DE LA CRMP : E90PRF6608-021-0012

PLAIGNANT : EARL C. MCDERMID PAPER CONVERTERS LTD.

OFFRE PERMANENTE No : 08009-9-9750/01-OTT

Le rapport d'enquête, comme l'a fait remarquer le secrétaire de la Commission, contient des informations sur des évaluations de rechange qui aboutissent à des différences sensibles en ce qui concerne le classement des soumissions. En raison de l'apparence d'un manque d'équité, le MAS considère qu'il est souhaitable de lancer un nouvel appel d'offres pour ce marché. Nous informons donc la Commission qu'Approvisionnements et Services se propose de publier un avis révisé de projet de marché, de revoir le dossier d'appel d'offres afin de clarifier les critères d'évaluation et de demander des soumissions aux fournisseurs pour le solde des besoins au titre de cette adjudication.

Avant de proposer ce qui précède, Approvisionnements et Services a passé en revue les activités accomplies dans le cadre de la présente adjudication. Il est regrettable que le dossier initial d'appel d'offres sous forme d'une Demande de proposition (DDP) ait contenu certaines ambiguïtés au sujet de la ligne de conduite à suivre à propos de la taxe de vente fédérale et des droits de douane. À cette lacune est venue s'ajouter une erreur administrative en vertu de laquelle la DDP n'était pas accompagnée de l'annexe adéquate, sous forme de Déclaration des biens admissibles. Il semble qu'en lieu et place de la Déclaration des biens admissibles, on a joint par inadvertance un formulaire sur l'équité en matière d'emploi. En pareille situation, on pourrait habituellement s'attendre à ce qu'au moins un des quelque trente soumissionnaires notifie ASC des difficultés décrites ci-dessus dans le document de DDP avant la clôture de l'appel d'offres. Il se trouve qu'en l'occurrence, aucune des parties n'a signalé ces faits à ASC.

ASC, croyant que cela serait équitable et rentable pour toutes les parties concernées, a agi à la lumière des seules informations disponibles, à savoir, les informations sur le pays d'origine des éléments étrangers présentées par les fournisseurs. On a considéré, à ce moment-là, que ce type d'évaluation représentait le seul moyen applicable de suivre la méthode d'évaluation exposée dans la DDP. ASC ne pouvait pas prévoir, et ne l'a effectivement pas fait, que la solution de rechange consistant à appliquer une pénalité uniforme de 10 p. 100 à toutes les soumissions à des fins d'évaluation était équitable ou applicable. C'est pourquoi ASC a appliqué de manière proportionnelle la règle des 10 p. 100 de pénalité à tous les soumissionnaires qui ont déclaré que leurs élé‚ments étrangers n'étaient pas d'origine canadienne ou américaine. Le rapport d'enquête a amené ASC à penser que ce qu'il considérait être la solution applicable la moins coûteuse pour toutes les parties pouvait faire l'objet d'une autre interprétation, avancée par l'enquêteur de la Commission, à savoir qu'ASC a appliqué de manière sélective la pénalité de 10 p. 100 au titre de l'évaluation.

Le rapport d'enquête met également en évidence le fait qu'ASC a accepté toutes les marques de marchandises, c'est-à-dire de papier pour télécopieur, comme des équivalents. ASC fait observer que ce dossier d'appel d'offres ne comportait aucune autre spécification que l'exigence que le papier donne des résultats corrects avec l'équipement. Il était par ailleurs indiqué aux fournisseurs, dans l'appel d'offres, qu'ils seraient tenus responsables de toutes difficultés dues à la performance de leur produit. Compte tenu de la valeur de l'appel d'offres, l'acceptation du produit par le ministère client et la disposition de la DDP traitant toutes les marques comme des équivalents dans ce cas ont été considérées comme satisfaisantes. Nous faisons cette remarque pour que la Commission comprenne bien que le traitement de tous les fournisseurs, dans cet appel d'offres, a été uniforme et impartial.

Nonobstant ce qui précède, comme nous l'avons indiqué plus haut, ASC se propose de lancer un nouvel appel d'offres pour ce marché et de revoir le dossier d'appel d'offres.»

Après réception de ces réponses, qui ne contestent pas les faits exposés dans le rapport préliminaire, le rapport d'enquête a été soumis à la Commission, qui a conclu qu'il y avait suffisamment d'éléments pour rendre une décision dans cette affaire et qu'il n'était pas nécessaire de tenir une audience.

La Commission constate que :

(a) La non-inclusion de la Déclaration des biens admissibles dans le dossier d'appel d'offres a été un élément déterminant parce que, de ce fait, on n'a pas demandé les informations de base à la lumière desquelles la partie de l'évaluation relative au «traitement national» allait être menée à bien. Mais même si ce formulaire avait été joint au dossier (comme cela est souligné dans l'autre plainte de la société McDermid mentionnée plus haut), on ne donnait pas d'indications sur la façon dont la préférence serait appliquée et sur ses effets sur l'évaluation. En raison de la non-divulgation de cette question, l'application de cette préférence est irrégulière et contraire à l'article 1305 de l'ALÉ, puisqu'on recourait, dans l'évaluation des soumissions et l'adjudication des contrats, à un critère de décision qui n'était pas clairement énoncé à l'avance.

