ITS ELECTRONICS INC.

Décisions


ITS ELECTRONICS INC.
Dossier no : PR-98-037

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 8 avril 1999

Dossier no : PR-98-037

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société ITS Electronics Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 8 avril 1999

Membre du Tribunal : Patricia M. Close

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocats pour le Tribunal : Philippe Cellard
Tamra Alexander

Plaignante : La société ITS Electronics Inc.

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services
gouvernementaux

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 4 janvier 1999, la société ITS Electronics Inc. (ITS) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) à l’égard d’un marché public (numéro d’invitation W8485-7-DH08/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour le ministère de la Défense nationale (MDN) portant sur la fourniture d’un système de brouillage cohérent, ci-après aussi appelé le Système de leurrage canadien à radar perfectionné (Canadian Advanced Radar Deception System) (CARDS), et d’un système de pièces de rechange pour installation dans les Systèmes provisoires de soutien de la guerre électronique et d’instruction (SPSGEI) de l’aéronef CE144B Challenger.

ITS a allégué que le Ministère a omis de veiller à ce que le contrat à fournisseur unique, destiné à la société MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd. (MDA), soit mis en œuvre en conformité avec :

a) la proposition de MDA relative aux travaux;

b) les modalités du préavis d’adjudication de contrat (PAC) [2] .

ITS a de plus allégué :

c) que le Ministère, en incluant l’alinéa 8.2.c des Conditions générales DSS-MAS 9601 dans le contrat initial, a permis à MDA de s’écarter de sa proposition initiale et ainsi d’obtenir un sous-système de radiofréquences (RF) de substitution pour le CARDS, qui n’est ni de conception canadienne ni d’origine canadienne;

d) qu’elle a été privée de son droit de présenter une offre en régime de concurrence dans le cadre du marché public en question;

e) que le MDN a permis à MDA de déroger aux modalités de sa licence CARDS;

f) que le MDN a encouragé ITS à divulguer des données de nature exclusive tout en, par la même occasion, appuyant les efforts de MDA pour accorder un marché à un fournisseur étranger pour les travaux en cause.

ITS a proposé quatre mesures correctives différentes, l’une d’entre elles étant que le gouvernement redonne à ITS la qualité de sous-traitant exclusif de MDA relativement au sous-système de RF.

Le 11 janvier 1999, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte en se fondant sur les points c) et d). Les points e) et f) ont été acceptés aux fins d’enquête uniquement dans la mesure où les actions qui y sont décrites sont liées aux points c) et d). Les points a) et b), se rapportant à des faits survenus après l’adjudication du marché, ne font pas, de l’avis du Tribunal, partie de la procédure de passation du marché public au sens de l’alinéa 514(2)a) [3] de l’Accord sur le commerce intérieur [4] (l’ACI) et n’ont donc pas été acceptés aux fins de l’enquête. Le 10 février 1999, le Ministère a déposé un rapport de l’institution fédérale (le RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [5] . Le 26 février 1999, ITS a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte à partir des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

À titre de contexte, en janvier 1990, MDA a remporté le marché initial portant sur le développement du CARDS à la suite d’une demande de propositions en régime concurrentiel. Le 4 octobre 1996, MDA a obtenu une licence visant le développement et la commercialisation de la technologie CARDS et, le 1er février 1998, ITS a obtenu une licence non exclusive portant sur le développement et la commercialisation du sous-système de RF du CARDS.

Le 8 août 1997, le Ministère a reçu une demande du MDN relativement à la fourniture d’un modèle de type semi-présérie du CARDS pour l’installer sur un aéronef Challenger. Le marché devait être exécuté en deux phases : la phase I, comportant une étude ergonomique de l’interface opérateur, et la phase II, comportant le développement final du modèle semi-présérie du système de brouillage CARDS, y compris la mise à l’essai, l’intégration et l’installation dans un aéronef CE144B Challenger.

Un PAC portant sur l’invitation en deux phases a été diffusé le 26 août 1997 par l’intermédiaire du Service des invitations ouvertes à soumissionner (SIOS), la date de clôture étant fixée au 4 septembre 1997. Le PAC prévoit, notamment, ce qui suit :

Genre d’accord : IOS/ACI

Stratégie d’approvisionnement non concurrentielle : Droits exclusifs

Nom et adresse du vendeur :

MACDONALD, DETTWILER AND ASSOCIATES LTD.

