MARTIN MARIETTA CANADA LTD.

Décisions


MARTIN MARIETTA CANADA LTD.
Dossier no 94N66T-021-0020

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le jeudi 20 avril 1995

EU ÉGARD À une plainte déposée par Martin Marietta Canada Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée par L.C. 1993, ch. 44;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine, aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(4) et 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres ainsi que les frais relatifs au dépôt et au traitement de sa plainte.

Charles A. Gracey
_________________________ Charles A. Gracey
Membre


Michel P. Granger
_________________________ Michel P. Granger
Secrétaire

Dossier no 94N66T-021-0020

Date de la décision : Le 20 avril 1995

Membre du Tribunal : Charles A. Gracey

Gestionnaire d’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins


Plaignant : Martin Marietta Canada Ltd.

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services
gouvernementaux

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Contexte

Le 16 janvier 1995, Martin Marietta Canada Ltd. (le plaignant) a déposé, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE), une plainte concernant le marché passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la fourniture d’un simulateur du Service du trafic maritime (STM) destiné à être livré au collège de la Garde côtière canadienne de Sydney (Nouvelle-Écosse) (appel d’offres no HAL T1502-4-0035/000/A).

Le plaignant prétend que le Ministère n’a pas correctement passé et évalué le marché en question. Il estime que sa proposition est conforme, et qu’en modifiant les critères d’évaluation lors de l’étape de l’évaluation des propositions et en permettant la modification des prix des soumissions pendant les précisions, le Ministère n’a pas respecté la politique gouvernementale. À titre de réparation, le plaignant demande une recommandation voulant que l’adjudication du marché soit invalidée, que les propositions existantes soient réévaluées et qu’un nouveau marché soit adjugé sur la base des exigences d’origine. Il souhaite, à tout le moins, que le Tribunal formule des recommandations afin que pareille situation ne se reproduise pas à l’avenir.

Le 20 janvier 1995, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a déterminé que les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes sur les marchés publics — Accord de libre-échange nord-américain [2] (le Règlement) avaient été respectées à l’égard de la plainte et a décidé d’ouvrir une enquête pour déterminer si le marché avait été mené conformément aux exigences du chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain [3] (l’ALÉNA).

Enquête

Le 24 février 1995, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (le RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] . Les observations du plaignant au sujet du RIF ont par la suite été déposées auprès du Tribunal. Un rapport provisoire a été préparé par le personnel du Tribunal et versé au dossier le 29 mars 1995. Le plaignant et le Ministère ont ensuite déposé des observations auprès du Tribunal au sujet de ce rapport.

Étant donné que les renseignements figurant au dossier permettaient de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas requise et a statué sur la plainte en se fondant sur les renseignements au dossier.

Processus d’achat

Le 18 août 1994, le Ministère a reçu du ministère des Transports une demande pour un simulateur STM. Le Ministère a préparé un «avis de projet de marché» (l’APM) qui a été publié dans l’édition de Marchés publics du 3 août 1994, et encore dans celle du 10 août 1994 pour modifier l’échéance du dépôt des offres.

Un formulaire de planification et d’approbation anticipée de marché (PAAM) a été préparé par l’agent de négociation des contrats le 25 juillet 1994 et approuvé par le directeur régional intérimaire des approvisionnements le 26 juillet 1994.

Le Ministère a également préparé une demande de proposition (la DDP) datée du 26 juillet 1994, dans laquelle l’échéance de l’appel d’offres était fixée au 30 septembre 1994 à «14 h HAA». La DDP contenait des exigences obligatoires et cotées, groupées en un certain nombre de catégories. Elle indiquait qu’un maximum de trois exigences obligatoires pouvaient être déterminées comme étant non conformes et que la proposition dans son ensemble serait toujours considérée comme recevable. Elle indiquait également que, lorsqu’il serait déterminé qu’un nombre suffisant d’exigences obligatoires étaient respectées, l’étape suivante consisterait en une évaluation des exigences cotées. Le choix final devait être fait en fonction de la meilleure valeur globale de la proposition pour l’État sur le plan des mérites techniques et du coût. Cette décision devait être fondée sur une [traduction] «évaluation dollars par point» (le prix de l’offre [sans compter les options] divisé par des points de classement).

