SYSTÈMES CABLETRON DU CANADA LTÉE

Décisions


SYSTÈMES CABLETRON DU CANADA LTÉE
Dossier no : PR-95-018

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 8 mars 1996

EU ÉGARD À une plainte déposée par Systèmes Cabletron du Canada Ltée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée par L.C. 1993, ch. 44;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée. Par conséquent, l’ordonnance de report d’adjudication rendue par le Tribunal le 14 décembre 1995 n’est plus en vigueur.

Arthur B. Trudeau
_________________________ Arthur B. Trudeau
Membre


Michel P. Granger
_________________________ Michel P. Granger
Secrétaire

Dossier no : PR-95-018

Date de la décision : Le 8 mars 1996

Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau

Gestionnaire d’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud


Plaignant : Systèmes Cabletron du Canada Ltée

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services
gouvernementaux

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Introduction

Le 11 décembre 1995, la société Systèmes Cabletron du Canada Ltée (le plaignant) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) concernant le marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) (Numéro de sollicitation EY M9087-5-1403/000/B) pour la fourniture, dans le cadre d’une offre à commandes individuelle et nationale, de concentrateurs (boîtiers de câblage) et de commutateurs Ethernet à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d’un bout à l’autre du Canada.

Le plaignant allègue que cette demande de fournitures a, dans un premier temps, été publiée sous forme de projet comme spécification restreinte à un produit plutôt que comme spécification concurrentielle fonctionnelle. Il déclare que, bien que le projet de spécification ait été modifié au cours du processus de soumission, la version finale de la spécification technique, annexe A de la documentation relative à la sollicitation (la Spécification), était encore restrictive à la date limite de remise des soumissions, le 6 décembre 1995, et éliminait en fait le plaignant de l’appel d’offres en faveur de ses concurrents. À titre de recours, le plaignant a demandé au Ministère de mettre le dossier en question en attente et de mettre en œuvre un «cycle de redressement des soumissions», comprenant une Spécification fonctionnelle modifiée ainsi qu’une nouvelle date limite de remise des soumissions.

Le 14 décembre 1995, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a déterminé que les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte et a décidé d’enquêter sur la question pour déterminer si le marché public avait été passé conformément aux exigences du chapitre dix de l’Accord de libre-échange nord-américain [3] (ALÉNA) et du chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur [4] (l’ACI). Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance qui reportait l’adjudication de tout marché en la matière jusqu’au moment où il aurait déterminé le bien-fondé de la plainte.

Enquête

Le 8 janvier 1996, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [5] . Les observations du plaignant sur le RIF ont par la suite été déposées auprès du Tribunal. Le 23 janvier 1996, le Tribunal a demandé au plaignant de donner des précisions sur certaines parties de ses observations sur le RIF. Le 25 janvier 1996, le Tribunal a demandé au Ministère de répondre aux renseignements additionnels obtenus du plaignant le 24 janvier 1996. Le Ministère et le plaignant ont déposé leurs observations finales auprès du Tribunal respectivement le 31 janvier et le 8 février 1996.

Étant donné que les renseignements figurant au dossier permettaient de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a rendu une décision en se fondant sur les renseignements versés au dossier.

Procédure de passation des marchés publics

Le 21 juin 1995, une lettre d’intérêt a été publiée par l’entremise du Service des invitations ouvertes à soumissionner (SIOS) et dans Marchés publics. L’objet de la lettre d’intérêt était de donner à l’industrie l’occasion d’examiner le projet de spécification technique qui présentait les exigences posées par la GRC pour les boîtiers de câblage et les interrupteurs Ethernet et de faire des remarques constructives en retour. Dans une lettre adressée au Ministère le 30 juin 1995, le plaignant a indiqué que plusieurs articles du projet de spécification soulevaient des problèmes, concernant surtout les boîtiers de câblage, et a souligné que certaines exigences étaient de nature à restreindre le genre de produits admissibles. En ce qui concerne les interrupteurs Ethernet, le plaignant a établi que le gros du projet de spécification reposait directement sur le produit d’un seul fabricant et il s’est opposé à ce qu’une telle approche soit adoptée dans le cadre d’une invitation concurrentielle à soumissionner.

