EARL C. MCDERMID LIMITED

Décisions


EARL C. MCDERMID LIMITED
N° du greffe de la Downsview (Ontario) Commission: E90PRF6635-021-0013

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Earl C. McDermid Limited Paper Converters du 124, prom. Norfinch Downsview (Ontario)

N° du greffe de la Commission: E90PRF6635-021-0013

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

1er novembre 1990

DÉCISION DE LA COMMISSION

Il s'agit en l'espèce d'une plainte concernant l'achat de papier pour télécopieur devant être fourni en rouleaux de 8 1/2 po de largeur sur 328 pieds (100 mètres) de longueur pour le Bureau du Conseil privé (BCP). L'intention du ministère des Approvisionnements et Services (MAS) était de procéder par la voie d'une offre permanente individuelle et régionale (OPIR) aux termes de laquelle le soumissionnaire retenu est appelé à fournir le papier en question selon certaines conditions préalables, telles que le prix, et en quantités variables déterminées lors de chaque commande passée directement par le ministère client, soit le BCP. Bien qu'on ne garantissait aucune commande, on prévoyait néanmoins passer pendant la durée de l'OPIR des commandes directes portant au total sur quelque 480 boîtes de 6 rouleaux, pour une somme globale d'environ 57 456 $. C'est notamment pour cette raison que le MAS a estimé que ce marché nécessitait la passation d'un contrat visé par l'Accord de libre-échange (AL-É). Le marché a donc été annoncé dans un avis de projet de marché (APM) publié dans le numéro du 2 avril 1990 de la publication intitulée "Marchés Publics" sous la rubrique "Matériel de bureau et fourniture" et le code d'appel "F-1", ce qui signifiait qu'il s'agissait d'un marché visé par l'AL-É et d'un appel d'offres ouvert.

Le papier pour télécopieur dont il est question dans cette affaire devait être utilisé avec les télécopieurs Lanier modèle 210. Le BCP avait déjà signalé que ces appareils fonctionnaient mal lorsqu'ils étaient alimentés avec du papier autre que celui que distribue la société Lanier. On a donc convenu de faire porter l'appel d'offres sur du papier pour télécopieur Lanier de type 220, mais en précisant que les succédanés seraient également pris en considération.

À la date de clôture de l'appel, soit le 14 mai 1990, on avait reçu en tout 22 soumissions. Le 31 mai 1990, l'OPIR était accordée à la société 99M Corporation (99M) de Markham, en Ontario. Cette dernière s'était classée au deuxième rang, mais la soumission du moins-disant avait été jugée non acceptable, les rouleaux offerts n'ayant que la moitié de la longueur requise.

La plainte visée par la présente décision a été déposée devant la Commission le 9 août 1990 par la société Earl C. McDermid Limited (McDermid), de Downsview, en Ontario, qui s'était classée au quatrième rang. La plaignante allègue que la société 99M a offert un produit non admissible et que le prix de sa soumission [TRADUCTION] "n'a pas été assujetti..." à l'augmentation de 10 p. 100 applicable aux fins d'évaluation aux biens non admissibles d'origine étrangère [TRADUCTION] "...alors qu'il aurait dû l'être." En ce qui concerne la première partie de la plainte, l'AL-É n'interdit pas en fait la fourniture de produits non admissibles. La question centrale touche plutôt la méthode de traitement des soumissions pour fin d'évaluation, ce sur quoi porte la seconde partie.

Il faut toutefois, avant d'aller plus loin, se pencher sur une question particulière, à savoir : à quel moment la plaignante a-t-elle appris que le facteur de pénalité n'avait pas été appliqué? Il s'agit là d'un détail important puisque selon le Règlement de la Commission de révision des marchés publics (le Règlement), le plaignant doit déposer sa plainte au plus tard 10 jours après qu'il a appris (ou aurait raisonnablement dû apprendre) qu'il y avait matière à plainte.