Nature des besoins :

Système de brouillage cohérent

Ligne 1, Système brouilleur cohérent

MDN a besoin d’acquérir un (1) système à mémoire numérique de brouillage cohérent de radiofréquences (aussi appelé le « brouilleur CARDS ») et un (1) système de pièces de rechange pour installation dans les Systèmes provisoires de soutien de la guerre électronique et d’instruction (SPSGEI) de l’aéronef CE144B Challenger. Les travaux consistent à reprendre la conception, à produire, à mettre à l’essai et à documenter un modèle conçu en laboratoire pour le transformer en un modèle de type semi-présérie convenant à l’installation à titre de prototype dans un aéronef Challenger. Les travaux doivent être exécutés en deux phases. La phase I porte sur le besoin de réaliser l’ergonomie, la conception rapide du prototype, l’élaboration d’une spécification pour la console de contrôle et de visualisation, et la mise à l’essai et l’évaluation de l’interface informatique du Système de brouillage cohérent du Challenger des Systèmes provisoires de soutien de la guerre électronique et d’instruction (SBCC SPSGEI). La phase II porte sur les besoins de développement véritable, de livraison et d’installation, de mise à l’essai et de soutien logistique intégré. L’intention est d’accorder un marché à MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA), de Richmond (C.-B.). Il n’y a pas de substitut dans le cadre du présent besoin.

[Traduction]

Le Ministère n’a pas reçu d’opposition au marché public à fournisseur unique à la suite de la diffusion du PAC.

Un contrat pour la phase I a été accordé à MDA le 18 septembre 1997, et les travaux de la phase I ont été terminés le 31 juillet 1998.

Le 17 avril 1998, le Ministère a reçu une proposition de MDA portant sur la phase II des besoins. Dans sa proposition, MDA a indiqué son intention de recourir à ITS en tant que sous-traitant pour le sous-système de RF. Dans une lettre du 6 juillet 1998, adressée au Ministère, MDA a indiqué qu’elle avait toujours l’intention de recourir à ITS en tant que sous-traitant pour la fourniture du sous-système de RF, sous réserve que cette dernière réponde aux engagements de MDA quant au risque, à l’exécution et à l’échéancier prévus dans son contrat avec la Couronne. Le 27 juillet 1998, un contrat pour la phase II a été accordé à MDA.

Selon MDA, peu après l’attribution du marché, en raison de modifications mineures des spécifications du sous-système, elle a demandé à ITS de soumettre une nouvelle offre portant sur le besoin de sous-système de RF. ITS a répondu à cette demande le ou vers le 18 août 1998. MDA a jugé que la proposition d’ITS du 19 août 1998 n’offrait guère de preuve de conformité tant au plan de la technique que des échéanciers ce qui, a fait valoir MDA, présentait un niveau inacceptable de risque en sous-traitance. Dans une lettre du 21 août 1998, MDA a avisé le Ministère qu’elle avait l’intention de procéder à une procédure concurrentielle d’approvisionnement relativement au sous-système de RF plutôt que de passer directement une entente de sous-traitance avec ITS. Le 25 août 1998, MDA a invité ITS à participer à une soumission en régime de concurrence portant sur le sous-système de RF. ITS n’a pas soumissionné en réponse à l’invitation de MDA. Le 14 janvier 1999, MDA a avisé le Ministère de sa décision de passer un contrat avec la société Filtronics Components, Ltd. (Filtronics), du Royaume-Uni, portant sur la fourniture du sous-système de RF.

BIEN-FONDé DE LA PLAINTE

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu que les questions soulevées dans la plainte ne font pas correctement l’objet d’un examen des marchés publics aux termes des dispositions de la Loi sur le TCCE et du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [6] (le Règlement) et, de ce fait, n’entrent donc pas dans le champ de compétence du Tribunal. Il a de plus soutenu que les mesures correctives demandées par ITS se fondent sur la mise en application de droits et obligations du domaine du droit contractuel et ne se rapportent pas à l’application de mesures disciplinaires du domaine du droit commercial visant les marchés publics, dans le contexte de la procédure de passation des marchés publics du gouvernement.

Le Ministère a soutenu que l’objet principal de la plainte, c’est-à-dire l’acquisition par MDA d’un sous-système de RF destiné au CARDS par l’intermédiaire d’une procédure concurrentielle plutôt que par une entente immédiate de sous-traitance avec ITS, bien qu’il se situe dans le contexte de l’exécution par MDA de ses obligations contractuelles envers la Couronne, ne porte pas sur un marché public du gouvernement. L’acquisition d’un sous-système de RF destiné au CARDS par MDA est une acquisition par une société fermée et n’est pas assujettie aux mesures disciplinaires de l’ACI.

