TRENTON TEXTILE MILLS LIMITED

Décisions


TRENTON TEXTILE MILLS LIMITED
N° du greffe de la Commission: F91PRF6621-021-0024

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Trenton Textile Mills Limited du 48, rue Film Trenton (Ontario)

N° du greffe de la Commission: F91PRF6621-021-0024

Plainte retenue

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

20 septembre 1991

DÉCISION DE LA COMMISSION

Il s'agit, en l'espèce, de la troisième plainte déposée récemment par la Trenton Textile Mills Limited (Trenton) contre le ministère des Approvisionnements et Services (MAS) à cause de l'adjudication au moyen de marchés à fournisseur unique de contrats pour du tissu destiné à la fabrication de meubles par les Industries CORCAN (CORCAN) du Service correctionnel du Canada (SCC) [1] .

La Trenton estime que le titulaire du marché n'est pas le seul fournisseur de ce tissu et elle [TRADUCTION] «tient à être du nombre des fournisseurs de ce tissu et d'autres tissus dont l'achat se fait, à l'heure actuelle, au moyen de marchés à fournisseur unique». Elle tient également à bénéficier de tout dédommagement auquel elle aurait droit.

En l'espèce, il s'agit d'une offre permanente qui avait été octroyée à la Newlands Textile Inc. (Newlands), de Cambridge, en Ontario, à la fin de novembre 1990. La Trenton a pris connaissance de l'octroi de ce marché lors de la parution d'un Avis d'adjudication de contrat (AAC) dans le numéro du 12 juillet 1991 de la publication «Marchés publics». (Le gouvernement est tenu de publier un avis dans les 60 jours suivant l'octroi d'un marché conformément aux dispositions de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics, dont les dispositions ont été reprises dans l'Accord de libre-échange (ALÉ)). La plainte a été déposée le 23 juillet 1991. La valeur de l'offre permanente étant de 109 225 $, l'instruction de la plainte relève donc, en vertu de l'article 15 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, de la compétence de la Commission.

L'enquête

Les allégations de la plaignante, la réponse du gouvernement à ces allégations et les commentaires de la plaignante à l'égard de la réponse du gouvernement ont fait l'objet d'une enquête au moyen d'entrevues et de l'examen de documents.

Un certain nombre de particuliers ont été interviewés en personne ou par téléphone afin de confirmer des déclarations qu'on leur prêtait ou qui figuraient dans les documents. Ce sont :

- Monsieur Pat Kitchin, MAS, Services des achats de Kingston (agent de négociation des contrats);

- Madame Lise Rieger, MAS, Direction générale du Centre (conseillère des programmes);

- Monsieur Garry Sly, SCC, Opérations industrielles (OI), CORCAN (gestionnaire régional, Planification et contrôle de la production);

- Monsieur John Lancaster, SCC, (OI) CORCAN (technologue principal en fabrication).

Par suite de la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure, dont avis a été signifié par la Commission dans la publication «Marchés publics» la semaine du 18 février 1991, une copie de la version préliminaire du Rapport d'enquête a été transmise à l'institution fédérale et à la plaignante aux fins de recueillir leurs observations avant que le Rapport ne soit déposé auprès de la Commission. Les deux parties ont formulé, par écrit, de brèves observations et ces dernières ont été annexées au Rapport d'enquête; la Commission en a tenu compte aux fins d'en arriver à sa décision.

Ont aussi été annexés au Rapport d'enquête un certain nombre de documents jugés pertinents par le personnel chargé de l'enquête pour le fond dudit rapport. La présente décision ne mentionne pas expressément tous ces documents justificatifs, mais ils ont tous été mis à la disposition des parties et, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, toute autre personne peut également les consulter.

Comme l'enquête a permis de recueillir suffisamment de renseignements pour que la Commission puisse trancher, selon elle, les questions soulevées dans la plainte, elle a décidé de ne pas tenir d'audience officielle dans cette affaire. Pour en arriver à ses conclusions, la Commission a examiné le Rapport d'enquête préparé par son personnel et fondé sa décision sur les faits essentiellement connus des parties qui y sont exposés et dont les éléments les plus pertinents sont mentionnés dans la présente décision.