Il y a eu dans ce dossier un échange considérable de correspondance depuis le 31 mai 1990 entre McDermid et le MAS et sa Section de l'accès à l'information concernant l'insatisfaction de McDermid quant à la façon dont s'est déroulé cet appel d'offres ainsi qu'un autre. Aucuns de ces documents n'a toutefois d'incidence sur le fondement de la plainte soumise à l'étude de la Commission.

De l'avis de la Commission, les informations nécessaires à l'établissement du fondement de la plainte ont été communiquées à la plaignante dans une lettre que lui a envoyée le Ministre des Approvisionnements et Services le 30 juillet 1990 en réponse à une lettre qu'il avait adressée au ministère le 29 juin 1990 afin d'exprimer son mécontentement face à deux appels d'offres, l'un étant celui dont il est question ici.

Dans sa lettre, le Ministre fournissait certains détails sur chacun des appels. Il faisait notamment la remarque suivante au sujet d'un des appels (non pas celui qui est en cause, mais l'autre) :

[TRADUCTION]

«Je dois vous préciser que les règles d'origine régissant les marchés assujettis à l'AL-É stipulent que les produits destinés au gouvernement doivent provenir du Canada ou des États-Unis. Dans le cas des produits qui ne sont pas d'origine domestique, le prix de la soumission est augmenté d'un facteur de 10 p. 100 aux fins d'évaluation.»

Dans la même lettre, le Ministre faisait l'observation suivante concernant l'appel dont il est question ici :

[TRADUCTION]

«Le second marché auquel vous faites référence, lequel est également assujetti à l'AL-É, a été accordé au soumissionnaire le moins-disant, en l'occurence la société 99M Corporation, de Markham, en Ontario. Soyez assuré que le produit offert par cette entreprise répondait à l'exigence technique et était acceptable du point de vue du ministère client.»

Le Ministre ajoutait :

[TRADUCTION]

«Des fonctionnaires de mon ministère ont étudié attentivement les diverses questions que vous avez soulevées en ce qui a trait aux modalités d'évaluation des soumissions et aux décisions prises relativement aux deux marchés. Les résultats de cette analyse m'ont convaincu que les marchés ont été accordés de façon juste et équitable et que le soumissionnaire le moins-disant a été accepté dans chaque cas, conformément aux principes de concur-rence du système de marchés en usage dans mon ministère.»

Après avoir pris connaissance de ces informations et comme il n'avait de toute évidence pu obtenir satisfaction, McDermid a décidé d'adresser une plainte officielle à la Commission le 10 août 1990, respectant dans sa démarche les délais et autres conditions relatives au dépôt des plaintes telles qu'énoncées aux articles 21 et 23 du Règlement.

Il est à noter que plus d'un mois plus tard, la société 99M envoyait deux lettres au MAS. Dans la première, en date du 23 août, elle présentait ses excuses pour les inexactitudes contenues dans sa soumission et pour le tort subi par McDermid. Dans la seconde, en date du 24 août, elle déclarait retirer unilatéralement sa participation à l'offre permanente.

Voici maintenant le fond de la plainte.

L'enquête

Le personnel de la Commission, au moyen d'interviews et d'examens des documents, a étudié les allégations de la plaignante, la réponse du gouvernement à ces allégations et les observations de la plaignante concernant la réponse du gouvernement.

Un certain nombre de particuliers ont été interviewés en personne et/ou par téléphone afin de confirmer certaines déclarations obtenues et/ou contenues dans la documentation. Ce sont : Mme Julia Brunette, MAS (agente de négociation des contrats); M. Marcel Roy, MAS (agent de négociation des contrats); M. Brian Carroll, MAS (chef de section); M. R. Pageau, BCP (agent aux commandes); M. Pierre Monette, BCP (agent aux télécommunications); M. Alan Quinn, BCP (chef de la Section de la gestion du matériel); M. Earl C. McDermid, Earl C. McDermid Limited, Downsview (Ontario) (président); M. Thomas Clarke, Earl C. McDermid Limited (responsable des achats); M. Garth Cookshaw, MAS (Bureau du secrétaire général, coordonnateur des plaintes à la CRMP); et M. Peter Moyes, 99M Corporation (président).

