AMERIDATA CANADA LTD.

Décisions


AMERIDATA CANADA LTD.
Dossier no : PR-95-011

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 9 février 1996

EU ÉGARD À une plainte déposée par AmeriData Canada Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985) ch. 47 (4e suppl.), modifiée par L.C. (1993), ch. 44;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Dossier no : PR-95-011

Date de la décision : Le 9 février 1996

Membre du Tribunal : Lise Bergeron

Gestionnaire d’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater


Plaignant : AmeriData Canada Ltd.

Avocat pour le plaignant : Gregory O. Somers

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services
gouvernementaux

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Introduction

Le 28 septembre 1995, AmeriData Canada Ltd. (le plaignant) a déposé une plainte, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE), concernant le marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la fourniture de services informatiques professionnels au ministère de la Défense nationale (MDN) à la Base des Forces canadiennes (BFC) Borden (Ontario) (Invitation à soumissionner no BOR W0113-5-Z015/00/A).

Le plaignant allègue que le Ministère a adjugé le marché en fonction de facteurs d’évaluation mal définis et à la suite d’une application erronée des critères d’évaluation énoncés dans la demande de proposition (la DDP) et que c’est ce qui explique, selon le plaignant, que le Ministère a donné une note sous la norme à l’offre présentée par Control Data Systems Canada, Ltd. (Control Data), surtout en ce qui a trait au personnel clé, et que cette offre a été classée au deuxième rang. À titre de réparation, le plaignant a demandé que le contrat lui soit adjugé.

Le 6 octobre 1995, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a déterminé que les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte et a décidé d’enquêter sur la question pour déterminer si le marché public avait été passé conformément aux exigences du chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur [3] (l’ACI).

Enquête

Le 2 novembre 1995, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] . Les observations du plaignant au sujet du RIF ont par la suite été déposées auprès du Tribunal. Un rapport provisoire a été rédigé par le personnel du Tribunal et versé au dossier le 21 décembre 1995. Le plaignant et le Ministère ont par la suite présenté au Tribunal leurs observations sur ce rapport.

Étant donné que les renseignements figurant au dossier permettaient de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a rendu une décision en se fondant sur les renseignements versés au dossier.

Procédure de passation des marchés publics

Le 6 juillet 1995, le bureau des marchés publics du Ministère à la BFC Borden a reçu une demande du MDN. Cette demande de services informatiques professionnels de soutien pour le réseau de la région métropolitaine de la BFC Borden a été publiée par l’entremise du Service des invitations ouvertes à soumissionner le 24 juillet 1995 et a paru dans le numéro du 28 juillet 1995 des Marchés publics.

La DDP fixait la méthode et les critères d’évaluation, précisant que l’État cherchait à obtenir le «meilleur rapport qualité-prix». Ce meilleur rapport qualité-prix d’ensemble était mesuré en «dollar par points d’évaluation» (prix de la soumission divisé par les points attribués). On indiquait aussi dans la DDP que les 100 points d’évaluation seraient répartis de la manière suivante : 60 points pour le personnel clé, 20 points pour l’expérience de l’entreprise et 20 points pour la méthode et l’approche. Pour ce qui est des 60 points attribués pour le personnel clé, la DDP indiquait que les facteurs suivants seraient pris en compte dans l’évaluation de ce critère : formation de la personne, antécédents de travail, qualification de la personne, projets pertinents, dont une brève description du projet, responsabilités de chacune des personnes proposées et durée du projet. Il y est également indiqué que l’évaluation tiendrait compte de la connaissance d’une série de logiciels mentionnés au paragraphe 10 de la [traduction] «Description des travaux», à l’annexe A de la DDP, où neuf applications relatives au niveau de connaissance requis à la BFC Borden étaient énumérées par ordre d’importance. Enfin, au paragraphe 10, il était indiqué, et cela s’appliquait à tous les postes, que les soumissionnaires devaient étayer l’expérience qu’ils avaient des divers produits figurant sur la liste des logiciels.

Aucune question de fond n’a été soulevée par les soumissionnaires avant la date limite pour la réception des soumissions le 14 août 1995. Trois propositions ont été reçues.

