ZEPOLI INC.

Décisions


ZEPOLI INC.
No du greffe de la commission : D93PRF66W-021-0019

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de Zepoli Inc. du C.P. 471 Dorval (Québec)

No du greffe de la Commission : D93PRF66W-021-0019

Plainte accueillie en partie

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15 L.C. 1988, ch. 65.

Le 21 juillet 1993

DÉCISION DE LA COMMISSION

Le 23 avril 1993, la Commission de révision des marchés publics (la Commission) a été saisie d'une plainte émanant de Zepoli Inc. (Zepoli). Cette plainte avait trait à l'acquisition, par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), de 3 375 tendeurs assemblés pour le compte du ministère de la Défense nationale (MDN).

Le plaignant soutient que le MAS, ayant reconnu que l'appel d'offres lancé relativement au marché indiqué ci-dessus a été emporté par Zepoli mais adjugé par erreur à un autre fournisseur, cherche maintenant une excuse pour ne pas tenir compte de la réclamation pour perte de profit de Zepoli. De plus, Zepoli soutient que le MAS a omis d'indiquer une partie du besoin technique du MDN (le fini galvanisé) dans les documents d'appel d'offres. Le plaignant prétend en outre que même si le gouvernement avait besoin de tendeurs assemblés galvanisés, le coût supplémentaire associé à la chose ne ferait que réduire le montant de sa réclamation, si tant est qu'il ait une incidence sur celui-ci.

À titre de mesure corrective, Zepoli demande que la Commission lui adjuge le montant équivalant à sa perte de profit et fasse en sorte qu'elle ne soit pas pénalisée pour avoir fait valoir ses droits.

Le 28 avril 1993, les exigences administratives et réglementaires ayant été observées, la Commission a accepté la plainte pour enquête.

Le MAS a déposé le Rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès de la Commission le 21 mai 1993. Une copie des parties pertinentes de ce rapport a été envoyée au plaignant, qui, à son tour, en a fait des commentaires qu'il a déposés auprès de la Commission le 3 juin 1993. Les commentaires du plaignant ont été transmis au MAS. Il s'en est suivi d'autres observations de la part des deux parties, observations qui elles aussi ont été dûment communiquées à l'une et à l'autre.

Une copie du Rapport préliminaire d'enquête a été envoyée au MAS et au plaignant pour commentaires. La réponse écrite de chacune des parties a été transmise à l'autre. Ces commentaires ont été ajoutés au Rapport préliminaire d'enquête et font partie du Rapport d'enquête (le Rapport) soumis à la Commission.

Le Rapport contient un certain nombre d'annexes touchant des matières et des documents considérés comme pertinents par le personnel d'enquête de la Commission. Il n'y a pas de référence précise à ces annexes dans la présente décision, mais elles ont été mises à la disposition des parties, et, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, toute autre personne peut en prendre connaissance.

L'enquête ayant produit suffisamment de renseignements pour permettre à la Commission de trancher les questions soulevées dans la plainte, il a été décidé qu'une audience orale ne serait pas nécessaire, et ni l'une ni l'autre des parties n'en a demandé la tenue. La Commission a examiné la plainte, le RIF, la réponse du plaignant au RIF, le rapport du personnel d'enquête de la Commission et les commentaires faits sur celui-ci par les parties, et a rendu ses conclusions et décisions sur la base des faits exposés, dont les éléments pertinents sont précisés dans les présentes.

L'enquête

Le personnel d'enquête de la Commission a examiné les allégations faites dans la présente plainte en procédant à des entrevues et en étudiant les documents.

Les personnes ci-dessous ont été interrogées en personne ou par téléphone pour confirmer les différentes affirmations faites ou contenues dans la documentation :

Mme M. Anderson, agent de gestion des marchés [en l'espèce, l'agent de négociation des marchés], et Mme L. Leclerc-Cowell, gestionnaire de groupe, toutes deux de l'administration centrale du MAS; Cdr.O.M. Carlson, chef de service, direction de l'Obtention et approvisionnement (Matériel d'usage collectif) (DOAMUC) 3, M. P.W. Lacelle, sous-chef de service, DOAMUC 3-3, et M. J. McKee, gestionnaire du Cycle de vie du matériel, tous du MDN; M. R. Reynolds, de Dibblee Tools Ltd. (Dibblee), Pointe-Claire; Mme A. Lopez Haller, de Zepoli Inc., Dorval.