Le 25 octobre 1995, un Avis de projets d’achat a été publié par l’entremise du SIOS et dans Marchés publics. Une demande d’offre à commandes (DOC) qui renfermait la Spécification à l’annexe A a également été mise à la disposition de tous les fournisseurs potentiels.

L’article E de la DOC (Procédure d’évaluation) prévoit, entre autres, que lorsqu’un élément de la DOC est jugé être essentiel, il doit explicitement être dit «essentiel» ou «obligatoire». Cet article prévoit que le terme «doit» («shall», «must» et «will» en anglais) doit être interprété comme une exigence obligatoire. Il prévoit également que, si une exigence essentielle n’est pas respectée, la proposition sera réputée irrecevable et ne fera l’objet d’aucune considération ultérieure. Enfin, il prévoit que le soumissionnaire retenu sera celui qui aura présenté la proposition évaluée comme la meilleure sur le plan des coûts, selon les critères d’évaluation établis dans la DOC.

Au cours de la période allant du 3 novembre au 6 décembre 1995, date limite de remise des soumissions, le Ministère a publié 18 mises à jour de la DOC. Toutes les mises à jour ont été communiquées aux fournisseurs intéressés par l’entremise du SIOS. Le 20 novembre 1995, le plaignant a écrit au Ministère pour demander des précisions sur un certain nombre d’aspects de l’article 5.0 de la Spécification. Le Ministère a répondu aux questions du plaignant dans sa mise à jour U016 DOC en date du 24 novembre 1995 ainsi que par télécopie dans un document portant la même date.

Les articles de la Spécification en question, les questions soulevées par le plaignant à leur sujet dans sa lettre du 20 novembre 1995 au Ministère et les réponses du Ministère sont, entre autres, les suivants :

5.2.10 L’interface FDDI [interface optoélectronique de données à mode réparti] doit pouvoir supporter le commutateur de dérivation optique externe au moyen d’une prise D.I.N. à six broches standard.

Question : Compte tenu de la tolérance aux pannes inhérente à la FDDI, la Couronne pourrait-elle préciser pourquoi un commutateur de dérivation optique serait requis?

Réponse : Cela donnera une double redondance au réseau FDDI.

5.2.11 Le commutateur doit être compatible avec la communauté des fournisseurs de produits 10 Base-T. Le soumissionnaire doit fournir une déclaration écrite attestant l’interfonctionnement avec d’autres produits 10 Base-T, particulièrement les produits Synoptics et 3 Com.

5.2.13 Le commutateur doit être compatible avec la communauté des fournisseurs de produits 100 Base-T. Le soumissionnaire doit fournir une déclaration écrite attestant l’interfonctionnement avec d’autres produits 100 Base-T, notamment les cartes d’interface de réseau 100 Base-T.

5.2.3 Le commutateur Ethernet de type 2 doit offrir une interface 100 Base-T conforme à la norme 802.3u de l’IEEE [Institute of Electrical and Electronic Engineers] ou une interface optoélectronique de données à mode réparti (FDDI). Le soumissionnaire doit indiquer le nombre maximal de FDDI et (ou) de ports 100 Base-T supportés par les commutateurs proposés.

Question : Selon l’article 5.2.3, on peut opter soit pour la FDDI, soit pour le 100 Base-T. Si nous optons pour le premier, cela diminue-t-il les exigences prévues aux articles 5.2.13 et 5.2.14?

Réponse : Cela élimine l’article 5.2.13, mais le soumissionnaire doit continuer de se conformer à l’article 5.2.14.

