NAVAIR LIMITED

Décisions


NAVAIR LIMITED
No du greffe de la Commission : G92PRF66M-021-0017

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Navair Limited du 2450, chemin Derry E. Mississauga (Ontario)

No du greffe de la Commission : G92PRF66M-021-0017

Plainte accueillie

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15, L.C. 1988, ch. 65.

Le 17 juin 1992

DÉCISION DE LA COMMISSION

La plainte

Le 27 mars 1992, la Commission de révision des marchés publics (la Commission) a été saisie d'une plainte (voir l'annexe 1 du rapport d'enquête [RE]) déposée aux termes de l'article 15 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange (la Loi) par la succursale d'Ottawa de Navair Ltd. de Mississauga (Navair). Cette plainte concernait l'octroi d'un marché de 82 721.70 $ de prestation de l'équipement décrit ci-après, par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), au nom de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à Unisource Technology de Montréal (Unisource).

La plaignante soutenait entre autres choses que [TRADUCTION] «Il semble que le marché ait été accordé en fonction du prix seulement. On n'a pas tenu compte de la question des services de garantie, des produits de fabrication courante et de l'éventualité d'un approvisionnement à partir des circuits de distribution autorisés... À notre avis, il s'agit d'une vente illégale. Unisource Technology Inc. n'a pas le pouvoir de fournir une garantie relativement aux produits IFR, et n'a donc pas non plus celui de se présenter comme étant en mesure de fournir des services complets d'entretien et de réparation.»

Navair a demandé, pour qu'il soit remédié à la situation, [TRADUCTION] «que la Commission de révision des marchés publics examine toutes les soumissions présentées à Approvisionnements et Services Canada relativement au besoin de la GRC, et détermine la conformité de chacune d'entre elles. Nous souhaitons que ce besoin fasse alors l'objet d'un nouvel appel d'offres.»

La plaignante a porté plainte aux termes du paragraphe 21(1) du Règlement sur la Commission de révision des marchés publics (le Règlement). Conformément au paragraphe 21(3) dudit Règlement, la Commission a envoyé à la plaignante un accusé de réception de la plainte.

Le 27 mars 1992, la Commission, après avoir examiné la plainte, a accepté cette dernière pour enquête attendu qu'elle répondait manifestement aux conditions d'acceptation posées par le paragraphe 28(1) du Règlement. Conformément à l'alinéa 16(1)a) de la Loi et au paragraphe 28(2) du Règlement, un avis de dépôt de la plainte a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada ainsi que dans Marchés publics (MP). Le MAS a été officiellement avisé du dépôt de la plainte le 27 mars 1992 et une copie de celle-ci lui a été envoyée.

L'enquête

Les allégations de la plaignante, la réponse du gouvernement à ces allégations, et les observations de la plaignante sur cette réponse ont été examinées à la lumière d'une série d'entrevues et des documents pertinents.

Un certain nombre de personnes ont été interrogées par téléphone pour vérifier diverses affirmations contenues dans le dossier. Ce sont :

Mme Janet Tsuji, agent de négociation des contrats, MAS, Toronto; M. David Grainger, GRC, Toronto; M. M. Desrochers, section locale des services d'entretien technique, GRC, Ottawa; Mme Cathy Jones, gestionnaire des marchés, Unisource Technology Inc., Montréal; M. John Rankin, administrateur des marchés, IFR Systems Inc. (IFR), Wichita (Kansas); M. T. Malone, gérant de la succursale d'Ottawa de Navair Ltd.; Mme Heather McNulty, coordonnatrice des ventes, Navair Ltd., Mississauga.

En outre, la Commission a reçu du cabinet d'avocats Nobbs, Woods & Clark de Toronto, conseiller juridique de Navair, un exposé écrit portant sur la protection de certains droits que Navair détient au Canada relativement aux produits en question.

Une copie du rapport préliminaire d'enquête, contenant l'exposé écrit de Nobbs, Woods & Clark, a été envoyé pour commentaire au MAS ainsi qu'à la plaignante. Le MAS a fait savoir par écrit à la Commission qu'il n'avait pas de commentaire à faire sur ce rapport. Navair a répondu par écrit, et sa réponse a été transmise au MAS. Les observations qu'elle contenait ont été ajoutées au rapport préliminaire d'enquête et font partie du rapport d'enquête présenté à la Commission.

