STORAGETEK CANADA, INC.

Décisions


STORAGETEK CANADA, INC.
Dossier no : PR-99-050

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 29 mai 2000

Dossier no : PR-99-050

EU ÉGARD À une plainte déposée par StorageTek Canada, Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et la Gendarmerie royale du Canada précisent l'énoncé des exigences générales à l'article 1.1.1 de l'annexe « C », « Cahier des charges et Énoncé des travaux relativement au système sur bande virtuel de la GRC - site à distance » [traduction], de la demande de propositions et, dans ce contexte, de reformuler l'article 1.2.8, tel que modifié, y compris les changements à apporter en conséquence ailleurs dans l'annexe « C », au besoin, exprimées en critères de rendement plutôt qu'en critères de conception. Le Tribunal recommande également que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux demande à StorageTek Canada, Inc. et à IBM Canada Limitée de réviser, si besoin est, leurs soumissions, y compris le coût, en fonction de ces changements et dans une telle mesure seulement, et poursuive la passation du marché prévue dans la demande de propositions reformulée et les accords commerciaux applicables.

Comme solution de rechange, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que la demande de propositions soit annulée et lancée de nouveau avec un cahier des charges modifié, conformément aux dispositions des accords commerciaux.

Aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à StorageTek Canada, Inc. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt et le traitement de cette plainte.


Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

Date de la décision :

Le 29 mai 2000

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gerry Stobo

   

Partie plaignante :

StorageTek Canada, Inc.

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Nathan Cheifetz

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 28 février 2000, StorageTek Canada, Inc. (StorageTek) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (numéro d'invitation M9087-0-1668/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) relativement à la fourniture, la livraison, l'installation, l'intégration et la configuration d'un système sur bande virtuel, y compris des services d'entretien sur place pendant un an, afin de mettre à niveau le système électronique de sauvegarde à distance de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à Ottawa (Ontario). En outre, la demande comprend un certain nombre d'options.

StorageTek a prétendu que la demande de propositions (DP), telle que modifiée, particulièrement les articles 1.2.8 et 1.2.9 de l'annexe « C » de la DP, est inutilement restrictive et, par conséquent, contrevient à l'article 1007 de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 .

StorageTek a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal ordonne le report de l'adjudication de tout marché relativement à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. StorageTek a également demandé que le Ministère annule la DP et lance une nouvelle invitation à soumissionner de façon à ce que plus qu'un fournisseur potentiel puisse soumissionner, conformément aux dispositions des accords commerciaux applicables. De plus, StorageTek a demandé le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt et le traitement de la plainte.

Le 2 mars 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisqu'elle répondait aux exigences énoncées au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE ainsi qu'aux conditions établies au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le même jour, le Tribunal a ordonné au Ministère de reporter l'adjudication de tout marché relativement à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 31 mars 2000, le Ministère a déposé un rapport de l'institution fédérale (le RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 10 avril 2000, StorageTek a déposé auprès du Tribunal ses observations sur le RIF. Le 26 avril 2000, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un exposé complémentaire et, le 2 mai 2000, StorageTek a déposé ses observations en réponse.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le système informatique du Centre d'information de la police canadienne permet aux forces policières municipales, régionales et provinciales du Canada, de même qu'à de nombreux organismes du gouvernement fédéral, d'effectuer l'entreposage et la récupération en ligne de renseignements. Les services policiers canadiens comptent sur l'intégrité et la disponibilité permanente de ce système informatique pour desservir et protéger les citoyens canadiens.

Il y a environ sept ans, la GRC a installé, à cette fin, un système automatisé de sauvegarde sur bande fabriqué par StorageTek. À cette époque, cet équipement répondait aux besoins de la GRC et, selon le RIF, il s'agissait de la meilleure solution technique disponible. Comme le précise le RIF, durant l'été et l'automne de 1999, la GRC s'est rendu compte que ses besoins en mémoire à distance s'étaient considérablement accrus et que cela occasionnait l'engorgement de sauvegarde sur bande de son installation à distance. En septembre 1999, afin de remédier à la situation, StorageTek a fourni, en réponse à la demande de la GRC, quatre dérouleurs de bande supplémentaires. La GRC a envisagé une solution plus permanente et a recherché une technologie appelée système « virtuel », que deux fournisseurs potentiels connus seulement pouvaient lui fournir, c'est-à-dire StorageTek, par le biais de son produit Virtual Storage Manager5 , ainsi qu'IBM Canada Limitée (IBM), avec son produit Virtual Tape Server.