Le MAS, dans ses observations concernant la version préliminaire du Rapport d'enquête de la Commission, a indiqué à cette dernière de se reporter aux observations qu'il avait formulées au titre d'une plainte précédente déposée par la Trenton (No du greffe de la Commission D91PRF6621-021-0021).

On y trouve, notamment, le paragraphe suivant :

[TRADUCTION]

«Si la Commission estime, en l'espèce, que le litige concerne les procédures empruntées par la Couronne pour définir ses besoins, alors le gouvernement prie respectueusement la Commission de tenir une audience où il pourra apporter des preuves et présenter des arguments à l'appui des procédures qu'il emprunte.»

Et, tout comme dans cette première affaire, la Commission estime, en l'espèce, que la question à trancher ne concerne pas la façon empruntée par le gouvernement pour définir ses besoins, mais plutôt les procédures que le gouvernement a empruntées pour les satisfaire. Afin de trancher la question, la Commission estime qu'elle dispose de preuves claires et suffisantes, et qu'il s'avérerait inutile d'exiger des deux parties qu'elles consacrent temps et argent afin de présenter un complément d'information dans le cadre d'une audience.

L'adjudication

La CORCAN fabrique, depuis quinze ans, plusieurs gammes de meubles rembourrés, y compris la gamme de meubles Tuffy II (se reporter à l'Annexe 2 du Rapport d'enquête). Au cours de cette période, la CORCAN s'est approvisionnée en tissu auprès de nombreux fournisseurs, dont auprès de la Trenton et de la titulaire du marché, la Newlands. La CORCAN est une entreprise de taille moyenne qui fabrique des gammes de produits de pointe et qui, par conséquent, doit utiliser des tissus qui sont aussi le fruit de techniques de pointe. Parmi sa clientèle, la CORCAN compte des ministères fédéraux, des organismes provinciaux et municipaux, des agences et des organismes sans but lucratif. La CORCAN met elle-même au point ses gammes de produits et peut également concevoir des produits adaptés aux besoins particuliers d'un client. Aux fins de la fabrication de ses produits, la CORCAN en achète les composantes, qu'elle qualifie de «matières premières» (se reporter à l'Annexe 3 du Rapport d'enquête) par l'entremise du MAS. Les dessins, les plans et les spécifications se rapportant à tous les produits sont établis par l'administration centrale, à Ottawa, une fois identifiés, au moyen d'études du marché, les tendances et les couleurs les plus populaires. Ces composantes sont consignées dans la Liste nationale de codage des matières premières de la CORCAN, où sont précisés la marque de commerce et la description du produit, de même que le code attribué au produit par la CORCAN.

La gamme de meubles Tuffy II est fabriquée aux établissements de Collins Bay et de Kingston, à Kingston, en Ontario. L'achat des matières premières est effectué localement, c'est-à-dire par le Service des achats du MAS, à Kingston, pour le compte du Bureau régional de l'Ontario du SCC. Des meubles de la gamme Tuffy II sont également fabriqués par des établissements du SCC dans les régions de l'Atlantique et du Pacifique.

Le tissu, qui est réputé une matière première, doit satisfaire à certaines spécifications et normes élaborées par l'administration centrale de la CORCAN. Au moment de choisir un tissu, la CORCAN a indiqué à la Commission qu'elle communique avec divers fournisseurs et qu'elle leur demande de lui présenter des échantillons de tissus satisfaisant à des spécifications et à des normes précises. Il est également précisé, dans le Rapport de l'institution fédérale (RIF) (se reporter à l'Annexe 14 du Rapport d'enquête), qu'un fournisseur peut présenter ses produits à la CORCAN aux fins d'évaluation. Selon le produit, des prototypes sont revêtus des échantillons de tissus puis mis à l'essai dans des bureaux. Selon le technologue principal en fabrication, la décision, au titre du choix du tissu, appartient au Service de marketing, qui fonde son choix sur les goûts du jour, les préférences personnelles, la résistance à l'usure, la couleur et la texture.