Un groupe d’évaluation formé de trois membres provenant tous des Services d’information de la BFC Borden a examiné les propositions. Dans un premier temps, chaque membre les a examinées de façon indépendante, à l’aide de l’échelle d’évaluation suivante établie par l’agent de négociation des contrats du Ministère :

1. Personnel clé : (formation, antécédents de travail, projets pertinents, qualification, années d’expérience, connaissance/ expérience confirmées des logiciels énumérés)

L’échelle de points est la suivante : 0 - aucune donnée
25 - manque de détails/de documents
justificatifs ou de mérite
36 - relativement bon, mais manque de
documents justificatifs/de détails
40 - bon
50 - très bon, détails bien documentés
60 - excellent.

[Traduction]

Dans un deuxième temps, les membres du groupe d’évaluation se sont réunis et ont regroupé leurs évaluations en fonction de l’échelle de notation fournie par le Ministère. La mise en tableau des soumissions évaluées accompagnée de notes explicatives a ensuite été acheminée à l’agent de n?E9‚gociation des contrats. Toutes les notes données par les membres du groupe d’évaluation aux trois soumissionnaires correspondaient à l’un des chiffres sur l’échelle de notation.

Après avoir examiné l’évaluation technique effectuée par le groupe d’évaluation, l’agent de négociation des contrats a demandé des clarifications et a informé les membres du groupe d’évaluation qu’ils auraient pu donner des notes qui correspondaient à des chiffres intermédiaires ne figurant pas sur l’échelle d’évaluation.

Le groupe d’évaluation a donc repris son travail et réduit les points d’évaluation qu’il avait attribués à l’origine à la proposition de Control Data pour ce qui est du personnel clé, indiquant que cette notation reflétait mieux l’ensemble des compétences du personnel proposé par Control Data.

Cela fait, le Ministère a calculé le prix par points et un marché a été adjugé à SHL Systemhouse Inc., l’entreprise offrant le prix le moins élevé par points.

Questions de compétence

Dans le RIF et les exposés suivants, le Ministère soutient que le plaignant n’a pas qualité pour déposer une plainte puisque, pendant toute la période pertinente, Control Data était le soumissionnaire ayant répondu à la DDP. Il souligne, en outre, que même si le plaignant semble avoir acheté l’actif et assumé les engagements de Control Data, le 17 octobre 1995, Control Data était encore une entité juridique entièrement distincte. En l’occurrence, le soumissionnaire, Control Data, continuait d’exister comme entité juridique entièrement distincte du plaignant et, par conséquent, elle, et elle seule, pouvait déposer une plainte dans la présente affaire. Le plaignant n’a été mêlé d’aucune façon à cette procédure de passation des marchés publics et ne peut donc être considéré comme un fournisseur potentiel dans les circonstances. Le Ministère déclare par ailleurs qu’il est inexact de dire qu’il considérait le plaignant comme successeur de Control Data pour tout ce qui se rapporte à cette demande de soumissions. Les lettres envoyées à l’éventuel plaignant avaient pour seul objet de répondre aux lettres de ce dernier et ne constituaient pas une entente commune concernant une quelconque cession par Control Data d’un droit légal au plaignant. En fait, le Ministère conclut que, jusqu’à ce moment-là, l’agent de négociation des contrats ignorait l’existence de la vente imminente de Control Data au plaignant. Quoi qu’il en soit, si la proposition de Control Data avait été retenue, un marché lui aurait été adjugé et toute cession de marché au plaignant aurait été assujettie aux modalités de cession normales de la DDP qui exigent, entre autres, le consentement écrit préalable du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Le plaignant, quant à lui, soutient qu’en vertu d’un accord d’achat et de vente conclu entre les sociétés mères de Control Data et du plaignant, toutes les immobilisations, soit réelles, personnelles, corporelles et incorporelles, existant le 31 août 1995 et détenues par Control Data, ont été cédées au plaignant. De plus, ce dernier a assumé l’exercice des droits correspondants de Control Data, notamment les motifs d’action et les droits légaux et contractuels acquis ou devant être acquis par Control Data. Il affirme aussi qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne permet actuellement de passer outre à l’intention clairement exprimée des parties dans cette affaire de céder tous les droits et obligations pertinents de Control Data au plaignant à titre de «fournisseur potentiel» réel. Cela étant, seule une interprétation trop littérale de la définition de l’expression «fournisseur potentiel» pourrait justifier un refus de la qualité pour déposer cette plainte, et ce refus impliquerait que l’on ne tienne absolument aucun compte de l’intention des parties de céder tous les droits, responsabilités, motifs et obligations. Le plaignant ajoute que le Ministère et lui-même comprenaient tous deux que le plaignant était le successeur de Control Data pour tout ce qui a trait au marché public, comme en témoigne la correspondance qu’ils se sont échangée. Que le plaignant et Control Data constituaient encore des entités juridiques distinctes le 17 octobre 1995 ne change rien au fait que, si la proposition de Control Data avait été retenue, cette entreprise n’aurait pas exécuté le marché ni profité de l’exécution de celui-ci. Toutes les obligations et tous les avantages s’y rattachant auraient été dévolus au plaignant. Le plaignant conclut son argumentation sur ce point en déclarant que [traduction] «le refus de reconnaître la qualité des parties lésées et de leur permettre donc d’avoir recours au Tribunal en raison seulement d’un changement de propriétaire, sans qu’il soit fait droit à la nécessité de motiver ce refus de la qualité, nuirait à l’affectation libre et efficace des ressources dans le contexte d’entreprises qui sont des fournisseurs potentiels du gouvernement fédéral».