Le Rapport d'enquête contient un certain nombre d'annexes comprenant des documents jugés pertinents par le personnel d'enquête. Il n'y a pas nécessairement de renvois à ces documents justificatifs dans la présente décision, mais les parties peuvent les consulter, de même que toute autre personne, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

L'enquête ayant permis de recueillir suffisamment de renseignements pour que la Commission puisse trancher, selon elle, les questions soulevées dans cette plainte, la Commission a décidé de ne pas tenir d'audience orale, et ni l'une ni l'autre des parties n'a présenté de demande en ce sens. Pour en arriver à ses conclusions, la Commission a examiné le rapport d'enquête préparé par son personnel ainsi que les observations des parties sur ce rapport, et a fondé sa décision sur les faits qui y sont exposés, et dont les éléments les plus pertinents sont mentionnés dans la présente décision.

L'adjudication

Le 23 décembre 1991, le MAS a reçu de la GRC une demande (voir l'annexe 2 du RE) visant l'acquisition de trois exemplaires de chacun des articles suivants :

1.MONITEUR DE SERVICE DE COMMUNICATIONS MODÈLE MF/MA 1200S, AVEC LES OPTIONS 05, 06, 07, 09 ET 11.

2.ANALYSEUR DE SPECTRE MODÈLE A-7550, AVEC LES OPTIONS 02, 04, 06, AC5700 ET AC5004.

Selon la GRC, la section des Techniques d'entretien de la sous-direction des Techniques de télécommunication (laquelle fait partie du service de la Sécurité ministérielle de la GRC) évalue tout l'équipement d'essai utilisé par les groupes des Télécommunications et publie une liste des équipements approuvés, appelée Normes de la GRC, qui est mise à jour tous les ans selon les besoins.

Dans la rubrique [TRADUCTION] «instructions spéciales» de la demande, il était indiqué que l'équipement était [TRADUCTION] «disponible» auprès de Navair Instrument Div. de Mississauga (Ontario). S'y trouvait également la note suivante :

[TRADUCTION]

PAS DE SUCCÉDANÉ. IL S'AGIT D'UN ARTICLE CONFORME AUX NORMES DE LA GRC, QUI A ÉTÉ RETENU EN RAISON DE SES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES ET ÉLECTRIQUES.

Selon le MAS, l'article 1 ne pouvait pas être associé facilement à un code de la Classification fédérale des approvisionnements (CFA), mais l'article 2 (l'analyseur de spectre) a été jugé comme correspondant à une catégorie de marchandises assujetties à l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALÉ) lorsqu'elles sont acquises pour le compte de la GRC. En conséquence, une décision a été prise d'aller de l'avant avec le marché aux termes de l'ALÉ.

Un avis de projet de marché (APM) a été rédigé et publié dans Marchés publics le 24 janvier 1992 sous la rubrique des projets de marché relatifs au GATT et à l'ALÉ, avec le code F-1, désignant un marché de libre-échange, ouvert à tous les fournisseurs intéressés. L'APM définissait les deux pièces d'équipement comme étant de modèles «IFR», et les mots «aucun substitut» [comprendre : aucun succédané], y figuraient (voir l'annexe 3 du RE).

Le MAS prétend avoir décidé de mettre en adjudication ce besoin de type «aucun succédané», pour le cas où le fabricant américain, IFR, déciderait de soumissionner directement, ou pour celui où il existerait d'autres fournisseurs canadiens de cet équipement. La présente enquête a permis de révéler que le MAS n'a pas communiqué avec IFR avant la publication de l'APM ou l'octroi du marché.

Le MAS a préparé (voir l'annexe 4 du RE) une demande de propositions (DDP) datée du 27 janvier 1992, fixant la clôture du dépôt des soumissions au 6 mars 1992, à 14 h, HNE. La DDP décrivait le besoin comme suit :

[TRADUCTION]

001 Moniteur de service de communications «IFR» modèle MF/MA-1200S (AUCUN
SUCCÉDANÉ) avec les options suivantes :
05 - amplificateur
06 - microphone
07 - antenne
09 - malette de transport rembourrée
11 - mode de signalisation européen
002 Analyseur de spectre «IFR» modèle A-7550 (AUCUN SUCCÉDANÉ) avec les options
suivantes :
02 - générateur de recherche avec affaiblisseur de 0-75dB
04 - récepteur MF/MA de 10.7 mHz
06 - bus de type RS-232 permettant un contrôle externe
AC5700 - amplificateur
AC5004 - malette de transport

Sous la rubrique [TRADUCTION] « CRITÈRES D'ÉVALUATION », la DDP faisait état de ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les critères suivants seront pris en considération dans l'évaluation de votre proposition :

1.Conformité aux spécifications - obligatoire

2.Déclaration des biens admissibles dûment remplie - obligatoire

3.Livraison dans les délais prescrits - souhaitable

(Vous êtes prié d'indiquer les meilleurs délais de livraison possibles.)