Le rapport d'enquête de la Commission contient un certain nombre d'annexes relatives au matériel et aux documents jugées pertinentes pour le fond dudit rapport. La présente décision ne mentionne pas expressément tous ces documents justificatifs qui sont néanmoins à la disposition des parties au besoin, et, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, de toute autre personne.

Comme l'enquête a produit suffisamment d'information pour permettre à la Commission de trancher, selon elle, les questions soulevées dans la plainte, celle-ci a décidé de ne tenir aucune audience formelle dans cette affaire. Pour arriver à ses conclusions, elle a examiné le rapport de son personnel enquêteur et fondé sa décision sur les faits essentiellement connus des parties qui y sont exposées et les éléments pertinents dans la présente décision.

L'adjudication

La demande d'offre permanente [1] (voir l'annexe 5 du rapport d'enquête) avait été préparée par le Centre d'approvisionnement de la région de la capitale (CARC) du MAS. Elle était datée du 2 avril 1990 et la date de clôture indiquée était le 14 mai 1990. En voici certains extraits :

a) cases au bas de la première page de la Demande de proposition :

«

Country of Foreign Content Value of Foreign Content
Pays d'origine des éléments étrangers Valeur des éléments
étrangers
$ CDN
»

b) avis aux fournisseurs :

[TRADUCTION]

DES SUCCÉDANÉS SERONT PRIS EN CONSIDÉRATION. CEPENDANT, LE FOURNISSEUR SERA TENU RESPONSABLE DES FRAIS DE RÉPARATION ÉVENTUELS ASSOCIÉS À UN BRIS D'ÉQUIPEMENT RÉSULTANT DE L'UTILISATION D'UN SUCCÉDANÉ.»

-«DES `SUCCÉDANÉS ÉQUIVALENTS' POUR LES FOURNITURES INDIQUÉES SERONT PRIS EN CONSIDÉRATION SI VOUS DÉSIGNEZ LA RÉFÉRENCE COMMERCIALE DES FOURNITURES OFFERTES, EN BIFFANT LA RÉFÉRENCE COMMERCIALE INDIQUÉE ET LES MOTS 'OU ÉQUIVALENT', ET VOUS FOURNISSEZ EN MÊME TEMPS QUE VOTRE SOUMISSION DES CARACTÉRISTIQUES COMPLÈTES ET DES IMPRIMÉS DESCRIPTIFS POUR L'ÉQUIVALENT DE CES FOURNITURES.»

-«LA (sic) MANQUE DE FOURNIR (sic) ASSEZ D'IMPRIMÉS DESCRIPTIFS AFIN D'ÉVALUER VOTRE SOUMISSION VIS-À-VIS LES SPÉCIFICATIONS REQUISES RENDRA NON ACCEPTABLE VOTRE SOUMISSION.»

-«DESTINÉ À ETRE UTILISÉ AVEC UN TÉLÉCOPIEUR LANIER MODÈLE 210.»

c) énoncé des exigences :

[TRADUCTION]

EXIGENCES:

DEMANDE D'OFFRES PERMANENTES PORTANT SUR LA FOURNITURE DE PAPIER POUR TÉLÉCOPIEUR EN ROULEAUX DE 8 1/2 PO X 328 PI PENDANT UNE PÉRIODE DE DEUX ANS. LES QUANTITÉS NÉCESSAIRES VARIERONT D'UNE COMMANDE À L'AUTRE.»

d) clause relative à la Déclaration des biens admissibles :

«DÉCLARATION DES BIENS ADMISSIBLES :

Le Soumissionnaire déclare et garantit que la déclaration des biens admissibles jointe à la présente soumission est précise et complète et respecte la définition des biens admissibles stipulée dans la déclaration en question.

Le Soumissionnaire reconnaît par ailleurs que le Ministre se fie à une telle déclaration et une telle garantie pour conclure un marché quel qu'il soit à la suite de la présente soumission.