Le marché

Le 7 juillet 1992, le MAS a reçu une demande de biens et services du MDN. La demande visait à regarnir les stocks de deux articles, dont le premier consistait en les tendeurs assemblés qui font l'objet de la présente plainte. Cet article, qui porte le numéro de nomenclature de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) N4030-99-414-9836, était décrit comme suit :

[TRADUCTION]

TENDEURS ASSEMBLÉS, EN ACIER; FILETAGES MÂLE ET FEMELLE DE 0,500 POUCE; CROCHET DE 4,500 POUCES DE LONG

N o DE RÉFÉRENCE NSCM

AP1916 U1278

DEF STAN 40-5 K0851

003500822-01 U1278

0Z63-1916 U1278

40-5 U1278

(NORMES PROVISOIRES DE LA DÉFENSE)

Selon le MDN, la spécification ci-dessus, y compris la liste de références, a été copiée à partir du descriptif de cet article figurant dans la Publication des Forces canadiennes 137 (le catalogue des fournitures de l'OTAN). Les références énumérées sont des références des Forces armées britanniques. Selon le MDN, la référence principale, quoique non désignée comme telle dans la Demande de proposition (DDP), est la troisième sur la liste, de même qu'elle constitue le numéro de dessin de l'article désiré. Toujours selon le MDN, les deux premières références, «Admiralty Pattern 1916» et «Defence Standard 40-5», sont des références plus anciennes. La quatrième, «0Z63-1916», qui aurait dû se lire «0263-1916», est une répétition de la première. La cinquième référence est une répétition de la deuxième. Selon le MDN, il n'y a pas de raison valable pour cette répétition.

Le MAS a préparé une DDP en date du 27 octobre 1992, dans laquelle la date de clôture pour le dépôt des soumissions était fixée au 10 décembre 1992, à 14 heures, heure normale de l'Est.

La DDP contient la même spécification et les mêmes numéros de référence que ceux de la demande de biens et services reproduits ci-dessus, et comprend, entre autres choses, les dispositions suivantes :

BASE DE SÉLECTION :

5.1 Il est entendu par les soumissionnaires que, pour être jugée RECEVABLE, une proposition devra satisfaire à tous les critères obligatoires. LES PROPOSITIONS NON CONFORMES À TOUS LES CRITÈRES OBLIGATOIRES SERONT CONSIDÉRÉES COMME IRRECEVABLES.

[...] Les contrats concurrentiels sont généralement adjugés selon le coût global le plus bas à destination.

On tiendra aussi compte des facteurs suivants en évaluant votre proposition :

- Exigences techniques - OBLIGATOIRE

[...]

5.2

Sur demande d'ASC [Approvisionnement et Services Canada], la documentation technique doit obligatoirement être présentée dans les cinq (5) jours de calendrier suivant cette demande, sauf stipulation contraire. L'omission de fournir cette information pourra rendre la soumission irrecevable, car Sa Majesté ne pourrait être en mesure d'évaluer le caractère équivalent des produits offerts. La Couronne n'est pas tenue de demander des précisions sur une soumission ni sur la documentation technique fournie.

[...] MATÉRIEL : Le matériel offert doit être neuf et conforme à la version précisée du dessin ou de la spécification applicable; il doit porter le numéro de pièce ou de modèle en vigueur à la date de clôture de la présente proposition.

[...] Fournitures - certification

Les articles offerts sont en tous points conformes aux spécifications.

OUI _____ NON _____. Les différences sont : _____.

Lorsqu'un fournisseur faisait la demande des documents de soumission, la DDP lui était envoyée par Information Systems Management Corporation, le service de traitement d'appels d'offres, et un avis contenant l'adresse postale du fournisseur était envoyé au MDN par l'intermédiaire du MAS. Le MDN remettait alors à chaque fournisseur une liste des plans et dessins (LPD) et la documentation technique pertinente. La LPD contenait les instructions générales suivantes :

[TRADUCTION]

La présente liste des plans et dessins (LPD) contient les données techniques, approuvées par le GCVM [gestionnaire du cycle de vie du matériel], régissant la fabrication, l'emballage et l'inspection des numéros de nomenclature de l'OTAN (NNO) énumérés pour la DC [demande de contrat] 8463-2-JA0D.