Le Tribunal fait remarquer qu’aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, «[t]out fournisseur potentiel peut [...] déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique». Par ailleurs, un «fournisseur potentiel» désigne «[t]out soumissionnaire — même potentiel — (soumissionnaire ou soumissionnaire éventuel) d’un contrat spécifique». L’essentiel de l’argument du Ministère est que le plaignant n’a pas qualité pour déposer une plainte auprès du Tribunal parce qu’il n’était pas une des entreprises à avoir soumissionné le contrat spécifique en question et que, par conséquent, il ne peut être considéré comme un fournisseur potentiel aux termes de la Loi sur le TCCE.

Le Tribunal croit qu’en qualité d’entreprise qui a soumissionné le contrat spécifique en question, Control Data a acquis le droit de déposer une plainte concernant la procédure de passation des marchés publics suivie dans le cas de ce marché. Comme l’a fait valoir le plaignant, et le Tribunal accepte ce point, ce droit constituait une immobilisation incorporelle cédée au plaignant accessoirement à la cession de tous les biens et éléments d’actif existants détenus par Control Data le 31 août 1995. Le Tribunal ne doute pas que la cession des biens et éléments d’actif était un arrangement commercial véritable et que le plaignant a un intérêt commercial légitime dans la plainte. Il aurait sans doute été plus clair que le plaignant mène cette affaire sous les deux raisons sociales, c.-à-d. AmeriData Canada Ltd. et Control Data Systems Canada, Ltd., mais aucun principe juridique ne l’exigeait. L’actif et le passif, ce qui comprend le droit d’intenter des poursuites ou de les contester, sont régulièrement vendus par les entreprises et, en l’absence d’une raison légale pour laquelle cela ne serait pas acceptable, les tribunaux ont accepté que ces poursuites soient maintenues et plaidées.

Il ressort de la correspondance échangée entre les parties que le Ministère savait que le plaignant, au moins à partir du 8 septembre 1995, avait présenté un grief présumé concernant la procédure de passation des marchés publics. En fait, le 15 septembre 1995, le Ministère a envoyé au plaignant un compte-rendu écrit de la procédure d’évaluation et de la méthode de notation appliquées dans le cas de la soumission de Control Data. Même s’il avait été prudent de notifier expressément la cession du droit de déposer une plainte, le Tribunal accepte que le Ministère ait été notifié de la cession.

Le Ministère fait, en outre, valoir dans le RIF que le plaignant n’a pas respecté le délai de 10 jours fixé pour déposer sa plainte auprès du Tribunal. Selon le Ministère, Control Data savait, dès le 24 août 1995, que le Ministère avait l’intention d’adjuger le marché à l’entreprise qui a été retenue, et avait été informée par le Ministère, le 28 août 1995, des raisons pour lesquelles le marché ne lui avait pas été adjugé. En outre, le Ministère allègue que Control Data savait, à la fin d’août 1995, pour quel motif la plainte était déposée et connaissait l’existence du Tribunal, puisque le Ministère le lui avait mentionné comme un moyen dont elle pouvait se prévaloir pour faire avancer sa cause. Néanmoins, ce n’est que le 27 septembre 1995 que le plaignant a communiqué avec le Tribunal pour lui demander comment déposer une plainte.

De son côté, le plaignant soutient qu’il a fait savoir son opposition à l’adjudication du marché bien avant le délai fixé par le Règlement et maintient qu’il a déposé sa plainte auprès du Tribunal dans le délai de 10 jours suivant le refus de réparation par le Ministère, comme le prescrit le Règlement.