Selon le directeur adjoint par intérim des Opérations industrielles de la CORCAN, même si cette gamme de produits évolue en raison de l'avènement de nouvelles techniques et des améliorations qui y ont été apportées, à moins qu'il n'y ait des plaintes concernant la performance du tissu ou qu'il y ait évolution des tendances du marché, la CORCAN a pour règle de ne pas changer une matière première choisie afin d'être en mesure de proposer à sa clientèle un choix cohérent au titre de la texture, des motifs et des couleurs des tissus.

De fait, le gouvernement, dans ses observations concernant le Rapport d'enquête de la Commission, s'est employé à bien souligner ce point. Le gouvernement précise que la plaignante connaissait cette pratique de la CORCAN, de même que l'existence de la Liste nationale de codage des matières premières, car elle avait soumis à la CORCAN, il y a quelques temps, peut-être aussi récemment qu'en mai 1990, des échantillons de matières premières aux fins d'évaluation, échantillons qui ont été jugés inacceptables.

Cette question a suscité une certaine controverse, la plaignante alléguant qu'elle avait vendu fréquemment des produits à la CORCAN par le passé, et qu'elle n'avait jamais été informée que son échantillon avait été jugé inacceptable, voire même qu'il avait été testé. Quant au MAS, il affirme que cet avis avait été communiqué de vive voix et que, dans les circonstances [TRADUCTION] «... il s'avérait indiqué pour le gouvernement de ne pas faire appel aux services de la plaignante de nouveau».

En dernière analyse, cependant, le litige ne tient pas directement à ces circonstances car les moyens empruntés par le gouvernement pour lancer un appel d'offres et choisir les soumissionnaires qui seront invités à y participer, en ce qui concerne les marchés assujettis à l'ALÉ, sont régis par les règles très rigoureuses énoncées dans l'Accord du GATT relatif aux marchés publics, règles auxquelles le gouvernement doit se conformer. Aussi, ces règles sont différentes de celles qui régissent les moyens empruntés par le gouvernement pour octroyer des marchés qui ne sont pas assujettis à l'ALÉ et à l'Accord du GATT.

Enfin, les moyens empruntés par le gouvernement pour arrêter une norme, comme dans l'affaire en espèce, ne sont ni exceptionnels ni forcément inéquitables, dans la mesure où, lorsqu'il choisit un produit spécifique à titre de «norme», les critères essentiels d'évaluation soient documentés, et lorsqu'il utilise à cette fin une ou des marques de commerce, ces dernières soient assorties de la mention «ou l'équivalent» pour permettre un appel d'offres ouvert.

Justification de l'octroi d'un marché à fournisseur unique

En novembre 1990, le MAS a reçu une demande du SCC visant l'achat de 7000 verges de tissu «Picton», de six couleurs différentes, et de 2500 verges de tissu «Mirage», de trois couleurs différentes. La demande portait la mention suivante : [TRADUCTION] «Tissu d'ameublement Tuffy II équivalent au tissu utilisé pour la gamme de produits actuels», et la Newlands était réputée un fournisseur de ce tissu.

Sachant qu'il fallait justifier l'octroi d'un marché à fournisseur unique, l'agent de négociation des contrats a rempli un formulaire intitulé «Note au dossier» (se reporter à l'Annexe 7 du Rapport d'enquête), formulaire portant 19 énoncés qui, il appert, visent à justifier pourquoi les dispositions de l'ALÉ, et celles du Code du GATT qui y ont été reprises, concernant les appels d'offres ouverts ne s'appliquent pas en l'espèce. [2]

Deux des énoncés visant à justifier l'octroi d'un marché à fournisseur unique portent une marque indiquant qu'ils s'appliquent dans les circonstances, et l'agent de négociation des contrats, de même que le gestionnaire par intérim des acquisitions commerciales, ont apposé leur signature au bas du formulaire. Ces deux énoncés sont les suivants :