En outre, le Ministère a soutenu que l’ACI ne s’appliquait qu’à la procédure de passation du marché public visant un fournisseur unique et par laquelle la Couronne a passé un contrat portant sur la fourniture d’un modèle semi-présérie de CARDS devant être installé dans l’aéronef Challenger. Cependant, le délai prévu pour un examen de la procédure de passation du marché public en question par le gouvernement est expiré depuis longtemps.

En ce qui a trait à la question de l’inclusion de l’alinéa 8.2.c des Conditions générales DSS-MAS 9601 dans le contrat passé entre MDA et la Couronne, le Ministère a soutenu que l’alinéa en question est une clause uniformisée portant sur la sous-traitance qui est incluse dans les marchés du gouvernement depuis 1994. Le Ministère a en outre soutenu que, peu importe si les dispositions susmentionnées permettent à MDA de s’écarter de sa proposition initiale, ITS n’est pas fondée en droit de faire opposition aux modalités d’un contrat passé entre la Couronne et une tierce partie privée, puisqu’elle n’est pas partie au contrat ni ne dispose d’une garantie quelconque que lui aurait donnée une partie au contrat. Le Ministère a en outre soutenu que les questions liées à la mise en application des droits et obligations possibles devant être inclus ou exclus de modalités particulières dans un contrat passé par la Couronne et l’interprétation de telles dispositions contractuelles ne font pas correctement l’objet d’un examen en matière de marché public. Le Ministère a fait valoir que de telles questions ne font pas partie de la procédure de passation du marché public, laquelle a pris fin au moment de l’expiration du PAC et de la décision finale d’accorder le marché principal, à fournisseur unique, à MDA.

Pour ce qui est de la question de savoir s’il y a eu atteinte au droit d’ITS de présenter une offre concurrentielle à l’égard du marché en question, y compris la question de savoir s’il y a eu manquement quant au contenu canadien et aux conditions historiques de conception, le Ministère a soutenu qu’ITS avait été avisée de l’intention du Ministère de conclure un contrat à fournisseur unique avec MDA portant sur un modèle semi-présérie de CARDS au moment de la parution du PAC le 26 août 1997. Le PAC a indiqué que l’acquisition portait sur un besoin où il n’y avait « pas de substitut » de CARDS, ce qui signifiait que seul le brouilleur CARDS qui avait été élaboré pour le compte du MDN serait acquis. Le Ministère a en outre soutenu que, au moment de la publication du PAC, ITS a décidé de ne pas contester la stratégie d’approvisionnement de type à fournisseur unique annoncée dans le PAC. Il se peut que cette décision d’ITS ait été fondée sur la déclaration qu’a faite MDA dans sa proposition au Ministère, selon laquelle MDA avait l’intention de retenir ITS en sous-traitance pour le sous-système de RF, ou sur l’interprétation qu’ITS a faite des modalités de son accord de licence avec la Couronne ou de sa présumée entente de collaboration avec MDA. Cependant, le Ministère a soutenu que, si ITS, en ne faisant pas opposition ou en se fiant aux présumées représentations de MDA ou de toute autre partie, a agi d’une façon qui lui a porté préjudice à elle-même, alors le recours convenable qui lui est accessible ne réside pas dans un examen du marché public mais plutôt dans la poursuite devant un tribunal d’une cause d’action fondée sur le droit contractuel. De toutes façons, le Ministère a conclu que le délai de dépôt d’une plainte relativement à cette question, aux termes de l’article 6 du Règlement, est expiré.

En ce qui concerne l’allégation d’ITS selon laquelle le MDN a permis à MDA de déroger aux modalités de sa licence CARDS, le Ministère a soutenu qu’ITS n’a pas qualité pour demander l’interprétation des modalités de l’entente de licence passée entre MDA et la Couronne puisque ITS n’est pas partie à ladite entente. Le Ministère a soutenu que, de façon plus importante encore, l’interprétation des modalités de l’entente de licence et les tentatives d’ITS visant à faire valoir des présumées violations de l’entente de licence n’entrent pas dans le champ de compétence du Tribunal pour l’examen des marchés publics.

