LA SOCIÉTÉ SERVICE STAR BUILDING CLEANING INC.

Décisions


LA SOCIÉTÉ SERVICE STAR BUILDING CLEANING INC.
Dossier no : PR-98-031

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 12 février 1999

Dossier no : PR-98-031

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Service Star Building Cleaning Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 12 février 1999

Membre du Tribunal : Patricia M. Close

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocats pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Gerry Stobo

Plaignante : Service Star Building Cleaning Inc.

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

Le 17 novembre 1998, la société Service Star Building Cleaning Inc. (Service Star) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) à l’égard d’un marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) (numéro d’invitation W0134-7-CYBM/A) portant sur des services de nettoyage et d’entretien aux installations du ministère de la Défense nationale (MDN), à la 4e Escadre Cold Lake, à Cold Lake, en Alberta.

Service Star a allégué que le Ministère avait incorrectement annulé l’invitation à soumissionner en question. Elle a soutenu avoir présenté une proposition recevable et avoir été le soumissionnaire le moins-disant.

Service Star a demandé, à titre de mesure corrective, que le marché lui soit attribué.

Le 20 novembre 1998, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière remplissait les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement). Le même jour, le Tribunal a ordonné de différer l’adjudication de tout contrat relatif au marché public en question. Le 18 décembre 1998, le Ministère a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [3] . Le 11 janvier 1999, Service Star a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte à partir des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 14 juillet 1998, le Ministère a publié un avis de projet de marché (APM) relatif au besoin, qui a été décrit en détail dans une demande de propositions (DP) diffusée par l’entremise du Service électronique d’appels d’offres canadien (MERX) et dans Marchés publics. L’APM indiquait que le besoin était soumis aux dispositions de l’Accord de libre-échange nord-américain [4] (l’ALÉNA), de l’Accord relatif aux marchés publics [5] (l’AMP) et de l’Accord sur le commerce intérieur [6] (l’ACI). La date limite de réception des propositions était le 24 août 1998.

Une visite obligatoire des installations a eu lieu les 10, 11 et 12 août 1998, visite au cours de laquelle les soumissionnaires éventuels ont vu des bâtiments de chacun des quatre types de zones à entretenir, à savoir « Zone réglementée » (accès limité), « Zone non réglementée », « Zone périphérique » et « Zone d’habitation ». Le 14 août 1998, la modification no 001 relativement à la DP a été publiée en réponse à des questions soulevées par les soumissionnaires éventuels durant la visite des installations. La modification no 001 comportait une nouvelle condition selon laquelle les soumissionnaires devaient indiquer des « prix le mètre carré par jour » pour chaque sous-zone des quatre types de zones.

La DP prévoit, en page 12, à la rubrique « DIRECTIVES SUR L’ÉTABLISSEMENT DES PRIX », notamment ce qui suit :

Tous les prix doivent être indiqués en fonction des unités de distribution énoncées dans le présent document. Les unités de distribution et la structure de prix énoncées dans le présent document ne doivent pas être modifiées de quelque façon que ce soit; le cas échéant, la réponse du soumissionnaire sera jugée irrecevable. Le soumissionnaire doit avoir établi toutes les parties de la structure de prix. Toute réponse d’un soumissionnaire dans laquelle toutes les parties de la structure de prix n’auront pas été établies sera jugée irrecevable et ne fera l’objet d’aucun examen ultérieur.

[Traduction]

Le processus d’évaluation des propositions et de sélection de l’entrepreneur comprenait quatre étapes, à savoir : 1) conformité aux conditions obligatoires; 2) évaluation des exigences cotées; 3) évaluation des prix; 4) sélection de l’entrepreneur. Les propositions qui ne répondaient pas à toutes les conditions obligatoires devaient être déclarées techniquement irrecevables. Les propositions qui obtenaient moins de 75 p. 100 des points pour les exigences cotées, ou moins de 750 points, devaient aussi être considérées techniquement irrecevables. En ce qui concerne l’évaluation des coûts, le coût total devait inclure « le total de tous les chiffres d’utilisation multipliés par les prix offerts par les soumissionnaires aux termes des [annexes] B, C, D et E y compris le coût de la garantie financière » [traduction]. Le coût estimatif total devait être déterminé « selon le total de tous les taux fixes durant la période initiale du contrat, ajouté au total de l’Option 1 et de l’Option 2 pour calculer le prix total estimé de la soumission » [traduction]. Enfin, la sélection de l’entrepreneur devait se faire en fonction de la meilleure valeur pour le Canada, selon une pondération de 70 p. 100 pour la valeur technique et de 30 p. 100 pour le prix.