5.2.14 Le commutateur Ethernet de type 2 proposé doit supporter un minimum de six (6) RL [réseaux locaux] virtuels.

5.2.17 Dans le cas des commutateurs Ethernet de type 2, le soumissionnaire doit indiquer si le trafic peut être envoyé entre deux (2) RL virtuels sur le même commutateur sans utilisation d’un pont extérieur ou d’un routeur extérieurs.

5.2.18 Dans le cas des commutateurs Ethernet de type 2, le soumissionnaire doit indiquer comment l’information sur la table d’adresse relative au CAS [contrôle d’accès aux supports] est échangée entre deux (2) commutateurs partageant le même RL virtuel.

Question : Comme il n’existe pas actuellement de norme IEEE pour les RLV [réseaux locaux virtuels], quelle mise en œuvre exclusive des RLV [la] GRC désire-t-elle adopter?

Réponse : Comme l’a mentionné le soumissionnaire, il n’existe actuellement aucune norme IEEE pour les RLV. Cependant, les articles 5.2.17 et 5.2.18 ne font état d’aucune mise en œuvre exclusive, mais demandent seulement au soumissionnaire si et comment les exigences peuvent être respectées.

5.4.11 Les commutateurs Ethernet de type 2 proposés doivent supporter un RLV en utilisant un mode de fonctionnement ISO [interconnexion des systèmes ouverts] de couche 2 ou 3. Le soumissionnaire doit indiquer quel mode de fonctionnement est supporté.

5.4.12 Les commutateurs Ethernet de type 2 qui supportent un RLV en utilisant un mode de fonctionnement ISO de couche 3 doivent supporter les protocoles IP [Internet Protocol], IPX [Internet Packet Exchange] et DECNET.

Question : Puisque [les] commutateurs fonctionnent au niveau de la couche 2 des couches de l’ISO, quel besoin y a-t-il d’une couche 3 [d’un point de vue fonctionnel]?

Réponse : Comme cela est indiqué à l’article 5.4.12, «[...] les commutateurs qui supportent un RLV en utilisant un mode de fonctionnement ISO de couche 3 doivent supporter [...]».

5.3.1 Le commutateur doit avoir un temps d’attente inférieur à 130 microsecondes pour les paquets de 64 octets et de 1 300 microsondes pour les paquets de 1 518 octets. Le temps d’attente est mesuré à compter de la transmission du premier octet sur le port d’origine jusqu’au moment de réception du premier octet sur le port de destination.

5.3.2 Les commutateurs Ethernet proposés doivent être capables de fonctionner au même débit que celui du fil (14 880 paquets par seconde) sur tous les ports Ethernet 10 Mo/s [méga-octets par seconde]. Le soumissionnaire doit fournir des données d’essai pour un minimum de cinq (5) ports d’entrée et de un (1) port de sortie avec des blocs de 64 et de 1 518 octets.

5.3.3 Les pourcentages de perte de blocs des commutateurs Ethernet proposés ne doivent pas être supérieurs aux suivants :

Dimension du bloc Perte en pourcentage
64 octets 18 p. 100
256 octets 10 p. 100
1 518 octets 1 p. 100

Le soumissionnaire doit fournir des données d’essai pour un minimum de cinq (5) ports d’entrée et de un (1) port de sortie pour chaque [dimension de] bloc susmentionné avec un fonctionnement à pleine capacité à l’entrée.

5.3.4 Tous les renseignements sur le rendement doivent reposer sur des essais de produit indépendants et être fournis avec la soumission. Les résultats d’essais effectués par Harvard Internetworking Laboratories sont préférables, s’ils sont disponibles.

Question : Suppression de 256 octets et de 1 518 octets, puisqu’il n’existe aucun essai «Harvard» pour les fournisseurs avec ce paramètre.

Réponse : Les essais pour 256 et 1 518 octets se trouvent dans Data Communications, juillet 1995.

