NETWORK SUPPORT INC.

Décisions


NETWORK SUPPORT INC.
No du greffe de la Commission : G93PRF6666-021-0017

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Network Support Inc. 818, av. Boyd appartement B Ottawa (Ontario)

No du greffe de la Commission : G93PRF6666-021-0017

Plainte accueillie en partie

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15 L.C. 1988, ch. 65.

Le 9 juillet 1993

DÉCISION DE LA COMMISSION

Le 13 avril 1993, la Commission de révision des marchés publics (la Commission) a été saisie d'une plainte émanant de Network Support Inc. (Network). Cette plainte avait trait à l'acquisition, par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), d'un Système de support de grande capacité destiné au Bureau de projet - Bâtiments de défense côtière maritime (BP/BDCM) du MAS, situé à Ottawa (Ontario).

Le plaignant soutient que le BP/BDCM a évalué de façon inéquitable sa réponse technique à une Demande de proposition (DDP). Network soutient en outre que le BP/BDCM a tenté de modifier le besoin, après la présentation des propositions, d'une façon qui n'était pas conforme aux spécifications d'origine. Enfin, le plaignant soutient que la méthode d'évaluation, telle qu'elle a été appliquée en l'espèce, est suspecte.

À titre de mesure corrective, Network demande que la DDP soit retirée, et qu'une nouvelle DDP contenant des spécifications plus détaillées et plus précises soit publiée.

Le 21 avril 1993, les exigences administratives et réglementaires ayant été observées, la Commission a accepté la plainte pour enquête.

Le MAS a déposé le Rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès de la Commission le 10 mai 1993. Une copie des parties pertinentes de ce rapport a été envoyée au plaignant, qui, à son tour, en a fait des commentaires qu'il a déposés auprès de la Commission le 19 mai 1993. Les commentaires du plaignant ont été transmis au MAS.

Une copie du rapport préliminaire d'enquête a été envoyée au MAS et au plaignant pour commentaires. La réponse écrite de chacune des parties a été transmise à l'autre. Ces commentaires ont été ajoutés au rapport préliminaire d'enquête et font partie du rapport d'enquête (le Rapport) soumis à la Commission.

Le Rapport contient un certain nombre d'annexes touchant des matières et des documents considérés comme pertinents par le personnel d'enquête de la Commission. Il n'y a pas de référence précise à ces annexes dans la présente décision, mais elles ont été mises à la disposition des parties, et, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, toute autre personne peut en prendre connaissance.

L'enquête ayant produit suffisamment de renseignements pour permettre à la Commission de trancher les questions soulevées dans la plainte, il a été décidé qu'une audience orale ne serait pas nécessaire, et ni l'une ni l'autre des parties n'en a demandé la tenue. La Commission a examiné la plainte, le RIF, la réponse du plaignant au RIF, le rapport du personnel d'enquête de la Commission et les commentaires faits sur ce rapport par les parties, et a rendu ses conclusions et décisions sur la base des faits exposés, dont les éléments pertinents sont précisés dans les présentes.

L'enquête

Le personnel d'enquête de la Commission a examiné les allégations faites dans la présente plainte en procédant à des entrevues et en étudiant les documents.

Les personnes ci-dessous ont été interrogées en personne et/ou par téléphone pour confirmer les différentes affirmations faites et/ou contenues dans la documentation :

M. Pierre Demers, agent de gestion des marchés, direction générale des Systèmes et services d'informatique et de bureautique, MAS, Hull (Québec). M. George A. Butts, gestionnaire du Service des approvisionnements, et M. Kevin K. Yamamoto, agent de l'ordonnancement et des coûts, tous deux du Bureau de projet -Bâtiments de défense côtière maritime, MAS, Ottawa (Ontario). M. W. P. Ruane, président, et M. Mark Scherling, directeur des Ventes, de Network, Ottawa (Ontario). M. Bassam Barkout, directeur de la Production, B & Y Technological Enterprises Ltd. (BYTE), Ottawa (Ontario).

