HERVÉ POMERLEAU INC.

Décisions


HERVÉ POMERLEAU INC.
Dossier no : PR-96-040

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 9 mai 1997

Dossier no : PR-96-040

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Hervé Pomerleau inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 9 mai 1997

Membre du Tribunal : Raynald Guay

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud

Plaignant : Hervé Pomerleau inc.

Institution fédérale : Conseil national de recherches du Canada

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

INTRODUCTION

Le 18 mars 1997, Hervé Pomerleau inc. (le plaignant) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) concernant le marché public passé par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) pour le financement, la conception, la construction et la gestion d’une annexe à l’Institut de recherches en biotechnologie (IRB), qui est situé à Montréal (Québec).

Le plaignant a allégué que le CNRC n’a pas respecté, lors de l’évaluation des soumissions, les critères d’évaluation qu’il a lui-même formulés et qui étaient indiqués dans la demande de propositions (DP). Plus encore, le plaignant a allégué que l’interprétation des critères d’évaluation retenue par le CNRC diffère substantiellement de celle qu’il a obtenue d’un membre du personnel du CNRC durant la période de préparation des soumissions.

Le plaignant a demandé, à titre de mesures correctives, que le CNRC respecte les critères d’évaluation des soumissions tels qu’énoncés dans la DP et lui adjuge le marché si sa proposition est celle ayant la plus basse évaluation financière. Dans la négative, le plaignant demande que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) annule l’adjudication de tout marché en l’espèce et qu’il recommence le processus d’appel d’offres avec, cette fois-ci, des critères d’évaluation clairs et précis. Enfin, le plaignant demande que lui soient remboursés les frais engagés pour l’élaboration de sa proposition ainsi que la perte de profits inhérents au présent marché.

ENQUÊTE

Le 20 mars 1997, le Tribunal a déterminé que les conditions d’enquête précisées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte et a décidé d’enquêter sur l’affaire pour déterminer si le marché public avait été passé conformément aux exigences énoncées au Chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur [3] (l’ACI).

Le 2 avril 1997, le CNRC a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] . Le 14 avril 1997, le plaignant a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Étant donné que les renseignements figurant au dossier permettaient de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a rendu une décision en se fondant sur le dossier existant.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Au mois de juillet 1996, le CNRC a publié un avis de projet de marché pour une annexe à l’IRB. L’avis invitait les entreprises à faire part de leur intérêt en répondant à une DP pour le financement, la conception, la construction et la gestion d’une installation de laboratoire au CNRC, à Montréal. Les documents d’invitation à soumissionner précisaient de plus que la demande de lettres d’intérêt constituait la première étape d’un processus à deux volets visant à dresser une liste des soumissionnaires aptes à soumissionner. En réponse à l’avis, huit entreprises ont fait parvenir des lettres d’intérêt au CNRC. Après évaluation, cinq d’entre elles, dont le plaignant, ont été invitées à soumissionner pour le projet.

Au mois de décembre 1996, le CNRC a publié un deuxième avis demandant alors aux entreprises de présenter des propositions techniques et financières détaillées. Les critères à être utilisés pour l’évaluation des propositions étaient énoncés dans la DP, en partie, tel qu’il suit :

1.3 L’évaluation s’effectuera en deux parties, de la manière décrite à l’article 7.0. La première évaluation aboutira à un échec ou une réussite; les candidats retenus à la première étape passeront à l’évaluation de deuxième étape, tandis que ceux qui ne réussissent pas la première évaluation ne participeront pas à la deuxième.

5.4.3 Le CNRC se réserve le droit d’accepter n’importe quelle proposition ou aucune d’entre elles, ou d’accepter une proposition avec ou sans négociation. Ces présentations n’aboutiront pas nécessairement à la passation d’un marché.

5.7 […] On évaluera le caractère complet et pertinent des propositions, en leur donnant une cote conformément au système résumé à la section 7, Critères d’évaluation. [...] Les proposants éventuels qui répondent à la DP seront évalués en fonction des facteurs et critères énoncés aux sections 6 et 7 qui suivent.

6.7 Évaluation financière

Les rubriques [[5] ] suivantes présentent l’information financière requise qui servira à établir le meilleur rapport qualité-prix pour le CNRC. Tous les renseignements sont obligatoires et ils serviront à l’évaluation.

[Soulignement ajouté]

7.1 Les soumissions présentées en réponse à la présente DP seront évaluées en deux étapes. La première évaluation sera celle de la conformité aux articles 6.5, Installation de laboratoire, et 6.6, Gestion et conception. Cette évaluation portera sur la conformité à la section 3, Exigences fonctionnelles, et à la section 4, Normes de logement. Chaque soumission, évaluée en fonction des exigences de ces sections, sera soit acceptée ou rejetée conformément à la cote d’au moins 70 points, tel qu’énoncé à la Section 1, article 5.4.2. Le CNRC se réserve le droit absolu de rejeter toute proposition qui n’est pas conforme à cette cote.

