ACCUTEL SYSTÈMES DE TÉLÉCONFÉRENCES INC.

Décisions


ACCUTEL SYSTÈMES DE TÉLÉCONFÉRENCES INC.
Dossier : PR-96-035

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 5 juin 1997

Dossier : PR-96-035

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Accutel Systèmes de téléconférences Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux annule le marché public. Dans tout marché public subséquent portant sur la prestation de services de téléconférence, les exigences et les critères d’évaluation doivent être définis d’une manière claire, précise et complète conformément à toutes les attentes à l’endroit des services et des procédures et obligations de tous les accords applicables.

Aux termes des paragraphes 30.15(4) et 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à la société Accutel Systèmes de téléconférences Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation d’une réponse à l’appel d’offres et pour le dépôt et le traitement de sa plainte.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 5 juin 1997

Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant

Plaignant : Accutel Systèmes de téléconférences Inc.

Avocat pour le plaignant : Marc R. Duguay

Intervenant : Advanced Multi-Point Conferencing Inc.

Intervenant : ConferTech Canada Inc.

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des
Services gouvernementaux

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

INTRODUCTION

Le 7 mars 1997, la société Accutel Systèmes de téléconférences Inc. (Accutel) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) concernant le marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) (numéro d’invitation EN994-6-2960/B) portant sur la prestation de services de téléconférence et la fourniture de matériel.

Accutel allègue que le gouvernement : 1) a défini de nouveaux critères obligatoires, non publiés au préalable, après la date de clôture des soumissions, dont l’application a eu pour effet que sa soumission a été déclarée non conforme; 2) a appliqué des critères d’évaluation qui n’avaient pas clairement été indiqués dans la demande de proposition (la DP); 3) a retenu, jusqu’après la clôture des soumissions, de l’information essentielle qui aurait dû être énoncée dans la DP; 4) a induit Accutel en erreur et lui a porté atteinte parce que de nouveaux critères ont été appliqués après la clôture des soumissions, alors qu’Accutel s’était raisonnablement et correctement fiée à l’information et aux critères indiqués dans la DP. À l’appui de ses allégations, Accutel déclare que le refus du gouvernement d’accueillir sa demande de visiter le site de prestation des services a eu pour effet de la priver de l’occasion de constater directement combien d’opérateurs étaient nécessaires et que la façon dont le gouvernement a interprété la lettre d’Accutel datée du 7 février 1997, c’est-à-dire comme une tentative de modification de la proposition, a vicié davantage la procédure de passation du marché public. Étant donné les explications qui précèdent, Accutel soutient que le gouvernement a enfreint le chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur [2] (l’ACI) et, à l’appui de son assertion, a renvoyé à l’article 501, au paragraphe 506(6) et à l’alinéa 504(3)b) de l’ACI.

Si sa plainte est accueillie, Accutel demande, à titre de mesures correctives, que sa soumission soit déclarée conforme et recevable et que l’évaluation des soumissions se poursuive en tenant compte de toutes les soumissions conformes, y compris la sienne. À titre de solution de rechange, elle demande que le marché lui soit adjugé et, comme deuxième solution de rechange, que l’invitation à soumissionner soit annulée et que le marché en question fasse l’objet d’un nouvel appel d’offres. Accutel a aussi demandé le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte et la préparation de la soumission. En outre, si le marché est finalement adjugé à un autre soumissionnaire, Accutel voudrait se voir accorder une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle a perdus et, plus précisément, des profits qu’elle aurait pu tirer du marché si ce dernier lui avait été adjugé.

CONTEXTE

Le 7 mars 1997, le Tribunal a déterminé, sur la foi des renseignements au dossier, que les conditions d’enquête précisées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [3] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte. Le 11 mars 1997, le Tribunal a publié une ordonnance de report d’adjudication de tout marché se rapportant à l’invitation à soumissionner en question et ce, jusqu’à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 17 mars 1997, le Tribunal a autorisé la société Advanced Multi-Point Conferencing Inc. (AMC) à intervenir dans l’affaire et, le 4 avril 1997, il a aussi autorisé la société ConferTech Canada Inc. (ConferTech) à intervenir. AMC et ConferTech ont déposé auprès du Tribunal leurs observations sur la plainte les 20 mars et 8 avril 1997 respectivement. Le 7 avril 1997, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (le RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] . AMC et ConferTech ont déposé auprès du Tribunal leurs observations sur le RIF les 17 et 15 avril 1997 respectivement. ConferTech a aussi déposé des observations supplémentaires auprès du Tribunal, les 1er et 9 mai 1997. Accutel a déposé ses observations sur le RIF le 18 avril 1997 et, subséquemment, ses observations sur les exposés des intervenants les 5 et 14 mai 1997.