Le marché

Le 8 décembre 1992, l'Unité centrale des attributions du MAS a reçu une réquisition de la direction générale des Systèmes aérospatiaux, maritimes et électroniques du MAS. Le besoin était décrit comme suit :

[TRADUCTION]

Acheter l'équipement suivant pour le projet BDCM

1. Système de support de grande capacité

(voir ci-joint la justification et la spécification)

Le 19 janvier 1993, le MAS a préparé un plan d'approvisionnement sous la forme d'une note de dossier. Sous la rubrique [TRADUCTION] «FOURNISSEUR :» l'agent de négociation des marchés a indiqué : [TRADUCTION] «Il est proposé de satisfaire ce besoin à titre exclusif auprès de B & Y Technological Enterprises (B.Y.T.E.), la configuration proposée étant un système de visualisation de documents de type BYTEQUEST qui utilise un logiciel privé». Le document ne mentionne rien quant à savoir si le marché tombe sous le régime de l'Accord de libre-échange (ALE). Le plan d'approvisionnement a été préparé et approuvé par l'agent de négociation des marchés.

Selon le MAS, la décision d'exclure le marché de l'ALE était fondée sur le fait que l'achat concernait, entre autres, des permis d'utilisation de logiciels, permis qui représentaient plus de 50 p. 100 de la valeur totale du marché. Selon les responsables du MAS, cette décision était conforme à la directive no 0023 de la direction générale des Systèmes et services d'informatique et de bureautique du MAS, et était fondée sur la proposition datée du 20 novembre 1992 faite par BYTE au BP/BDCM.

Le MAS a préparé un «Préavis d'adjudication de contrat» (PAC) qui a été publié dans Marchés publics le 27 janvier 1993, sous le code 0-3, signifiant «qui ne relèvent pas du GATT ou de l'ALE - Une seule entreprise est invitée à soumissionner».

Après la publication du PAC, Network a téléphoné à l'agent de négociation des marchés pour mettre en question le PAC. Network a donné suite à cette conversation par écrit le 29 janvier 1993. Le 3 février 1993, l'agent de négociation des marchés a transmis la contestation au BP/BDCM.

Selon le BP/BDCM, et selon ce qu'il appert des renseignements fournis par Network, le MAS a jugé que Network était un fournisseur potentiel. Une réunion a donc été organisée avec Network pour permettre à cette dernière de faire la démonstration de son système. Cette réunion, à laquelle ont participé l'agent de l'ordonnancement et des coûts, l'agent de négociation des marchés ainsi qu'un représentant du Bureau de projet - Frégates canadiennes de patrouille (BP/FCP), s'est déroulée dans les locaux commerciaux de Network. Selon le MAS, Network a fait une démonstration d'un système dont étaient absents certains éléments requis (en l'occurrence, la touche directe bilingue et la capacité d'utilisation des disques optiques), mais Network lui a donné l'assurance qu'elle pouvait fournir ces éléments.

Dans une lettre datée du 8 février 1993, Network a envoyé au MAS les renseignements supplémentaires suivants :

[TRADUCTION]

Comme suite aux deux questions restées en suspend après notre réunion de ce matin :

Pour ce qui est de l'exploration des documents de format E, vous trouverez ci-joint un bulletin de commercialisation de Kofax qui fait l'annonce d'un système de soutien de la saisie des images de documents de format C, D et E en janvier 1992.

La personne-ressource à la Sécurité du MAS est [nom et numéro de téléphone rayés].

Pour ce qui est de la touche directe bilingue pour passer de l'anglais au français, on peut, dans le système Windows, passer d'un écran français à un écran anglais au moyen d'une touche directe (ALT TAB). Les utilisateurs peuvent donc se servir du SGRC [Système de gestion des renseignements consignés] et du SMVA [Système de manipulation visuelle des documents] dans la langue de leur choix, en français ou en anglais.

Je ne doute pas que ceci réponde aux besoins de vos clients [sic] pour le système de visualisation et de gestion des documents de façon à ce que les soumissions puissent se faire en régime de concurrence. Si vous avez des questions ou avez besoin de renseignements supplémentaires, n'hésitez pas à m'appeler.

Le 9 février 1993, le document ci-dessus a été transmis par télécopie au BP/BDCM.

