TRAC INDUSTRIES LTD.

Décisions


TRAC INDUSTRIES LTD.
Dossier no : PR-97-023

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 27 novembre 1997

Dossier no : PR-97-023

EU ÉGARD À une plainte déposée au nom de la société Trac Industries Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente qu’il n’a pas compétence pour entendre la plainte aux termes de l’Accord sur le commerce intérieur. Par conséquent, la plainte est rejetée.

Robert C. Coates, c.r.
_________________________ Robert C. Coates, c.r.
Membre


Michel P. Granger
_________________________ Michel P. Granger
Secrétaire








Date de la décision : Le 27 novembre 1997

Membre du Tribunal : Robert C. Coates, c.r.

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo

Plaignant : Trac Industries Ltd.

Avocat pour le plaignant : David W. Lech

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Avocat pour l’institution fédérale : Michael Ciavaglia

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

INTRODUCTION

Le 19 septembre 1997, Trac Industries Ltd. (Trac) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) concernant le marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) portant sur des services d’inspection et de réparation au dépôt de véhicules blindés polyvalents, pour le ministère de la Défense nationale (MDN) (numéro d’invitation W8486-6-VGRA/A). En résumé, Trac allègue que, dans l’évaluation des offres, le Ministère a incorrectement appliqué certains critères d’évaluation dans les documents d’appel d’offres au sujet des caractéristiques de la main-d’œuvre devant exécuter certaines activités de soudage et a, de ce fait, déclaré à tort la proposition de Trac irrecevable.

Le 2 octobre 1997, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a déterminé, sur la foi du dossier à sa disposition, que les conditions d’enquête précisées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) avait été remplies relativement à la plainte et a décidé d’enquêter sur la plainte.

Le 30 octobre 1997, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un avis de requête pour obtenir, notamment, une ordonnance rejetant la plainte pour le motif que le Tribunal n’a pas compétence pour entendre l’affaire, puisque le marché public visé est exclu des dispositions applicables de l’Accord de libre-échange nord-américain [3] (ALÉNA), de l’Accord sur les marchés publics [4] (AMP) et de l’Accord sur le commerce intérieur [5] (ACI). Le 7 novembre 1997, Trac a déposé auprès du Tribunal ses observations sur la requête du Ministère et, le 13 novembre 1997, le Ministère a déposé auprès du Tribunal ses commentaires sur les observations de Trac. Trac a déposé auprès du Tribunal ses dernières observations le 14 novembre 1997.

Le Ministère a soutenu que le marché public en cause était exclu des dispositions de l’ACI en conformité avec le paragraphe 508(1) qui indique, entre autres, ce qui suit :

1. Une Partie peut, dans des circonstances exceptionnelles, soustraire un marché public à l’application du présent chapitre à des fins de développement économique et régional, si les conditions suivantes sont réunies :

c) un avis des marchés publics ainsi exclus indiquant le détail des circonstances exceptionnelles est donné par une ou plusieurs de[s] méthodes précisées au paragraphe 506(2).

2. En cas de différend relativement à un marché public soustrait à l’application du présent chapitre en vertu du paragraphe 1, il est tenu compte, dans l’application du mécanisme de règlement du différend, notamment des facteurs suivants.

Le Ministère a fait observer que le paragraphe 506(2) de l’ACI prévoit, notamment, ce qui suit :

2. L’appel d’offres doit être lancé au moyen de l’une ou plusieurs des méthodes suivantes :

a) le recours à un système électronique d’appel d’offres auquel tous les fournisseurs canadiens ont également accès.

Le Ministère déclare que l’exclusion a été correctement indiquée dans l’avis de projet de marché (APM) publié par l’entremise du Service des invitations ouvertes à soumissionner [6] (SIOS) le 5 février 1997, ainsi qu’il suit :

NIBS [numéro d’identification des biens et services] N2510, INSPECTION ET RÉPARATION AU DÉPÔT DE VÉHICULES BLINDÉS POLYVALENTS (VBP), quantité 263 chacun, exécution de la date du marché jusqu’au 31 mars 2001.

[…]

Endroit. C’est une condition de la présente invitation que quatre-vingt pour cent (80 p. 100) des travaux soient exécutés à Chatham (Nouveau-Brunswick) dans le cadre d’un effort visant à contribuer au bien-être économique à long terme de cette région.

