ATS SCIENTIFIC INC.

Décisions


ATS SCIENTIFIC INC.
No du greffe de la Commission : G93PRF6623-021-0027

TABLE DES MATIÈRES


AFFAIRE INTÉRESSANT

Une plainte de ATS Scientific Inc. du 760, chemin Pacific, suite 21 Oakville (Ontario)

No du greffe de la Commission : G93PRF6623-021-0027

Plainte accueillie

ET

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, partie II, art. 15 L.C. 1988, ch. 65.

Le 26 janvier 1994

DÉCISION DE LA COMMISSION

Le 28 octobre 1993, la Commission de révision des marchés publics (la Commission) a été saisie d'une plainte déposée par ATS Scientific Inc. (ATS). Cette plainte concernait l'acquisition, par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), d'un spectromètre d'émission à plasma, relié par couplage inductif (PCI), séquentiel, y compris l'installation et la formation, pour le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources (EMR), plus particulièrement le Centre de recherche sur le charbon de Devon, à Devon (Alberta).

Le plaignant soutient que le MAS a commis une erreur en déclarant recevable l'offre de l'adjudicataire, car il a conclu à tort qu'elle satisfaisait à deux des exigences obligatoires énoncées dans le cahier des charges.

ATS demande la résiliation du contrat, le réexamen des soumissions ou la reprise de l'appel d'offres. Il demande également le remboursement des frais raisonnables qu'il a assumés pour présenter la plainte et préparer sa soumission.

Le 3 novembre 1993, les exigences administratives et réglementaires ayant été observées, la Commission a accepté la plainte pour enquête.

Le 22 novembre 1993, le MAS a remis à la Commission le Rapport de l'institution fédérale (RIF). Une copie des parties pertinentes du RIF a été envoyée au plaignant. Le 25 novembre 1993, ce dernier a fait part de ses observations à ce sujet à la Commission, qui les a transmises au MAS.

Le 16 décembre 1993, un exemplaire du rapport préliminaire d'enquête de la Commission a été envoyé au MAS et au plaignant pour fins d'observations. Les parties ont présenté des réponses écrites, lesquelles ont été échangées par la suite. Toutes ces observations ont été ajoutées au rapport préliminaire d'enquête et font partie du Rapport d'enquête (le rapport) déposé devant la Commission.

Le rapport renferme un certain nombre d'annexes portant sur des documents que les enquêteurs de la Commission ont jugés pertinents. Ces annexes ne sont pas mentionnées explicitement dans la présente décision, mais elles ont été communiquées aux parties et, sous réserve des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, sont mises à la disposition de tous les intéressés.

Vu que l'enquête a permis à la Commission de recueillir suffisamment de renseignements pour lui permettre, à son avis, de régler la question soulevée dans la présente plainte, il a été décidé qu'il n'était pas nécessaire de tenir une audience et aucune des parties n'en a réclamée. Pour en arriver à ses conclusions, la Commission a examiné la plainte, le RIF, la réponse du plaignant au RIF, le rapport préliminaire d'enquête et les observations formulées à ce sujet par les parties, et elle a fondé ses conclusions et ses décisions sur les faits qui y sont exposés et dont les éléments pertinents sont énoncés dans la présente décision.

L'enquête

Les enquêteurs de la Commission ont étudié les allégations relatives à la présente plainte en procédant à des entrevues et en examinant des documents.

Les personnes suivantes ont participé à des entrevues directes et(ou) téléphoniques pour confirmer les diverses déclarations effectuées ou contenues dans la documentation :

M. Don Green, agent de négociation des contrats, MAS, Edmonton (Alberta); M. Kevin Flint, technicien-spécialiste de la recherche, EMR, Devon (Alberta); M. Yves Dubeau, directeur national des ventes et M. Guillaume Maupertuis, technicien d'entretien, tous deux d'ATS, Oakville (Ontario); M. Michael Brazeau, directeur général, Thermo Instruments (Canada) Inc., Mississauga (Ontario); M. Ric Willing, spécialiste des ventes, Perkin-Elmer (Canada) Limited, Nepean (Ontario); M. Gilles Poncet, directeur du service, Instrument S.A. Inc., Edison (New Jersey); et M. Mark Cullen, agent de commercialisation, Varian Canada Inc., Mississauga (Ontario).