Le MAS a décidé d'ouvrir le marché à la concurrence et un avis de projet de marché (APM) a été publié dans la livraison du 12 mars 1993 de Marchés publics, avec le code 0-1, signifiant «achats [...] qui ne relèvent pas du GATT ou de l'ALE - Tout fournisseur intéressé peut soumissionner». Le besoin était décrit comme suit dans l'Avis :

(La présente a pour but de remplacer le PAC no 66002-2-0940/000/A [...]) Système de support de grande capacité, pour le Projet de bâtiments de défense côtière maritime, avec installation et intégration. Le système comprend : un ordinateur personnel compatible avec ordinateur IBM 486-33 MHz avec mémoire vive de 8 Mo. 1 disque dur de 300 Mo, 1 unité d'entraînement optique à disque non réinscriptible de 650 Mo, un moniteur couleur à haute résolution «Cornerstone» de 21 po, une imprimante «HP» Laserjet III, la documentation la formation.

Le 17 février 1993, une DDP a été publiée, avec une date de clôture fixée au 10 mars 1993. Le paragraphe 4 de la section C de la DDP contenait les instructions suivantes à l'intention des soumissionnaires :

[TRADUCTION]

Il est essentiel que la proposition comprenne un énoncé attestant clairement de l'observation, par le soumissionnaire, de chaque article de la présente DDP. Cet énoncé doit consister en l'une des trois réponses suivantes :

4.1 CONFORME : Lorsque la proposition est conforme à l'article sous tous les rapports. À l'exception des exigences techniques mentionnées ci-dessous, aucune autre explication n'est nécessaire; [...]

Le paragraphe 5 de la section A, intitulé [TRADUCTION] «Procédure d'évaluation», se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

L'État se réserve le droit de [...] demander des éclaircissements ou des données complémentaires relativement à l'un ou l'autre point de la proposition [...]

La partie C de l'annexe A de la DDP contient la disposition suivante :

[TRADUCTION]

3. Démonstration

Les vendeurs pourraient se voir demander de faire des démonstrations précises du produit. Le but d'une démonstration est de prouver au MAS que le système proposé répond aux besoins en matière de fonctionnement et de performance. S'il n'est pas satisfait à l'une ou l'autre des exigences pendant la démonstration, l'offre pourrait être considérée comme étant non conforme.

La démonstration doit être effectuée par le vendeur dans un délai de 30 jours ouvrables après que le MAS lui a fait parvenir l'avis de la demande de démonstration. Le fait de ne pas respecter ce délai pourrait avoir pour conséquence que la proposition serait considérée comme irrecevable.

La partie C de l'annexe A exige également qu'une référence soit fournie :

[TRADUCTION]

5. Référence

Un lieu d'exploitation servant de référence, dans la région de la Capitale nationale.

Dans la section [TRADUCTION] «Référence», le plaignant donnait les noms et les numéros de téléphone de dix utilisateurs du SGRC et du SMVD.

Selon le BP/BDCM, il n'y avait aucun utilisateur d'un système combinant le SMVD, le SGRC et le lecteur de disque optique parmi les dix utilisateurs donnés en référence par Network. En outre, le BP/BDCM a précisé que ces derniers ne connaissaient généralement pas Network, mais connaissaient Public Sector Systems (PSS). Selon Network, les «références» données par elle n'étaient pas des installations de Network ni de PSS, mais étaient plutôt, comme cela était indiqué dans sa proposition, des utilisateurs d'applications du SGRC et du SMVD.

Le 22 mars 1993, le MAS a transmis les propositions, moins la section des coûts, au BP/BDCM, pour une évaluation technique.

Le 24 mars 1993, le BP/BDCM a envoyé une télécopie à l'agent de négociation des marchés, avec la requête suivante :

[TRADUCTION]

QUESTION À POSER AUX DEUX SOUMISSIONNAIRES :

LE BP/BDCM A CONSIDÉRABLEMENT INVESTI DANS DES PROGRAMMES DE BASE DE DONNÉES POWERHOUSE. LE BP VOUDRAIT AVOIR LA POSSIBILITÉ DE POUVOIR CHANGER UN JOUR LA BASE DE DONNÉES DU SYSTÈME QUE VOUS PROPOSEZ EN UNE BASE DE DONNÉES POWERHOUSE EXPLOITABLE EN RÉSEAU LOCAL. LE SYSTÈME QUE VOUS PROPOSEZ PERMET-IL D'EXÉCUTER CETTE OPÉRATION SANS PERTE DE DONNÉES? QUEL SERAIT LE COÛT APPROXIMATIF?

Le 25 mars 1993, le MAS a envoyé le message ci-dessus à BYTE ainsi qu'à Network en leur demandant de répondre d'ici le 26 mars 1993.