Le présent marché public est soustrait à l’application de l’ACI en conformité avec l’article 508. L’avis suivant est publié conformément à l’alinéa 508(1) c) :

Les circonstances exceptionnelles de l’exclusion sont liées à la conjoncture économique particulièrement pénible dans la région. En l’espèce, les difficultés découlent en partie de la fermeture de [...] la base des Forces canadiennes de Chatham (Nouveau-Brunswick) et de l’incidence de cette fermeture sur l’économie régionale.

[Traduction]

Parce que l’avis d’appel d’offres a été diffusé en conformité avec les dispositions de l’ACI, le marché public en question a, selon le Ministère, correctement été soustrait.

Trac admet que le marché public en question est soustrait à l’application de l’ALÉNA et de l’AMP. Elle conteste cependant que le marché public a correctement été soustrait à l’application de l’ACI. Trac soutient que le Tribunal a compétence pour entendre sa plainte aux termes de l’ACI parce que l’avis du Ministère, prescrit à l’alinéa 508(1)c) de l’ACI, n’a pas été porté à l’attention des soumissionnaires et n’est pas conforme aux documents d’appel d’offres. Trac soutient que le Ministère n’a pas correctement donné avis que le marché public était exclu de l’ACI. Elle déclare qu’aucune mention de l’exclusion n’a été faite dans la demande de proposition (DP) ni dans aucune des discussions qu’elle a eues avec les représentants du Ministère. Par conséquent, le comportement du Ministère ne respecte pas les exigences énoncées au paragraphe 506(9) de l’ACI, qui prévoit ce qui suit :

9. Si un marché public exempté, en vertu du paragraphe 11 ou 12 ou de l’article 507 ou 508, des obligations prévues par le présent chapitre fait l’objet d’un appel d’offres public dans un quotidien ou au moyen d’un système électronique d’appel d’offres, l’avis d’appel d’offres doit indiquer les restrictions applicables et souligner les pratiques non conformes au présent article ou à l’article 504.

Parce que le Ministère ne s’est pas conformé à la disposition susmentionnée, Trac soutient que le Ministère ne pouvait pas invoquer l’exclusion.

À titre de seconde solution, Trac avance que la compétence du Tribunal pour entendre une plainte concernant un marché public exclu aux termes de l’article 508 de l’ACI demeure entière, à l’exception de la partie du marché public portant sur le développement économique et régional. Trac soutient que sa plainte n’est pas liée à la partie du marché public qui porte sur le développement économique et régional et que sa plainte peut donc être entendue par le Tribunal. Trac affirme que sa position est corroborée par le libellé du paragraphe 508(2) de l’ACI, qui prévoit un mécanisme permanent de règlement des différends sur des questions qui découlent de l’application des dispositions du paragraphe 508(1). Selon Trac, il n’existe aucune différence entre les procédures de contestation des offres énoncées à l’article 514 de l’ACI et le mécanisme de règlement des différends dont il est fait mention au paragraphe 508(2) de l’ACI.

Le Ministère répond que l’APM, ou l’avis d’appel d’offres, est entièrement conforme aux exigences de l’alinéa 508(1)c) de l’ACI. Le Ministère fait valoir que Trac ne conteste pas ce fait, mais fait uniquement opposition au fait qu’elle n’a pas été expressément informée de l’existence de l’APM ou de tout son contenu dans les documents d’appel d’offres. À cet égard, le Ministère soutient que le fait que Trac n’ait pas reçu l’avis donné par l’entremise du SIOS ne donne pas au Tribunal compétence pour statuer dans la présente affaire. De même, le Ministère soutient que, contrairement à la position avancée par Trac, les documents d’appel d’offres sont entièrement conformes à l’APM. En vérité, l’article 58 des documents d’appel d’offres prescrit de remplir l’annexe « D » dont le libellé reprend les termes de l’APM selon lesquels une proportion de 80 p. 100 des travaux visés par la proposition doivent être exécutés dans la région de Chatham. Les termes susmentionnés, selon le Ministère, sont entièrement conformes aux sources qui ont fondé l’exercice de son pouvoir et qui se trouvent au paragraphe 508(1) de l’ACI.