L'adjudication

Le 18 juin 1993, le bureau du MAS à Edmonton a reçu une demande du Centre de recherche de l'Ouest d'EMR. Le besoin était décrit en ces termes :

[TRADUCTION]

1. DEMANDE D'UN SPECTROMÈTRE D'ÉMISSION À PLASMA, RELIÉ PAR COUPLAGE INDUCTIF, SÉQUENTIEL (cahier des charges ci-joint)

Le MAS a préparé un «Avis de projet de marché» (APM) qui a paru dans Marchés publics du 9 juillet 1993. Un second APM modifiant la description du matériel requis a paru dans Marchés publics du 21 juillet 1993.

Le MAS a également préparé un «Appel d'offres» (AO) portant la date du 9 juillet 1993 et fixant la date de dépouillement public des soumissions au 19 août 1993 (par la suite reportée au 12 octobre 1993), à 14 h (HAR). Le besoin y était décrit en ces termes :

[TRADUCTION]

FOURNIR ET INSTALLER UN (1) SEUL SPECTROMÈTRE D'ÉMISSION À PLASMA, RELIÉ PAR COUPLAGE INDUCTIF, SÉQUENTIEL, ET OFFRIR LA FORMATION REQUISE, CONFORMÉMENT AU CAHIER DES CHARGES CI-JOINT.

Le cahier des charges décrit en partie le matériel requis de la manière suivante :

[TRADUCTION]

1. Spectromètre à plasma relié par couplage inductif :

A. Matériel :

Obligatoire :

- spectromètre séquentiel avec derniers perfectionnements (modèle 1993)

- spectromètre sous vide avec fentes d'entrée purgées

* - gamme de 165 à 850 nm avec résolution de 0,009 nm (toutes les longueurs d'onde de cette gamme). Par exemple: dosage de S @ 180,731, Cl @ 837,597, et Al @ 167,08 [caractères gras ajoutés]

- système entièrement automatique comprenant: 1) allumage et extinction de la torche 2) sélection des longueurs d'onde 3) système d'alimentation RF 4) système porte-échantillons 5) tous les débits de gaz et de fluides de refroidissement 6) hauteur et optimalisation de la torche 7) optimalisation des pics

- système d'alimentation RF 40 MHz pouvant produire 1,7 kilowatt ou plus

- capacité d'analyse de composés organiques, inorganiques ou riches en solides ou en sels par modifications de la torche, de la chambre de vaporisation et du nébuliseur uniquement. Cette caractéristique n'est pas requise pour l'instant.

- bain de refroidissement à recirculation requis.

- optique thermiquement stabilisée [caractères gras ajoutés]

- durée de balayage de Al @ 167 à Cl @ 837 et retour au point de départ

- évaluation à 1 p.p.m. à Al @ 167 avec tous les paramètres du système indiqués

Préférence:

- modèle de table

- transformable en spectromètre simultané-séquentiel (combinaison des deux)

- pompe péristaltique à 3 canaux.

L'AO renfermait la clause de «FOURNITURES - CERTIFICATION» suivante :

B4001T 01/06/91

Fournitures - Certification

Les articles offerts sont en tous points conforme aux spécifications. OUI____ NON ____. Les différences sont :

Sept fournisseurs ont soumis 12 propositions. Un relevé de prix daté du 13 octobre 1993 et préparé par le MAS renferme la liste des 12 propositions et indique que celle de Varian se classe au deuxième rang parmi les moins élevées et que celles d'ATS occupent les quatrième et sixième rangs. Le relevé et toutes les soumissions ont été fournis à EMR par l'agent de négociation des contrats le 13 octobre 1993. Selon le MAS, on a demandé de vive voix à EMR d'évaluer les soumissions d'après le cahier des charges. De l'avis de l'agent de négociation des contrats, Varian a présenté la soumission la plus basse, sous réserve d'un examen technique.

Trois des soumissionnaires (le plaignant, l'adjudicataire et un autre soumissionnaire) ont attesté que [TRADUCTION] «le produit offert est en tous points conforme aux spécifications». Deux soumissionnaires ont indiqué qu'ils ne satisfaisaient pas aux spécifications et deux autres n'ont pas répondu à la clause de certification.