En page 14 de la DP, la rubrique « ÉVALUATION DE LA CONFORMITÉ AUX CONDITIONS OBLIGATOIRES » donne une liste de sept critères obligatoires. La condition relative au « Programme de réduction des effectifs » n’est pas incluse dans la liste susmentionnée.

Les pages 23 et 24 de la DP incluent ce qui suit :

STRUCTURE DE PRIX OU DE PAIEMENT : Prix fermes pour la période du contrat, plus la période en option.

ARTICLE

DESCRIPTION

NOMBRE ESTIMATIF DE MÈTRES CARRÉS

NOMBRE DE NETTOYAGES PAR SEMAINE

01.

Zone réglementée :

Toilettes :

Voir l’annexe « B » ci-jointe

Aire commune :

Bureaux :

02.

Zone périphérique

Toilettes :

Voir l’annexe « C » ci-jointe

Aire commune :

Bureaux :

Quartier :

03.

Zone non réglementée

Toilettes :

Voir l’annexe « D » ci-jointe

Aire commune :

Bureaux :

Salons :

04.

Zone d’habitation :

Toilettes :

Voir l’annexe « E » ci-jointe

Aires communes :

Quartier :

Bureaux :

[Traduction]

Les annexes « B » à « E » indiquent les horaires détaillés de nettoyage pour chacun des quatre types de zones à nettoyer, les bâtiments visés et une brève description des installations et des zones pertinentes. Les annexes précisent aussi la fréquence hebdomadaire des services pour chaque zone et sa superficie en mètres carrés. L’annexe « E » prévoit, notamment, ce qui suit :

Contenu

Zone d’habitation

HORAIRE DE NETTOYAGE

No de bâtiment

Description

Zone

Fréquence hebdomadaire

Superficie (en m2)

BB 31

Habitation provisoire

Toilettes

5

170,2

Aire commune

3

529,5

Quartier

2

1 254,5

[Traduction]

Le paragraphe 7 de la modification no 001 de la DP précise, notamment, ce qui suit :

7. Ajouter ce qui suit à la structure de prix ou de paiement :

Poste 05 : Se servir des prix indiqués ici pour la « Zone réglementée »

Poste 06 : Zone périphérique - fournir un prix en m2/jour :

[…]

Poste 07 : Zone non réglementée - fournir un prix en m2/jour :

[…]

Poste 08 : Zone d’habitation - fournir un prix en m2/jour.

[Traduction]

La page 24 de la DP prévoit, notamment, ce qui suit :

PRIX QUOTIDIEN DES SERVICES DE NETTOYAGE POUR L’ANNÉE

1998

1999

2000

2001

2002

01. Zone réglementée : […]

02. Zones périphériques : […]

03. Zones non réglementées : […]

04. Zone d’habitation : […]

05. Les prix ci-dessus sont basés sur un prix le m²/jour (indiqué ci-dessous)

Toilettes :

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$

$

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$

Aires communes :

$

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Bureaux :

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Salons :

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Quartier :

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$

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$

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Le prix le m²/jour servira à supprimer ou à ajouter des bâtiments ou des zones à l’intérieur des bâtiments, au contrat et à l’évaluation de la non-exécution dans le cas de travaux non exécutés comme requis.

[Traduction]

Le poste 06 de la DP, en page 25, traite de la tarification d’urgence applicable aux travaux exécutés après les heures de nettoyage prévues.