Étant donné la portée et la nature des renseignements figurant au dossier, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a rendu une décision en se fondant sur le dossier existant.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 3 septembre 1996, le Ministère a publié une lettre d’intérêt pour solliciter les observations des membres de l’industrie des services de téléconférence sur un énoncé de travail (EDT) provisoire relatif à un besoin à venir du gouvernement en services de téléconférence. Le Ministère a reçu des observations sur l’EDT provisoire d’un certain nombre de sociétés, y compris Accutel et il a, par la suite, précisé ses spécifications en tenant compte des recommandations des entreprises intéressées.

Le 20 novembre 1996, le Ministère a publié la DP par l’entremise du Service d’invitations ouvertes à soumissionner. La date de clôture des soumissions était le 18 décembre 1996.

La DP contenait, à l’appendice « A », un EDT qui décrivait les spécifications fonctionnelles et techniques des services de téléconférence. Une des désignations suivantes était indiquée en regard de chaque élément particulier de l’EDT : « obligatoire », « souhaitable » ou « à titre d’information » [traduction]. L’article 2.1.3 concernait un critère désigné « obligatoire » et indiquait ce qui suit :

Il est obligatoire que le soumissionnaire fournisse ce qui suit :

a) la capacité totale du service proposé pour chaque année du trafic prévu indiqué à l’article 6.0;

b) la conception et l’évolution du service (là et quand du matériel supplémentaire est ajouté);

c) l’emplacement physique ou les emplacements physiques (y compris l’adresse complète) où se trouvera le matériel utilisé pour fournir le service.

Le trafic prévu est décrit comme suit à l’article 6.0 de l’EDT :

6.2.2 Trafic prévu

Année civile

Nbre de réservations

Nbre d’annulations

Nbre de conférences

1997

29 500

4 425

25 075

1998

31 860

4 779

27 081

1999

33 771

5 065

28 706

2000

35 121

5 268

29 853

2001

35 900

5 385

30 515

6.2.3 Ventilation prévue des types d’appels

Selon la durée en minutes

[Accès extérieur avec préposé]

[Accès intérieur avec préposé]

[Téléconférence Rendez-vous]

1997

86 %

1 %

13 %

1998

83 %

1 %

16 %

1999

80 %

1 %

19 %

2000

77 %

1 %

22 %

2001

74 %

1 %

25 %

Selon le type d’appel

1997

83 %

3 %

14 %

1998

80 %

3 %

17 %

1999

77 %

3 %

20 %

2000

74 %

3 %

23 %

2001

72 %

3 %

25 %

6.2.4 Prévisions pour les portes d’accès à la passerelle

Année civile

Nbre de portes d’accès aux heures de pointe

1997

376

1998

406

1999

430

2000

447

2001

457

Nota : Le besoin en termes de portes d’accès aux heures de pointe se fonde sur les hypothèses suivantes :

1. Il est supposé que le nombre de conférences durant le mois le plus occupé est 10 p. 100 du nombre annuel total de conférences.

2. Il est supposé que le nombre de portes d’accès requis durant les heures de pointe est 15 p. 100 du nombre mensuel total de conférences.

Par exemple :

Nombre de conférences par année = 25 075

Nombre de conférences durant le mois le plus occupé = 27 075 x 0,1 = 2 507,5

Ports requis durant l’heure de pointe=2 507,5 x 0,15 = 376

Plage du nombre de portes d’accès (+ ou - 10 p. 100) = de 338 à 414

[Traduction]

La DP ne faisait aucunement mention d’un nombre minimum requis de terminaux et d’opérateurs, ni qu’il était prévu que la plupart des conférences devaient commencer à l’heure ou la demi-heure juste.