Le 19 août 1993, Varian a retourné par télécopieur une copie remplie du document d'appel d'offres du MAS et y a annexé une liste de prix datée du 15 septembre 1993 de même que des spécifications sur le papier à en-tête de la société. En plus de répondre par l'affirmative à la clause de «FOURNITURES -CERTIFICATION», Varian a ajouté ce qui suit : [TRADUCTION] «CONFORME À TOUTES LES SPÉCIFICATIONS OBLIGATOIRES - VOIR LA RÉPONSE CI-JOINTE AUX SPÉCIFICATIONS». Le cahier des charges relatif au système offert se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

1. MATÉRIEL PCI

- Spectromètre séquentiel Varian Liberty 220 à monochromateur sous vide

- modèle de table

- gamme de 160 à 900 nm

- résolution de 0,006 dans le quatrième ordre et de 0,009 entre 160 et 470 nm

...

- Mesure au pic à l'aide d'une plaque réfractrice éliminant la nécessité de la stabilisation thermique [caractères gras ajoutés]

Selon l'agent de négociation des contrats, le 12 octobre 1993, avant la date limite de dépôt des soumissions, le bureau du MAS à Edmonton a reçu de Varian des documents comprenant une lettre datée du 12 octobre 1993 qui prévoyait le remplacement, dans l'offre initiale, du produit de série 100 [Liberty 200 sous vide...] par un nouveau produit moins coûteux, de même qu'une copie de l'offre initiale. Voici une partie du contenu de cette lettre :

[TRADUCTION]

«Vu la modification de la date de clôture du présent appel d'offres, Varian Canada a lancé un nouveau système dans sa série de produits à PCI. Notre nouveau système sous vide Liberty 200ICP a remplacé le système Liberty 200 figurant dans notre offre initiale...

Notre proposition concernant le produit de série 1 doit maintenant se lire comme suit :

...Liberty 220ICP proposé à une valeur actualisée de» [montant rayé].

Ainsi modifiée, l'offre de Varian devenait la moins élevée.

Pour sa part, le plaignant, en plus de remplir les documents d'appel d'offres prescrits par le MAS, a indiqué le prix de deux systèmes, le JY-24 et le JY-38 PLUS, qu'il a présentés en détail sur le papier à en-tête de la société. Il a annexé à sa soumission des brochures du fabricant et des «Spécifications générales» décrivant en détail les systèmes offerts. À la page 2 de ces spécifications, les caractéristiques suivantes sont énoncées :

[TRADUCTION]

JY-24- Réseau indiqué
2400 traits/mm 1er et 2e ordres
160-310 nm 0,008
310-800 nm 0,016
JY-38- Réseau indiqué
Réseau dos à dos
4320 traits/mm et 2400 traits/mm
Résolution:
160-430 nm 0,006 nm
430-850 nm 0,009 nm

Les brochures du fabricant comprises dans sa soumission décrivent en partie les deux modèles :

[TRADUCTION]

JY 24 - 2400 traits/mm
Gamme 160-780 nm
Résolution pratique 17 pm [0,017 nm]
JY 38 S - 4320 traits/mm 2400 traits/mm
Gamme 160-430 nm 160-780 nm
Résolution pratique 6 pm [0,006 nm] 11 pm [0,011 nm]

D'après le plaignant, les modèles JY-38 PLUS et JY-38S constituent un seul et même système et les brochures fournies avec la soumission sont périmées. La version à jour présentée en détail dans les «Spécifications générales» représente celle qui est offerte.

Les enquêteurs de la Commission ont communiqué avec trois des soumissionnaires (non ATS), de même que le directeur du service d'Instruments S.A. Inc., la filiale américaine de Jobin Yvon Emission (le distributeur du produit d'ATS aux États-Unis), pour en savoir davantage sur la possibilité d'obtenir une résolution de 0,009 nm sur la totalité de la gamme de longueurs d'onde. Les répondants ont exprimé l'avis qu'il n'est possible d'obtenir une telle résolution que dans la partie inférieure de la gamme de longueurs d'onde.