Les données pertinentes dans le cas des tendeurs assemblés sont :

[TRADUCTION]

NNO 4030-99-414-9836

ARTICLE 0001

Dessins

Dessins des entrepreneurs

PO. PLM.04291

No du dessin de service

003500822/01

Version 2 Oct. 73

Spécifications [DESCRIPTION]
D-LM-008-036
SF-00 90-06-11 [EXIGENCES DU MDN EN MATIÈRE
D'EMBALLAGE COMMERCIAL DU
FABRICANT]
D-02-006-008/ [NORMES DE LA DÉFENSE
SG-001 85-05-16 NATIONALE. PROCÉDURE DE
MODIFICATION, D'ÉCART, DE
RENONCIATION PAR RAPPORT AU
MODÈLE]
AQAP-9 Mars 76 [EXIGENCES OTAN MINIMALES
POUR L'INSPECTION DANS
L'INDUSTRIE]
STANAG 4107 [OTAN - CONTRÔLE TECHNIQUE
(Pour les entrepreneurs OFFICIEL]
britanniques et
européens) 17-08-89
*FAR 52.246-2 PRIX MARQUÉ [RÈGLEMENTS SUR LES
ACQUISITIONS FÉDÉRALES]
*B.S. 970 PT.1 PRIX MARQUÉ [NORMES BRITANNIQUES POUR
L'ACIER]

Les deux numéros de dessins indiqués (PO.PLM.04291 et 003500822/01) sont ceux du même dessin. Il s'agit d'un dessin des tendeurs assemblés eux-mêmes. Les autres spécifications ont trait à des exigences et à des procédures générales.

Le dessin de référence 003500822/01 (version 2, oct.73), contient le tableau suivant :

[TRADUCTION]

CHARGE POIDS NUMÉRO DE NUMÉRO DE
D'ESSAI GALVANISÉ NOMENCLATURE RÉFÉRENCE INTERNE
(TONNES) LB OZ DE L'OTAN DE LA MARINE
3/4 2 4 5305-99-414-9836 0263/414-9836

La référence au [TRADUCTION] «poids galvanisé» constitue la seule mention de la galvanisation sur le dessin. Une case intitulée [TRADUCTION] «Fini protecteur» est rayée. À la page 12 de la norme de la défense 40-5 (donnée en référence dans la DDP) se trouve un énoncé, sous la section intitulée [TRADUCTION] «Fini», qui se lit comme suit : [TRADUCTION] «Les articles doivent être fournis non galvanisés ou galvanisés selon ce que stipule le contrat.» Il y a aussi, à la page 8 de la norme de la défense 40-5, un tableau semblable à celui qui est reproduit ci-dessus, applicable spécifiquement au numéro de nomenclature de l'OTAN 5305-99-414-9836, qui mentionne un [TRADUCTION] «poids approximatif galvanisé».

Au moment de la clôture de l'appel d'offres, le MAS avait reçu 14 soumissions. Le 21 décembre 1992, un commis aux achats les a mises en tableau. Le 11 février 1993, la mise en tableau a été vérifiée par l'agent de négociation des marchés.

En plus de sa soumission d'origine, Zepoli avait présenté une soumission de prix moindre avant la clôture de l'appel d'offres. Quoique le tableau fasse état de cette révision à la baisse, le prix du deuxième soumissionnaire le moins disant, Dibblee, est encerclé et marqué comme constituant l'offre la moins chère.

Un certain nombre de fournisseurs avaient précisé dans leurs soumissions que leur offre de prix était fondée sur une version plus récente du dessin mentionné comme norme dans la LPD, qui comprend une chaîne de sécurité en laiton et la quincaillerie pertinente (la date et le numéro de la version du dessin mentionné dans la DDP ne sont pas précisés). Ni la soumission de Zepoli ni celle de Dibblee ne contenaient une telle référence. Une note au dossier datée de février 1993 indique que l'agent de négociation des marchés a communiqué avec le MDN et a été informé par le GCVM que les changements entre les deux versions du dessin n'étaient [TRADUCTION] «d'aucune conséquence», et qu'il n'y avait donc [TRADUCTION] «aucun besoin de faire une autre soumission». Il est précisé sur la même note au dossier que Dibblee a été contactée et qu'elle a fait savoir que son [TRADUCTION] «offre de prix était conforme aux dernières révisions». Dibblee a également envoyé une télécopie datée du 11 février 1993 dans laquelle elle déclare que l'article offert par elle est [TRADUCTION] «CONFORME AUX MATÉRIAUX ET AUX TESTS LES PLUS RÉCENTS».