Les soumissions portant sur des biens admissibles et celles qui se rapportent à des produits d'origine canadienne peuvent recevoir la préférence par rapport aux autres soumissions, conformément aux méthodes de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les marchés publics, publiées chaque année dans la Gazette du Canada.

Une telle déclaration et une telle garantie peuvent faire l'objet d'une vérification à la convenance du Ministre.»

e) passage tiré de la formule de Déclaration des biens admissibles :

«Les produits qui ne sont pas identifiés ci-dessous seront traités comme des biens non admissibles.»

f) article 2 des Instructions figurant en partie sur la formule MAS 9403-6 et reproduites au dos de la page couverture de la Demande d'offres permanentes :

«...Les offres doivent être valables pendant au moins soixante jours à compter de la date de clôture de l'appel d'offres, sauf indication contraire de la part d'ASC dans les présentes.»

Selon le MAS, 41 demandes de trousse de soumission ont été présentées à la suite de la publication de l'APM. Avant la clôture, l'un des fournisseurs intéressés a demandé combien de rouleaux devait contenir chaque boîte. Le 9 mai 1990, un message a été envoyé par télécopieur à tous ceux qui avaient demandé une trousse, afin de leur préciser que [TRADUCTION] «chaque boîte devait contenir 6 rouleaux de 100 mètres». À la date de clôture, le MAS avait reçu 22 propositions dûment soumises. Le ministère a alors procédé au calcul des coûts en multipliant le prix unitaire par la quantité approximative et en ajoutant le facteur d'évaluation de 10 p. 100 (voir l'annexe 6 du rapport d'enquête).

L'enquête a révélé que huit entreprises avaient joint à leur proposition une Déclaration des biens admissibles, douze avaient négligé de le faire, et deux avaient retourné la déclaration non remplie. Une entreprise avait fourni un document descriptif. Elle et deux autres soumissionnaires avaient également fourni une brève description de leur produit dans la partie "Certification des fournitures". Les autres soumissionnaires avaient indiqué le nom commercial de leur produit et le nom du fabricant. L'évaluation a été effectuée à partir de ces informations.

La plainte porte essentiellement sur les mesures prévues dans l'Accord de libre-échange relativement aux produits admissibles et au traitement national. En voici quelques extraits :

«...En ce qui concerne toutes les mesures applicables aux marchés publics visés dans le présent chapitre, chaque Partie accordera aux produits admissibles un traitement non moins favorable que le traitement le plus favorable qu'elle accorde à ses propres produits...»

«... produits admissibles signifie, dans le cas des matières brutes, celles qui ont été extraites ou produites sur le territoire de l'une ou l'autre Partie et, dans le cas des matières transformées, celles qui l'ont été sur le territoire de l'une ou l'autre Partie lorsque le coût des produits non originaires des territoires des Parties qui sont utilisés dans ces matières est inférieur à 50 % du coût de tous les produits entrant dans lesdites matières...»

«En ce qui concerne les marchés visés dans le présent chapitre, chaque Partie devra... pour les décisions touchant... l'évaluation des soumissions... utiliser des critères qui sont clairement spécifiés à l'avance...»

Ces dispositions ont été mises en oeuvre par l'intermédiaire de la directive 3005 énoncée dans le Guide de la politique des approvisionnements (GPA) du MAS. On y mentionne en outre que pendant l'évaluation des soumissions, le traitement national sera accordé aux produits domestiques et aux produits désignés offerts par des entreprises rationalisées :

«Évaluation des soumissions

13.a)Les produits domestiques, les produits désignés des entreprises rationalisées (voir la directive 3051 du GPA) et les produits admissibles se verront accorder le traitement national. Aux fins d'évaluation, le prix de la soumission pour tous les autres produits sera augmenté d'un facteur de 10 p. 100.

b)Ce facteur d'évaluation de 10 p. 100 ne s'appliquera pas aux marchés traités par les bureaux d'approvisionnement du MAS situés à l'extérieur du Canada et des États-Unis.

c)Par ailleurs, si deux soumissionnaires arrivent à égalité à la suite d'une évaluation, la soumission dont le prix se rapporte à des biens admissibles recevra la préférence.