Selon le gouvernement, l' «optique thermiquement stabilisée» peut être obtenue de plusieurs manières, à défaut de contrôler la température ambiante :

1 - par emploi dans l'optique de matériaux à dilatation nulle, comme l'a proposé un fournisseur;

2 - par emploi d'une plaque réfractrice en guise de compensation, comme l'a proposé Varian; et

3 - au moyen d'un appareil de chauffage et(ou) de refroidissement pour tenter de garder la température constante.

Le tableau ci-après, qui a été préparé par les enquêteurs de la Commission, présente l'information fournie dans chaque soumission au sujet de la gamme de longueurs d'onde et de la résolution, de même que la méthode proposée en vue de stabiliser thermiquement l'optique.

Soumis- sion

Gamme de
longueurs
d'onde

Résolution

Optique

No 1a)

b)

160-800

160-850

0,008 160-310
0,016 310-800
0,006 160-430
0,009 430-850

Le système d'optique est thermiquement stabilisé

No 2

165-800

0,011 1er ordre

Thermiquement stabilisée à 32 °C

No 3

160-900

0,009 160-470

Mesure au pic à l'aide d'une plaque réfractaire

No 4

160-800

0,009 1er et
2e ordres

Thermostatée

No 5a)

b)

c)

160-770

167-782

160-770

0,012 160-770

0,007 dans UV

0,012 160-770
0,009 160-440

Thermostatée dans le monochromateur

Thermostatée

Thermostatée

No 6a)



b)

160-850



160-850

0,008 160-335
0,018 335-670
0,04 > 670

0,008 160-335
0,018 335-670
0,04 > 670

Optique thermiquement stabilisée



Optique thermiquement stabilisée

No 7a)


b)

165-800


160-480
230-850

Construction géométrique et matériaux utilisés

Construction géométrique et matériaux utilisés

Le 14 octobre 1993, EMR a fait parvenir la lettre suivante au MAS :

[TRADUCTION]

Nous avons examiné toutes les soumissions reçues et avons accepté votre recommandation, c'est-à-dire, adjuger le contrat à Varian Canada pour son spectromètre d'émission à plasma relié par couplage inductif sous vide Liberty 220.

Les tableaux ci-joints renferment une comparaison de tous les systèmes disponibles. Deux sociétés n'ont pas soumissionné et sont donc éliminées du processus. Le système de Varian satisfait à toutes nos exigences; en outre, il est le moins coûteux. Les autres soumissionnaires ont été éliminés soit parce que leurs spécifications étaient insatisfaisantes, soit parce que leurs systèmes étaient plus coûteux que celui de Varian.

Selon EMR, les tableaux susmentionnés ont été préparés avant la demande, pour déterminer le type de matériel offert sur le marché. Plusieurs fournisseurs ont été appelés à déposer des renseignements et des brochures sur des systèmes à PCI séquentiels. À mesure qu'EMR a reçu l'information, les tableaux ont été mis à jour pour comparer les données de chaque fournisseur et les besoins d'EMR. À partir des renseignements fournis et après discussion auprès des spécialistes de l'industrie, EMR en est venu à la conclusion qu'il avait une idée assez précise des systèmes offerts sur le marché. Le cahier des charges a alors été établi.

Le 18 octobre 1993, un contrat a été adjugé de vive voix à Varian.

Dans une lettre datée du 18 octobre 1993, ATS a reçu l'information suivante : [TRADUCTION] «Le contrat à l'égard de ce projet ne vous a pas été adjugé, car nous avons retenu une offre plus intéressante.»

Le 25 octobre 1993, ATS a envoyé le message télécopié ci-après au MAS et ce dernier l'a fait parvenir à EMR pour qu'il y donne suite :

[TRADUCTION]

...Permettez-moi de vous signaler que le système Liberty 200 de Varian ne satisfait pas à trois (3) des spécifications obligatoires relatives au matériel, notamment :

(1)- Gamme de 165 à 850 nm avec résolution de 0,009 nm (pour toutes les longueurs d'onde de cette gamme)...

La résolution (d'après la fiche technique annexée tirée du dépliant de Varian) de 160 à 900 nm est de 0,018!