Vers le 1er décembre 1999, la GRC a eu des discussions avec les deux fournisseurs et, concluant qu'ils pouvaient tous deux répondre à ses besoins, a décidé de lancer un appel d'offres.

Le 18 janvier 2000, une DP portant sur le besoin en question est parue sous forme d'un avis d'achat proposé sur le Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX) et dans Marchés publics. L'avis d'achat proposé mentionnait l'ALÉNA en tant que l'un des accords commerciaux applicables.

La DP, telle que modifiée6 , indique, notamment, ce qui suit :

Section B : Directives sur la préparation de la proposition
B.5 Proposition technique (O)
(i) Il est obligatoire que la proposition technique comprenne ce qui suit : (O)

d) Une déclaration de conformité aux exigences techniques de tout article (ou l'Énoncé des travaux).

[Traduction]

La définition suivante est comprise dans l'annexe « C » de la DP, « Cahier des charges et Énoncé des travaux relativement au système sur bande virtuel de la GRC - site à distance » :

SYSTÈME DE MÉMOIRE SUR BANDE VIRTUEL ou système sur bande virtuel se rapporte aux composantes de l'ensemble de la bandothèque automatisée et du système de mémoire virtuel. Ce système comprend les composantes (mais sans exclure d'autres composantes), telles que le système virtuel de disques en grappe de niveau 5, les unités de cartouche, les unités de commande, les unités de mémoire-bibliothèque, la robotique, le matériel nécessaire pour assurer la connexion ESCON au site à distance et le canal de fibre optique permettant de relier les deux emplacements.

[Traduction]

Les passages suivants sont tirés des « Exigences techniques » [traduction] de l'annexe « C » de la DP :

1.2 Exigences relatives au système de mémoire sur bande.
1.2.8 La solution proposée doit comprendre la capacité d'exécuter une restauration autonome sans être appuyée d'un système d'exploitation actif (OS/390).
1.2.9 La solution proposée doit comprendre le matériel informatique et les logiciels nécessaires afin d'assurer l'interaction et le contrôle du système de mémoire appuyé ou non d'un système d'exploitation OS/390 actif.

[Traduction]

Le 3 février 2000, StorageTek a soulevé un certain nombre de questions relativement à certaines des exigences de la DP. Selon le RIF, à ce moment-là, la GRC ne savait pas que StorageTek était dans l'impossibilité de satisfaire à toutes les exigences techniques obligatoires de la DP. StorageTek a présenté une seconde série de questions le 15 février 2000.

La question 8 indique ce qui suit :

L'article 1.2.8 précise ce qui suit : La solution proposée doit comprendre la capacité d'exécuter une restauration autonome sans être appuyée d'un système d'exploitation actif (OS/390). Nous fournirons une unité de bande automatisée et spécialisée aux fins du traitement de sauvegarde et de restauration autonome. La bandothèque automatisée comprendra suffisamment de positions pour pouvoir satisfaire à l'exigence liée à la restauration autonome. Le processus pour répondre à cette exigence sera exactement le même que celui qui est en place. Cela convient-il à la Couronne?

[Traduction]

Le 18 février 2000, le Ministère a répondu comme suit, par le biais de la modification no 002, à la question 8 :

Article 1.2.8. La GRC se servira des données du système virtuel afin de reconstituer son système de production en cas de sinistre. Le système virtuel servira également à mettre à l'épreuve, sur une base régulière, la procédure antisinistre. Le système d'exploitation OS/390 complet et les applications doivent être reconstitués à partir des bandes de sauvegarde. La GRC accepte que la fonction de restauration autonome soit amorcée sur un appareil externe ou spécialisé. Toutefois, toutes les données doivent être sauvegardées et restaurées au moyen d'unités virtuelles. [Soulignement ajouté]

[Traduction]

La réponse du Ministère n'a pas satisfait StorageTek et, à la demande du Ministère, elle a fait état de sa position en envoyant une télécopie à cet effet le 23 février 2000. Aucun changement à la DP n'a été apporté à la suite de cette correspondance, et la DP est venue à échéance le 29 février 2000.