Cinq propositions ont été soumises, y compris celle de Service Star. L’équipe d’évaluation se composait de l’agent de négociation des contrats du Ministère ainsi que d’un officier d’administration du personnel, d’un agent financier et du gestionnaire des services du nettoyage à la 4e Escadre Cold Lake, tous du MDN. Deux propositions, y compris celle de Service Star, ont d’abord été jugées irrecevables parce qu’elles n’indiquaient pas leur conformité à la clause obligatoire « Programme de réduction des effectifs » énoncée dans la DP. Une autre proposition a été jugée irrecevable parce qu’elle ne fournissait pas la garantie financière obligatoire et n’a pas fait l’objet d’examen ultérieur. Les deux autres propositions ont été évaluées en fonction des exigences cotées, et une proposition n’a pas obtenu le minimum requis de 750 points.

Dans une lettre datée du 1er octobre 1998, Service Star a avisé le Ministère qu’elle n’était pas d’accord sur ce qu’elle croyait être l’intention du Ministère de déclarer sa proposition irrecevable parce qu’elle ne répondait pas à la condition obligatoire relative au Programme de réduction des effectifs énoncée dans la DP. Après avoir reçu la lettre datée du 1er octobre 1998 en provenance de Service Star, le Ministère a réexaminé sa position relativement à ladite disposition et a observé que la case à cocher ne se reproduisait pas sur la DP et que la liste de vérification des conditions obligatoires ne faisait pas mention du Programme de réduction des effectifs. Le Ministère a déterminé qu’il serait injuste, étant donné les circonstances, de déclarer irrecevables la proposition de Service Star et celle de l’autre soumissionnaire pour ce seul motif.

Les 15 et 16 octobre 1998, l’équipe d’évaluation s’est réunie de nouveau et a évalué les deux propositions en fonction des exigences cotées. Les deux propositions ont obtenu le minimum de points requis pour les exigences cotées.

Trois propositions sont passées à la troisième étape du processus d’évaluation, à savoir, l’évaluation des prix. Selon le RIF, le Ministère a alors constaté qu’aucun des soumissionnaires n’avait fourni de prix de la manière demandée dans la DP. Service Star, pour sa part, avait inclus, dans sa proposition, une annotation datée du 22 août 1998, dans laquelle elle déclarait que les feuilles de prix incluses dans la DP ne lui permettaient pas de calculer un coût annuel. Un deuxième soumissionnaire a proposé des prix identiques pour le tarif quotidien et les prix le mètre carré par jour. Le troisième soumissionnaire a éventuellement retiré son offre. Selon le RIF, le ou vers le 20 octobre 1998, le Ministère a tenté d’évaluer et de faire concorder les propositions de prix des trois soumissionnaires en calculant un coût annuel en fonction des prix le mètre carré par jour pour les postes 05 à 08 de l’établissement des prix. Il s’agissait là de taux communs à toutes les propositions, destinés à servir dans le calcul des prix quotidiens requis aux postes 01 à 04. À la suite de ce calcul, la proposition de Service Star a été classée au deuxième plus bas prix pour le contrat de deux ans, sans les options. Estimant que le prix présenté dans la soumission la moins-disante était anormalement bas, le Ministère a demandé au soumissionnaire de soit confirmer le prix soumis, soit retirer la proposition. Le 21 octobre 1998, le Ministère a demandé aux soumissionnaires des trois propositions de prolonger le délai de validité de leur offre jusqu’au 22 novembre 1998. Le 22 octobre 1998, le soumissionnaire le moins-disant a avisé le Ministère qu’il avait présenté un prix trop bas par erreur et que, par conséquent, il retirait sa proposition. Les deux autres soumissionnaires ont accepté de prolonger le délai de validité de leur offre.

Le Ministère a ensuite entrepris la quatrième étape du processus d’évaluation pour choisir un entrepreneur. Ce faisant, le Ministère a constaté un écart considérable, pour une même période, entre le résultat de l’évaluation de la proposition de prix de Service Star à partir du tarif quotidien soumis aux postes 01 à 04 et celui de l’évaluation à partir des prix le mètre carré par jour soumis aux postes 05 à 08.