Le 2 décembre 1996, Accutel a demandé de visiter le site afin d’évaluer si la passerelle en place était suffisante pour fournir le service au cours des trois à cinq années suivantes ainsi que pour réagir à l’article 1.2.6 b) de l’EDT visant la garantie d’un service de soutien transparent durant toute période de transition du service actuel à celui offert par un nouvel entrepreneur. La demande de visite du site a été rejetée.

En réponse à la DP, le Ministère a reçu trois propositions, soit une proposition de chacune des sociétés suivantes : Accutel, ConferTech et AMC.

Les propositions techniques soumises par Accutel, ConferTech et AMC ont été examinées par les Services gouvernementaux de télécommunications et d’informatique du Ministère et son Secteur des sciences, de l’informatique et des services professionnels dans le but de déterminer si elles étaient conformes aux exigences obligatoires établies dans la DP. Selon le Ministère, la proposition d’Accutel ne semblait pas être en mesure de traiter le trafic prévu. Le 21 janvier 1997, une demande d’éclaircissements a été envoyée par télécopieur à Accutel, portant, entre autres, sur l’article 2.1.3 b). En ce qui a trait à cet article, le Ministère a demandé qu’Accutel « précise en détail la façon dont le service de base qu’[elle] proposait traiterait le trafic prévu décrit à l’article 6 avec huit terminaux de réservation et opérateurs, étant donné le pourcentage élevé (89 p. 100) d’appels avec préposé » [traduction].

Le 29 janvier 1997, Accutel a répondu à la demande d’éclaircissements par une lettre qui précisait la façon dont elle proposait de répondre aux besoins énoncés à l’article 2.1.3 b). Dans sa lettre, Accutel a déclaré que les huit terminaux prévus, indiqués dans sa proposition, suffiraient aux fins du Ministère et a expliqué pourquoi. Cependant, Accutel a déclaré que, si d’autres terminaux et opérateurs se révélaient nécessaires au-delà des prévisions indiquées pour l’évolution du matériel, elle les installerait immédiatement.

L’agent d’approvisionnement a présenté une autre demande d’éclaircissements portant sur les aspects de la technologie qu’entendait appliquer Accutel, et une rencontre a été tenue le 5 février 1997 à cet égard. Accutel a alors été informée qu’elle n’avait pas suffisamment d’opérateurs pour répondre aux besoins du gouvernement, étant donné le trafic prévu. À cette réunion, Accutel s’est clairement rendu compte que le Ministère posait comme hypothèse que les réservations commençaient principalement à l’heure ou à la demi-heure juste.

Accutel a fait parvenir au Ministère une lettre de suivi de la réunion, le 7 février 1997, dans laquelle elle fournissait des détails sur l’échelonnement des heures de début des conférences et sur la façon dont elle répondrait aux exigences du trafic indiqué dans la DP avec les huit terminaux prévus. Comme solution de rechange, elle proposait d’augmenter le nombre de terminaux et d’opérateurs, si le Ministère continuait d’exiger que les clients déterminent eux-mêmes l’heure du début des conférences.

Le 21 février 1997, le Ministère a envoyé une lettre à Accutel, déclarant la proposition de cette dernière non conforme parce que « la conception de services proposés comprenant huit terminaux et opérateurs ne répond pas aux exigences en matière de services opérationnels des [Services gouvernementaux de télécommunications et d’informatique] » [traduction]. Il y était aussi affirmé que le nombre de terminaux proposé dans la lettre d’Accutel datée du 7 février 1997 constituait une modification de la proposition originale qui ne pouvait être acceptée. Le même jour, Accutel a fait parvenir une lettre au Ministère faisant opposition à la détermination de non-conformité de sa proposition et affirmant qu’à son avis, cette détermination était fondée sur des critères non indiqués.

Le 6 mars 1997, le Ministère a refusé d’accepter l’argument d’Accutel dans une lettre qui précisait, en partie : « il incombe aux soumissionnaires de comprendre les services à l’endroit desquels ils soumettent une offre et chaque soumissionnaire est responsable d’obtenir des éclaircissements nécessaires sur tout aspect de la DP qui, à son avis, lui permettra de mieux comprendre le besoin, et ainsi de présenter une offre conforme » [traduction].