Dans une télécopie datée du 25 mars 1993, Network a répondu ce qui suit :

[traduction]

Il s'agit d'un changement par rapport à la spécification de la DDP, et conformément à la conversation téléphonique avec [nom rayé], cela n'est pas inclus dans l'évaluation de la DDP mais est donné pour fins d'information seulement.

Oui, la base de données pourra être changée à l'avenir en une base de données PowerHouse sans perte de données. Si la base de données PowerHouse est compatible avec la norme TBITS/NCTTI-2, le coût du changement sera raisonnable. Une évaluation complète de la question pourra être faite après l'octroi du marché dans le cadre d'une demande de changement.

Le 26 mars 1993, l'agent de négociation des marchés a transmis le renseignement ci-dessus au BP/BDCM par télécopie, avec la note «[...] vous trouverez ci-joint les réponses à vos questions par les deux soumissionnaires. Je rappelle que ces réponses ne doivent pas influer sur votre décision de déclarer une offre irrecevable au regard de la DDP».

Une évaluation technique achevée par le BP/BDCM le 26 mars 1993 ou aux environs de cette date, a été transmise au MAS sous la forme d'une note de service datée (de façon erronée) du 8 février 1993, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les deux propositions étaient très proches quant à la conformité technique et étaient présentées de façon professionnelle. Cependant, il y a une importante différence entre elles.

Le principal problème avec la proposition de Network Support Inc. a trait à l'intégration du logiciel SMVD dans le logiciel SGRC. La proposition de Network ne dit pas grand chose quant à la façon dont son logiciel de gestion des dossiers est relié à son système de visualisation des données. En vérifiant auprès des dix utilisateurs donnés en référence, j'ai constaté qu'un seul d'entre eux utilise le système intégré SGRC/SMVD, et encore n'utilise-t-il qu'une unité de disque dur d'entreposage magnétique, au lieu d'une unité de disque optique.

Le système BYTE est actuellement en usage au BP/FCP. Le logiciel de gestion des dossiers ARMIS est intégré au logiciel de visualisation Bytequest et fonctionne avec un matériel pourvu d'une unité de disque d'entreposage optique.

Pour ces raisons, je demande que nous procédions à l'acquisition du système BYTE.

Le 2 avril 1993, le BP/BDCM a envoyé une note de service à l'agent de négociation des marchés, avec le commentaire [TRADUCTION] «JUSTIFICATION DE L'OCTROI DU MARCHÉ À BYTE». Cette note de service se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Au cours d'une [sic] conversations téléphoniques avec [nom rayé] direction de la Sécurité du MAS qui ont eu lieu le 31 mars et ce matin, il est apparu que l'entrepreneur principal pour ce système n'est pas Network Support Inc. (NSI). L'entrepreneur principal pour la conception, l'installation et l'intégration du système est Proterm. Nous ne savons pas quel rôle NSI a joué dans l'installation de ce système ou dans le soutien de celui-ci. La proposition de NSI comporte un plus grand risque.

Il y a aussi la question de la touche directe bilingue. Une démonstration satisfaisante en a été faite sur le système BYTE, mais elle n'existe pas sur le système NSI. NSI devrait mettre en place cet élément, que nous voulons «tout fait».

Pour ces raisons, je demande que nous procédions à l'acquisition du système BYTE.

Selon le MAS, Network a été informé par téléphone que le BP/BDCM avait trouvé sa soumission non conforme sur trois points. Cette conversation a été confirmée par Network, qui a déclaré dans sa lettre de plainte que, le 7 avril 1993, elle a été informée par téléphone de la position du gouvernement.

Une télécopie non datée de Network adressée à l'agent de négociation des marchés a été transmise au BP/BDCM avec la remarque [TRADUCTION] «[...] vous trouverez ci-joint des observations de Network. Veuillez les examiner et nous faire savoir si vous êtes satisfaits ou si vous avez besoin d'une autre démonstration [...]»

[TRADUCTION]

1) Soutien .BMP

Le SGRC et le SMVD sont basés sur les normes du Microsoft Windows 3.X et le .BMP est soutenu par Windows. Le SGRC et le SMVD se prêtent à l'utilisation de Windows et de .BMP.

2) Touche directe bilingue

Le SGRC et le SMVD se prêtent à l'utilisation d'une touche directe dans le cadre des capacités normales de Windows en la matière, qui permettent de passer d'une application à l'autre. La version finale française est en cours de traduction et devrait être publiée prochainement.