(2)- Optique thermiquement stabilisée

Le système à PCI de Varian ne possède pas de système thermique de stabilisation de l'optique.

(3)- Poste de conditionnement des échantillons

Obligatoire

- Auto-échantillonneur commandé par ordinateur pouvant contenir 120 échantillons et 10 étalons

D'après la fiche technique de Varian, la capacité maximale de son auto-échantillonneur est de 100 échantillons.

Je m'oppose officiellement à l'adjudication d'un contrat à Varian pour les motifs susmentionnés.

Le 27 octobre 1993, le MAS a répondu à ATS au moyen d'une lettre dont une partie du contenu est reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

...J'ai transmis votre lettre aux autorités scientifiques du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources [...] qui ont répondu ainsi :

Point 1 La résolution indiquée par le fabricant est celle de la partie inférieure de la gamme de longueurs d'onde où elle est la meilleure. Le chiffre indiqué par [nom rayé] et tiré de la fiche technique de Varian est la résolution moyenne de la partie inférieure à la partie supérieure de la gamme des longueurs d'onde et est en conséquence beaucoup plus grande que 0,009 nm. Une caractéristique obligatoire du PCI recherché était de couvrir la gamme de 165 à 850 nm et de pouvoir travailler sur chacune des longueurs d'onde de cette gamme. L'expression «toutes les longueurs d'onde» ne renvoie pas à la résolution, mais bien à la gamme des longueurs d'onde. Il est impossible d'obtenir une résolution de 0,009 nm sur la gamme allant de 165 nm à 850 nm. La résolution spécifiée est celle pouvant être obtenue aux basses longueurs d'onde. Le spectromètre Varian présente cette caractéristique, puisque sa gamme va de 160 nm à 900 nm et que sa résolution dans la partie inférieure de cette gamme est de 0,006 nm.

Point 2 Dans le cas présent, il convient d'éviter que des variations de la température ambiante influent sur la réponse de l'appareil. Ce dernier doit donc être doté d'un mécanisme qui en uniformise la réponse même si la température ambiante fluctue. Cela peut se faire de plusieurs manières. La moins commode consiste à contrôler très précisément la température ambiante. Une autre manière à laquelle ont recours certains fabricants consiste à employer dans l'optique des matériaux à dilatation nulle, de sorte que les variations de température n'ont aucun effet. La manière dont le spectromètre Varian surmonte ce problème de dilatation et de contraction, comme le précise ce fabricant dans sa soumission et dans sa fiche technique, consiste à exploiter une méthode dite «mesure au pic» grâce à l'emploi d'une plaque réfractrice. Cette méthode permet de compenser tout décalage puisque la mesure est effectuée à la position théorique du pic, avec balayage de 0,2 nm de part et d'autre pour déterminer la position réelle du pic. L'appareil Varian répond donc à la caractéristique obligatoire.

Point 3 L'appareil Varian répond à la caractéristique obligatoire de présenter un auto-échantillonneur pouvant contenir 120 échantillons et 10 étalons, et offre même une caractéristique supérieure. La fiche technique du SPS-5 précise que l'appareil peut recevoir 5 porte-échantillons. Le porte-échantillons qu'offre Varian peut contenir 100 échantillons, de sorte que l'appareil peut contenir 500 échantillons, soit 370 de plus qu'il n'est exigé.

Selon ces explications, non seulement le système de Varian est-il conforme au cahier des charges, mais il est le produit faisant l'objet de la soumission la plus basse [...]

Le plaignant a accepté cette réponse en ce qui a trait à l'auto-échantillonneur (point 3) et ne conteste plus ce point.

Dans une lettre datée du 28 octobre 1993, ATS a déposé la plainte en cause.

Discussion

ATS fonde essentiellement sa plainte sur le fait que le MAS a commis une erreur en adjugeant le contrat à Varian, car il n'a pas évalué les soumissions conformément aux exigences énoncées dans l'AO.

L'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange (la Loi) prévoit que dans l'examen de la plainte, la Commission tient compte des exigences de l'article 1305 de l'Accord de libre-échange (ALÉ) et autres «formalités réglementaires et détermine si elles ont été respectées lors de l'adjudication objet de la plainte».