Cinq fournisseurs ont déposé des propositions traitant séparément des prix et des renseignements techniques.

Une équipe d’évaluation, composée de quatre employés du ministère des Transports et de l’agent de négociation des contrats, s’est réunie à Sydney les 19 et 20 octobre 1994 pour examiner la partie technique des propositions. À ce moment, une proposition a servi de modèle pour l’évaluation. Après avoir travaillé sur la base de ce modèle, il a été décidé que des points ne seraient accordés que si chacune des exigences était spécifiquement désignée et traitée. L’équipe d’évaluation s’est alors séparée et, au cours des semaines suivantes, ses membres ont évalué individuellement toutes les propositions. Selon l’agent de négociation des contrats, il était le seul membre de l’équipe qui connaissait les prix demandés par chaque soumissionnaire, et ces prix n’ont pas été révélés aux autres membres avant la fin des évaluations définitives.

L’équipe d’évaluation s’est réunie de nouveau à Ottawa (Ontario) du 14 au 18 novembre 1994 et a effectué une analyse comparative des évaluations individuelles. Un consensus s’est dégagé quant au fait qu’aucune des cinq propositions examinées ne satisfaisait à un nombre suffisant d’exigences obligatoires pour être considérée comme recevable.

À la lumière des résultats obtenus, il a été recommandé aux fins d’approbation d’apporter certaines modifications aux critères d’évaluation, notamment de transformer tous les éléments obligatoires en exigences cotées, de pondérer la note des éléments, antérieurement considérés comme obligatoires, au niveau de 75 p. 100 de la note totale et d’établir une note de passage minimale de 70 p. 100 pour chaque catégorie. Par conséquent, un formulaire PAAM révisé a été préparé aux fins d’approbation.

En utilisant la nouvelle méthode d’évaluation, l’équipe a réévalué les propositions et a déterminé que les propositions de deux sociétés semblaient en mesure de dépasser la note de passage globale de 70 p. 100 et de dépasser cette note dans chacune des catégories, soit la proposition du plaignant et celle de Norcontrol Limited, l’adjudicataire.

Le Ministère a demandé à ces deux entreprises un certain nombre de précisions pour terminer la réévaluation. Les lettres dans lesquelles étaient demandés les éclaircissements n’indiquaient pas que la méthode d’évaluation avait changé et, selon le plaignant, après avoir reçu ces lettres, il pensait qu’il s’agissait d’un exercice normal de précisions, de la part du Ministère, au sujet d’une proposition que ce dernier considérait comme recevable. Les lettres demandaient bel et bien aux soumissionnaires de soumettre un prix pour une option supplémentaire décrite dans une pièce annexée. Cette option représentait une augmentation de 50 p. 100 du nombre de postes de travail requis.

Une lettre, datée du 25 novembre 1994, a été préparée et envoyée aux cinq soumissionnaires. Selon cette lettre, aucune des propositions reçues n’avait répondu à suffisamment d’exigences obligatoires pour être considérée comme recevable. En outre, elle indiquait que le Ministère avait l’intention de prendre une décision sur la base d’une méthode d’évaluation modifiée. Il a été demandé aux soumissionnaires de faire savoir au Ministère s’ils désiraient retirer leur proposition ou s’ils voulaient que celle-ci soit prise en considération et, dans ce cas, de repousser l’échéance de la période d’acceptation de leur offre au 10 janvier 1995. Les cinq soumissionnaires ont répondu à la lettre et accepté de repousser l’échéance de leur période d’acceptation respective. L’accord n’était pas complet, cependant, sur le changement de la méthode d’évaluation. En fait, deux soumissionnaires, dont le plaignant, s’y sont opposés, et un troisième, auquel il n’avait pas été demandé de fournir des précisions ou un prix pour une option supplémentaire, s’est dit intéressé à soumettre un nouveau prix au regard des changements des conditions.