5.3.5 Le commutateur Ethernet de type 2 proposé, qui fournit une interface FDDI, doit pouvoir acheminer soixante mille (60 000) blocs par seconde sans perte de trafic, avec dix (10) interfaces 10 Mo/s envoyant simultanément des blocs de soixante-quatre (64) octets selon le débit que permet le fil. Le temps d’attente pour les paquets de soixante-quatre (64) octets ne doit pas dépasser deux cent vingt (220) microsecondes à compter du premier octet arrivant au port à haute vitesse jusqu’au premier octet sortant d’un port à faible vitesse et vice versa.

[Traduction]

Neuf propositions ont été reçues et envoyées à la GRC pour évaluation technique. Le plaignant n’a pas présenté de soumission et a déposé cette plainte auprès du Tribunal le 11 décembre 1995.

Bien-fondé de la plainte

La position du plaignant

Dans les observations qu’il a formulées sur le RIF et dans l’exposé qu’il a par la suite présenté au Tribunal, le plaignant fait valoir qu’il ne trouve rien à redire au fait que neuf soumissionnaires représentant trois constructeurs OEM estiment que la DOC n’est pas restrictive. Cela appuie, en fait, son allégation selon laquelle la Spécification favorise certains constructeurs de systèmes à son détriment. Le plaignant soutient également que les questions entourant les boîtiers de câblage, en particulier la question de la densité des ports, ont été résolues de manière satisfaisante. Les autres questions, auxquelles le plaignant indique qu’il n’a pu accorder toute l’attention qui aurait été souhaitable en raison des délais de soumission serrés, du travail requis pour résoudre les questions entourant les boîtiers de câblage ainsi que d’autres exigences concurrentes et opposées, portent principalement sur les commutateurs Ethernet, plus précisément sur l’article 5.3.2 de la Spécification (débit que permet le fil), l’article 5.3.3 (perte de blocs) et l’article 5.2.14 (réseau local virtuel [RLV]). Le plaignant allègue que ces indications précises sont des exemples de spécifications restrictives ayant limité la capacité du plaignant de présenter une soumission recevable relativement à ces exigences. De plus, dans la lettre qu’il a adressée au Tribunal le 23 janvier 1996, le plaignant a indiqué que le choix de densité de port présenté à l’article 5.0 de la Spécification ne représente pas équitablement une analyse concurrentielle du marché; que le commutateur de dérivation optique (article 5.2.10) est une exigence inutile; que l’obligation de proposer du matériel compatible à celui d’un fournisseur en particulier énoncée à l’article 5.2.11 favorise l’acceptation d’une solution exclusive; que le fait de demander un télécontrôle pour une catégorie de matériel, à savoir les boîtiers de câblage, mais non pour une autre, à savoir les commutateurs Ethernet, n’est pas conforme à la fonctionnalité des produits exigée explicitement dans la demande de la GRC; que les RLV (articles 5.2.17, 5.2.18, 5.4.11 et 5.4.12) ne constituent pas une norme et devraient être radiés et que la demande de 60 000 blocs par seconde (article 5.3.5) est une exigence artificielle qui fixe un point de repère arbitraire. Bref, le plaignant soutient qu’il a fourni un ensemble important de renseignements sur des spécifications de soumission restrictives. Son but, cependant, n’est pas d’amener la GRC ou le Ministère à discuter de la question de déterminer si l’intégrité opérationnelle du projet RIBoN (réseau de base intégré) de la GRC est ou non menacé par des facteurs comme la perte de blocs, le télécontrôle ou les RLV. Au contraire, en demandant que des procédures de passation des marchés publics justes soient appliquées, l’intention du plaignant est que le gouvernement obtienne le meilleur rapport qualité-prix.