De l'avis de la Commission, pour l'examen de la plainte d'ATS, deux formalités réglementaires doivent être prises en compte avant de rendre une décision.

Le Chapitre 13 de l'ALÉ, dont il est question au paragraphe 21(1) de la Loi, comprend l'Accord du GATT relatif aux marchés publics (le Code). L'alinéa 15j) de l'article V du Code se lit comme suit :

La présentation, la réception et l'ouverture des soumissions, ainsi que l'adjudication des marchés, seront conformes à ce qui suit :

j) les adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l'appel d'offres. [caractères gras ajoutés]

De même, le paragraphe 4 de l'article 1305 de l'ALÉ se lit en partie comme suit :

...chaque Partie veillera à ce que soient maintenus des documents et dossiers complets, y compris un relevé de toutes les communications ayant une incidence importante sur chaque marché...

Il ne reste donc plus à la Commission qu'à statuer sur la question de savoir si le MAS s'est conformé aux formalités réglementaires lorsqu'il a évalué la soumission de l'adjudicataire du point de vue des questions soulevées dans la plainte et qu'il a adjugé le contrat.

La première des deux exigences obligatoires soulevées par le plaignant est la suivante :

[TRADUCTION]

* - Gamme de 165 à 850 nm avec résolution de 0,009 nm (toutes les longueurs d'onde de cette gamme). Par exemple: dosage de S @ 180,731, Cl @ 837,597 et Al @ 167,08

En réponse à cette spécification obligatoire, un seul soumissionnaire, ATS, a offert une résolution non supérieure à 0,009 nm pour la gamme de longueurs d'onde allant de 165 à 850 nm.

Dans le RIF, le gouvernement soutient que le cahier des charges exigeait la [TRADUCTION] «MEILLEURE résolution dans toutes les gammes de longueurs d'onde» et qu'il n'est pas possible d'obtenir une résolution de 0,009 nm sur la gamme de longueurs d'onde allant de 165 à 850 nm». Il convient également de noter que même si le plaignant a indiqué que l'instrument qu'il offre pouvait satisfaire à cette exigence avec une résolution de 0,009 nm sur toute la gamme de longueurs d'onde (165 à 850 nm), les documents techniques qu'il a fournis dans le cadre de sa soumission contredisent cet énoncé. Trois des soumissionnaires consultés à ce sujet au cours de l'enquête, y compris un distributeur du produit d'ATS aux États-Unis, ont révélé qu'il n'est possible d'obtenir une résolution de 0,009 nm que dans la partie inférieure de la gamme de longueurs d'onde.

La Commission doit néanmoins fonder sa décision sur la spécification établie dans l'AO. Elle se demande pourquoi, après avoir indiqué la gamme de longueurs d'onde et la résolution requises, le gouvernement ajoute entre parenthèses, immédiatement après «résolution de 0,009 nm», «toutes les longueurs d'onde de cette gamme». Cette phrase est-elle superflue? Cela signifierait-il que pour être admissible un soumissionnaire doit offrir un spectromètre pouvant atteindre une résolution de 0,009 nm sur toute la gamme de longueurs d'onde allant de 165 à 850 nm?

À cet égard, la Commission conclut que d'après la spécification établie dans l'AO et les réponses des soumissionnaires, il est raisonnable de croire que le gouvernement recherchait la résolution énoncée dans le cahier des charges pour couvrir au moins la partie inférieure de la gamme de longueurs d'onde. La Commission ajoute que le sens conféré à cette caractéristique par le plaignant est également raisonnable. La Commission est donc d'avis que cette exigence obligatoire est assujettie à plus d'une interprétation raisonnable et que dans les circonstances les méthodes d'évaluation appliquées et les motifs fournis par le gouvernement lorsqu'il a rendu ces décisions constituent un facteur primordial de toute conclusion à ce sujet. Cette question est abordée plus loin dans le présent document.