d)Lorsque les produits ne sont pas identifiés dans la Déclaration des biens admissibles ( annexe A ), ils seront considérés comme biens non admissibles d'origine étrangère.

e)Dans le cas de soumissions visant plusieurs articles, le facteur d'évaluation de 10 p. 100 ne s'appliquera pas au prix total de la soumission, mais seulement à ces articles qui sont considérés comme biens non admissibles. »

L'enquête relative à cette évaluation a révélé ce qui suit :

- il semble que toutes les marques nominales ont été acceptées comme étant l'équivalent des produits offerts par Lanier;

- le facteur de 10 p. 100 était appliqué à l'une des soumissions, alors que la déclaration sur le formulaire de Déclaration des biens admissibles concernait des biens admissibles;

- le facteur de 10 p. 100 était appliqué à l'une des soumissions, alors que cette entreprise n'avait pas fourni de Déclaration des biens admissibles;

- le facteur de 10 p. 100 n'était pas appliqué à treize des soumissions, alors que la Déclaration des biens admissibles était soit absente (11 cas) ou non remplie (2 cas);

- parmi les sept soumissions comportant un formulaire de Déclaration des biens admissibles complété (tous n'étant pas remplis correctement), cinq ont bénéficié du traitement national, c.-à-d. qu'aucune pénalité ne s'appliquait et le facteur de 10 p. 100 a été appliqué dans deux cas.»

Le MAS fait apparaître, dans le cadre de ses procédures normales d'achat, des clauses normalisées dans ses sollicitations. Parmi ces dernières figurent une demande relative à la valeur en dollars canadiens et au pays d'origine des éléments étrangers contenus dans les articles proposés. L'objectif visé est de permettre l'application d'une autre politique qui accorde une valeur accrue au contenu canadien. Cette clause ne s'applique pas ici, puisqu'en vertu de l'AL-É, un régime différent existe. Dans le cas en question, seize fournisseurs ont cependant fourni, sur la première page de leur proposition, des informations complètes ou partielles sur les éléments étrangers, en conformité de cette clause. Dans certains cas, cette information a été utilisée dans l'évaluation des soumissions. En outre, au lieu d'appliquer le facteur de 10 p. 100 à la valeur totale de l'article (paragraphe 13.a de la directive 3005 du GPA, MAS) (voir le rapport d'enquête en annexe 7), le facteur de 10 p. 100 a été appliqué uniquement à la valeur déclarée des éléments étrangers des soumissions.

Le rapport d'enquête établit que la soumission présentée par 99M comprenait une «Déclaration des biens admissibles» qui décrivait les biens offerts comme étant des biens admissibles dont le pays d'origine était le Canada. La section de la DOP en vue de l'établissement d'une offre permanente concernant la valeur des éléments étrangers contenait le chiffre zéro.

Tel qu'il est indiqué auparavant, l'adjudicataire, 99M Corporation, a obtenu l'Offre permanente individuelle et régionale (OPIR) le 31 mai 1990, après que l'agent de négociation des contrats ait obtenu une confirmation verbale de la part de la compagnie à l'effet que les exigences en matière de dimension et de compatibilité du produit couvert par la DOP seraient respectées.

La Commission a déterminé que le MAS était habilité à accepter et à agir à partir de déclarations telles que la Déclaration des biens admissibles, selon l'hypothèse raisonnable que les soumissionnaires qui remplissent ces formulaires et les présentent traitent le MAS avec sincérité. Le soumissionnaire, en présentant sa soumission signée accompagnée du formulaire de Déclaration des biens admissibles, déclare et garantit son exactitude et son état complet, tout en reconnaissant que le Ministère se fie à de telles garanties ou engagements avant d'adjuger tout contrat en découlant au soumissionnaire. Tel qu'il est indiqué auparavant, la société 99M Corporation s'est excusée pour la présentation de faits erronés dans sa soumission.