4.Prise en charge des frais de transport - souhaitable

Le fait de ne pas vous conformer à cette demande pourrait avoir pour effet de rendre votre proposition irrecevable.

Les Instructions et conditions uniformisées DSS-MAS 9403 stipulent, sous la rubrique B., Condition 2., la disposition suivante, incluse sous forme de renvoi dans la DDP :

À moins d'indication contraire dans les présentes, le matériel doit être neuf et de fabrication courante, et être conforme aux spécifications, aux plans ou aux numéros de pièce, selon qu'ils s'appliquent ou non.

Les dispositions suivantes des Conditions générales DSS-MAS 9329, relatives aux dispositions de garantie, étaient incorporées sous forme de renvoi dans la DDP :

(1)L'entrepreneur déclare que l'ouvrage sera de bonne qualité et en tous points conforme aux autres exigences du contrat, et garantit l'ouvrage contre tout défaut de matériau [sic] ou de fabrication.

(2)Nonobstant l'acceptation antérieure de l'ouvrage, et sans que soit restreinte la portée d'aucune autre clause du contrat ni aucune condition, garantie ou stipulation implicitement ou explicitement prévue par la loi, l'Entrepreneur est tenu, si le Ministre l'y oblige, de remplacer ou de réparer à son gré et ses frais tout ouvrage qui, par suite de quelque défaut ou ineffficacité [sic] de fabrication, des matériaux ou de la qualité du travail, est devenue défectueux ou déroge aux exigences du contrat. Un avis à cet effet doit être donné à l'Entrepreneur dans un délai raisonnable pendant ou après la période de garantie qui commence le jour suivant la livraison et l'acceptation de l'ouvrage. Sauf stipulation contraire dans le contrat, la période de garantie est celle qui est normalement offerte par l'Entrepreneur ou le fabricant, si elle dépasse 90 jours, ou est de 90 jours dans le cas contraire.

De plus, la DDP contenait expressément les clauses de garantie suivantes, à remplir par le soumissionnaire :

[TRADUCTION]

cej4 GARANTIE :

Le prix d'achat de l'équipement comprend une GARANTIE de mois couvrant les pièces et la main-d'oeuvre.

a7012T - GARANTIE/SERVICE DE RÉPARATION

Si le contrat est adjugé à notre entreprise à la suite de cette soumission, notre entreprise se charge d'assurer les services complets d'entretien et de réparation, y compris un stock adéquat de pièces de rechange pour le matériel mentionné aux présentes par :

NOM

ADRESSE :

Le MAS a fait savoir, et Navair a confirmé, que celui-là a informé directement celle-ci de la mesure d'approvisionnement après la publication de l'APM, et l'a avisée, pour le cas où elle souhaiterait obtenir les documents de soumission, de faire une demande écrite en ce sens.

De plus, il ressort de l'enquête qu'un fournisseur a soulevé une objection auprès du MAS quant au fait que la mesure d'approvisionnement ne prévoyait «aucun succédané». Le paragraphe 3 de l'article IV de l'Accord du GATT relatif aux marchés publics (le Code) stipule :

Il ne devra pas être exigé ou mentionné de marques de fabrique ou de commerce, de brevets, de modèles ou de types particuliers, ni d'origines ou de producteurs déterminés, à moins qu'il n'existe pas d'autres moyen [sic] suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché et à la condition que des termes tels que «ou l'équivalent» figurent dans les appels d'offres.

Cependant, aucune suite n'a été donnée à cette objection et le fournisseur a soumissionné.

Quatre propositions ont été reçues et mises en tableau (voir l'annexe 5 du RE). Deux d'entre elles ont été rejetées comme irrecevables : l'une portait sur de l'équipement de location usagé et n'incluait pas tous les accessoires, et l'autre sur un succédané (voir l'annexe 6 du RE).