Le 29 octobre 1998, le Ministère a téléphoné à Service Star pour lui demander, notamment, si elle était disposée à confirmer ses prix en acceptant un contrat fondé sur les calculs faits 0… partir des prix qu’elle avait soumissionnés aux postes 05 à 08 inclusivement. Le même jour, le Ministère a confirmé sa communication, par télécopie. Selon le RIF, le même jour, Service Star a avisé le Ministère, dans une communication téléphonique, qu’elle n’était pas disposée à accepter un marché fondé sur les calculs du Ministère.

Le 3 novembre 1998, Service Star a fait parvenir au Ministère une lettre, par télécopieur, dans laquelle elle sollicitait une rencontre. Le Ministère n’a pas répondu à ladite lettre et, le 6 novembre 1998, a informé tous les soumissionnaires de la décision qu’il avait prise, le 5 novembre 1998, d’annuler l’invitation à soumissionner en cours et de lancer un nouvel appel d’offres comportant des critères d’établissement de prix révisés.

Le 30 décembre 1998, le Ministère a publié une nouvelle invitation à soumissionner relative au besoin en question et a fixé la date de clôture des soumissions au 8 février 1999.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu avoir agi correctement et de bonne foi lorsqu’il a décidé d’annuler l’invitation à soumissionner et s’est engagé à lancer un nouvel appel d’offres pour redresser les lacunes des exigences d’établissement des prix et de la méthode d’évaluation des coûts énoncées dans la DP. Le Ministère a soutenu qu’il était devenu manifeste pendant le processus d’évaluation que l’absence d’une formule dans la DP, servant à calculer le prix total présenté par le soumissionnaire, avait été source de confusion relativement à l’évaluation des réponses aux diverses dispositions relatives à la base de prix.

Le Ministère a soutenu que les problèmes associés à la détermination, pour les fins de l’évaluation, du prix total proposé par Service Star démontrent clairement l’importance de l’absence d’une formule pour le calcul du prix total. La proposition de Service Star fournissait à la fois un tarif quotidien et des prix fondés sur un prix le mètre carré par jour pour les quatre types de zones visées par les services de nettoyage. Cependant, les deux structures de prix susmentionnées ne concordaient pas.

Le Ministère a soutenu que, même s’il était voulu dans la DP que le tarif quotidien soit fondé sur un prix le mètre carré par jour, la DP n’a pas fourni de formule basée sur le « prix le mètre carré par jour » pour calculer le prix annuel total du marché. Manifestement, lorsque le Ministère a tenté de calculer le prix annuel que Service Star soumissionnait pour le contrat, ce calcul étant fait à l’aide d’une formule basée sur les « prix le mètre carré par jour », la proposition de Service Star était la proposition la moins-disante. Cependant, Service Star a spécifiquement déclaré qu’elle n’est pas d’accord sur cette méthode de calcul et qu’elle n’accepterait pas de marché établi de cette façon. Par contre, le Ministère a soutenu qu’un marché dont le prix serait établi en fonction des postes assortis du tarif quotidien soumis par Service Star pour les postes 01 à 04 dépasserait le montant budgétisé pour ce projet par MDN.

Le Ministère a en outre soutenu que rien ne fonde l’attribution par le Tribunal du marché en litige à Service Star puisque, comme Service Star elle-même l’a admis, il n’y a rien pour déterminer un prix annuel total pour le marché.

Le Ministère a soutenu qu’il n’avait jamais, à quelque moment que ce soit, avisé Service Star que le contrat lui avait été adjugé. Le fait que, aussi tardivement que le 21 octobre 1998, le Ministère demandait encore aux soumissionnaires d’accepter d’une prolongation du délai de validité des offres démontre le contraire. De plus, le Ministère a soutenu que son action n’avait pas outrepassé les droits de la Couronne, spécifiquement énumérés dans la DP, lorsqu’il a annulé l’invitation à soumissionner par souci d’équité envers tous les soumissionnaires et dans des circonstances où régnait une certaine ambiguïté quant au prix final calculé dans le cadre de l’évaluation de l’une de deux soumissions recevables. Le Ministère a fait valoir que le Tribunal a statué en ce sens dans le dossier no TR-98-002 [7] .

Position de Service Star

Service Star a structuré ses observations sur le RIF selon les quatre rubriques suivantes.