L’équipe chargée de l’évaluation a terminé la réévaluation en utilisant la méthode d’évaluation modifiée, et le marché a été adjugé le 28 décembre 1994. Le plaignant a appris, lors d’une conversation téléphonique avec l’agent de négociation des contrats le 5 janvier 1995, que le marché du simulateur STM avait été attribué à Norcontrol Limited.

Bien-fondé de la plainte

L’article 30.14 de la Loi sur le TCCE stipule que, dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l’objet de la plainte et, à la conclusion de l’enquête, déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. Aux termes de l’article 11 du Règlement, le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ALÉNA.

Dans le RIF, le Ministère fait valoir que la plainte n’a pas été déposée dans les délais requis. Il soutient que le plaignant, aux termes des paragraphes 6(1) ou (4) du Règlement, aurait dû déposer sa plainte dans les 10 jours ouvrables ou dans les 30 jours, respectivement, suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte. Il soutient qu’il ne s’agit pas d’une plainte aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement pour le motif que le plaignant n’a pas présenté l’opposition visée par ce paragraphe et qu’il ne s’est pas vu refuser une réparation.

Le Tribunal a déterminé que le plaignant connaissait les faits à l’origine de sa plainte lorsqu’il a reçu, le 28 novembre 1994, la lettre du Ministère datée du 25 novembre 1994, qui précisait qu’aucune soumission n’était recevable et que le Ministère avait l’intention de changer la méthode d’évaluation et de poursuivre la passation du marché. Le Tribunal considère que la lettre du plaignant au Ministère, datée du 28 novembre 1994, contenait une opposition aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement. Un passage de la lettre, soit [traduction] «comme nous estimons que MMCL [le plaignant] a fait à la GCC [Garde côtière canadienne] une offre pleinement conforme, nous ne croyons pas qu’il y ait lieu d’évaluer les propositions en fonction de critères différents de ceux que contenait la demande de proposition d’origine», est interprété par le Tribunal comme une opposition. La lettre ne mentionne pas les précisions qui permettraient des changements aux prix des soumissions.

Le Tribunal considère que le refus de réparation concernant l’opposition exprimée dans la lettre du plaignant s’est produit par le fait de la lettre du Ministère au plaignant, datée du 5 janvier 1995, et reçue par le plaignant le 10 janvier 1995. En conséquence, le Tribunal détermine que la plainte, pour ce qui est de la modification des critères d’évaluation pendant l’étape de l’évaluation des propositions, déposée auprès du Tribunal le 20 janvier 1995, n’est pas en retard aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement. Le Tribunal détermine également que, puisque la lettre d’opposition d’origine au Ministère ne mentionnait pas les précisions demandées qui permettaient des modifications aux prix des soumissions, cette partie de la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement et est donc rejetée.

Quoique le Tribunal ait des réserves quant au fait que le dossier d’achat du Ministère ne contienne pas des documents suffisamment précis sur le processus d’évaluation pour permettre une reconstitution précise des événements sur la seule base des pièces au dossier, le Tribunal est convaincu, sur la foi de son enquête, que l’évaluation effectuée par le Ministère conformément aux modalités de la DDP d’origine était conforme aux exigences du chapitre 10 de l’ALÉNA. Le Ministère déclare qu’il n’a pas demandé de précisions au plaignant relativement à quelque 18 points sur lesquels sa soumission était non conforme car, sur ces points, elle était considérée comme non conforme de façon indubitable, et aucun éclaircissement n’était nécessaire. De fait, le Tribunal estime que le Ministère n’avait aucune obligation de demander des précisions. De l’avis du Tribunal, la conclusion du Ministère selon laquelle toutes les soumissions étaient non recevables est conforme, sur le plan de la procédure, au chapitre 10 de l’ALÉNA. La conduite du Ministère, lors des étapes ultérieures, est une autre question.