3) Pas de lieu de production

Pour ce qui est de nos références au paragraphe 5.3.5 de la page 24, le système est pleinement opérationnel à la Chambre des communes, où l'on utilise le SGRC ainsi que le SMVD. Les gens de la Chambre explorent et enregistrent des documents au moyen de l'explorateur Fujitsu comme le prévoit la DDP. Ils fonctionnent également dans un milieu bilingue dans lequel leurs besoins sont satisfaits.

Nous avons déjà tout dit relativement à ces exigences et peut-être y aurait-il lieu de se rencontrer sur place pour régler les autres différends ou problèmes.

Selon le BP/BDCM, une visite a été organisée à la direction de la Sécurité du MAS le 8 avril 1993 ou autour de cette date, pour voir le système. Seul un représentant du BP/BDCM était présent, et la démonstration a été effectuée par les opérateurs de la direction de la Sécurité. Le BP/BDCM a déclaré que le système de la direction de la Sécurité était «plus avancé» que celui dont avait besoin le BP/BDCM, et qu'il ne comportait toujours par tous les éléments requis dans la DDP.

Dans une lettre datée du 13 avril 1993, Network a déposé la plainte en cause.

Selon l'agent de négociation des marchés, le marché a été accordé par téléphone à BYTE le 16 avril 1993.

Le lundi 19 avril 1993, un message électronique classé [TRADUCTION] «**IMPORTANT**» a été envoyé du bureau du Secrétaire général à l'agent de négociation des marchés. Le message était le suivant : [TRADUCTION] «OBJET : LES PROCÉDURES DE PASSATION DU MARCHÉ À BNY TECHNOLOGIES ENTERPRISES DOIVENT ÊTRE INTERROMPUES SANS DÉLAI».

Le 22 avril 1993, le message télécopié suivant a été envoyé à BYTE par l'agent de négociation des marchés :

[TRADUCTION]

[...] Veuillez JUSQU'À NOUVEL ORDRE SURSEOIR à toutes les livraisons relatives à la fourniture du Système de support de grande capacité au BP/BDCM. Cette mesure est prise comme suite à une plainte reçue par la Commission de révision des marchés publics (la Commission). Je vous informerai sans délai de tout élément nouveau à cet égard. Merci.

Selon le MAS, les parties continuaient de surseoir à l'exécution du marché à la date du 3 juin 1993.

Discussion

Avant d'examiner la plainte sur le fond, il y a lieu de se pencher sur la question de savoir si l'acquisition proposée est un marché de biens visé par l'ALE. Cette question, soulevée par le gouvernement, a trait à la compétence qu'a la Commission pour entendre la présente plainte.

En avançant sa thèse sur ce point, le gouvernement se reporte à l'alinéa 5a) du Guide de la politique des approvisionnements (GPA) du MAS, no 3005, intitulé «Marchés publics assujettis à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis» :

Il s'agit d'un marché de biens ou de produits passé par la méthode d'achat, de crédit-bail, [...] Les services ne sont couverts que dans la mesure où ils sont accessoires à la fourniture d'un produit donné, et comptent pour moins de 50 p. 100 de l'achat visé.

Le gouvernement poursuit en soutenant que, comme il avait l'intention d'acheter [TRADUCTION] «surtout des produits de logiciel», il considérait son besoin comme un marché de service.

Il apparaît à la Commission que la transaction prévue vise essentiellement l'achat d'un système consistant en un matériel, un logiciel et des services de soutien. En fait, le MAS a indiqué dans sa documentation d'appui jointe à l'Avis de projet de marché que les marchandises dont il avait besoin entraient dans la catégorie 7010 ADPE System Configuration. Il s'agit d'une référence au Système de classification fédérale des approvisionnements (SCFA) utilisé au GATT pour classer les biens. La Commission remarque que le code en cause (7010) traite d'un système d'informatique comprenant un logiciel, et se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

L'incorporation d'un dispositif spécialement conçu [souligné par nous] dans un système n'influe pas sur le classement de l'élément de base.

La catégorie 7030 du même groupe (70) est intitulée Logiciel («Software»). Cette disposition traite également de biens et contient l'exclusion suivante :

[TRADUCTION]

[...] logiciel conçu selon les spécifications du gouvernement [souligné par nous] pour répondre aux besoins d'une utilisation particulière ou destiné à servir avec un matériel de traitement automatique de l'information classable correctement à l'intérieur du SCFA dans un autre groupe que le SCFA 70.