Le Tribunal a déterminé que Control Data connaissait le motif de la plainte à la suite des explications qui lui ont été données par les représentants du Ministère et du MDN le 28 août 1995. Le 29 août 1995, Control Data s’est opposée par écrit à la décision du Ministère et a demandé que la situation soit corrigée. Le Tribunal estime que la lettre de Control Data au Ministère constitue une opposition présentée en application du paragraphe 6(2) du Règlement.

Le Tribunal est également d’avis qu’à la suite de la lettre du Ministère, en date du 14 septembre 1995, qui a été envoyée au plaignant par télécopieur le 15 septembre 1995, le plaignant avait une connaissance réelle ou par interprétation du fait que le Ministère refusait la réparation demandée dans la lettre d’opposition de Control Data. Par conséquent, le Tribunal détermine que la plainte déposée auprès du Tribunal le 28 septembre 1995 l’a été dans le délai prévu au paragraphe 6(2) du Règlement.

Bien-fondé de la plainte

La position du plaignant

Dans les observations qu’il a formulées sur le RIF et dans l’exposé qu’il a subséquemment présenté au Tribunal, le plaignant fait valoir, entre autres, que les critères d’évaluation énoncés dans la DDP ont été modifiés, mal appliqués ou pas appliqués par le Ministère relativement à sa proposition. En effet, selon lui, en dépit de la pertinence et de la précision des critères d’évaluation ?E9‚tablis dans la DDP, à un moment donné de l’évaluation, on s’est grandement éloigné du respect des critères y afférents. Plus précisément, le plaignant allègue que dans l’évaluation du personnel clé, un nombre de points bien inférieur aux 60 points fixés dans la DDP pour la connaissance de l’ensemble des logiciels a été attribué à ce critère. De plus, le Ministère a interprété et, par conséquent, évalué certaines exigences clés, c.-à-d. la connaissance de l’ensemble des logiciels, la formation systématique et les compétences en gestion de réseaux, d’une manière qui ne peut ni clairement ni facilement être rattachée à l’énoncé des exigences dans la DDP et la «Description des travaux», ce qui était préjudiciable à la note finale et au rang accordés à la proposition de Control Data. Cela ressort de la justification écrite communiquée par le Ministère le 15 septembre 1995 ainsi que de la justification donnée pour la séance de clarification de l’évaluation des soumissions au terme de laquelle la note de Control Data a été abaissée. Dans les deux cas, la justification offerte par le Ministère insiste sur des facteurs autres que la connaissance de l’ensemble des logiciels, contrairement à ce qui est précisé dans la DDP. Le plaignant soutient que l’exercice de clarification, qui a eu des répercussions uniquement sur sa proposition, n’est somme toute qu’un moyen utilisé pour faire baisser les points qui lui avaient été attribués à la première phase de l’évaluation, ce qui a fait augmenter son prix par points à un niveau «non concurrentiel» par rapport à celui de l’adjudicataire.

En résumé, le plaignant est d’avis que, même si la DDF énonçait clairement les critères d’évaluation des soumissions, le Ministère a, contrairement aux dispositions du paragraphe 506(6) de l’ACI, tenu compte de facteurs d’évaluation différents de ceux indiqués dans la DDP à une deuxième étape de «clarification» de l’évaluation.