Le MAS a déterminé qu'il manquait des renseignements importants dans [TRADUCTION] «l'offre la plus avantageuse», celle d'Unisource (voir l'annexe 7 du RE). En fait, l'offre d'Unisource, qui avait été transmise par fac-similé, ne consistait qu'en les pages 1 et 3 de la DDP et en la déclaration des biens admissibles. Elle ne contenait pas de déclaration selon laquelle Unisource acceptait toutes les conditions posées par la DDP y compris, en plus des conditions générales, les clauses précises cej4 et A7012T citées ci-dessus, non plus que la clause B4001T relative à la certification des fournitures. C'est dans cette dernière clause que les soumissionnaires certifient spécifiquement et expressément que ce qu'ils offrent est ou n'est pas conforme aux spécifications. Elle se lit comme suit :

FOURNITURES - CERTIFICATION

Les articles offerts sont en tous points conformes aux spécifications. Oui Non . Les différences sont :

Le Code, incorporé par référence dans l'ALÉ et dans la Loi, traite, à l'article V, des offres transmises électroniquement :

15. La présentation, la réception et l'ouverture des soumissions, ainsi que l'adjudication des marchés, seront conformes à ce qui suit :

a)normalement, les soumissions seront présentées par écrit, directement ou par la poste. S'il est autorisé de présenter des soumissions par télex, télégramme ou télécopie, la soumission ainsi présentée devra contenir tous les renseignements nécessaires à son évaluation, notamment le prix définitif proposé par le soumissionnaire et une déclaration par laquelle le soumissionnaire accepte toutes les modalités, conditions et dispositions de l'invitation à soumissionner. La soumission devra être confirmée dans les moindres délais par lettre ou par l'envoi d'une copie signée du télex, du télégramme ou de la télécopie. La présentation des soumissions par téléphone ne sera pas autorisée. Le contenu du télex, du télégramme ou de la télécopie fera foi s'il y a divergence ou contradiction entre ce contenu et toute documentation reçue après l'expiration du délai;...

Les Instructions et conditions uniformisées DSS-MAS 9403 incluses sous forme de renvoi dans la DDP stipulent, sous la rubrique A.1 :

Les soumissions par télégramme seront également étudiées, pourvu qu'elles portent le numéro de dossier d'ASC, la date et l'heure de clôture, ainsi que tous les renseignements demandés concernant le prix, et qu'une copie dûment remplie et signée de la présente formule nous soit envoyée ultérieurement en guise de confirmation.

Le Guide de la politique des approvisionnements du MAS précise, parmi les exigences relatives aux offres transmises électroniquement :

Directive 3155

(6)La soumission doit comprendre le numéro de référence, des données suffisantes sur les prix tels que les prix unitaires, la taxe de vente, la douane et les conditions, ainsi que les données techniques (le cas échéant) permettant l'évaluation. [souligné par nous]

Le 9 mars 1992, le MAS a téléphoné à Unisource pour obtenir des précisions sur les dispositions de garantie contenues dans son offre. Unisource a répondu par téléfax (voir l'annexe 8 du RE) dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Garantie - voir feuille ci-jointe [Garantie limitée du fabricant]

Réparation en garantie par le fabricant. Les articles nécessitant des réparations en garantie doivent être renvoyés à Unisource, à Montréal.

La société a saisi cette occasion pour raccourcir son délai de livraison (qui est passé de 2 à 4 semaines, par rapport aux 6 à 16 semaines indiquées dans l'offre envoyée par fac-similé) quoique la soumission de confirmation mentionne ces deux délais. Les dispositions du paragraphe 15(a) du Code, citées ci-dessus, sont claires quant à la façon de traiter ce genre de situation.

La [TRADUCTION] «Garantie limitée» du fabricant (voir l'annexe 10 du RE) contient, entre autres choses, les conditions suivantes :

[TRADUCTION]

La garantie ne s'applique pas à tout instrument qui a été...transporté, ou à tout instrument...qui a été acheté à l'intérieur et par la suite transporté, sans autorisation écrite expresse, à l'extérieur des limites continentales des États-Unis.

... IFR se réserve le droit d'annuler la présente garantie si le titre de propriété de l'équipement est cédé, à moins que le propriétaire actuel ou que le propriétaire futur obtiennent d'IFR, avant la cession du titre de propriété, le maintien de la garantie.

Cependant, quoiqu'Unisource se soit prévalu de la «Garantie Limitée» d'IFR, elle n'a pas fourni l'«autorisation écrite expresse» d'IFR mentionnée dans la Garantie limitée au sujet de l'applicabilité de cette dernière. Unisource a également profité de son offre de confirmation pour présenter deux des cinq pages manquantes dans la DDP qu'elle avait envoyée par fac-similé et pour remplir la clause relative à la certification des fournitures.