Le rapport de l'institution fédérale reconnaît que les formulaires de Déclaration des biens admissibles ont été acceptés tels qu'ils ont été présentés. Il déclare également qu'après avoir été avisé de la plainte en question, l'exactitude de la Déclaration des biens admissibles a été vérifiée avec le fournisseur. La société 99M a indiqué [TRADUCTION] «que le produit était en fait étranger à 100 p. 100» (c.-à-d. non admissible). Le MAS a calculé, sur cette base, que cela aura fait augmenter leur soumission (aux fins d'évaluation) de 23 040 $ à 25 344 $ [2] . Cependant, avoir été informé de ce fait au moment de l'évaluation n'aurait pas entraîné de différence dans la position relative de la soumission de 99M, puisqu'elle serait restée la soumission présentée la moins-disante à l'époque.

Dans les faits, et après étude de la question proprement dite faisant l'objet de la plainte et de l'enquête la concernant, le facteur d'évaluation de 10 p. 100 n'avait pas été ajouté à la soumission de l'adjudicataire au cours de l'évaluation. Le MAS le reconnaît dans le rapport de l'institution fédérale.

La Commission est en outre dans l'obligation de noter, dans ses conclusions faisant suite à l'enquête, l'existence d'une grande confusion quant à la signification d'un certain nombre de termes, dont «biens admissibles»; «éléments étrangers»; «produits d'origine domestique»; «propres biens»; etc., ainsi que dans l'opportunité et la manière d'appliquer le facteur d'évaluation de 10 p. 100.

La Commission note également que les soumissionnaires sont avisés de ces questions par une note à la clause standard «t543» qui est insérée dans les sollicitations utilisées pour les marchés visés par l'AL-É. Cette note se lit, en partie, comme suit :

«Les soumissions portant sur des biens admissibles et celles qui se rapportent à des produits d'origine canadienne peuvent recevoir la préférence par rapport aux autres soumissions, conformément aux méthodes de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les marchés publics, publiées chaque année dans la Gazette du Canada.»

Les procédures en question sont désormais publiées dans la publication intitulée «Marchés Publics» et, en ce qui a trait à ce marché, une copie de ces procédures a été publiée dans le numéro du 31 janvier 1990 de ce pamphlet. Les procédures ne mentionnent pas les questions de l'évaluation des soumissions des produits d'origine domestique, les produits désignés des entreprises rationalisées, ni les biens non admissibles d'origine étrangère. Ces procédures ont récemment été publiées à nouveau dans le numéro du 28 septembre 1990 de la publication intitulée «Marchés Publics» et ne font toujours pas mention de ces questions.

Il est vrai que le MAS a rendu public la procédure d'évaluation mentionnée ci-dessus dans le numéro 6 de mars 1989 de la publication intitulée «Le fournisseur». Ce moyen de communication, utilisé au moment de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, ne constitue cependant pas un avis officiel de l'application de telles procédures. En fait, la publication officielle des procédures dans la partie I de la Gazette du Canada du 21 janvier 1989, peu de temps après la mise en application de l'AL-É, ne faisait pas non plus référence au facteur d'évaluation.

Dans la mesure où la publication intitulée «Marchés Publics» est désormais la source d'information officielle vers laquelle un soumissionnaire devrait être dirigé, la Commission considère que les dispositions de l'article 1305:c)iii) de l'AL-É exigeant que les critères de décision utilisés dans l'évaluation des soumissions soient [TRADUCTION] «clairement spécifiés à l'avance» ne sont pas respectées. Dans ce contexte, il est important que le MAS révise et clarifie ces procédures publiées, afin de rendre les politiques et les procédures relatives au traitement national et à l'évaluation plus transparente vis-à-vis des fournisseurs. La Commission recommandera également, en conformité avec le paragraphe 19b) des Règlements de la CRMP, que des mesures soient prises afin de fournir des indications précises aux agents de négociation des contrats, de manière à assurer une application équitable et cohérente de ces règles d'évaluation des soumissions.

Cependant, malgré ce qui précède, la Commission est de l'avis qu'aucun de ces facteurs n'a été, à l'époque, déterminant dans l'attribution de l'offre permanente à 99M.