En ce qui a trait à l’affirmation de Trac selon laquelle le paragraphe 508(2) de l’ACI donne au Tribunal le pouvoir d’enquêter sur la conformité à l’ACI, mises à part les règles concernant la non-discrimination réciproque énoncées à l’article 504 de l’ACI, le Ministère soutient qu’une telle affirmation est inexacte. Le paragraphe 508(2) de l’ACI prévoit le règlement des différends entre les parties (gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux) au sens du chapitre dix-sept de l’ACI, et non le règlement des contestations des offres par le Tribunal. Le Ministère conclut que, puisque les dispositions du paragraphe 508(1) de l’ACI ont été invoquées dans la présente affaire, le Tribunal n’a pas compétence pour examiner quelque partie que ce soit de la procédure de passation du marché public en question aux termes de l’ACI.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Les parties ont convenu que le marché public en question est exclu des dispositions de l’ALÉNA et de l’AMP dans le cadre des marchés passés au nom du MDN. Le Tribunal doit déterminer si le Ministère a donné l’avis prescrit aux paragraphes 506(2) et 508(1) de l’ACI.

Le Tribunal observe, en premier lieu, que l’existence de circonstances exceptionnelles dans la présente affaire ne fait pas l’objet de litige entre les parties. En outre, le Tribunal est convaincu que l’APM publié le 5 février 1997 par l’entremise du SIOS répond aux exigences de l’alinéa 508(1)c) de l’ACI. Bien qu’il ne s’agisse clairement pas là d’une exigence, le Tribunal est d’avis que le gouvernement doit, à chaque fois que des exclusions seront invoquées en vertu des dispositions de l’ALÉNA, de l’AMP ou de l’ACI concernant les marchés publics, veiller à ce qu’il soit fait mention de telles exclusions dans tous les documents relatifs à l’appel d’offres. Cela nécessite peu d’efforts et peut garantir que les fournisseurs potentiels, qui pourraient s’engager dans le processus d’appel d’offres sans avoir pris connaissance ou sans être au courant de l’avis qui a été publié, connaissent pleinement l’existence de telles exclusions. Néanmoins, le Ministère, dans la présente affaire, a donné l’avis qu’il était tenu de donner.

En ce qui a trait aux dispositions du paragraphe 508(2) de l’ACI concernant le règlement des différends qui découlent de l’application du paragraphe 508(1), le Tribunal détermine que lesdites dispositions sont liées aux procédures de règlement des différends énoncées au chapitre dix-sept de l’ACI et non aux procédures de contestation des offres énoncées à l’article 514 le l’ACI. Le Tribunal est d’avis qu’une telle distinction est établie clairement au paragraphe 1701(6) de l’ACI, qui prévoit ce qui suit :

6. Les articles 1702 à 1708 ne s’appliquent pas aux procédures de contestation des offres engagées en vertu de l’article 513 (Procédures de contestation des offres - provinces). Les articles 1711 à 1720 ne s’appliquent pas aux procédures de contestation des offres engagées en vertu de l’article 514 (Procédures de contestation des offres - gouvernement fédéral).

L’administration des procédures de règlement des différends n’entre pas dans le champ de compétence du Tribunal. La compétence du Tribunal est limitée aux contrats spécifiques tels qu’ils sont définis au paragraphe 3(1) du Règlement qui prescrit, notamment, ce qui suit :

3.(1) Pour l’application de la définition de « contrat spécifique » à l’article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat ou catégorie de contrats relatif au marché passé par une institution fédérale pour des produits ou des services, ou pour toute combinaison de ceux-ci, visé [...] à l’article 502 de l’Accord sur le commerce intérieur.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal ne peut statuer sur une question qui découle du chapitre dix-sept de l’ACI.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que l’appel d’offres en question a été correctement soustrait à l’application du chapitre cinq de l’ACI. Le contrat n’est donc pas un contrat spécifique aux termes de l’ACI au sens de l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE et, par conséquent, de ce fait, la plainte est rejetée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93 - 602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

4. Signé à Marrakech le 15 avril 1994 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1996).

5. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.

6. Système électronique d'appel d'offres au Canada.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 15 décembre 1997