Le 12 février 1993, le marché a été accordé par télécopie à Dibblee, le MAS ayant déterminé qu'elle était l'auteur de l'offre recevable la plus basse.

Le 23 février 1993, le MAS a envoyé à Zepoli une lettre dans laquelle il indiquait l'issue de la mesure d'approvisionnement et l'octroi du marché à Dibblee. Il ressort d'une note au dossier datée du même jour que le MAS a été contacté par Zepoli qui pensait avoir fait l'offre la plus basse et voulait donc en savoir plus sur l'octroi du marché à Dibblee.

Le même jour encore, une télécopie a été envoyée à l'adjudicataire pour lui demander de suspendre les travaux. Une copie de la télécopie a été envoyée au MDN, qui se voyait demander en même temps d'évaluer l'offre de Zepoli. Cette télécopie comprenait des photocopies du dessin soumis par Zepoli dans son offre, ainsi que les renseignements suivants relatifs à la soumission :

[TRADUCTION]

LA SOCIÉTÉ OFFRE LE TYPE AP1916 AVEC CHARGE D'ESSAI DE TROIS QUARTS DE TONNES CONFORMÉMENT AU DESSIN CI-JOINT. ELLE RÉPOND PAR OUI À LA CERTIFICATION DES FOURNITURES.

Le 24 février 1993, Zepoli a envoyé au MAS une télécopie dans laquelle elle demandait que le marché en question lui soit adjugé et précisait qu'elle avait déjà fourni dans le passé des tendeurs assemblés identiques ou semblables au MAS.

Le 25 février 1993, le MDN a répondu à la demande d'évaluation ci-dessus avec une télécopie qui porte : [TRADUCTION] «l'offre de Zepoli est acceptable». Le même jour, le MAS a envoyé à Zepoli une télécopie pour lui demander de confirmer si son offre [TRADUCTION] «EST STRICTEMENT CONFORME AUX SPÉCIFICATIONS PRÉCISÉES DANS LA DEMANDE DE PROPOSITION DU 27 OCTOBRE 1992, OU SI VOTRE OFFRE DE PRIX EST CONFORME AUX SPÉCIFICATIONS LES PLUS RÉCENTES, QUI COMPRENNENT UN CROCHET FERMOIR EN LAITON».

Le 26 février 1993, Zepoli a répondu avec une télécopie confirmant qu'elle offrait un article [TRADUCTION] «CONFORME À LA DERNIÈRE RÉVISION DU DESSIN RELATIF À AP1916 - C'EST-À-DIRE : [type Zepoli] CROCHET FERMOIR EN «S» ET GOUPILLE FENDUE INCLUS; COPIE CI-JOINTE».

Après discussion entre le MAS, le MDN et Zepoli, et Dibblee ayant fait savoir au MAS que le coût de l'annulation du marché équivaudrait au plein montant de celui-ci, le MAS a contacté Zepoli.

Dans une note au dossier datée du 19 mars 1993, on peut lire :

[TRADUCTION]

Le MAS est prêt à négocier une compensation monétaire pour la perte du marché. Cette compensation peut équivaloir à la perte de profit subie par Zepoli.

À cette fin, le MAS aura besoin d'une ventilation de coût complète de Zepoli et des copies des offres de prix de ses fournisseurs.

Zepoli a répondu à la demande de ventilation de coût ci-dessus avec une télécopie, également datée du 19 mars 1993, dans laquelle elle demandait le paiement d'un montant équivalant à un profit net de [montant supprimé] sur la valeur de [montant supprimé] du marché prévu.

Le 26 mars 1993, des représentants du MAS et du MDN se sont rencontrés pour discuter, entre autre chose, de la proposition d'indemnisation de Zepoli. Il ressort du procès verbal de cette réunion que les participants ont estimé que davantage de renseignements étaient nécessaires au sujet du processus de fabrication de Zepoli pour confirmer les estimations de coût et de profit de cette dernière.