Ce marché ne prend cependant pas fin avec l'attribution de l'OPIR à 99M Corporation.

En fait, le Ministère concerné avait, dès le 4 juillet, effectué sa première commande de papier pour télécopieur auprès de 99M, l'avait reçue et déclarée insatisfaisante, la longueur du papier étant incompatible avec leur télécopieur. Ils s'en sont plaint au fournisseur qui leur a affirmé être en mesure de leur fournir le papier de dimension adéquate -- mais à un prix plus élevé. Le client (le Bureau du Conseil privé) a alors avisé, le 4 juillet 1990, l'agent de négociation des contrats du MAS de ce développement, en précisant que le Bureau du Conseil privé avait décidé de ne plus commander de papier à partir de cette OPIR. Ils avaient décidé d'utiliser plutôt une autre offre permanente du MAS, dont ils venaient d'apprendre l'existence. Ils ont conservé et payé cette commande, mais l'ont utilisée sur une autre machine. Il convient de noter cependant que des fonctionnaires du MAS ont préparé, au cours des semaines suivantes, une lettre adressée à McDermid devant être signée par le Ministre et assurant à la compagnie que le produit offert par 99M [TRADUCTION] «remplissait les exigences techniques et avait l'approbation du ministère client».

L'autre offre permanente était une Offre permanente principale et nationale (OPPN) négociée par le MAS pour la fourniture de télécopieurs et de la papeterie correspondante. Les termes de l'OPPN précisaient la fourniture de rouleaux de papier Lanier au format adéquat -- mais au prix de 78 $ par boîte (par rapport au 48 $ la boîte promis par 99M en vertu de l'OPIR).

À ce moment, le fournisseur, 99M, était considéré comme techniquement en position de bris de contrat pour refus de fournir la marchandise selon les termes de l'OPIR, et le marché était devenu incomplet -- exigeant une action de mise en application forcée du contrat ou la poursuite du processus d'achat devant mener à un marché réussi.

Le gouvernement n'a cependant pas traité cette question comme exigeant une mise en application forcée du contrat, mais plutôt comme une action de poursuite de ce processus d'achat. La Commission se préoccupera par conséquent de la seconde alternative, c'est-à-dire la poursuite de cette action.

Le MAS avait donc été informé le 4 juillet 1990, tel qu'il est indiqué plus haut, par le ministère client que celui-ci n'utiliserait plus l'OPIR par suite du non-respect par le fournisseur des termes de l'offre permanente. Ceci leur laissait le choix entre revenir au soumissionnaire suivant le moins-disant, dont la soumission était encore valable à ce moment et qui était, soit dit en passant, significativement meilleure que les prix de l'OPPN. Il existait en effet dix autres soumissions dont les prix étaient inférieurs. Toutes les offres dans le cadre de l'OPIR contenaient à cette fin un engagement à demeurer en vigueur pendant une période minimum de soixante jours à partir de la date de clôture de la sollicitation, à moins d'avis contraire dans la DOP. La DOP ne comportait pas d'avis contraire. Les prix contenus dans les soumissions étaient donc valables au moins jusqu'au 14 juillet et auraient pu être utilisés pour compléter l'action de ce processus d'achat.

Le Bureau du Conseil privé avait cependant décidé de satisfaire ses besoins grâce à l'OPPN. La Commission considère comme insatisfaisante cette façon d'agir vis-à-vis des autres soumissionnaires à ce concours. Ils ont été contraints de conserver les prix des soumissions pendant un minimum de 60 jours pour plusieurs raisons, dont cette éventualité -- permettre au MAS de choisir la seconde meilleure offre dans le cas où la première offre choisie n'offrait pas une solution satisfaisante au besoin du marché.

La Commission stipule également que le gouvernement n'a pas respecté toutes les exigences de l'article 17 de la Loi en ne donnant pas à tous les fournisseurs éventuels une chance égale de répondre aux exigences de l'entité acheteuse à l'étape des offres et des soumissions.