Cependant, le marché prévu ne comporte pas l'achat d'un logiciel conçu selon les spécifications du gouvernement. Le gouvernement souhaite plutôt acheter, entre autres choses, un logiciel «tout fait» que le vendeur a vendu et continuera probablement de vendre à d'autres, tout en conservant son droit de propriété sur celui-ci. En d'autres termes, dans ce cas précis, le vendeur a l'intention, en plus de vendre son progiciel, d'accorder au gouvernement le droit d'utiliser son logiciel, et, dans ces conditions, ce droit n'est ni un «bien» ni un «service». Naturellement, les droits à payer pour l'utilisation du logiciel, s'il en est (Network ne précise rien à ce sujet dans sa proposition), devraient être inclus dans le coût du marché.

La Commission conclut que le marché prévu vise l'acquisition de biens relevant de ses compétences et, en conséquence, statuera sur la plainte.

À propos de l'affirmation de Network selon laquelle le BP/BDCM a tenté de modifier le besoin (après la soumission des propositions) d'une façon qui n'était pas conforme aux spécifications d'origine, la Commission a examiné les éléments de preuve pertinents.

De l'avis de la Commission, le gouvernement, dans le processus d'évaluation technique, n'a pas utilisé de façon impropre les renseignements demandés. Par conséquent, sur ce point, la Commission ne tranche pas en faveur du plaignant.

Les autres allégations exprimées par le plaignant devant la Commission concernaient l'équité de l'évaluation technique dont la proposition de Network a fait l'objet ainsi que le bien fondé de la méthode utilisée dans l'évaluation des propositions.

À cet égard, il incombe à la Commission de déterminer si la méthode d'évaluation énoncée dans la DDP a été appliquée, et correctement appliquée, par le gouvernement lorsqu'il a évalué les propositions. Pour ce faire, la Commission a examiné la partie du processus d'approvisionnement relative à l'évaluation des propositions.

Dans une note de service adressée au MAS et datée (par erreur) du 8 février 1993, le BP/BDCM déclare que [TRADUCTION] «les deux propositions étaient très proches quant à la conformité technique [...]», puis exprime des réserves au sujet de la proposition de Network en ce qui a trait à l'intégration du logiciel SMVD au logiciel SGRC, et conclut que le marché devrait être accordé à BYTE.

Le 2 avril 1993, une autre note de service envoyée par le BP/BDCM au MAS contenait des raisons supplémentaires d'aller de l'avant avec l'acquisition du système BYTE. Il y était fait mention du système utilisé par la direction de la Sécurité et du fait que Network n'en était pas l'entrepreneur principal. La note de service se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

L'entrepreneur principal pour la conception, l'installation et l'intégration du système est Proterm. Nous ne savons pas quel rôle NSI a joué dans l'installation de ce système ou dans le soutien de celui-ci. La proposition de NSI comporte un plus grand risque.

La note de service donne ensuite une nouvelle raison pour laquelle le système Network est inacceptable :

[TRADUCTION]

[...] la question de la touche directe bilingue. Une démonstration satisfaisante en a été faite sur le système BYTE, mais elle n'existe pas sur le système NSI. NSI devrait mettre en place cet élément, qui nous voulons «tout fait» [...]

Ces renseignements ont été communiqués par le MAS à Network qui, le 7 avril 1993 ou aux environs de cette date, a répondu relativement aux préoccupations exprimées.

Après que Network ait répondu, le BP/BDCM s'est rendu à la direction de la Sécurité du MAS pour y assister à une démonstration du système. En plus du personnel chargé d'exploiter le système, seul un représentant du BP/BDCM était présent.

Il est déclaré, dans la note de service susmentionnée du 8 février 1993, que l'autorité technique, tout en considérant les deux soumissions comme étant [TRADUCTION] «très proches quant à la conformité technique», estimait néanmoins que la proposition de Network était insuffisante en ce qui avait trait à l'établissement d'une liaison opérationnelle entre les systèmes SGRC et SMVD. Network ayant déclaré dans sa proposition qu'elle se conformait totalement à la DDP, le gouvernement aurait pu, conformément à la DDP, demander à Network des renseignements supplémentaires (des éclaircissements ou des données d'appui) qui lui auraient permis de justifier ses conclusions initiales avant de recommander que le marché soit accordé à BYTE. Il a décidé de n'en rien faire.