Le gouvernement reconnaît qu'en l'absence d'informations suffisantes, il a choisi une méthode d'évaluation destinée à «suivre la méthode d'évaluation exposée dans la DDP.» La Commission fait à cette façon de procéder le reproche que le gouvernement a choisi une méthode qui se fonde sur une clause inapplicable aux marchés visés par l'ALÉ, non précisée à l'avance et reposant sur les informations fournies par seulement quelques-uns des soumissionnaires.

La Commission voit mal comment quiconque pourrait estimer qu'il s'agit là d'une façon de faire «équitable», «rentable», et du «seul moyen applicable de suivre la méthode d'évaluation exposée dans la DDP», ou que «le traitement de tous les fournisseurs, dans cet appel d'offres, a été uniforme et impartial.» Il est fort improbable que la partie qui a porté plainte voie les choses ainsi, si l'on tient compte du fait que sa soumission s'est classée au troisième rang au lieu, peut-être, du premier rang, ce qui lui aurait permis d'obtenir l'OPIR.

(b) La Commission constate également que la méthode d'évaluation suivie dans les faits, laquelle comportait l'addition des droits de douane au total des prix proposés, est également contraire à la même disposition de l'ALÉ, et pour la même raison : le critère de décision n'est pas clairement énoncé à l'avance.

(c) En outre, la méthode d'évaluation souffre également de ce qu'elle a été appliquée de manière incohérente, ce qui a eu pour effet d'aboutir à un classement des soumissions différent de ce qui se serait peut-être passé (au moins pour les cinq soumissions les moins élevées) si on avait procédé de la façon exposée dans les documents de l'appel d'offres. La réponse du gouvernement ne conteste pas ce point.

En fait, le gouvernement indique, dans sa réponse, qu'il se propose de lancer un nouvel appel d'offres, en publiant un APM révisé, en clarifiant le dossier d'appel d'offres et en demandant une soumission aux fournisseurs pour le solde du besoin faisant l'objet du présent marché.

C'est là, en partie, un aboutissement correct, mais la Commission observe que ce résultat aurait dû être obtenu il y a déjà longtemps. Le plaignant s'est efforcé avec persévérance de prendre connaissance des faits et a exposé clairement ses préoccupations au ministère, mais on lui a opposé officiellement à deux reprises des déclarations selon lesquelles le gouvernement n'avait rien à se reprocher, une fois dans une lettre signée par le Ministre, et à nouveau dans le RIF après le dépôt de la plainte.

Enfin, dans sa réponse à la diffusion par la Commission de son rapport préliminaire d'enquête, le MAS reproche aux soumissionnaires de ne pas l'avoir averti de l'oubli relatif au formulaire de Déclaration des biens admissibles. Il admet, certes, que sa façon de procéder «pouvait faire l'objet d'une autre interprétation...», mais il considère toujours que c'était là «la solution applicable la moins coûteuse pour toutes les parties.» Il ne tient pas compte de la principale constatation du rapport préliminaire d'enquête, à savoir que l'évaluation a peut-être donné un résultat erroné; il insiste auprès de la Commission sur le fait que «le traitement de tous les fournisseurs dans cet appel d'offres a été uniforme et impartial.» En conclusion, il fait savoir que «nonobstant ce qui précède..., ASC se propose de lancer un nouvel appel d'offres...»

La Commission estime que si le ministère avait consacré moins de temps à défendre sa position et davantage de temps à vérifier le fond de la plainte, cette affaire aurait pu faire l'objet d'un règlement plus rapide et plus équitable, dans l'intérêt général des deux parties.

DÉCISION

La Commission a statué que le processus d'adjudication suivi par le ministère des Approvisionnements et Services dans l'affaire en instance ne respecte pas toutes les exigences énoncées dans l'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, du fait que le MAS ne s'est pas fondé, aux fins de l'évaluation des soumissions et de l'adjudication des marchés, sur des critères de décision clairement précisés à l'avance.

Par conséquent, la Commission, notant la proposition du MAS de lancer un nouvel appel d'offres, recommande que le MAS annule l'OPIR adjugée au bénéficiaire du marché et procède à un nouvel appel d'offres, conformément au chapitre de l'ALÉ sur les marchés publics.

La Commission ordonne le remboursement à la plaignante des frais raisonnables qu'elle a engagés au titre du dépôt et de l'instruction de la présente plainte; par ailleurs, compte tenu de toutes les circonstances entourant cette affaire, et étant donné qu'il semble que la plaignante, n'eût été des gestes posés par le gouvernement, aurait peut-être été en l'occurrence le plus bas soumissionnaire, la Commission ordonne également le remboursement à la plaignante des frais raisonnables qu'elle a engagés pour préparer sa soumission.

Gerald A. Berger
_________________________
Gerald A. Berger
Président de la Commission de
révision des marchés publics du Canada


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 août 1997