La position du Ministère

En réponse aux observations du plaignant sur le RIF et sur d’autres documents, le Ministère soutient que la Spécification est de nature fonctionnelle et n’est ni restrictive, ni liée ?E0… un produit donné. Les neuf soumissions reçues en réponse à l’invitation à soumissionner, et qui offrent des produits différents, appuient cette affirmation. Il indique en outre que le gouvernement n’est pas disposé à modifier la demande de fournitures de la GRC afin de se conformer aux produits d’un fournisseur en particulier. Cela, de l’avis du Ministère, serait injuste pour les autres fournisseurs potentiels et contreviendrait à l’obligation de ne donner à aucun soumissionnaire un traitement moins favorable qu’à un autre. En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle la Spécification défavorise le plaignant, mais non pas les autres fournisseurs, le Ministère soutient qu’il est pratiquement impossible qu’une spécification technique de ce genre soit rédigée de manière à favoriser un certain nombre de fournisseurs et à en éliminer seulement un. Le Ministère conclut qu’en ce qui a trait à la Spécification, celle-ci a été rédigée de manière à répondre à la demande exprimée par la GRC pour qu’elle puisse établir un réseau indispensable à l’atteinte de sa mission et que la Spécification a été établie pour permettre aux soumissionnaires de proposer des solutions OEM multiples.

En ce qui a trait aux questions précises soulevées par le plaignant, le Ministère souligne que, même si elles ont été présentées à une étape avancée du processus de soumission, il a néanmoins répondu à chacun d’entre elles.

L’exigence relative à un débit égal à 100 p. 100 de la capacité du fil (article 5.3.2) est justifi?E9‚e compte tenu de la nécessité de «diffuser les données à temps» à environ 22 000 membres réguliers, membres civils et fonctionnaires d’un bout à l’autre du Canada à l’aide d’un système qui relierait les RL, les postes de travail et les ordinateurs centraux dans un réseau de base étendu offrant des services de données internes et externes. En outre, le Ministère affirme que 69 p. 100 des commutateurs sur le marché sont capables de satisfaire à cette exigence.

Pour ce qui est de la question de la perte de blocs (article 5.3.3), le Ministère affirme que, même si une perte de blocs nulle serait idéale, la plupart des paquets Novell sur le réseau de la GRC comptent 68 octets et que, par conséquent, l’exigence relative à la perte de blocs énoncée à l’article 5.3.3 représente, contrairement à ce qu’allègue le plaignant, une «situation du monde réel», et non pas une situation théorique. Cette affirmation est fondée maintenant et le sera dans l’avenir. Enfin, le Ministère fait remarquer qu’en acceptant une perte de 18 p. 100 pour les paquets de 64 octets, la GRC a maintenu ses exigences minimales, tout en permettant à 66 p. 100 des constructeurs OEM de proposer une solution.

En ce qui a trait aux RLV (articles 5.2.14, 5.2.17, 5.2.18, 5.4.11 et 5.4.12), le Ministère affirme qu’il n’a jamais demandé un type particulier de support RLV et qu’en l’absence de normes IEEE à l’heure actuelle pour les RLV, il est disposé à accepter une mise en œuvre exclusive raisonnablement solide de n’importe quel soumissionnaire. S’il avait exigé un RLV exclusif particulier, comme le demandait le plaignant, il aurait alors limité la Spécification à un «fournisseur en particulier».

Pour ce qui est des autres exigences restrictives soulevées par le plaignant dans sa lettre du 23 janvier 1996 au Tribunal, le Ministère fait valoir, entre autres, qu’aucun commutateur de dérivation optique (article 5.2.10) n’est requis, mais plutôt une «prise D.I.N. à six broches standard»; que le renvoi à des fournisseurs particuliers pour les exigences d’interfonctionnement (article 5.2.11) vise à donner l’assurance que les produits offerts par les soumissionnaires peuvent effectivement fonctionner avec la technologie actuellement utilisée par la GRC; que l’objet de l’exigence d’une télécontrôle intégral des boîtiers de câblage seulement et non des commutateurs Ethernet est justement de ne pas empêcher un certain nombre de fournisseurs de soumissionner une ligne de produits recevable (le marché des commutateurs Ethernet n’a pas atteint le même degré de maturité que celui des boîtiers de câblage); que l’exigence de rendement en blocs par seconde (article 5.3.5) traduit des exigences opérationnelles actuelles et à venir; et que les exigences d’essai indiquées à l’article 5.3.4 demandent uniquement au soumissionnaire de fournir des résultats d’essais effectués par un laboratoire d’essai indépendant et pas nécessairement par Harvard Internetworking Laboratories. Bref, le Ministère conclut que la Spécification a été élaborée en tenant compte du milieu actuel d’établissement des réseaux et des normes requises pour satisfaire aux besoins de la GRC, et que le plaignant n’a pas prouvé que la demande est une spécification restreinte à un produit plutôt qu’une spécification concurrentielle fonctionnelle.