Le Ministère a nié l’allégation d’ITS selon laquelle le MDN l’aurait encouragée à divulguer des données de nature exclusive dans le cadre de la recherche de faits sur le fournisseur unique tout en, par la même occasion, appuyant l’adjudication par MDA des travaux à un fournisseur étranger. Le Ministère a soutenu que ladite allégation n’est appuyée par aucun élément de preuve dans la plainte.

Position d’ITS

ITS a soutenu que la Couronne ne peut se dégager de sa responsabilité vis-à-vis la sous-traitance du sous-système de RF. Si c’était le cas, MDA pourrait faire ce qu’elle veut pour fournir un brouilleur qui répond aux spécifications techniques du CARDS, sans égard au processus historique de développement du CARDS ou au contenu canadien. De cette façon, MDA serait autorisée à ne pas tenir compte des facteurs qui ont, au départ, sous-tendu sa sélection en tant que fournisseur exclusif. ITS a en outre soutenu que le CARDS est soit un produit canadien unique qui peut justifier un contrat à fournisseur unique soit simplement un ensemble de besoins techniques qui peuvent être satisfaits de diverses manières à partir du marché mondial.

En ce qui a trait à l’inclusion de l’alinéa 8.2.c des Conditions générales DSS-MAS 9601, ITS a soutenu que c’est cette inclusion par le Ministère qui a permis à MDA de déroger à la condition « pas de substitut », énoncée dans le PAC, sans contrevenir à son contrat initial avec la Couronne. Le PAC, selon ITS, ne peut représenter une acquisition auprès d’un fournisseur unique que si l’intégrité historique du développement du CARDS est maintenue, y compris le sous-système de RF du Centre de recherches pour la défense Ottawa (CRDO). Par conséquent, selon ITS, bien que MDA ait agi correctement selon les termes du contrat passé entre cette dernière et la Couronne, les termes du PAC ont été violés, de même que les droits en régime de concurrence d’ITS et ceux d’autres soumissionnaires d’Amérique du Nord.

ITS a en outre soutenu que la condition « pas de substitut » énoncée dans le PAC, bien qu’elle soit acceptable et raisonnable si elle découle de l’intention de la Couronne d’acquérir des brouilleurs CARDS élaborés pour le compte du MDN, ne peut plus se justifier, puisque la condition « pas de substitut » n’est pas satisfaite. En vérité, le sous-système de RF canadien est maintenant remplacé par une conception de rechange Filtronics qui n’est ni canadienne ni un développement ultérieur de la conception du CRDO. ITS a soutenu que, sauf si MDA est tenue de respecter sa proposition initiale et de respecter la condition « pas de substitut » énoncée dans le PAC, son droit de soumissionner a été violé. C’est à cet égard, selon ITS, que les éléments a, b et c de sa plainte, telle qu’ils sont énoncés dans sa lettre du 30 décembre 1998, entrent correctement dans le champ de compétence du Tribunal.

Pour ce qui est de l’observation du Ministère selon laquelle ITS, de sa propre initiative, a décidé de ne pas contester le PAC, ITS a soutenu qu’elle n’avait aucun motif de le faire avant qu’il ne soit contrevenu aux modalités du PAC. ITS a avancé que, en acceptant une conception étrangère pour le sous-système de RF, le Ministère a en fait changé les règles de base du marché public. À cet égard, ITS a soutenu que les délais ne devraient pas s’appliquer en l’espèce, puisque les règles du marché public ont été changées après le délai prescrit pour le dépôt d’une plainte.

Finalement, ITS a soutenu que, sans l’encouragement bien intentionné du MDN, elle n’aurait pas communiqué à MDA sa solution, à la pointe du progrès, se rapportant à un aspect du sous-système de RF. Elle l’a fait parce qu’elle croyait que ce partage de renseignements était au cœur de l’acceptation de sa proposition par MDA.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit, notamment, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux dispositions de l’ACI.

Le Tribunal examinera, en premier lieu, si l’inclusion par le Ministère de l’alinéa 8.2.c des Conditions générales DSS-MAS 9601 dans le contrat passé entre MDA et la Couronne a rendu le marché public comme tel différent de celui qui est visé dans le PAC, et plus précisément relativement au sous-système de RF.