Le gouvernement a tenté de contacter certains des utilisateurs donnés en référence par Network au sujet de la liaison SGRC/SMVD, mais il n'est pas étonnant, dans les circonstances, que les renseignements désirés aient pu ne pas être facilement disponibles auprès de tel utilisateur.

La DDP ne précisait pas la ou les raisons (expérience commerciale, évaluation des performances, évaluation de la technologie, complexité des solutions proposées, etc.) pour lesquelles les soumissionnaires devaient fournir des utilisateurs (lieux d'exploitation) comme références, ce qui laissait ouverte la possibilité que certains renseignements ne soient pas disponibles, totalement ou en partie, auprès de l'un ou l'autre des utilisateurs indiqués, ou, peut-être, qu'ils ne puissent être fournis que par le soumissionnaire concerné, ou encore qu'ils puissent être fournis par lui de façon plus intelligible.

Lorsque l'on examine la proposition de Network à cet égard, on peut lire, sous la rubrique [TRADUCTION] «Références», ce qui suit : [TRADUCTION] «Numéros de téléphone des utilisateurs du SGRC et du SMVD [...]» Il est à noter que cette liste de dix utilisateurs diffère d'une liste antérieure contenue dans la proposition de Network et dans laquelle dix organisations sont mentionnées à titre de référence dans la section intitulée [TRADUCTION] «Capacités». Network n'avait pas explicitement ou implicitement indiqué dans sa proposition que l'un ou l'autre des utilisateurs donnés en référence exploitaient le système offert au gouvernement.

De même, pour respecter les modalités de la DDP, le gouvernement aurait pu alors décider de demander à Network de faire une démonstration, question qui est traitée de façon plus étendue ci-après.

La note de service suivante, datée du 2 avril 1993, donne des raisons supplémentaires de rejeter, en fait, la proposition de Network. Là encore, l'autorité technique mettait l'accent sur une référence, et, cette fois, une référence (la direction de la Sécurité) donnée par Network à la demande du MAS après la date de clôture de la période de dépôt des propositions.

Après que le gouvernement se fût rendu compte que [TRADUCTION] «l'entrepreneur principal pour ce système n'est pas Network Support Inc. (NSI)» à la direction de la Sécurité, et eu égard au [TRADUCTION] «plus grand risque» perçu par le gouvernement comme découlant de cette situation, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas communiqué avec Network, compte tenu de l'importance qui était accordée à la chose, et du fait que Network avait indiqué en détail (dans sa proposition) qu'elle entretenait une relation d'affaire étroite avec les sociétés intervenant dans la mise sur pied du système de la direction de la Sécurité? En outre, la Commission ne voit pas très bien comment ce genre de renseignement, quoiqu'il soit important pour évaluer la capacité d'un fournisseur à honorer le marché et pour déterminer l'offre présentant la meilleure valeur pour l'État, est pertinent en ce qui a trait à la conformité technique de Network.

Enfin, dans la même note de service, l'autorité technique soulève la question de la [TRADUCTION] «touche directe bilingue» et de son caractère [TRADUCTION] «tout fait». La Commission reconnaît l'importance de cette question. Néanmoins, elle n'a pas à se pencher sur celle-ci, car en fin de compte, le gouvernement (comme en fait foi le RIF) a décidé de fonder sa décision de déclarer la proposition de Network techniquement irrecevable sur la démonstration qui a été faite le 8 avril 1993 ou aux environs de cette date.

Comme nous l'avons vu plus haut, il a été déclaré que, le 7 avril 1993, le MAS a informé Network du fait que le BP/BDCM avait jugé sa proposition non conforme sur trois points. Network a trouvé à redire aux observations du MAS et y a répondu par écrit. Le BP/BDCM soutient avoir pris des arrangements pour voir le système fonctionner à la direction de la Sécurité le 8 avril 1993 ou aux environs de cette date. C'est à la suite de la démonstration qui s'est déroulée lors de cette visite que la proposition de Network a été déclarée irrecevable.