La deuxième question soulevée par le plaignant a trait à une autre exigence obligatoire, l'«optique thermiquement stabilisée». Le plaignant soutient que le gouvernement recherchait un spectromètre possédant cette caractéristique particulière. Le gouvernement a répondu ainsi : [TRADUCTION] «il convient d'éviter que des variations de la température ambiante influent sur la réponse de l'appareil. Ce dernier doit donc être doté d'un mécanisme qui en uniformise la réponse même si la température ambiante fluctue.» Le gouvernement a ensuite ajouté que cela peut se faire de plusieurs façons, dont celle proposée par l'adjudicataire.

À ce sujet, la Commission a examiné les soumissions reçues pour en savoir davantage peut-être sur la façon dont les spécialistes ont interprété cette exigence, et elle a remarqué que pour ce qui est de l'«optique thermiquement stabilisée», la plupart des soumissionnaires ont offert un dispositif thermique, ce qui n'est pas le cas de l'adjudicataire. En fait, il est un élément très important dans sa soumission : [TRADUCTION] «Mesure au pic à l'aide d'une plaque réfractrice éliminant la nécessité de la stabilisation thermique» [caractères gras ajoutés].

Compte tenu des réponses générales des spécialistes (quoique en soi elles ne constituent pas des preuves déterminantes), la réponse de Varian à cette exigence et le libellé de l'exigence (même interprétée de façon libérale), la Commission est d'avis que le gouvernement n'a pas correctement évalué la soumission de l'adjudicataire relativement à l'exigence essentielle énoncée dans les documents de l'appel d'offres. Le gouvernement aurait bien pu avoir l'intention d'accepter une autre méthode pour uniformiser la réponse des instruments; dans ce cas, il aurait du le préciser dans le cahier des charges.

Pour ce qui est des méthodes d'évaluation précitées, la Commission conclut que pour évaluer les exigences obligatoires, le gouvernement n'a pas eu recours à une méthode systématique et n'a pas non plus justifié convenablement ses décisions. Lorsqu'elle a demandé au gouvernement de lui remettre une fiche d'évaluation, la Commission a reçu un document manifestement incomplet et ambigu, qui renfermait par endroits des données contradictoires. L'enquête a également permis de constater que le gouvernement a préparé un tableau des prix des offres même si ce document ne figurait pas dans le dossier du marché lorsque la Commission a reçu ce dernier du gouvernement.

À partir des renseignements que lui a remis le gouvernement, la Commission a conclu que la méthode d'évaluation technique appliquée par le gouvernement manque de transparence. Des décisions ont été prises à partir d'une méthode d'évaluation et de motifs qui n'étaient pas justifiés dans le dossier du marché. Le gouvernement a l'obligation de maintenir des documents et des dossiers complets, y compris toutes les communications ayant une incidence importante sur chaque marché, de sorte que l'on puisse vérifier si le processus de passation des marchés à l'étude s'est déroulé conformément aux formalités réglementaires.

En conclusion, la Commission est d'avis que le gouvernement n'a pas adjugé le contrat conformément à au moins l'une des deux exigences essentielles précisées dans les documents d'appel d'offres qui font l'objet du présent litige. En outre, la Commission estime que le gouvernement n'a pas maintenu des documents et dossiers complets ayant une incidence importante sur le présent marché.

En conséquence, vu que le spectromètre n'a pas été livré, la Commission recommande la résiliation du contrat et, si le besoin subsiste, la reprise du processus d'appel d'offres.

Le plaignant a droit au remboursement des frais entraînés par le dépôt et l'instruction de la plainte.

DÉCISION

La Commission a décidé que le marché conclu par le ministère des Approvisionnement et Services n'est pas conforme à toutes les exigences dont il est question à l'article 17 de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada — États-Unis, car le ministère n'a pas effectué l'évaluation comme prévu dans l'appel d'offres ni maintenu de documents et dossiers complets ayant une incidence importante sur le présent marché.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission statue en faveur du plaignant et lui accorde le remboursement des frais entraînés par le dépôt et l'instruction de la plainte. En outre, après avoir constaté que le spectromètre n'a pas encore été livré, la Commission recommande la résiliation du contrat et, si le besoin subsiste, la reprise du processus d'appel d'offres.

J. Craig Oliver
_________________________
J. Craig Oliver
Président
Commission de révision des marchés publics du Canada


[ Table des matières]

Publication initiale : le 29 août 1997