Le 7 mars 1997, Accutel a déposé une plainte auprès du Tribunal.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position d’Accutel

Accutel a soutenu que les actions du Ministère lors de la passation du marché public en question, telles qu’elles sont décrites à la section d’introduction de la présente décision, considérées dans leur ensemble ou une à une, équivalent à un déni d’équité de la procédure de soumission et, par surcroît, constituent une violation du chapitre cinq de l’ACI. Accutel a indiqué qu’elle ne s’objecte pas à la DP ni à son contenu. Plutôt, elle a souligné l’importance et le contenu des critères de la DP auxquels elle a satisfait dans sa réponse à la DP. La plainte porte principalement sur le fait que le Ministère a ajouté de nouveaux critères obligatoires et des informations nouvelles après la clôture des soumissions, le 18 décembre 1996.

Accutel a en outre soutenu ne pas avoir appris, avant sa réunion du 5 février 1997, que les téléconférences devaient généralement commencer à l’heure ou à la demi-heure juste, puisque cette exigence n’était pas incluse dans les documents d’appel d’offres. Accutel est d’avis que, puisqu’un soumissionnaire doit raisonnablement s’attendre à ce que tous les critères obligatoires soient inclus dans les documents d’appel d’offres, son ignorance de ce critère l’a placée dans une position injuste par rapport à ConferTech. Elle a en outre fait valoir que le Ministère devrait être empêché d’ajouter ce critère, nouveau et non annoncé, à la procédure de passation du marché public et que le Ministère devrait être contraint de respecter, comme l’ont été les soumissionnaires, l’EDT initialement énoncé dans la DP.

Dans sa réponse au RIF, Accutel a présenté un argument mathématique pour démontrer que le « scénario de la pire éventualité », décrit par le ministère dans le RIF, serait impossible à réaliser sans échelonnement des heures de début des conférences. Elle a aussi soutenu que le titulaire du contrat était le seul soumissionnaire, c’est-à-dire que le nombre actuel de 12 terminaux était insuffisant selon le gouvernement. Cependant, Accutel a fait valoir que le lancement d’un nouvel appel d’offres portant sur ce besoin la placerait dans une situation désavantageuse parce que, maintenant, ses concurrents se rendent compte que leur avantage réside peut-être dans des applications technologiques qui réduisent le nombre d’opérateurs. Accutel a proposé que le Tribunal annonce, sur la foi des éléments de preuve portant sur les prix, le soumissionnaire conforme au prix le plus bas ayant droit d’exécuter le marché qui résulte.

Position du Ministère

En réponse à la plainte, le Ministère a déclaré dans le RIF que la DP peut ne pas avoir été « suffisamment claire » quant au critère obligatoire qui a fondé la déclaration de non-conformité de la proposition d’Accutel. Étant donné qu’il n’a pas commencé l’évaluation financière des propositions et qu’aucun marché n’a été adjugé, le Ministère a indiqué qu’il était disposé à lancer un nouvel appel d’offres pour répondre au besoin en question.

Le Ministère a ensuite poursuivi sa réponse en traitant chacune des allégations spécifiques d’Accutel. Le Ministère a nié les allégations comme quoi il aurait défini un nouveau critère obligatoire après la clôture des soumissions, qu’il aurait appliqué un critère d’évaluation qui n’avait pas été indiqué dans la DP et que de l’information essentielle a été refusée à Accutel jusqu’après la clôture des soumissions. Plus précisément, il a déclaré que, bien que la DP n’indiquait pas que le début des conférences devait se faire à l’heure ou à la demi-heure juste, l’EDT contenait suffisamment d’information pour qu’un soumissionnaire expérimenté déduise cette exigence. De plus, si Accutel avait correctement interprété les données statistiques sur le trafic énoncées dans l’EDT, ou avait demandé des éclaircissements à cet égard, elle se serait rendu compte qu’au moins 15 terminaux étaient nécessaires. Accutel a plutôt interprété la déclaration de l’équipe d’évaluation technique, à la réunion du 5 février 1997, comme constituant l’ajout d’un nouveau critère obligatoire. Le Ministère a soutenu qu’Accutel n’a pas été induite en erreur ni n’a subi d’effets préjudiciables en raison de l’ajout de « nouveaux critères », mais plutôt que sa proposition était fondée sur son interprétation erronée de l’EDT ou son omission de demander des éclaircissements à cet effet. Le Ministère a aussi fait observer que les autres soumissionnaires ont correctement interprété le besoin et ont été en mesure de proposer un niveau convenable de service.