Dans le RIF, le Ministère soutient que l’agent de négociation des contrats, aux termes de l’alinéa 1014(1)b) de l’ALÉNA, a décidé d’engager des négociations avec tous les soumissionnaires.

L’article 1014 de l’ALÉNA, «Règles de négociation», est rédigé comme suit :

1. Une entité pourra mener des négociations uniquement :

a) à l’occasion d’un marché pour lequel elle aura indiqué, dans un avis publié en conformité avec l’article 1010, son intention de négocier; ou

b) lorsque l’évaluation des offres fera apparaître qu’aucune offre n’est manifestement la plus avantageuse au regard des critères d’évaluation indiqués dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres.

2. Les négociations serviront principalement à déterminer les avantages et les inconvénients des soumissions.

3. Une entité devra considérer comme confidentielles toutes les soumissions. Aucune entité ne pourra en particulier fournir à quiconque des renseignements en vue d’aider un fournisseur à présenter une soumission comparable à celle d’un autre fournisseur.

4. Aucune entité ne pourra, durant des négociations, faire de discrimination entre les fournisseurs. Une entité devra en particulier :

a) procéder à toute élimination de fournisseurs en conformité avec les critères énoncés dans les avis et dans la documentation relative à l’appel d’offres;

b) communiquer par écrit à tous les fournisseurs admis à participer aux négociations toutes les modifications apportées aux critères et aux exigences techniques;

c) permettre à tous les fournisseurs non éliminés de présenter des soumissions nouvelles ou modifiées tenant compte des modifications apportées aux critères ou aux exigences; et

d) à la conclusion des négociations, permettre à tous les fournisseurs non éliminés de présenter des soumissions finales en vue d’une même échéance.

Le Tribunal interprète l’article 1014 de l’ALÉNA comme visant une situation où une décision ne peut être prise quant à savoir laquelle d’une série de propositions recevables est la plus avantageuse. Cela découle de l’alinéa 1014(4)a) qui prévoit que le Ministère doit procéder à toute élimination de fournisseurs en conformité avec les critères énoncés dans les avis et dans la documentation relative à l’appel d’offres avant de continuer les négociations.

En l’espèce, le Ministère n’a pas négocié avec les fournisseurs, comme le prévoit l’article 1014 de l’ALÉNA. La négociation envisagée par l’article 1014 permet aux fournisseurs de faire de nouvelles soumissions ou des soumissions modifiées pendant le processus de négociation et des offres définitives à la fin des négociations. Le Ministère a décidé de changer la méthode d’évaluation, puis a exigé des fournisseurs qu’ils retirent leurs propositions ou qu’ils repoussent l’échéance de la période d’acceptation de leurs offres s’ils souhaitaient qu’elles soient toujours prises en considération.

Quoique le Ministère, dans le RIF, soutienne que [traduction] «toutes les entreprises ont accepté» le changement, le Tribunal estime que, quoique toutes les entreprises aient repoussé l’échéance de la période d’acceptation de leurs offres, deux fournisseurs ont exprimé par écrit leur désapprobation du changement de la méthode d’évaluation. En outre, le Tribunal conclut que le Ministère n’avait aucune intention de permettre le dépôt de soumissions nouvelles ou modifiées et, par conséquent, qu’il ne négociait pas selon les dispositions du chapitre 10 de l’ALÉNA. De fait, en l’occurrence, étant donné qu’aucune soumission n’était recevable et que le marché initial a été substantiellement modifié, le Tribunal conclut que le Ministère n’avait pas d’autre choix que de lancer un nouvel appel d’offres conformément aux exigences du chapitre 10 de l’ALÉNA. L’agent de négociation des contrats était au courant de la gravité de la situation lorsqu’il a écrit dans le formulaire PAAM révisé que [traduction] «la politique exigerait que le client réécrive maintenant les spécifications et que l’appel d’offres soit relancé». Le Tribunal fait remarquer qu’en omettant de relancer l’appel d’offres, le Ministère ne s’est pas seulement écarté de sa propre politique, mais également de l’ALÉNA.