7.2 Les proposants jugés admissibles à la première étape de l’évaluation feront l’objet d’une évaluation de leur conformité à l’article 6.7. Les informations financières fournies par le proposant [feront] l’objet d’une évaluation sur la base de la Valeur Actuelle Nette (VAN). Le CNRC se réserve le droit absolu de négocier avec le proposant retenu.

En outre, la DP indique à l’article 5.2 que les demandes de renseignements relatifs à la DP doivent être adressées au chef, Contrats et services de matériel du CNRC. De plus, l’article 5.3 précise que toutes les questions relatives à la DP doivent être présentées par écrit. Il y est également mentionné que la personne indiquée à l’article 5.2 sera la seule à répondre aux questions et que toute tentative d’obtenir de l’information ou la réponse à une question d’une autre source entraînera l’élimination du proposant de la DP.

Le CNRC a reçu cinq propositions techniques et financières détaillées, y compris celle du plaignant. Ces propositions ont été examinées par une équipe de six évaluateurs. Selon le CNRC, les résultats de l’évaluation technique et la VAN des propositions financières ont servi à déterminer quel était le meilleur rapport qualité-prix pour le CNRC. Les résultats de l’évaluation des propositions reçues ont été communiqués verbalement à tous les soumissionnaires le 21 février 1997 et, par écrit, les 3 et 4 mars 1997.

Le 12 mars 1997, à la demande du plaignant, le président du CNRC et le directeur général de la Direction des services administratifs et gestion de l’immobilier ont rencontré le plaignant afin de discuter de la DP. Selon le CNRC, la discussion n’a, à aucun moment, porté sur le fait qu’un membre du personnel du CNRC aurait indiqué que la proposition ayant franchi la première étape avec succès et dont le coût serait le moins élevé serait celle qui serait retenue.

Le 18 mars 1997, le plaignant a déposé la plainte au Tribunal.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position du plaignant

Dans ses observations sur le RIF, le plaignant a limité ses commentaires à deux points. Il maintient d’abord que le CNRC réfère à plusieurs reprises, dans ses observations, à la clause de la DP qui prévoit que le CNRC peut accepter la proposition de son choix, qu’elle soit de moindre coût ou non, ou peut rejeter l’une quelconque des propositions, ou toutes les propositions. À cet égard, le plaignant a porté à l’attention du Tribunal le jugement de la Cour d’appel fédérale qui, selon le plaignant, a clairement invalidé cette clause, soit l’affaire Canamerican Auto Lease and Rental Limited c. Canada [6] . Ce jugement a en outre été repris par la Commission de révision des marchés publics du Canada, dans le dossier no D89PRF6608-021-0005.

Le plaignant maintient en outre que les critères d’évaluation sont clairement énoncés à l’article 7.0 de la DP et ne font aucunement référence à l’établissement d’un ratio obtenu en divisant l’évaluation financière (étape 2) par le pointage obtenu (étape 1). Le RIF est d’ailleurs muet sur ce point. Selon le plaignant, le fait que le CNRC se soit servi d’un tel ratio en l’espèce change les règles du jeu pourtant clairement établies par le CNRC dans la DP. Le plaignant maintient de plus que si le CNRC avait l’intention de se servir de ce ratio pour la sélection du proposant, il se devait de l’indiquer de façon claire et sans équivoque dans la DP. Le CNRC, maintient le plaignant, ne l’a pas fait et a donc manqué à ses obligations en vertu de l’ACI.

En conclusion, le plaignant soutient qu’il est le plus bas soumissionnaire conforme et qu’il doit être retenu pour la réalisation du projet. En changeant les critères de sélection par l’introduction d’un ratio, le CNRC fausse carrément les résultats de l’appel d’offres, manque aux dispositions des politiques gouvernementales et des accords nationaux et cause un préjudice grave au plaignant en le privant d’un marché auquel il a droit.

Position du CNRC

Dans sa réponse à la plainte, le CNRC soutient qu’il se dégage clairement de la DP que la proposition retenue serait sélectionnée sur la base du meilleur rapport qualité-prix pour le CNRC et que le coût n’était donc pas le seul facteur pris en considération. De plus, le CNRC soutient que rien dans la DP ne laisse entendre que le marché serait adjugé à l’entreprise dont la proposition représente la VAN la plus basse. En ce qui concerne l’allégation du plaignant à l’effet qu’un membre du personnel du CNRC l’aurait informé, lors de l’élaboration de sa proposition, que la proposition retenue serait celle qui franchirait avec succès la première étape de l’évaluation et dont le coût serait le moins élevé, le CNRC soutient que le chef des Contrats et des services de matériel était la personne-ressource avec qui il fallait communiquer pour toutes les demandes de renseignements portant sur la DP et qu’il n’a jamais reçu une telle question pendant la période de la DP. De plus, le CNRC soutient qu’à sa connaissance, cette question n’a pas non plus été soumise à un autre de ses employés. Le CNRC soumet toutefois, que si tel était le cas, alors le plaignant a violé les conditions de la DP et, de ce fait, devrait être éliminé du processus d’appel d’offres et sa plainte devant le Tribunal, rejetée. Le CNRC soumet enfin que le plaignant s’est prévalu de la possibilité de poser par écrit des questions au CNRC, tel qu’il était permis, et qu’aucune des questions posées et des réponses fournies ne mentionnait l’adjudication du marché au plus bas soumissionnaire.