Après que ces renseignements supplémentaires aient été reçus d'Unisource le 9 mars 1992, et après qu'ait été obtenue l'autorisation interne requise, un marché de type «votre proposition est acceptée» a été octroyé verbalement à Unisource le jour même, et la version écrite du contrat fut distribuée le 10 mars 1992.

Le contrat contient, entre autres, les dispositions suivantes :

D005D LIVRAISON

L'entrepreneur devra compléter l'expédition par le 31 mars 1992.

[TRADUCTION]

ce4j GARANTIE :

Le prix d'achat de l'équipement comprend une GARANTIE de vingt-quatre (24) mois couvrant les pièces de rechange et la main-d'oeuvre.

A7012T GARANTIE/SERVICES DE RÉPARATION

Un service complet d'entretien et de réparation, y compris un stock adéquat de pièces de rechange pour l'équipement mentionné aux présentes sera fourni par :

NOM : IFR Systems Inc

Par l'intermédiaire de :

ADRESSE : Unisource Technology Inc.

150, boulevard Laurentien

Montréal (Québec)

Selon IFR, Navair est le seul distributeur canadien autorisé des systèmes IFR, et la relation d'IFR avec Unisource n'est rien de plus qu'une relation de vendeur à client. Unisource affirme avoir passé la commande auprès d'IFR par l'intermédiaire de son bureau de Champlain (New-York). IFR a confirmé dans une conversation téléphonique que sa garantie de fabricant relativement à l'équipement en question est valable pour Unisource de Champlain (New-York), et n'est pas transférable sans l'autorisation écrite d'IFR. Selon cette dernière, aucune demande de ce genre n'a été faite par Unisource pendant le processus de soumission. Cependant, la Commission a reçu copie d'une lettre datée du 19 mai 1992 et adressée par IFR Systems Inc. à Unisource Technology de Champlain (New-York), qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

LA PRÉSENTE VISE À CONFIRMER QUE LA GARANTIE D'IFR COUVRANT LES MF/MA 1200S 5/N 13536, 13537, 13540, A-7550 5/N 3626, 3627 ET 3630, S'ÉTABLIT COMME SUIT :

LA GARANTIE LIMITÉE DE 2 ANS D'IFR SYSTEMS INC. EST AU TITRE D'UNISOURCE TECHNOLOGIES DE CHAMPLAIN (NEW-YORK). CETTE GARANTIE SERA HONORÉE PENDANT CETTE PÉRIODE DE 2 ANS DANS LA MESURE OÙ LES APPAREILS SERONT RETOURNÉS PAR UNISOURCE TECHNOLOGY (NEW-YORK) PUIS RENVOYÉS À CELLE-CI, LES FRAIS ÉVENTUELS ÉTANT À LA CHARGE D'UNISOURCE TECHNOLOGY.

SI VOUS DÉSIREZ OBTENIR DES RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES, N'HÉSITEZ PAS À ENTRER EN RAPPORT AVEC NOUS...

Discussion

Il y a un problème fondamental dans ce marché. La demande d'achat et la DDP qui y a fait suite prévoyaient qu'il n'y aurait «aucun succédané» du produit visé, ce qui est contraire aux dispositions du Code incorporées dans le chapitre 13 de l'ALÉ et dans la Loi elle-même. La demande d'achat stipule que [TRADUCTION] «CET ARTICLE CORRESPOND AUX NORMES DE LA GRC ET A ÉTÉ RETENU EN RAISON DE SES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES ET ÉLECTRIQUES.»

Cette question n'ayant pas été posée dans la plainte ni portée devant la Commission par le fournisseur potentiel qui l'a soulevée auprès du MAS avant la clôture de la période de dépôt des soumissions, et vu la nature des autres points visés par la présente décision, la Commission ne statuera pas à son sujet. La Commission remarque cependant que le gouvernement n'ayant pu répondre à au moins un des critères d'exception prévus à l'article V.16 du Code, il ne s'est pas conformé aux dispositions de la Loi. De fait, il aurait fallu ajouter les mots «ou l'équivalent» après l'énoncé des caractéristiques techniques. À cet égard, la Commission a remarqué, dans sa décision du 8 avril 1990 (Reis, D90PRF6601-021-0001) que, «selon [son] interprétation», l'article VI.3 du code du GATT cité ci-dessus «interdit effectivement les marchés de type «aucun succédané» en vertu de l'ALÉ».