[TRADUCTION]

«- Les produits ne peuvent être fournis que par un fournisseur unique, pour des raisons liées aux droits de brevet ou de reproduction, ou pour d'autres raisons liées à la protection de droits exclusifs, et parce qu'il n'existe aucun produit de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant»; et

«- Un produit de marque particulier est nécessaire pour des raisons de logistique, dans le cas où l'installation d'un article non normalisé présenterait des problèmes d'exploitation ou engagerait des coûts d'entretien supplémentaires.»

Le premier de ces deux énoncés est fort similaire à l'alinéa 16(b) de l'Article V du Code du GATT, qui fait partie intégrante de l'ALÉ, selon lequel il n'est pas nécessaire de recourir à la procédure d'appel d'offres ouvert dans les circonstances suivantes (pourvu qu'on n'ait pas recours à un appel d'offre unique, c'est-à-dire, à l'octroi d'un marché à fournisseur unique, pour éviter le plus possible la concurrence) :

«lorsque, du fait qu'il s'agit de travaux d'art ou pour des raisons liées à la protection de droits exclusifs, tels que des droits de brevet ou de reproduction, les produits ne pourront être fournis que par un fournisseur particulier et qu'il n'existera aucun produit de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant;»

Personne n'a laissé entendre, à aucun moment, que la Newlands revendiquait des droits exclusifs, tels des droits de brevet ou de reproduction, à l'égard de ses tissus «Picton» et «Mirage». Il s'agit tout simplement des marques de commerce de leurs produits. D'autres entreprises pourraient fabriquer ou alléguer qu'elles fabriquent des produits correspondant à ces produits, et voilà spécifiquement ce qu'allègue la Trenton, à savoir que son tissu «Vision» est un produit commercial équivalent au tissu «Mirage» de la Newlands. La véracité de cette allégation n'a pas été établie de façon probante (quoique le MAS affirme que le tissu soumis à la CORCAN par la Trenton, en mai 1990, était inacceptable), mais à aucun moment ni la Newlands ni la plaignante n'ont revendiqué des droits exclusifs au titre de la conception ou de la confection de leurs produits, droits qui soient protégés, de par la loi, de façon analogue à des brevets ou à des droits d'auteur. De fait, l'enquêteur de la Commission a communiqué avec le MAS qui a obtenu confirmation de la Newlands qu'elle n'était pas disposée à présenter une demande à l'égard de ce produit afin de jouir de droits exclusifs reconnus par la loi. Par conséquent, la Commission estime que les motifs présentés à l'appui de cet énoncé justificatif n'ont pas été établis de façon probante.

La seconde justification proposée, à savoir l'acquisition d'un produit de marque particulier et les raisons de logistique, n'est pas davantage acceptable. Ce motif a été invoqué à titre de justification de l'octroi de marchés à fournisseur unique lors de l'instruction de deux plaintes par la Commission (l'affaire Enconaire/EGC, 28 janvier 1991, No du greffe de la Commission E90PRF6601-021-0020 et 0021, et l'affaire Enconaire, 15 février 1991, No du greffe de la Commission E90PRF664Y-021-0019), et chaque fois il a été rejeté parce qu'il ne s'applique pas aux marchés assujettis à l'Accord de libre-échange. Dans la première de ces deux affaires, la Commission a déclaré :

«Lorsqu'il ne s'agit pas de marchés publics assujettis à l'Accord de libre-échange ou au GATT, il existe une politique à l'alinéa 3002.7c) du Guide de la politique des approvisionnements qui semble permettre l'appel d'offre unique lorsqu'un «... produit de marque particulier est nécessaire pour des raisons de logistique, dans le cas où l'installation d'un article non normalisé présenterait des problèmes d'exploitation ou engagerait des coûts d'entretien supplémentaires ...» Avant l'Accord de libre-échange on avait fréquemment recours à cette politique pour les marchés publics dont beaucoup avaient une valeur généralement comprise dans l'éventail qui fait maintenant partie de la «fenêtre» monétaire de l'Accord de libre-échange, soit entre 31 000 $ et 210 000 $. Cette politique peut jeter un peu de lumière sur la façon dont on traite, dans les RIF, des justifications pour le recours à l'appel d'offre unique.