Le CNRC soutient de plus que bien qu’il soit exact que le président du CNRC et le directeur général de la Direction des services administratifs et gestion de l’immobilier aient rencontré le plaignant afin de discuter de la DP et du choix de l’adjudicataire, au cours de cette rencontre, les représentants du CNRC ont réitéré les principes qui ont présidé à la sélection de l’adjudicataire. En outre, le CNRC soutient qu’il a choisi la proposition qui représentait le meilleur rapport qualité-prix, tel que dans la DP, ce qui n’était pas le cas de celle du plaignant.

Le CNRC conclut en faisant valoir qu’il a respecté les exigences particulières formulées dans la DP, ainsi que l’esprit de la DP, et que recommencer le processus d’appel offres sans raison valable, maintenant que les résultats de la DP originale sont connus, serait injuste à l’endroit de l’entreprise dont la proposition a été retenue. Compte tenu du fait que le processus d’appel d’offres pour l’IRB répondait à toutes les dispositions pertinentes des politiques gouvernementales et des accords qui s’appliquent et que toutes les parties intéressées ont été traitées équitablement, le CNRC recommande que le Tribunal rejette la plainte et l’autorise à aller de l’avant avec le projet tel que prévu.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, au terme de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit, entre autres, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ACI.

Le plaignant fait valoir que le CNRC se réfère à plusieurs reprises, dans ses observations, à l’article 5.4.3 de la DP, lequel, soutient le plaignant, a clairement été invalidé par la Cour d’appel fédérale. En outre, il maintient que les critères d’évaluation clairement énoncés à l’article 7.0 de la DP ne font aucunement référence à l’établissement d’un ratio obtenu en divisant l’évaluation financière par le pointage obtenu à l’étape 1 de l’évaluation des offres.

Le Tribunal observe d’abord que les documents d’appel d’offres mentionnent bien à l’article 5.4.3 que le CNRC se réserve le droit d’accepter n’importe quelle proposition ou aucune d’entre elles. Ceci étant dit, le Tribunal observe par ailleurs qu’en aucun temps le CNRC ne s’est prévalu de ces dispositions pour soit accepter l’offre qu’il a retenue ou rejeter l’offre du plaignant. En conséquence, le Tribunal ne traitera pas du bien-fondé de cette question.

En ce qui concerne les critères d’évaluation énoncés à l’article 7.0 de la DP, le Tribunal observe qu’il y est clairement fait mention d’un processus d’évaluation des offres à deux étapes. Le Tribunal observe de plus, que l’article 7.2 énonce clairement que les dispositions régissant la seconde étape de l’évaluation des offres sont énoncées à l’article 6.7. Ledit article se lit, en partie, comme suit : « Les rubriques suivantes présentent l’information financière requise qui servira à établir le meilleur rapport qualité-prix pour le CNRC. Tous les renseignements sont obligatoires et ils serviront à l’évaluation ».

De l’avis du Tribunal, il ressort clairement des dispositions précitées que le CNRC chercherait, lors de l’évaluation des offres, à déterminer la soumission lui offrant le meilleur rapport qualité-prix. Il est vrai que les documents d’appel d’offres n’indiquent pas dans le menu détail la façon dont ce rapport qualité-prix allait être établi. Il n’en reste pas moins que la façon de procéder du CNRC en la matière, soit de diviser les points obtenus à la première étape de l’évaluation des offres par les prix exprimés sur la base de la VAN, est conforme à la méthode d’évaluation des offres énoncée à l’article 6.7. En outre, cette façon d’établir un rapport qualité-prix est très commune et, de l’avis du Tribunal, était prévisible en l’espèce. Le Tribunal observe enfin qu’en aucun endroit dans la DP est-il fait mention, voire suggéré, que l’entreprise ayant soumis l’offre la moins disante et ayant préalablement passé avec succès la première étape de l’évaluation des offres se verra adjugée le marché. Le Tribunal estime que le plaignant se devait soit de donner un sens aux mots « rapport qualité-prix » dans le cadre de la seconde étape de l’évaluation des offres ou, à tout le moins, de confirmer avec le représentant officiel du CNRC par voie de question/réponse l’exactitude de son interprétation.

Le Tribunal conclut donc que le CNRC a agi correctement en déterminant l’adjudicataire sur la base du meilleur rapport qualité-prix. Cette façon de procéder était prévue dans les documents d’appel d’offres et le CNRC devait s’y tenir.

Compte tenu des explications qui précèdent, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que le marché public a été passé conformément à l’ACI, particulièrement le paragraphe 506(6) et, par conséquent, que la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.

4. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

5. Les rubriques mentionnées dans la DP sont : Coûts de construction, Loyer, Bail, Rachat du bâtiment, Financement, Bail proposé, Coûts supplémentaires à facturer aux locataires et Coûts d’exploitation.

6. [1987] 3 C.F. 144.


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Publication initiale : le 9 mai 1997