En ce qui a trait à l’allégation d’Accutel selon laquelle le refus du Ministère de lui accorder la permission de visiter le site de prestation des services a donné un avantage indu à ConferTech, le Ministère a fait valoir que, au moment où la demande de visite a été soumise par Accutel, soit le 2 décembre 1996, il était d’avis que, étant donné les motifs alors avancés par Accutel, cette visite n’était pas nécessaire et l’information recherchée par Accutel n’était pas pertinente à la présentation d’une proposition. Le Ministère ajoute qu’il n’était pas en mesure d’accorder unilatéralement l’accès au site.

En ce qui a trait à l’allégation d’Accutel selon laquelle le Ministère aurait, incorrectement, qualifié la tentative faite par Accutel pour répondre au « nouveau critère » comme une tentative de modification de la proposition originale, le Ministère a déclaré que c’est Accutel qui, durant la réunion du 5 février 1997, a avisé l’équipe d’évaluation qu’elle était disposée à fournir un plus grand nombre de terminaux que les huit terminaux proposés dans sa soumission.

Position des intervenants

AMC

Dans sa lettre du 20 mars 1997, AMC a déclaré que, sous la foi de l’information fournie dans la DP, elle croyait que ConferTech n’avait que 6 postes d’opérateurs et en a fait mention au Ministère, mais n’a jamais été avisée que son impression était erronée. Même si elle a proposé de 15 à 18 postes d’opérateurs, elle a reconnu qu’Accutel peut avoir été induite en erreur par la DP. AMC a aussi indiqué que, à son avis, la DP était partiale en faveur de du matériel fabriqué par ConferTech.

ConferTech

Dans sa lettre du 8 avril 1997, ConferTech a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de dévoiler que la plupart des appels conférences débutent à l’heure ou à la demi-heure juste puisque c’est là le fait de plus de 95 p. 100 de tous les appels dans l’industrie des téléconférences. De plus, tout fournisseur compétent aurait su ce fait ou se serait informé en cas de doute. Dans sa lettre du 15 avril 1997, ConferTech a indiqué son désaccord avec la proposition du Ministère de lancer une nouvelle DP, puisque le Ministère était en possession de sa proposition depuis plus de trois mois. Elle a aussi déclaré qu’il était à la fois équitable et compréhensible pour quiconque faisant partie de l’industrie des téléconférences, que la proposition d’Accutel soit jugée non conforme. Dans sa lettre du 1er mai 1997, ConferTech a déclaré, relativement à la plainte, que la proposition d’Accutel portant sur l’échelonnement des temps de début des téléconférences démontre le manque d’expérience et de connaissances d’Accutel en matière de réponse aux besoins de la prestation des services de téléconférence nécessaires au gouvernement. Elle a déclaré qu’une entreprise qui dispose à la fois de l’expérience et des ressources disponibles pour fournir le service au cours des périodes de demande maximale de services gouvernementaux de téléconférence planifierait probablement un service à partir des besoins médians, en y ajoutant une certaine capacité supplémentaire. ConferTech a réitéré sa préoccupation quant à l’annulation possible et au lancement d’un nouvel appel d’offres portant sur le marché public en question. Dans une lettre soumise au Tribunal le 9 mai 1997, ConferTech a fait valoir que la proposition d’Accutel a correctement été jugée non conforme, puisqu’elle ne comportait pas suffisamment de postes d’opérateurs, ni de préposés pour répondre à la demande indiquée à l’article 6.0 de l’EDT.

Décision du Tribunal

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, au terme de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établies par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit, entre autres, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ACI.

Le paragraphe 506(6) de l’ACI prescrit que le Ministère doit énoncer clairement, dans les documents d’appels d’offres, les critères qui seront appliqués à l’évaluation des soumissions, y compris les méthodes de pondération de ces critères. Le Tribunal est d’avis que la plainte porte essentiellement sur le fait que la proposition d’Accutel a injustement été déclarée non conforme sur la foi de critères d’évaluation qui n’ont pas été indiqués clairement ou qui n’ont pas été indiqués du tout.