Toutefois, avec le récent avènement de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et l'application à ce genre de marchés publics du Code du GATT sur les marchés publics, des règles beaucoup plus rigides gouvernant la pertinence et l'utilisation de l'appel d'offre unique sont entrées en jeu. Le présent cas est un bon exemple de l'une des différences importantes entre le régime régissant les marchés publics assujettis à l'Accord de libre-échange (et au GATT), et le régime applicable aux autres sortes de marchés.»

La Commission estime donc que ni l'un ni l'autre des énoncés consignés dans la Note au dossier, note visant à obtenir, à l'interne, l'autorisation d'octroyer un marché à fournisseur unique aux fins de l'achat du tissu, ne sont acceptables.

Mais il ne s'agit pas là de la fin de l'affaire.

Lorsque, sept mois après l'octroi de ce marché à fournisseur unique, le gouvernement a publié l'AAC dans «Marchés publics», l'avis portait le code : «Sole Source/Fournisseur unique - D», le code «D» étant un renvoi à l'alinéa 16(d) de l'Article V de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics où figurent d'autres circonstances justifiant l'octroi de marchés à fournisseur unique. L'alinéa 16(d) de l'Article V est résumé, au profit des fournisseurs, dans les avis divers destinés aux fournisseurs publiés dans le numéro du 25 janvier 1991 de «Marchés publics». Sous la rubrique, «Exceptions permettant des appels d'offres uniques», figure le texte suivant :

«Par dérogation aux dispositions du Code, les procédures d'appels d'offres uniques pourront être utilisées dans les circonstances décrites ci-après, pourvu qu'on n'y ait pas recours en vue d'éviter le plus possible la concurrence ou en procédant à ce qu'elles constituent un moyen de discrimination à l'égard des fournisseurs étrangers ou une mesure de protection en faveur des producteurs nationaux (V.16) :

. . .

(d)Lorsqu'il s'agira de livraisons additionnelles à assurer par le fournisseur initial et portant sur des pièces de rechange pour des fournitures déjà faites ou des installations déjà livrées, ou destinées à compléter ces fournitures ou installations, et qu'un changement de fournisseur obligerait une entité à acheter du matériel ne répondant pas à des conditions d'interchangeabilité avec du matériel déjà existant (Remarque : il est entendu que l'expression «matériel existant» comprend le logiciel, dans la mesure où l'achat initial du logiciel était couvert par l'Accord.) (V.16(d));»

Cette justification avait été invoquée à l'appui de l'octroi d'un marché à fournisseur unique lors de l'instruction de la plus récente plainte déposée par la Trenton et à laquelle il a été fait allusion plus tôt. Dans sa décision, la Commission a souligné que les dispositions du Code du GATT font allusion à des «pièces» et à du «matériel», et non à du tissu d'ameublement.

Et en l'espèce, tout comme dans l'affaire susmentionnée, le MAS a annexé à son RIF la même note de service de la CORCAN (datée du 10 juillet 1991) où cette dernière relate l'historique de ses pratiques en matière d'achat de tissu, et où figure le paragraphe suivant :

[TRADUCTION]

«Si la Trenton Textiles est en mesure de fournir un tissu conforme en tous points aux spécifications établies et aux couleurs souhaitées, si elle est disposée à stocker ce tissu et à ne pas imposer de conditions au titre des commandes minimales, et si elle est en mesure de livrer rapidement et à un prix concurrentiel du tissu de rechange, alors il faudrait la retenir à titre de fournisseur potentiel. Afin d'assurer la qualité du produit, il doit être certifié conforme à la norme ISO 9002 ou à une norme équivalente.»