Le 2 avril 1993, une télécopie a été envoyée par le MAS à Dibblee pour lever officiellement la suspension de l'ordre d'exécution. Selon le MAS, cette mesure a été prise parce que les négociations relatives à la perte de profit étaient en cours avec Zepoli et qu'il ne semblait pas y avoir de raison de retarder davantage l'exécution du contrat. Le même jour, le MAS a également envoyé une télécopie à Zepoli pour lui demander [TRADUCTION] «UN ÉTAT DE COMPTE DÉTAILLÉ DU PROCESSUS DE FABRICATION RELATIF À CE MARCHÉ D'ICI LE 6 AVRIL 1993».

Le 5 avril 1993, Zepoli a fourni au MAS une télécopie comprenant une ventilation de coût révisée faisant état d'un profit de [montant supprimé] et décrivant le processus de fabrication qui aurait été suivi par la société si le marché lui avait été adjugé.

Le 13 avril 1993, le MAS a envoyé une télécopie au MDN pour lui demander une évaluation des processus décrits par Zepoli ainsi qu'un avis sur l'acceptabilité technique de l'article en question eu égard au processus de fabrication.

Le 16 avril 1993, le MDN a répondu par télécopie à deux demandes du MAS. En réponse à la demande d'évaluation du MAS, le MDN déclare, entre autres choses :

[TRADUCTION]

Le GCVM nous informe que la normalisation n'équivaut pas à la galvanisation et qu'elle n'est pas acceptable à titre de procédé de prévention de la corrosion.

Le 20 avril 1993, le MAS a envoyé une télécopie à Zepoli pour mettre un terme aux négociations de compensation pour la perte de profit, dans laquelle il déclare : [TRADUCTION] «votre proposition a été jugée non conforme sur le plan technique, et votre soumission ne sera plus prise en considération». Le même jour, Zepoli a répondu au MAS en lui renvoyant sa télécopie, sur laquelle elle avait inscrit des commentaires.

Le 23 avril 1993, Zepoli a porté plainte auprès de la Commission.

Discussion

En substance, Zepoli soutient qu'elle n'a pas été traitée équitablement et qu'elle s'est vue conséquemment privée de l'adjudication du marché en question et du profit qui y était lié. Le gouvernement reconnaît que Dibblee, auteur de la deuxième soumission la plus basse (l'adjudicataire), a été considéré par erreur comme étant l'auteur de la soumission la plus basse. La Commission doit déterminer si la conduite du gouvernement et ses actes successifs en cette affaire étaient conformes aux exigences de la loi et des procédures.

Dans la présente cause, le gouvernement s'est fondé surtout sur la réponse positive des fournisseurs, parmi lesquels Dibblee et Zepoli, à la question relative à la certification des fournitures, pour déterminer leur conformité technique. Puis, après avoir pris les prix de leurs soumissions en considération, le gouvernement a comparé les prix, et octroyé le contrat par erreur à Dibblee.

La Commission reconnaît que, sous réserve de l'Accord de libre-échange, le gouvernement a le pouvoir d'établir les règles régissant l'évaluation des offres. Dans la présente cause, le gouvernement a décidé de se fonder sur la certification des fournitures par les fournisseurs pour évaluer la conformité technique des produits de ces derniers. Lorsque l'évaluation technique a pris fin, le gouvernement n'avait plus qu'à déterminer quel était l'auteur de l'offre la plus basse, puisque ce critère devait être le facteur décisif pour l'adjudication du marché. Cependant, le gouvernement a omis de faire une mise en tableau correcte des prix proposés, ou de lire correctement la mise en tableau qui en a été faite, et il s'en est suivi que Dibblee s'est vue octroyer le marché.

Le paragraphe 15(f) de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, l'Accord relatif aux marchés publics (le Code) stipule que l'entité (le gouvernement) :

[...] adjugera au soumissionnaire [...] dont la soumission [...] aura été reconnue comme étant la plus avantageuse selon les critères d'évaluation spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres.

Dans la présente cause, la DDP mentionnait spécifiquement «le coût global le plus bas à destination» comme étant le critère de décision.

La Commission estime donc que n'eût été l'erreur relative à la mise en tableau (erreur de procédure), le marché aurait été accordé à Zepoli. Le gouvernement a concédé ce point lorsqu'il a décidé d'entamer les discussions avec Zepoli en vue du versement d'une compensation.