Après avoir examiné avec soin le PAC publié par l’intermédiaire du SIOS le 26 août 1997, le Tribunal ne trouve aucune trace d’une mention quelconque d’ITS comme sous-traitant dans ledit document ou de conditions se rapportant spécifiquement au sous-système de RF. Le Tribunal est d’avis que le PAC est clair. MDA sera le fournisseur unique du système de brouillage cohérent, et aucun substitut ne sera accepté à la place du brouilleur CARDS tel qu’il est décrit dans le PAC. Aucun élément de preuve au dossier ne montre que le brouilleur CARDS faisant l’objet du marché passé par le Ministère constitue, de fait, un système substitut du brouilleur CARDS dont il est fait mention dans le PAC [7] . Le PAC mentionne le brouilleur CARDS uniquement comme « un modèle conçu en laboratoire », et les travaux visés dans le PAC devaient consister à reprendre la conception, à produire, à mettre à l’essai et à documenter ce modèle pour en faire un modèle de type semi-présérie qui convienne à l’installation à titre de prototype dans un aéronef Challenger. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, il n’est pas fait mention de conditions spécifiques au sous-système de RF. Pour les raisons ci-dessus, le Tribunal conclut que le marché accordé à MDA le 27 juillet 1998 est conforme au PAC.

En ce qui concerne la question du droit d’ITS de livrer concurrence pour répondre au besoin en question, le Tribunal est d’avis qu’ITS aurait dû vraisemblablement découvrir le ou vers le 26 août 1997 que le Ministère avait l’intention de combler son besoin de système de brouillage cohérent en s’adressant à un fournisseur unique, à savoir MDA, avec la condition « pas de substitut ». Le Tribunal a déjà déterminé que le PAC était clair sur ces points. Le Tribunal est donc d’avis qu’ITS avait accès, à ce moment-là, à tous les renseignements nécessaires pour contester le PAC, et protéger de la sorte son droit de livrer concurrence à titre d’entrepreneur principal pour répondre au besoin. ITS a décidé de ne pas le faire, et le délai prescrit à l’article 6 du Règlement pour le dépôt d’une plainte est expiré.

Pour ce qui est de l’allégation de l’ITS selon laquelle le MDN a permis à MDA de déroger aux modalités de sa licence CARDS, le Tribunal conclut que l’entente de licence passée entre le MDN et MDA a été passée hors du cadre de la procédure de passation du marché public liée à l’invitation en question. Par conséquent, ladite entente ne fait pas partie de la procédure de passation du marché public en question. Le Tribunal détermine donc qu’il n’a pas compétence pour statuer sur cette question.

En ce qui a trait à l’allégation d’ITS selon laquelle le MDN l’a encouragée à divulguer des données de nature exclusive, le Tribunal conclut que, puisque la conduite censément incorrecte des représentants du MDN se rapporte à la sous-traitance et non au marché public en question, ledit motif de plainte ne se rapporte pas à un aspect quelconque de la procédure de passation du marché public liée à l’invitation en question et, de ce fait, le Tribunal détermine qu’il n’a pas compétence pour examiner ce motif de plainte sur le fond.

Le Ministère a demandé, dans le RIF, d’avoir l’occasion de présenter d’autres exposés portant sur les frais dans la présente affaire. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l’affaire, selon les renseignements mis à la disposition du Tribunal, ne justifient pas d’accorder les frais contre ITS. Bien que la plainte d’ITS ne soit pas accueillie, elle n’était pas dénuée de valeur [8] . Par conséquent, le Tribunal a décidé que des exposés sur cette question ne sont pas nécessaires, et qu’il n’accordera pas le remboursement de frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ACI et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Avis de l’intention de solliciter une offre, et de la négocier, uniquement auprès d’une entreprise. Il ne s’agit pas d’un appel d’offres en régime concurrentiel. Cependant, les fournisseurs peuvent, au plus tard à la date de clôture indiquée, manifester leur intérêt et démontrer leur capacité d’exécuter le contrat.

3. «[P]ermettant aux fournisseurs de présenter des contestations portant sur tout aspect du processus de passation du marché public, lequel, pour l’application du présent article, débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir, et se poursuit jusqu’à l’attribution du marché».

4. Signé à Ottawa (Ontario) le 8 juillet 1994.

5. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

6. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

7. Le Tribunal fait observer qu'il n'est pas fait mention du sous-système de RF dans une lettre du 28 juillet 1997 justifiant l'approvisionnement auprès d'un fournisseur unique (pièce 3 du RIF).

8. Tribunal canadien du commerce extérieur, Flolite Industries, dossier no PR-97-045, addenda, le 7 août 1998.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 16 avril 1999