Il est donc manifeste, même si on élargissait l'interprétation des termes «pièces» et «matériel» afin qu'ils englobent le terme «tissu», qu'il s'agirait d'un débat purement théorique car l'ingénieur-chef de la CORCAN a affirmé que cette dernière serait disposée à faire affaires avec d'autres fournisseurs s'ils satisfaisaient aux critères établis. Par conséquent, ce motif visant à justifier l'octroi d'un marché à fournisseur unique (s'il s'agit d'un motif invoqué avec sérieux, car on y a fait seulement allusion dans l'AAC publié dans «Marchés publics» et non dans le dossier du marché) n'est pas acceptable.

À titre de dernière observation concernant la satisfaction des besoins de la CORCAN au moyen de l'octroi d'un marché à fournisseur unique, la Commission estime que la CORCAN avait prévu qu'elle pourrait être appelée à changer de fournisseur de tissu, soit en raison de motifs imputables à la concurrence ou à d'autres circonstances, l'énoncé figurant dans son catalogue de vente au détail en faisant foi :

«Ces caractéristiques entrent en vigueur au moment de l'impression. Des changements à la finition, au tissu et à la couleur des articles peuvent être apportés sans préavis; veuillez consulter le représentant de votre région.» (Se reporter à l'Annexe 2 du Rapport d'enquête)

En conséquence, la Commission accueille la plainte et entend octroyer à la plaignante les frais entraînés par le dépôt et l'instruction de la plainte. Comme il s'agissait d'un marché à fournisseur unique dont elle avait ignoré l'existence jusqu'au moment de la publication de l'AAC, elle n'a pas engagé de frais au titre de la préparation d'une soumission. Aussi, la Commission estime qu'il ne s'agit pas d'une affaire où elle peut recommander une autre forme de dédommagement.

Cependant, la Commission recommande que le MAS et la CORCAN examinent le processus emprunté pour l'achat des composantes destinées aux opérations de fabrication de la CORCAN et que, lorsque cela s'impose, il soit conforme aux exigences du Code du GATT et de l'ALÉ.

DÉCISION

La Commission a statué, à la lumière de son enquête, que le présent marché conclu par le ministère des Approvisionnements et Services n'est pas conforme aux exigences énoncées à l'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange dans la mesure où il n'a pas donné à tous les fournisseurs potentiels une chance égale de répondre aux exigences de l'organisme acheteur à l'étape de l'appel d'offres et de la soumission, les motifs ayant été invoqués à l'appui de l'octroi d'un marché à fournisseur unique n'étant pas pertinents.

La Commission adjuge à la plaignante le remboursement des frais entraînés par le dépôt et l'instruction de sa plainte.

La Commission recommande également que, dorénavant, l'acquisition de tels biens, dans des circonstances similaires, soient soumis à la concurrence conformément aux dispositions de l'Accord de libre-échange.

Gerald A. Berger
_________________________
Gerald A. Berger
Président
Commission de révision des marchés publics du Canada


1. La seconde plainte (n o du greffe de la Commission D91PRF6621 - 021-0021) concernait l'octroi d'un marché à fournisseur unique aux fins de l'achat de tissu destiné à la fabrication de chaises ergonomiques. La plainte a été retenue. La première plainte (n o du greffe de la Commission D91PRF6621-021-0020) concernait l'achat du même type de tissu, mais elle n'a pu être instruite par la Commission en raison de la valeur du marché, valeur se situant au-delà du seuil de compétence de la Commission stipulé dans la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre - échange.

2. Bien qu'il ne s'agisse pas exactement de la teneur du message inscrit sur le formulaire, la Commission estime que c'était là l'intention du MAS. On peut lire, sur le formulaire, le texte suivant : [TRADUCTION] «LES DISPOSITIONS DU CODE DU GATT ET DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CONCERNANT LES MARCHÉS PUBLICS NE S'APPLIQUENT PAS POUR LES RAISONS SUIVANTES :»


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1997