La position du Ministère

En réponse aux observations formulées par le plaignant dans le RIF, le Ministère soutient que la DDP prévoyait clairement que 60 points seraient attribués à l’évaluation du personnel clé et que cette évaluation serait fondée sur la connaissance que le personnel proposé avait des applications logicielles énumérées dans la «Description des travaux» et selon l’ordre d’importance des applications figurant sur la liste. La DDP mentionnait également clairement les facteurs, c.-à-d. la formation de la personne, les antécédents de travail, etc., sur lesquels l’évaluation du personnel clé reposerait, et il n’y avait, par conséquent, aucun facteur d’évaluation mal défini. En fait, l’évaluation de la connaissance des logiciels correspondait à la somme globale des points accordés pour la formation (15 points), les antécédents de travail (10 points), les projets pertinents (5 points), la qualification (10 points), les années d’expérience (10 points) et la connaissances et l’expérience confirmées (10 points), et cette somme s’élève à 60 points comme cela est indiqué dans la DDP. De plus, il ressortait clairement de la structure de la DDP et de la «Description des travaux» annexée que la connaissance des logiciels était un facteur clé de l’évaluation, et il était donc inutile de le répéter chaque fois qu’une déclaration était faite à ce sujet dans le document d’évaluation. À l’inverse, l’absence de l’expression «connaissance des logiciels» dans les observations faites sur les facteurs susmentionnés ne peut être interprétée de manière à signifier qu’un aspect autre que la connaissance des logiciels était évalué. En ce qui concerne précisément les exigences se rapportant à la connaissance des logiciels, à la formation systématique et aux compétences en gestion de réseaux, le Ministère indique que l’ensemble de logiciels mentionnés au paragraphe 10 de la «Description des travaux» et le réseau de la région métropolitaine de la BFC Borden sont une seule et même chose; que la formation systématique du personnel de Control Data, particulièrement en ce qui a trait à Banyan VINES, a été correctement évaluée; et que la «Description des travaux» indiquait clairement que le poste de gestionnaire du réseau devait être rempli par quelqu’un ayant des compétences en gestion de projet. Pour ce qui est de la clarification de l’évaluation de la soumission, le Ministère insiste sur le fait que les coûts évalués n’ont pas été calculés avant l’évaluation finale et que la clarification était nécessaire à cause du caractère contradictoire ou peu clair des déclarations faites par Control Data dans sa proposition. En résumé, le Ministère soutient que la DDP a clairement défini les critères d’évaluation des soumissions et que ces critères ont été appliqués de façon juste dans l’évaluation de toutes les soumissions.

La décision du Tribunal

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, au terme de l’enquête, il doit déterminer si la plainte est fondée en fonction de critères et de procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement stipule, entre autres, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a ét?E9‚ passé conformément aux exigences de l’ACI.

Aux termes du paragraphe 506(6) de l’ACI, «[l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères».

Il y a deux aspects à la question de savoir si les documents d’appel d’offres ont ou non clairement indiqué les conditions du marché public, les critères appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. Premièrement, les critères d’évaluation et leur méthode d’application et de pondération ont-ils clairement été indiqués dans les documents d’appel d’offres? Deuxièmement, les critères, et leur méthode d’application et de pondération, utilisés dans l’évaluation sont-ils ceux qui ont été indiqués dans les documents d’appel d’offres?

La DDP doit être formulée assez clairement pour qu’un fournisseur puisse raisonnablement prévoir, en termes relatifs, l’aspect auquel on donnera le plus de points dans l’évaluation des propositions. Cependant, s’il est évident pour un fournisseur que les éléments énoncés dans la DDP ne sont pas clairs, c.-à-d. que ces éléments comportent des aspects ambigus ou contradictoires, il incombe au fournisseur de faire clarifier ces éléments dès qu’il en prend connaissance. Dans le cas présent, le plaignant n’allègue pas que les critères d’évaluation de la DDP manquent ou manquaient de clarté, mais plutôt qu’ils ont été mal appliqués ou que de nouveaux critères ont été ajoutés sans avoir été annoncés d’avance. Par conséquent, en ce qui concerne uniquement la question de savoir si les critères d’évaluation et leurs méthodes d’application et de pondération ont ou non clairement été indiqués dans les documents d’appel d’offres, le Tribunal estime que cela n’a pas été un aspect de la plainte et que cet aspect ne sera pas examiné pour déterminer le bien-fondé de la plainte. Le Tribunal est d’avis, cependant, que le Ministère aurait pu et aurait dû présenter et expliquer beaucoup mieux la procédure d’évaluation dans la DDP. Une ventilation plus détaillée du barème de notation aurait donné plus de transparence à la procédure et aurait pu rendre évident pour les fournisseurs les conséquences de certains compromis faits dans les soumissions.

Le plaignant allègue que le Ministère a adjugé un marché selon des facteurs d’évaluation mal définis et une application erronée des critères d’évaluation. La DDP précisait l’approche qui devait être utilisée pour évaluer les propositions. Le Tribunal est d’avis que, compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés, le Ministère ne s’est pas éloigné de ce qui était prévu dans la DDP en effectuant son évaluation. La DDP indiquait qu’une pondération de 60 points était accordée au personnel clé, de 20 points, à l’expérience de l’entreprise et de 20 points, à la méthode et à l’approche. Dans le cas du personnel clé, même si la DDP ne précisait pas comment les points seraient répartis, elle indiquait néanmoins les facteurs qui seraient pris en compte dans l’évaluation des soumissions à cette rubrique.