Identification des soumissionnaires recevables

Service Star a soutenu qu’elle a découvert, dans la RIF, que la proposition d’un autre soumissionnaire, considérée pour adjudication par le Ministère jusqu’à la fin du processus d’évaluation, avait fourni les mêmes chiffres pour l’ensemble des exigences liées à l’établissement des prix, tandis que deux structures de prix distinctes, un « tarif ou prix quotidien » et des « taux le mètre carré par jour » étaient clairement requis dans la DP et les modifications subséquentes. Ce défaut d’indiquer des prix « selon les unités de soumission » contrevenait, aux dires de Service Star, aux directives sur les prix énoncées dans la DP, et le Ministère aurait dû déclarer irrecevable ladite proposition et ne plus la considérer par la suite.

Calcul du coût ou du prix

Service Star a soutenu avoir indiqué, dans sa proposition, des prix qui satisfaisaient à la fois les conditions de la DP et les directives sur l’établissement des prix. Service Star a en outre soutenu que les « taux fixes » pour l’établissement de prix quotidiens étaient les seuls taux nécessaires aux fins de l’évaluation du coût. Les prix le mètre carré par jour devaient servir uniquement pour la soustraction ou l’addition de bâtiments ou de zones à l’intérieur des bâtiments au contrat ou pour évaluer la non-exécution et n’étaient pas censés jouer quelque rôle que ce soit dans l’évaluation des coûts.

Négociation et adjudication du contrat

Service Star a soutenu que, selon elle, un contrat lui a, en principe, été adjugé et qu’une négociation portant sur le calcul du prix final était en cours. Dans un tel contexte, Service Star a soutenu que non seulement elle était le seul soumissionnaire recevable au prix le plus bas mais que, au cours de la négociation, le Ministère ne s’est pas rendu compte de l’occasion d’économie considérable qui existait et a entrepris d’annuler l’appel d’offres original d’une manière discriminatoire et de mauvaise foi.

Bien-fondé de l’annulation de l’invitation et du lancement d’un nouvel appel d’offres

Service Star a soutenu que l’affirmation du Ministère, selon laquelle sa DP était ambiguë et que ce fait, à lui seul, a été la cause de l’annulation, ne peut être corroborée. Service Star a soutenu qu’elle était le seul soumissionnaire recevable et que sa proposition répondait à toutes les exigences de l’établissement des prix énoncées dans la DP, y compris les prix fixes pour la détermination du prix total et les coûts marginaux pour prévoir la variation des superficies. Service Star a en outre soutenu que le fait que le Ministère ne pouvait pas comprendre sa propre demande dans la DP, bien qu’il soit regrettable, ne peut être un motif de résiliation, soit d’une négociation en cours, soit de l’ensemble de l’appel d’offres. Service Star a de plus soutenu que la Couronne ne peut invoquer la clause de sauvegarde en vertu des « droits de la Couronne » comme elle l’a fait. Par exemple, ne fut-ce que pour un motif de correction élémentaire, la Couronne doit épuiser les possibilités d’un recours particulier qu’elle a décidé d’entreprendre, c’est-à-dire, le droit de négocier avec un ou plusieurs soumissionnaires, avant d’en entreprendre un autre, c’est-à-dire, le droit d’annuler un appel d’offres ou d’en lancer un nouveau. En ce qui concerne le renvoi du Ministère à la décision du Tribunal dans Installation globale, Service Star a soutenu que l’affaire susmentionnée était différente de la présente affaire et n’était donc pas pertinente.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux dispositions de l’ALÉNA de l’AMP et de l’ACI.

L’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA prévoit que, pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission doit être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation. Le paragraphe 4 a) de l’article XIII de l’AMP prévoit, notamment, la même chose. Selon le paragraphe 506(6) de l’ACI notamment, les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. Selon l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA en outre, l’adjudication des marchés doit être conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres. Le paragraphe 4 c) de l’article XIII de l’AMP prévoit la même chose.

Ce que le Tribunal doit déterminer dans la présente affaire est la question de savoir si le Ministère a incorrectement annulé l’invitation à soumissionner en question.