La décision du Tribunal

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, au terme de l’enquête, il doit déterminer si la plainte est fondée en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement stipule, entre autres, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ACI et de l’ALÉNA.

L’article 1007 de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

1. Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques établies, adoptées ou appliquées par ses entités n’aient pas pour but ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce.

2. Chacune des Parties fera en sorte que toute spécification technique prescrite par ses entités soit, s’il y a lieu :

a) définie en fonction des propriétés d’emploi du produit plutôt qu’en fonction de la conception ou de caractéristiques descriptives; et

b) fondée sur des normes internationales, des règlements techniques nationaux, des normes nationales reconnues ou des codes du bâtiment.

3. Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques prescrites par ses entités n’exigent ni ne mentionnent de marques de fabrique ou de commerce, de brevets, de modèles ou de types particuliers, ni d’origines, de producteurs ou de fournisseurs déterminés, à moins qu’il n’existe pas d’autre moyen suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché, et à condition que des termes tels que «ou l’équivalent» figurent dans la documentation relative à l’appel d’offres.

4. Chacune des Parties fera en sorte que ses entités ne recherchent ni n’acceptent, d’une manière qui aurait pour effet d’empêcher la concurrence, de conseils susceptibles d’être utilisés dans l’établissement ou l’adoption de spécifications techniques visant un marché donné, de la part d’une personne pouvant retirer des avantages commerciaux du marché.

L’alinéa 504.3b) de l’ACI interdit «la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser des produits ou services donnés, y compris des produits ou services inclus dans des marchés de construction, soit à favoriser ou à défavoriser des fournisseurs de tels produits ou services, en vue de se soustraire aux obligations prévues par le présent chapitre». L’article 501 prévoit, en partie, que l’objet du chapitre cinq «vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience».

Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les deux parties et tenu compte des obligations énoncées dans l’ACI et l’ALÉNA, le Tribunal a conclu que la plainte n’est pas fondée. Le Tribunal est d’avis que le Ministère a énoncé ses exigences en tenant compte des préoccupations exprimées par plusieurs fournisseurs potentiels, aussi bien avant qu’après la publication de l’Avis de projets d’achat jusqu’à la date limite de présentation des soumissions. Avant d’examiner chacun des points soulevés dans la plainte, le Tribunal désire exprimer son inquiétude à l’égard d’une déclaration faite par le Ministère dans la présente affaire.

Dans le RIF, le Ministère déclare qu’il lui fallait recevoir plus de deux observations sur le même sujet avant de songer à modifier la Spécification. Le Tribunal désire souligner que, si une spécification est inutilement ou injustement restrictive, il importe réellement peu de savoir si un fournisseur potentiel ou tous les fournisseurs potentiels soulèvent des inquiétudes au sujet de cette spécification. Le Ministère devrait reconnaître l’erreur et la corriger. Malgré la déclaration susmentionnée faite par le Ministère dans son argumentation, il semble que, dans la présente affaire, le Ministère a réellement tenu compte de certaines des inquiétudes soulevées par le seul plaignant lorsque cela ne compromettait pas les exigences du marché.