Le Ministère a déclaré, dans le RIF, que la DP peut ne pas avoir été suffisamment claire quant au critère obligatoire qui a fondé la déclaration de non-conformité de la proposition d’Accutel. De l’avis du Tribunal, le critère obligatoire qui a fondé la déclaration de non-conformité de la proposition d’Accutel non seulement n’était pas clairement indiqué mais n’était pas inclus dans la DP. Si, comme le Ministère et ConferTech l’affirment, la plupart, sinon tous les appels téléconférences commencent à l’heure ou à la demi-heure juste, ainsi que le demandent habituellement les utilisateurs des services, il s’agit là d’une information importante et cruciale qui n’a pas été donnée dans la DP. Si le Ministère applique ensuite cette information à l’évaluation des propositions au détriment des fournisseurs qui ont adopté une méthode différente, alors ces derniers ont injustement été placés dans une situation désavantageuse. Le Tribunal est d’avis que donner dans la DP des prévisions de trafic sans inclure de directives précises sur la façon d’aménager la réponse à ce trafic ne suffit pas, si le Ministère entretient certaines attentes minimums.

Le Tribunal est d’avis que le Ministère, lorsqu’il a déclaré la proposition d’Accutel non conforme en se fondant sur un critère qui n’avait pas été clairement indiqué dans les documents d’appel d’offres, a enfreint les exigences de l’ACI en matière de procédures, et plus précisément le paragraphe 506(6) et que, par conséquent, la plainte est fondée.

À titre de mesures correctives, le Tribunal recommande que le marché public actuel soit annulé et que la description du besoin soit réécrite afin d’y inclure clairement toutes les exigences valides des services de téléconférence ainsi que la méthode d’évaluation qui sera appliquée aux propositions. Une fois cette tâche accomplie, le marché public devra être passé en conformité avec toutes les procédures applicables.

Le Tribunal accorde aussi à Accutel le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation d’une réponse à l’appel d’offres et pour le dépôt et le traitement de sa plainte, de sorte qu’Accutel se retrouve dans la même position qu’avant le début de la procédure de passation du marché public en question.

Dans l’examen qu’il a fait des mesures correctives appropriées à la présente affaire, le Tribunal a tenu compte des exposés des parties sur l’importance de commencer les téléconférences à l’heure et à la demi-heure juste, par rapport à l’échelonnement des temps de début, ainsi que de l’incidence de diverses mesures correctives. ConferTech a soutenu que le début des conférences à l’heure et à la demi-heure juste est la norme dans l’industrie. Le Ministère a fait valoir que le temps de début demandé par les utilisateurs de services (en général à l’heure ou à la demi-heure juste) doit être respecté dans toute la mesure du possible. Accutel a proposé un système fondé sur des temps de début échelonnés, un système qui, selon elle, pourrait répondre aux besoins prévus indiqués dans la DP. Accutel a fait valoir que, puisque le critère portant sur le début à l’heure ou à la demi-heure juste n’était pas dans la DP à l’origine, le marché public devrait être mené jusqu’à sa conclusion et sa proposition jugée recevable. Même si le Tribunal arrive à la conclusion que la plainte est fondée, il est d’avis qu’il ne serait pas approprié dans les circonstances de recommander la poursuite du marché public à titre de mesures correctives dans la présente affaire, comme Accutel l’a proposé, alors qu’un tel marché public pourrait ne pas refléter convenablement les besoins ou les exigences du gouvernement. Cependant, permettre dans la présente affaire que la procédure de passation du marché public se continue, alors que les critères d’évaluation de la conformité des propositions à la DP ne sont pas clairement indiqués ou ne sont pas indiqués du tout, porterait atteinte, de l’avis du Tribunal, à l’intégrité et à l’efficience du système concurrentiel des marchés publics.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Compte tenu des explications qui précèdent, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que le marché public n’a pas été passé conformément à l’ACI et que, par conséquent, la plainte est fondée.

Le Tribunal recommande que le Ministère annule le marché public. Dans tout marché public subséquent portant sur la prestation de services de téléconférence, les exigences et les critères d’évaluation doivent être définis d’une manière claire, précise et complète conformément à toutes les attentes à l’endroit des services et des procédures et obligations de tous les accords applicables.

Aux termes des paragraphes 30.15(4) et 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Accutel le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation d’une réponse à l’appel d’offres et pour le dépôt et le traitement de sa plainte.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Signé à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 1994.

3. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

4. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 23 juin 1997