La DP exige que les soumissionnaires présentent des prix quotidiens pour toutes les sous-zones (toilettes, aires communes, bureaux, salons, etc.) dans chacun des quatre types de zones (réglementées, périphériques, non réglementées et d’habitation) à nettoyer. La DP, telle que modifiée, exige aussi que les soumissionnaires présentent, relativement aux mêmes zones et sous-zones, des prix « le mètre carré par jour ». De plus, la DP indique que les prix quotidiens sont fondés sur les prix le mètre carré par jour et souligne que ces derniers seront ceux qui serviront pour supprimer ou ajouter des bâtiments ou des zones au contrat et pour évaluer la non-exécution. La DP, en page 12, prévoit de plus, à la rubrique « DIRECTIVES SUR L’ÉTABLISSEMENT DES PRIX » que les « unités de distribution et la structure de prix énoncées dans [la DP] ne doivent pas être modifiées de quelque façon que ce soit; le cas échéant, la réponse du soumissionnaire sera jugée irrecevable » [traduction].

Le Tribunal fait observer que le paragraphe 7 de la modification no 001 ajoute aux termes originaux des dispositions sur la structure de prix ou de paiement énoncées dans la DP. Dans ce contexte, le texte initial du poste 05 selon lequel « les prix sont fondés sur un prix le mètre²/jour » [traduction] n’a pas été modifié et continue de s’appliquer.

Le Tribunal fait également observer que Service Star a indiqué à la fois un tarif quotidien et des prix le mètre carré par jour pour toutes les unités de distribution désignées dans la DP. Cependant, de l’avis du Tribunal, le tarif quotidien soumissionné par Service Star n’était pas fondé sur les prix le mètre carré par jour qu’elle a indiqués. Service Star l’a elle-même reconnu dans ses observations sur le RIF, lorsqu’elle a déclaré que son tarif quotidien était destiné à prévoir tous les coûts fixes, tandis que les prix le mètre carré par jour qu’elle a soumissionnés devaient servir uniquement pour l’addition, la soustraction ou la non-exécution de travaux et n’étaient donc destinés qu’à prévoir les coûts marginaux de telles variations des superficies.

Le Tribunal ne peut rien trouver dans la DP qui soit de nature à fonder l’interprétation que donne Service Star du point susmentionné. Le Tribunal est d’avis que les dispositions sur les prix ou les paiements énoncées dans la DP indiquent clairement que les prix quotidiens sont fondés sur les prix le mètre carré par jour et ne suggèrent pas la notion de coûts fixes par rapport à des coûts supplémentaires. En outre, rien dans la DP ne fonde l’opinion avancée par Service Star selon laquelle les prix le mètre carré par jour n’étaient destinés qu’à prévoir la variation des superficies visées dans le contrat et que, par conséquent, lesdits prix ne doivent pas entrer en ligne de compte dans la détermination de la valeur des offres lors de leur évaluation.

De plus, le Tribunal fait observer que les trois propositions encore à l’étude au moment de l’évaluation des prix présentaient toutes des lacunes quant à la formulation des prix. Une de ces offres a été présentée à un prix anormalement bas et a par la suite été retirée, précisément pour cette raison. Les deux autres offres présentaient des prix qui s’écartaient des unités de distribution ou de la structure de prix décrites dans la DP. Le Tribunal est d’avis que le Ministère, en conformité avec les directives sur l’établissement des prix énoncées dans la DP, aurait dû, du seul fait de l’écart susmentionné, déclarer irrecevables ces deux dernières propositions et ne leur accorder aucune considération ultérieure. Tel n’a pas été le cas.

Étant donné la structure particulière de la méthode d’évaluation adoptée en l’espèce pour évaluer les propositions, le Tribunal comprend pourquoi le Ministère ne s’est rendu compte que tard dans le cours de l’évaluation que sa DP était, dans les circonstances, inapplicable. Le fait n’explique cependant pas pourquoi le Ministère n’a pas appliqué les dispositions obligatoires incluses dans ses directives sur l’établissement des prix et n’a pas déclaré les propositions irrecevables. Le Tribunal est d’avis que le Ministère aurait dû, étant donné les circonstances, décider à cet instant que les conditions obligatoires n’avaient pas été satisfaites et que les soumissions étaient donc irrecevables. Bien que le Tribunal comprenne que c’est de bonne foi que le Ministère a tenté de rétablir la DP pour épargner à tous de l’argent et du temps, le Ministère aurait dû quelque part reconnaître que la mesure dans laquelle il révisait et recalculait les soumissions était incorrecte.