Quant à savoir maintenant si les critères ayant servi dans l’évaluation étaient ou non ceux indiqués dans les documents d’appel d’offres, le plaignant soutient que ces critères ont été appliqués de façon erronée ou que de nouveaux critères ont été ajoutés sans avoir été définis d’avance. Les évaluations de ce genre sont, dans une certaine mesure, subjectives, même lorsque les critères d’évaluation et les facteurs de pondération connexes sont clairement définis d’avance. Le Tribunal ne reviendra pas sur le jugement du groupe d’évaluation technique, mais déterminera si les critères et la méthode de pondération et d’évaluation des critères indiqués dans la DDP ont effectivement été utilisés pour évaluer les soumissions. En ce qui a trait à l’affirmation du plaignant selon laquelle moins de 25 des 60 points alloués pour le personnel clé ont été attribués à la connaissance des logiciels, le Tribunal conclut que cette allégation n’est pas fondée, puisque les éléments de preuve indiquent que la connaissance des logiciels a été prise en compte dans chacun des facteurs d’évaluation du personnel clé. Pour ce qui est de la décision d’attribuer des points relativement plus élevés au personnel ayant acquis une formation «agréée», le Tribunal estime qu’il s’agit là d’un élargissement raisonnable de la notion de critère d’évaluation appliquée à la formation et que le jugement du groupe d’évaluation technique était raisonnable dans ce cas. Le plaignant se demande également pourquoi il n’a pas été fait mention des responsabilités de gestion de projet dans l’énoncé des travaux. Sur ce point, le Tribunal fait remarquer que les résumés d’évaluation produits au moment où l’évaluation a été faite ne mentionnent pas que le personnel proposé n’avait pas toutes les compétences voulues en matière de gestion de projet. Le Tribunal est d’avis que ce facteur d’évaluation manque particulièrement de clarté dans la DDP. Mais si l’on prend l’ensemble du plan d’évaluation, en particulier l’obligation d’étayer dans les soumissions les projets pertinents ainsi que les responsabilités de chacune des personnes proposées, le Tribunal conclut qu’il était raisonnable d’évaluer les compétences en matière de gestion de projet du personnel proposé pour remplir les fonctions de gestionnaires du réseau, qui auraient, entre autres, pour tâche d’aider à élaborer des plans de projets et des rapports de mise en œuvre. Par conséquent, sur la foi des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le Tribunal est d’avis que l’évaluation a été effectuée conformément au plan énoncé dans la DDP et qu’aucun nouveau critère non défini n’a été ajouté.

Dans la communication par télécopieur que le Ministère a envoyée au plaignant le 15 septembre 1995, le Ministère a indiqué comment les points étaient répartis pour les facteurs du personnel clé afin d’essayer d’expliquer au plaignant comment il était arrivé à la note donnée à la soumission de Control Data. Le Tribunal conclut que, même si une justification semblable aurait pu être utilisée pendant l’évaluation, cette ventilation des points n’a pas été faite en même temps que l’évaluation.

Le Tribunal nourrit cependant certaines inquiétudes au sujet de la révision de la note accordée à la soumission de Control Data. Cette inquiétude n’est pas liée au fait que la note ait été révisée (les évaluations sont fréquemment des processus itératifs), mais aux conséquences de la révision et aux questions qui pourraient être posées au sujet d’un motif ultérieur que cette révision a suscité. Pour rendre une décision sur ce point, le Tribunal a pris en compte la justification du Ministère telle qu’elle est présentée dans le rapport d’évaluation initial. Le Tribunal est convaincu que l’écart entre l’évaluation écrite de la soumission du plaignant et celle de SHL Systemhouse Inc., particulièrement en ce qui concerne le personnel clé, était assez grand pour justifier que la note de la soumission de Control Data à ce chapitre soit révisée. En outre, le Tribunal n’a vu aucun élément de preuve qui contredit ce que le Ministère a donné comme motifs de révision et, par conséquent, il ne peut conclure que celle-ci a enfreint les exigences de l’ACI.

Décision du Tribunal

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal décide, relativement à l’objet de la plainte, que la procédure de passation des marchés publics a été suivie conformément au chapitre cinq de l’ACI et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II , vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. Fait à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.

4. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996