Le deuxième problème que pose ce marché est que, après la publication de l'APM, la plaignante a été contactée par le MAS qui l'a avisée de déposer une demande écrite si elle souhaitait recevoir les documents d'appel d'offre. Sur le plan de la procédure, ceci contrevient à l'article 1305.2.b) de l'ALÉ, pour la raison qu'on pourrait prétendre que Navair s'est vu accorder un avantage au cours de l'étape de la soumission sur ses concurrents potentiels, en ceci que la DDP aurait pu passer inaperçu de ces derniers alors que le gouvernement l'a portée à l'attention de Navair. Mais la présente cause ne roule pas sur ce point.

Les principaux problèmes inhérents à ce marché ont trait au manque de clarté des critères d'évaluation et au caractère défectueux de l'évaluation qui a effectivement été faite. C'est ainsi qu'une société a pu fournir des renseignements supplémentaires sur son offre après la clôture de la période de dépôt des soumissions, et se voir par la suite accorder le marché en raison d'une mauvaise compréhension ou d'une mauvaise utilisation de ces renseignements par le gouvernement. Des données manquantes ont ainsi été fournies par le soumissionnaire auquel le marché a été octroyé, dans un cas, trois jours après la clôture du dépôt des soumissions, et, dans l'autre, deux mois après l'octroi du marché. De l'avis de la Commission, le gouvernement s'est en outre trompé dans son interprétation de ces renseignements supplémentaires. En fait, le gouvernement a inclus un délai de livraison de deux à quatre semaines dans le contrat, alors que la bonne interprétation, selon le paragraphe 15(a) du Code, des renseignements contradictoires relatifs aux délais de livraison contenus dans l'offre de confirmation, aurait dû être celle d'un délai de 6 à 16 semaines. De plus, le gouvernement a interprété la garantie offerte par Unisource comme étant valable pour 24 mois, et l'a présentée comme telle dans le contrat, alors que cela était loin d'être évident, comme nous le verrons ci-après.

Pour ce qui est du manque de clarté des critères d'évaluation, la partie pertinente de la DDP précise quels points sont «obligatoires» et quels autres sont «souhaitables», indiquant par là les points sur lesquels le gouvernement pourrait faire preuve d'une certaine souplesse. Jusque là, tout va bien. Malheureusement, la DDP précise par après :

[TRADUCTION]

Le fait de ne pas vous conformer à cette demande pourrait [souligné par nous] avoir pour effet de rendre votre proposition irrecevable.

Outre qu'on ne voit pas à quoi renvoie «cette demande», une condition doit être obligatoire ou ne pas l'être. L'énoncé susmentionné porte sur un mélange de critères d'évaluation obligatoires et souhaitables, et il est impossible d'en déterminer le sens exact. Si l'intention du gouvernement est de faire comprendre que le fait de ne pas respecter un critère défini comme obligatoire rendra la proposition irrecevable, la DDP devrait l'indiquer clairement. De même, la façon dont les critères obligatoires et souhaitables seront «pris en considération», pour reprendre les termes de la DDP, devrait être précisée davantage. Le MAS avait informé la Commission, à la suite de décisions et de recommandations antérieures (voir McDermid, E90PRF6635-021-0013, le 1er novembre 1990, et Nico-Arret, E91PRF6641-021-0003, le 3 mai 1991), que l'on évitait depuis un certain temps ce genre de clause obscure ou portant à confusion.

Il y a également la question des dispositions relatives à la garantie et aux services de réparation garantis qui figuraient dans la DDP, et de la place qu'elles ont eu dans le processus d'évaluation des offres. Une chose est claire : selon la DDP et le contrat qui y a fait suite, le prix d'achat de l'équipement comprend la période de garantie offerte. De plus, quoiqu'elles n'aient pas été expressément mentionnées parmi les «critères d'évaluation» de la DDP, les dispositions de garantie étaient clairement un facteur dont il a été tenu compte dans l'octroi du marché puisque le gouvernement a jugé bon de téléphoner pour les faire préciser. On ne sait pas de quelle façon exactement il a été tenu compte de ces facteurs dans l'octroi du marché. Mais ce que l'on sait, c'est que des renseignements supplémentaires étaient [TRADUCTION] «nécessaires à l'évaluation de la soumission...», pour citer le Code, et le contrat montre à l'évidence que non seulement les renseignements ont été utilisés par le MAS, mais qu'ils l'ont été de façon erronée.