Dans sa plainte et dans les exposés qu’il a présentés par la suite au Tribunal, le plaignant a expliqué les diverses inquiétudes que lui cause la Spécification. Ces inquiétudes portent essentiellement sur la partie de l’exigence qui a trait aux commutateurs Ethernet, puisque les questions concernant les boîtiers de câblage ont été résolues à la satisfaction et du plaignant et du Ministère.

En ce qui concerne l’affirmation dans la plainte selon laquelle l’ordonnancement de la ventilation des prix des concentrateurs et des commutateurs Ethernet correspond exactement à l’architecture du système de l’un des concurrents du plaignant, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’appuie cette allégation.

Pour ce qui est de l’obligation d’obtenir des résultats d’essais effectués par un laboratoire d’essai de produits indépendant (article 5.3.5), l’argument avancé par le plaignant selon lequel l’essai mentionné dans Data Communications de juillet 1995 ne vise pas les produits qu’il aurait eu à soumissionner et que, par conséquent, cet essai n’aurait pas satisfait aux exigences de comparaison posées par le Ministère est purement hypothétique puisque le plaignant n’a pas présenté de soumission.

Quant au débit que permet le fil (article 5.3.2), à la perte de blocs (article 5.3.3), à la compatibilité avec un fournisseur donné (article 5.2.11), aux 60 000 blocs par seconde (article 5.3.5), au commutateur de dérivation optique (article 5.2.10) et à la sélection de densité de port (article 5.0), le Tribunal conclut qu’il s’agit de spécifications fondées sur le rendement résultant soit de la configuration des systèmes actuels et des charges de travail, soit des besoins futurs prévus soit de l’ensemble de ces facteurs. Certains des critères de rendement sont étayés par de la documentation indépendante sur les essais de produits dont l’achat est recherché. En fait, la documentation fournie par le plaignant indique qu’au moins neuf fournisseurs peuvent respecter l’exigence relative à la perte de blocs. De l’avis du Tribunal, le Ministère a fait tous les efforts raisonnables pour conserver l’ampleur de la portée de ces critères de manière 0… inclure un aussi grand nombre de fournisseurs que possible sans toutefois atténuer ses exigences. Le Tribunal estime qu’aucun élément de preuve ne montre que le fait d’avoir établi la Spécification de cette manière consiste en une violation de l’ACI ou de l’ALÉNA.

Concernant les RLV (articles 5.2.14, 5.2.17, 5.2.18, 5.4.11 et 5.4.12), le Tribunal conclut que cette exigence est également liée au rendement et qu’elle repose sur une justification raisonnable du Ministère. Même s’il n’existe pas de norme industrielle dans ce domaine, le Ministère n’a pas spécifié un ensemble particulier de caractéristiques de conception, mais a plutôt laissé aux fournisseurs la latitude d’indiquer comment ils respecteraient cette exigence. Le Tribunal conclut que la formulation de cette exigence ne constituait pas une violation de l’ACI ni de l’ALÉNA.

Enfin, en ce qui a trait à la demande de télécontrôle, le Tribunal est d’avis que les affirmations du plaignant à cet égard semblent totalement aux antipodes du motif explicite de sa plainte. Le Tribunal est d’avis que le fait de ne pas exiger que le volet commutateur de la demande comprenne un télécontrôle ne constitue pas un obstacle à la concurrence. En fait, cela permet à un nombre beaucoup plus grand de fournisseurs de satisfaire aux exigences de la Spécification. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’ACI ou de l’ALÉNA pour ce qui est de cette exigence.

Décision du Tribunal

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal décide, relativement à l’objet de la plainte, que la procédure de passation des marchés publics a été suivie conformément au chapitre cinq de l’ACI et au chapitre dix de l’ALÉNA et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée. Par conséquent, l’ordonnance de report d’adjudication rendue par le Tribunal le 14 décembre 1995 n’est plus en vigueur.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

4. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.

5. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996