Quelle est la conséquence de cette erreur? La réclamation de Zepoli peut-elle être fondée à bon droit sur le fait que le gouvernement a accepté sa proposition, et ce, sur la base de la certification des fournitures par Zepoli? Quelle compensation, le cas échéant, devrait être accordée à Zepoli?

Le gouvernement soutient que les discussions relatives à un règlement avec Zepoli ont révélé que la proposition du plaignant n'était pas conforme car ce dernier offrait des tendeurs assemblés non galvanisés. Le plaignant, pour sa part, soutient que sa proposition était recevable car la DDP ne mentionnait pas la galvanisation parmi les caractéristiques du produit demandé. Pour statuer sur la présente plainte, la Commission doit d'abord établir quel produit était demandé dans la DDP.

Le paragraphe 13(g) du Code prévoit que la documentation relative aux appels d'offres remise aux fournisseurs doit contenir «la description complète des produits demandés [...] y compris les spécifications techniques [...] et les [...] dessins [...] nécessaires» pour qu'ils puissent présenter des soumissions valables. En outre, comme le prévoit le paragraphe 15.c) de la directive 3002 du Guide de la politique des approvisionnements (GPA) du MAS, l'adjudicateur doit avoir «clairement défini les exigences obligatoires [le gouvernement déclare que la galvanisation était une exigence obligatoire]».

De même, la clause df 55 de la DDP se lit comme suit :

Le matériel offert doit être [...] conforme à la version précisée du dessin ou de la spécification applicable; il doit porter le numéro de pièce ou de modèle en vigueur à la date de clôture de la présente proposition.

La DDP renvoie, en partie, à deux documents particulièrement importants, le dessin no 003500822-01 et la norme DEF STAN 40-5. Le document portant le numéro DDL 8463-2-JA0D est un autre document reçu par les fournisseurs potentiels et que la Commission considère comme pertinent.

Le DDL 8463-2-JA0D se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

La présente liste des plans et dessins (LPD) contient les données techniques, approuvées par le GCVM, régissant la fabrication [...] des numéros de nomenclature de l'OTAN (NNO) énumérés ci-dessous pour la DC 8463-2-JA0D.»

Sous la rubrique [TRADUCTION] «DESSINS», se trouvent les mots [TRADUCTION] «dessin de service no 003500822/01, version 2, oct. 73». On se souviendra que la DDP mentionne le dessin 003500822/01 sans préciser le numéro de la version ni la date.

Que prévoit ce dessin? Il précise, entre autres choses, que le [TRADUCTION] «poids galvanisé» est de 2 lb 4 oz. Comment un fournisseur potentiel doit-il comprendre ce renseignement?

Peut-être, à première vue, la chose n'est-elle pas totalement claire. En fait, ce dessin se lit également, en partie, comme suit : [TRADUCTION] «[...] LORSQUE DES ARTICLES DU GENRE DE CEUX QUI FIGURENT ICI SONT SPÉCIFIÉS, LA DERNIÈRE VERSION DE LA PRÉSENTE NORME DOIT ÊTRE UTILISÉE SANS MODIFICATION». Et pourtant, le dessin le plus récent, qui date de mai 1989 (écrit 1986 par erreur sur certains documents examinés par la Commission), ne fait pas référence à la [TRADUCTION] «finition» ni aux autres aspects descriptifs (tolérance et rugosité de la surface). Cela veut-il dire que le fini, la tolérance et la rugosité de la surface n'étaient pas particulièrement importants pour le gouvernement? Aucune des parties n'a avancé cet argument. Bien au contraire. N'aurait-il donc pas été prudent, de la part d'un fournisseur potentiel au fait des choses du commerce, d'examiner les références pertinentes pour donner un sens approprié à la description?

Le plaignant soutient que la DDP est claire et, à l'appui de son interprétation, cite les clauses 7a. et 7b. de la norme DEF STAN 40.5 :

[TRADUCTION]

a. Les articles doivent être fournis non galvanisés ou galvanisés selon les stipulations du contrat.

b. La galvanisation éventuelle doit être produite par immersion à chaud. L'enduit galvanisé doit correspondre aux critères indiqués au tableau 1 de la partie 1 du BS 729.