De fait, vu que l'entrepreneur n'offrait pas de garantie propre dans sa soumission de «confirmation», et vu qu'il n'avait pas l'autorisation expresse d'offrir celle du fabricant, le MAS se serait-il contenté de la période de garantie minimale de 90 jours prévue par les Conditions générales? Il semble que non, puisque le MAS a communiqué avec le soumissionnaire pour éclaircir ce point. Cette procédure, qui devait être un exercice de clarification, selon ce que l'enquête a permis d'établir, a eu en fait pour effet de permettre à un soumissionnaire de modifier, après la clôture de la période de dépôt des soumissions, la période de garantie normale du MAS. En fait, il est possible que la période de garantie ait été réduite à rien, puisque Unisource n'avait pas obtenu l'autorisation expresse mentionnée dans la garantie du fabricant. De même, puisque le gouvernement n'a pas communiqué directement avec le fabricant à ce sujet, comme le prévoyait explicitement la disposition de ladite garantie relative au [TRADUCTION] «propriétaire futur», il n'était pas en mesure d'inscrire dans le contrat, comme il l'a fait, une garantie de 24 mois. De plus, puisque la clause cej4 stipule que [TRADUCTION] «le prix d'achat [souligné par nous] de l'équipement comprend une garantie de mois couvrant les pièces et la main-d'oeuvre», il est évident pour la Commission que le MAS voulait une période de garantie d'au moins 90 jours et qu'il était prêt à considérer, pour les besoins de l'octroi du marché, toute proposition offrant une période de garantie plus longue.

Cependant, de l'avis de la Commission, ce qui est fatal à cette mesure d'approvisionnement, c'est la chose suivante : lorsque les offres ont été dépouillées, le vendredi 6 mars 1992, le MAS a constaté que celle qui avait été envoyée par fac-similé par Unisource et dont il a pensé qu'elle était la plus avantageuse, était incomplète. En fait, cinq des huit pages de la DDP, portant sur l'acceptation des conditions par Unisource, sur la certification des fournitures et sur la garantie et le service de réparation garanti, étaient absentes. Le lundi 9 mars 1992, le MAS a téléphoné à Unisource au sujet des renseignements manquants et en a obtenu quelques-uns par la suite. La société a certifié par exemple que les marchandises étaient [TRADUCTION] «strictement conformes aux spécifications» - trois jours après la clôture de la période de dépôt des soumissions.

Tel qu'il a déjà été indiqué, Unisource a alors saisi l'occasion pour modifier, ou pour modifier en apparence, ses délais de livraison, qui sont passés de 6 à 16 semaines à un maximum de 2 à 3 semaines, ce qui était mieux que le délai indiqué dans l'offre de Navair, la deuxième plus avantageuse. On ne sait pas quelle conséquence cette amélioration des délais de livraison a eu éventuellement sur la décision d'adjudication. Pour ce qui est de la «garantie», Unisource a fourni une «feuille» intitulée [TRADUCTION] «Garantie limitée» qui stipule, entre autres choses, que IFR, le fabricant américain de l'équipement en question, ne garantissait pas celui-ci [TRADUCTION] « sans autorisation écrite expresse, à l'extérieur des limites continentales des États-Unis. » Aucune « autorisation écrite expresse » n'a été fournie en ce sens, ni d'ailleurs demandée, comme l'enquête a permis de l'établir.

Ce qui a été fourni quelque deux mois plus tard, à la suite de l'enquête de la Commission, c'est une lettre datée du 19 mai 1992, qui fait état du fait que la garantie de deux ans sur l'équipement est au titre d'une compagnie américaine, Unisource Technologies de Champlain (New-York) et qu'elle sera honorée, semble-t-il, dans la mesure où l'équipement sera transporté de Toronto (le lieu d'utilisation) à Unisource de Champlain (New-York) (peut-être par l'intermédiaire de Unisource de Montréal) puis à IFR, et retour, les frais éventuels étant à la charge d'Unisource.

En résumé, la Commission est d'avis qu'il manquait, dans l'offre envoyée par fac-similé par Unisource, des renseignements essentiels à l'évaluation de celle-ci, et que par conséquent cette offre était irrecevable. La tentative faite ultérieurement par le MAS pour obtenir ces renseignements «après les faits» contrevient à la Loi ainsi qu'à la politique du MAS. Les prétendus éclaircissements du 9 mars 1992 n'étaient pas «mineurs», pour citer le Guide de la politique des approvisionnements du MAS. À cet égard, la Commission ne comprend pas comment le MAS peut déclarer dans son rapport de l'institution fédérale :

[TRADUCTION]

La Couronne estime qu'avant d'octroyer le marché à Unisource, l'agent de négociation du contrat avait reçu l'assurance, dans une mesure raisonnable, du fait qu'Unisource était pleinement en état de répondre à tous les aspects de la demande, et plus particulièrement aux dispositions de garantie.