La réponse du gouvernement aux allégations du plaignant est clairement énoncée dans le RIF. À propos de l'équité de l'évaluation technique, le gouvernement cite ce passage de la DDP :

[TRADUCTION]

Les vendeurs pourraient se voir demander de faire des démonstrations précises du produit. Le but d'une démonstration est de prouver au MAS que le système proposé répond aux besoins en matière de fonctionnement et de performance. S'il n'est pas satisfait à l'une ou l'autre des exigences pendant la démonstration, l'offre pourrait être considérée comme étant non conforme.

Il est significatif que le gouvernement, dans un passage où il se reporte en partie au paragraphe ci-dessus, déclare [TRADUCTION] «le client a déclaré l'offre de NSI irrecevable au regard de ce qui précède». Pourtant, comme nous l'avons déjà indiqué, seul un représentant du BP/BDCM a assisté à la démonstration, avec les opérateurs de la direction de la Sécurité.

En outre, juste après le paragraphe reproduit ci-dessus, et dans la même disposition (Démonstration), se trouve un autre paragraphe particulièrement pertinent en ce qui a trait à cet aspect de la plainte. Il se lit comme suit :

[TRADUCTION]

La démonstration doit être exécutée par [souligné par nous] le vendeur dans un délai de 30 jours ouvrables après que le MAS lui a fait parvenir l'avis de la demande de démonstration. Le fait de ne pas respecter ce délai pourrait avoir pour conséquence que la proposition serait considérée irrecevable.

Contrairement à ce qui est envisagé dans cette disposition, aucun élément de preuve ne soutient la prétention selon laquelle Network s'est vu demander d'organiser des [TRADUCTION] «démonstrations précises du produit», ou a délégué au gouvernement le pouvoir de le faire. En fait, le produit évalué par le BP/BDCM n'était pas le même système que celui dont il était question dans la proposition de Network.

Le RIF déclare en outre :

[TRADUCTION]

L'offre du plaignant a été déclarée non conforme parce que celui-ci a omis de faire la démonstration d'un système existant ayant les spécifications requises, au moment de l'évaluation des performances.

Là encore, aucun élément de preuve n'a été produit quant au fait que Network se serait vu demander de faire la démonstration d'un système existant, et il n'a pas non plus été démontré que Network se serait vu fournir les critères d'évaluation des performances en fonction desquels le système serait évalué. La DDP ne contenait aucune exigence en rapport avec l'évaluation des performances et, de l'avis de la Commission, il était donc incorrect sur le plan de la procédure, de la part du gouvernement, de conclure que Network avait [TRADUCTION] «omis de faire la démonstration d'un système existant ayant les spécifications requises, au moment de l'évaluation des performances».

La Commission estime donc que l'évaluation faite de la proposition de Network était entachée d'un vice de procédure. Quoique la DDP ait prévu une méthode d'évaluation, le gouvernement a décidé d'en utiliser une autre, à moins qu'il n'ait appliqué de façon incorrecte celle qui était annoncée. Dans un cas comme dans l'autre, le plaignant a été traité de façon inéquitable. La démonstration, dès lors qu'elle était entreprise, aurait dû être menée à bien conformément aux modalités expresses de la DDP. Tel n'a pas été le cas et, en conséquence, la Commission tranche en faveur du plaignant sur ce point.

En résumé, cette mesure d'approvisionnement est visée par l'ALE mais n'a pas été menée conformément aux dispositions de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange. La Commission recommandera donc que la mesure d'approvisionnement en cours soit annulée et qu'elle fasse l'objet d'un nouvel appel d'offres si le besoin existe toujours.

DÉCISION

La Commission a statué, à la lumière de son enquête, que la présente mesure d'approvisionnement du ministère des Approvisionnements et Services n'est pas conforme à l'article 1305 de l'Accord de libre-échange. Plus précisément, l'évaluation faite par le MAS n'était pas conforme aux modalités prévues par la Demande de proposition, ce qui a eu pour conséquence que l'offre du plaignant a été déclarée irrecevable de façon inéquitable.

La Commission a décidé d'adjuger au plaignant des frais raisonnables en rapport avec le dépôt et l'instruction de sa plainte.

La Commission a également décidé de recommander que la mesure d'approvisionnement en cours soit annulée et qu'elle fasse l'objet d'un nouvel appel d'offres si le besoin existe toujours.

J. Craig Oliver
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J. Craig Oliver
Président
Commission de révision des marchés publics du Canada


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Publication initiale : le 29 août 1997