Il pourrait être soutenu que, lorsque ces clauses sont lues indépendamment les unes des autres, il n'aurait pas été déraisonnable, de la part de Zepoli, de conclure qu'il n'était pas nécessaire que le produit demandé soit galvanisé. Cependant, ces dispositions doivent être lues dans le contexte global constitué par la norme de la Défense 40-5, car ce document s'applique à un certain nombre de dessins (produits) différents auxquels ces dispositions ont trait. Ces dispositions sont d'application générale et doivent être considérées à la lumière des dessins précis compris dans la norme DEF STAN 40-5. À cet égard, le dessin 003500822/01 (tableau 1(B)(ii) décrit le produit demandé dans la DDP. Dans la description qui y est contenue se trouve une rubrique intitulée [TRADUCTION] «poids approximatif galvanisé», sous laquelle le poids est indiqué (2 lb 4 oz). De l'avis de la Commission, Zepoli aurait dû situer cet élément dans son contexte.

Le même dessin contient également une rubrique intitulée [TRADUCTION] «Numéro de dessin de service du ministère de la Défense (Marine)». Le gouvernement a déclaré qu'il est généralement entendu dans l'industrie que les produits destinés à un usage naval doivent être galvanisés. La Commission ne partage pas cet avis et considère que la référence à la marine est, en elle-même, un élément de preuve inconcluant quant au fait qu'il est universellement entendu que le produit demandé doit toujours être galvanisé.

Zepoli soutient avoir fourni antérieurement des tendeurs assemblés identiques ou de même type au gouvernement. Cependant, Zepoli n'a pas fourni à la Commission d'élément de preuve en ce sens qui, en fait, justifierait sa prétention selon laquelle ce marché visait un produit non galvanisé.

En outre, il est à noter que l'enquête a révélé qu'aucun fournisseur n'a soulevé la question de savoir si les tendeurs assemblés requis devaient être galvanisés. Lorsque le MAS s'est enquis sur cette question (après que la plainte a été déposée auprès de la Commission), les fournisseurs interrogés ont indiqué qu'ils avaient offerts un produit galvanisé.

Compte tenu de toutes les données susmentionnées, la Commission conclut que le gouvernement aurait pu se montrer plus soigneux dans la préparation de la DDP et dans la prestation des documents liés à celle-ci. Néanmoins, les documents d'appel d'offres contiennent une référence suffisamment claire à la galvanisation pour qu'un fournisseur potentiel au fait des choses du commerce comprenne que les tendeurs assemblés dont le gouvernement avait besoin devaient être galvanisés. Il s'ensuit donc que le MAS a eu raison de déterminer, lorsqu'il a examiné le processus de fabrication présenté par Zepoli, que la proposition de cette dernière était irrecevable. Compte tenu de cette conclusion, la Commission estime que Zepoli ne devrait pas bénéficier d'une proposition fondée sur une certification de fourniture non conforme.

En résumé, Zepoli a gain de cause quant au fait qu'elle n'a pas été traitée équitablement au moment où le gouvernement a évalué les propositions et a déterminé que Dibblee avait présenté l'offre la plus basse. Cependant, lorsque Zepoli a attiré l'attention du gouvernement sur cette question, le gouvernement a entrepris rapidement et diligemment de rectifier cette erreur, avec pour résultat qu'il a déterminé n'avoir aucune obligation de verser une compensation à Zepoli.

La Commission conclut que la réclamation de Zepoli relative à une perte de profit doit être rejetée. En outre, compte tenu de la célérité avec laquelle le gouvernement a entrepris de régler la partie de la plainte de Zepoli sur laquelle Zepoli a gain de cause, la Commission n'adjugera pas de frais de justice au plaignant.

DÉCISION

La Commission a déterminé que cette mesure d'approvisionnement du ministère des Approvisionnements et Services n'était pas conforme à l'article 1305 de l'Accord de libre-échange. Plus particulièrement, le MAS a laissé de côté par erreur ce qui était apparemment l'offre recevable la plus basse.

Cependant, la Commission a conclu qu'en fait, l'offre de Zepoli n'a jamais été recevable, et que Zepoli n'a donc pas droit à une compensation.

J. Craig Oliver
_________________________
J. Craig Oliver
Président
Commission de révision des marchés publics du Canada


[ Table des matières]

Publication initiale : le 29 août 1997