Non seulement le MAS n'a-t-il pas reçu d'assurance dans une mesure raisonnable, mais encore a-t-il manqué de protéger convenablement les intérêts du gouvernement en tant que «propriétaire futur» en ne communiquant pas avec le fabricant lui-même pour éclaircir la question de la garantie. Une telle mesure aurait peut-être permis de mettre en lumière, avant l'octroi du marché, la nature exacte de la relation liant IFR à Unisource ainsi que les limitations éventuelles. Ce point est tout particulièrement important à la lumière de l'accord commercial exclusif qui lie Navair et IFR, y compris en ce qui a trait à certains droits exclusifs.

Il est exact que Navair a été informé de l'existence de ce marché après la publication de l'APM et qu'elle s'est vue aviser de demander les documents de soumission au cas où elle souhaiterait faire une offre. Cependant, Navair ne peut être tenue responsable de la chose, qui n'est pas de son fait. En outre, cette société a clairement indiqué dans son offre des prix de lot, et non des prix unitaires, toutefois la Commission est convaincue qu'il n'y a aucune confusion possible quant au prix donné par Navair.

Enfin, il y a la question de la mention «aucun succédané», dont on pourrait penser qu'elle a bénéficié à Navair. Le fait est qu'en plus d'être clairement indiquée dans l'APM au vu et au su de tous les fournisseurs potentiels, une société l'a effectivement remarquée et a soulevé la question auprès du MAS avant la clôture du dépôt des soumissions. Cette société a cependant décidé de laisser tomber la chose, et d'offrir un succédané dans son offre. La Commission est convaincue que, même si le produit de cette société avait été considéré comme équivalent et que son offre fût pour cette raison devenu recevable, elle n'aurait toujours pas été la plus avantageuse. Aucune société n'a entrepris de contester la mention «aucun succédané» auprès de la Commission, ni avant ni après la clôture du dépôt des soumissions.

Dans ces conditions, la Commission est d'avis que l'offre de Navair était la plus avantageuse et que cette société se serait vu accorder le marché, «n'eût été» des mesures impropres prises par le gouvernement (voir Cardinal : D89PRF6608-021-0005).

La Commission adjugera donc à la plaignante les frais raisonnables qu'elle a engagés au titre du dépôt et de l'instruction de la plainte, ainsi que ses frais de soumission. En outre, compte tenu du fait que la plaignante aurait dû se voir accorder le marché, la Commission recommandera que le gouvernement lui verse le profit qu'elle aurait éventuellement fait si le marché lui avait été effectivement octroyé.

DÉCISION

La Commission décide, d'après son enquête, que cette procédure d'approvisionnement du ministère des Approvisionnements et Services n'était pas conforme aux exigences de l'article 17 de la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, pour la raison que le Ministère :

a)a utilisé dans l'évaluation des offres et l'octroi du marché des critères de décision qui n'étaient pas clairement précisés à l'avance; et

b)a omis de donner à tous les fournisseurs potentiels une possibilité égale de répondre aux exigences de l'entité acheteuse, en particulier à l'étape de l'évaluation des offres.

La Commission décide également :

1)d'adjuger à la plaignante les frais entraînés par le dépôt et de l'instruction de la plainte; et

2)d'adjuger à la plaignante les frais entraînés par la préparation de sa soumission.

La Commission recommande que le MAS résilie le marché octroyé à Unisource et l'accorde à la plaignante.

Si le marché est accordé à la plaignante, la valeur de celui-ci devrait être réduite du montant des frais versés à la plaignante conformément à la décision rendue par la Commission au paragraphe 2 ci-dessus.

À défaut, si le marché n'est pas accordé à la plaignante, la Commission recommande que le MAS mette au point, de pair avec la plaignante, une proposition d'indemnisation fondée sur le profit éventuel que Navair aurait fait, proposition que la Commission pourrait recommander comme juste et raisonnable aux termes du sous-alinéa 19(1)a)(v) de la Loi et qui reconnaîtrait que le marché aurait dû être accordé à Navair. Cette proposition doit être présentée à la Commission dans un délai de 30 jours suivant la date de la présente décision.

Gerald A. Berger
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Gerald A. Berger


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Publication initiale : le 29 août 1997