Le Tribunal fait observer, pour être bien compris sur ce point, que le fait que le Ministère n’ait pas mis en œuvre les dispositions de la DP relatives au Programme de réduction des effectifs n’équivaut pas, en l’espèce, à un défaut de mettre en œuvre une condition obligatoire. Il est évident, à la lumière des éléments de preuve, que le Ministère voulait que la disposition portant sur le « Programme de réduction des effectifs » soit une condition obligatoire de la DP en question. Cependant, pour des raisons qu’il a précisées dans le RIF, le Ministère a omis de communiquer cette condition dans les documents d’appel d’offres. De ce fait, le Tribunal est d’avis que le Ministère a correctement agi en n’appliquant pas ladite condition à la proposition de Service Star et celle de l’autre soumissionnaire, puisque le Ministère avait omis d’inclure cette obligation dans les documents d’appel d’offres.

Étant donné la nature du besoin visé, y compris la variabilité des horaires de nettoyage en fonction des différentes zones et sous-zones à nettoyer, une formule spécifique s’imposait pour déterminer le coût annuel. Aucune formule de cette nature n’a été incluse dans la DP, et le Ministère a éventuellement conclu qu’il s’agissait là d’une lacune fatale de sa DP. Il était nécessaire de calculer les coûts annuels pour connaître le prix estimatif total des propositions, un critère essentiel dans la sélection de l’entrepreneur. Le Tribunal invite les ministères à faire preuve d’une grande clarté lorsqu’ils demandent aux soumissionnaires de fournir des données sur les coûts en fonction d’une formule ou d’une méthode qui pourrait être particulière au projet en appel d’offres.

Les éléments de preuve montrent que les opinions des parties divergent quant à la nature exacte du but poursuivi par le Ministère, le 29 octobre 1998, lorsque ce dernier a communiqué avec Service Star au sujet de certains prix compris dans sa proposition. Service Star avance que le Ministère tentait de négocier les modalités du marché tandis que, pour sa part, le Ministère dit avoir tenté d’obtenir des éclaircissements sur les prix et des confirmations de prix. Sans statuer sur la nature exacte de la communication susmentionnée, le Tribunal est convaincu que, au moment où le Ministère a décidé d’annuler l’invitation à soumissionner en litige, il ne restait plus de propositions recevables pouvant être considérées en vue de l’adjudication. Dans de telles circonstances, le Tribunal détermine que le Ministère n’a pas contrevenu aux dispositions de l’ALÉNA, de l’AMP et de l’ACI lorsqu’il a annulé l’invitation à soumissionner et lancé un nouvel appel d’offres.

Le Ministère a demandé, dans le RIF, que l’occasion lui soit donnée de présenter d’autres observations concernant les frais engagés dans la présente affaire. Le Tribunal a décidé, à la lumière des renseignements dont il dispose en l’espèce, que les circonstances de la présente affaire ne justifient pas d’accorder les frais contre Service Star. Même si Service Star a décidé d’engager sa plainte en dépit de la décision du Ministère de lancer un nouvel appel d’offres, c’était là son droit. Bien que la plainte de Service Star ne soit pas accueillie, elle n’était pas dénuée de valeur [8] . Par conséquent, le Tribunal a décidé que des observations sur cette question ne sont pas nécessaires et qu’il n’accordera pas le remboursement de frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que la procédure de passation du marché public a été suivie conformément aux exigences de l’ALÉNA, de l’AMP et de l’ACI et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

4. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

5. Signé à Marrakech le 15 avril 1994 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1996).

6. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.

7. Installation Globale Normand Morin & Fils Inc., le 21 août 1998.

8. Tribunal canadien du commerce extérieur, Flolite Industries, dossier no PR-97-045, Addendum, le 7 août 1998.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 3 mars 1999