Après avoir déterminé que le marché ne respectait pas les exigences de l'article 17 de la Loi sur deux points, la Commission recommandera, à condition que le besoin subsiste, que l'OPIR soit adjugée au soumissionnaire le moins-disant suivant, s'il est disposé à proroger la validité du prix de la soumission au moment présent et dans le cas contraire, à continuer le processus avec les autres soumissionnaires jusqu'au point où les prix offerts en mai dernier et qui [TRADUCTION] «sont toujours en vigueur» soient considérés comme ne représentant plus une valeur équitable pour la Couronne.

La Commission reconnaît que le temps écoulé et des modifications éventuelles dans les conditions du marché peuvent rendre cette solution impraticable. Dans cette dernière éventualité, le Commission recommande que le gouvernement entame une nouvelle sollicitation pour satisfaire ce besoin.

Malgré le fait qu'il soit donné raison à la plaignante sur l'une des deux questions présentées à la Commission, les gestes posés par le gouvernement n'ont pas été déterminants dans l'attribution de ce marché et 99M serait demeurée le soumissionnaire le moins-disant au moment de l'entrée en vigueur de l'OPIR. Des événements subséquents ont démontré que 99M n'était plus le soumissionnaire le moins-disant, mais la soumission de la plaignante telle que présentée ne constitue toujours pas la soumission suivante la moins-disante, il n'est donc pas évident que l'OPIR lui serait adjugée. Ceci serait déterminé lors de l'exercice préconisé par la Commission. La Commission ne considérera donc pas le remboursement des frais raisonnables engagés par la préparation de la soumission. La Commission accordera pourtant le remboursement des frais raisonnables engagés au titre du dépôt et de l'instruction de la plainte.

DÉCISION

La Commission a statué que le présent marché du ministère des Approvisionnements et Services ne respecte pas toutes les exigences de l'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, du fait : a) qu'il n'a pas utilisé des critères de décision clairement définis au préalable dans l'évaluation des soumissions; et b) qu'il n'a pas donné à tous les fournisseurs éventuels une chance égale de répondre aux exigences de l'entité acheteuse à l'étape des offres et des soumissions.

Par conséquent, en cherchant une solution pour remédier à la situation, la Commission recommande, à condition que le besoin subsiste, que l'OPIR soit adjugée au soumissionnaire le moins-disant suivant, s'il est disposé à proroger la validité du prix de la soumission au moment présent et dans le cas contraire, à continuer le processus avec les autres soumissionnaires jusqu'au point où les prix offerts en mai dernier soient considérés comme ne représentant plus une valeur équitable pour la Couronne.

Dans l'éventualité où le gouvernement jugerait l'application de cette recommandation impossible dans la pratique, la Commission recommande que le gouvernement entame un nouvel appel d'offres pour satisfaire ce besoin.

Puisque l'enquête a établi que l'une des bases de la plainte était vérifiée dans les faits, la Commission ordonne le remboursement à la plaignante des frais raisonnables qu'elle a engagés au titre du dépôt et de l'instruction de la plainte.

La Commission recommande également, en vertu de l'article 19(b) des Règlements de la Commission de révision des marchés publics que le ministère des Approvisionnements et Services :

1)revoie, clarifie et corrige, au besoin, sa directive 3005 du Guide de la politique des approvisionnements et ses documents de sollicitation, tout particulièrement en ce qui a trait aux biens admissibles, aux éléments étrangers et aux procédures d'évaluation des soumissions, et

2)revoie et clarifie les procédures publiées en ce qui a trait à ces mêmes questions pour le bénéfice des fournisseurs et l'amélioration de la transparence du processus des achats.

Gerald A. Berger
_________________________
Gerald A. Berger
Président de la Commission de
révision des marchés publics du Canada


1. Dans cet appel d'offres, les expressions "Demande de propositions" (DDP) et "Demande d'offres permanentes" (DOP) sont employées sans distinction.

2. Il convient de noter que l'OPIR a été émise avec une limite de dépense fixée à 57 456 $, ce qui représentait la valeur demandée, obtenue en multipliant 480 boîtes par 119,70 $.


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Publication initiale : le 27 août 1997