Dans le RIF, le Ministère soutient qu’il a modifié la méthode d’évaluation, sans lancer un nouvel appel d’offres, afin de fournir un service adéquat au client et parce qu’il devait respecter des délais de rigueur. Le chapitre 10 de l’ALÉNA ne prévoit pas que le «service au client» soit une cause suffisante d’abrogation des procédures de passation de marchés en situation de concurrence. Dans certains cas, pour des raisons d’extrême urgence dues à des événements qui ne pouvaient être prévus, l’alinéa 1016(2)c) de l’ALÉNA permet au Ministère de déroger aux dispositions des articles 1008 à 1015 et, lorsque l’état d’urgence est dûment justifié, l’alinéa 1012(3)c) permet au Ministère de ramener le délai de réception des soumissions à un minimum de 10 jours à compter de la publication de l’APM. Le Tribunal conclut que le Ministère n’a pas prouvé l’existence d’un état d’urgence de ce genre et qu’en fait, en contradiction apparente avec cette position, la version révisée et approuvée du formulaire PAAM repousse la date de livraison du 4 août au 31 décembre 1995.

De l’avis du Tribunal, si le Ministère avait souhaité, comme cela est exprimé dans le formulaire PAAM révisé, tenir l’appel d’offres «actif», le Ministère aurait dû relancer l’appel d’offres conformément aux dispositions du chapitre 10 de l’ALÉNA. En s’abstenant de publier un APA, comme le prévoit le paragraphe 1010(1) de l’ALÉNA, et en ne fixant pas un délai pour la réception des soumissions, comme le prévoit le paragraphe 1012(2), le Ministère a enfreint ces dispositions. De même, en adjugeant un marché non conforme aux critères et aux exigences essentielles précisés dans la documentation relative à l’appel d’offres, le Ministère a enfreint l’alinéa 1015(4)d).

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Recommandation du Tribunal

Le fait d’agir totalement en dehors du processus de passation des marchés dicté par les exigences du chapitre 10 de l’ALÉNA constitue une grave irrégularité. Dans la présente cause, le plaignant et tous les autres fournisseurs potentiels ont subi un préjudice dans la mesure où ils ont été privés de la possibilité de soumettre une nouvelle proposition relativement à un marché pour lequel ils avaient déjà exprimé un intérêt en soumettant antérieurement des propositions. Quoiqu’on ne puisse déclarer avec certitude quel soumissionnaire aurait été retenu dans un nouvel appel d’offres, il est certain qu’une occasion a été perdue. Lorsque des fournisseurs potentiels ne se voient pas offrir une occasion raisonnable de concurrencer en préparant et en déposant des propositions en fonction d’une série d’exigences connues d’avance, l’équité du mécanisme d’adjudication peut être gravement atteinte.

Le plaignant a demandé, à titre de réparation, que le Tribunal recommande que l’adjudication du marché soit invalidée, que les propositions existantes soient réévaluées et que le nouveau marché soit adjugé sur la base des exigences d’origine. Le plaignant souhaite que, à tout le moins, le Tribunal formule des recommandations afin que pareille situation ne se reproduise pas à l’avenir. Le Tribunal est d’avis qu’aucun marché n’aurait dû être adjugé dans les circonstances. Cependant, comme le marché est maintenant exécuté à près de 50 p. 100, conformément au calendrier pertinent, et puisque le Tribunal a déterminé que l’évaluation d’origine a conduit équitablement à la conclusion qu’aucune des soumissions n’était recevable, il ne recommandera pas l’annulation du marché. Cependant, en application des paragraphes 30.15(4) et 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres ainsi que les frais relatifs au dépôt et au traitement de sa plainte.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-062, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547.

3. Accord de libre-échange nord-américain, fait à Ottawa (Ontario), les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (entré en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

4. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996