Deux soumissions ont été reçues, une provenant d'IBM, et l'autre de StorageTek. La soumission de StorageTek a été déclarée non conforme. Les motifs de cette décision ont été exposés dans une note de service, datée du 3 mars 2000, que la GRC a fait parvenir au Ministère. La GRC a indiqué que la solution proposée par StorageTek, visant à utiliser qu'une unité de bande non virtuelle spécialisée qui ne fait pas partie du Virtual Storage Manager, n'était pas conforme à un nombre d'exigences obligatoires et ce, pour les raisons suivantes : 1) elle n'assurait pas la capacité fonctionnel d'utiliser le programme de restauration autonome en vue de restaurer les volumes de disque du système à partir des données sauvegardées dans des volumes virtuels; 2) elle ne satisfaisait pas à l'exigence relative à la redondance; 3) elle n'était pas conforme au taux de transfert des données obligatoire de 20 mégaoctets par seconde.

D'après le RIF, à la date de la production du RIF, ni l'un ni l'autre des soumissionnaires n'ont été informés du statut de leur proposition en raison de l'enquête menée par le Tribunal dans cette affaire.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu que la solution technique proposée par StorageTek, relativement à la sauvegarde et à la restauration des données, faisait appel à des unités spécialisées et dépendait d'un système d'exploitation actif. En cas de sinistre comportant la défaillance d'un système d'exploitation, le Ministère a soutenu que la gestion manuelle des données devrait être entreprise afin de restaurer le système. Le Ministère a soutenu que cette proposition ne convenait pas à la GRC, puisqu'elle voulait mettre à niveau son système actuel, et qu'elle n'était pas conforme aux exigences établies dans la DP.

Le Ministère a soutenu que l'exigence relative à la restauration autonome n'est pas la procédure élémentaire décrite dans la plainte déposée par StorageTek. La procédure de sauvegarde et de restauration autonome est compliquée, exige beaucoup de temps et se rapporte à un volume très élevé de données.

Le Ministère a également soutenu que tous les efforts ont été déployés pour informer les deux fournisseurs potentiels de l'intention de la GRC d'acquérir une solution entièrement virtuelle en vue de remplacer le matériel existant. À aucun temps durant les échanges qu'ont eus la GRC et StorageTek, cette dernière a-t-elle indiqué que le Virtual Storage Manager ne pouvait satisfaire à une telle exigence.

Le Ministère a fait valoir que l'exigence obligatoire de la GRC relative à des unités virtuelles était incontournable dans le cadre de la mise à niveau qu'elle envisageait, et que la prétention de StorageTek à l'effet qu'une telle exigence est injustifiée et vise seulement à favoriser IBM n'était pas fondée. La GRC maintient qu'elle croyait, lorsque la DP a été lancée, que StorageTek et IBM étaient en mesure de satisfaire aux exigences obligatoires. De plus, le Ministère a soutenu que la GRC a entretenu une excellente relation de travail avec StorageTek au cours des 10 dernières années, période pendant laquelle elle a exploité ses technologies de zone tampon. Il a également soutenu que des modifications ultérieures à la DP invalideraient les exigences qu'elle contient. De plus, eu égard à la période de consultations qui a précédé le lancement de la DP et la date à laquelle StorageTek a déposé son objection aux exigences, le Ministère a soutenu que toute modification ultérieure présentée à ce temps-ci pourrait sembler être préjudiciable à l'endroit d'IBM et favorable à l'endroit de StorageTek.

Dans l'exposé complémentaire déposé auprès du Tribunal le 26 avril 2000, le Ministère a fait valoir que StorageTek continue d'attaquer l'exigence administrative de base de la GRC, en ce qui concerne le matériel de sauvegarde simultanée de ses nombreux systèmes policiers indispensables. Selon la GRC, il est physiquement et logiquement impossible pour une seule unité de bande externe d'être utilisée conjointement et simultanément par de nombreux systèmes. La GRC voulait acquérir une technologie virtuelle afin de contourner cette difficulté. La GRC a convenu que la démarche proposée par StorageTek « est une solution fonctionnelle permettant la restauration, toutefois le processus de sauvegarde est sérieusement entravé par cette méthode » [traduction].

Position de StorageTek

StorageTek a soutenu que le système qu'elle a proposé pouvait répondre aux besoins techniques de la GRC, voire même les dépasser, en ce qui concerne la conservation, la récupération et la restauration exacts et rapides de données. Selon StorageTek, la fonction de restauration autonome peut être exécutée conformément aux besoins de la GRC, au moyen des systèmes proposés par IBM ou par StorageTek, ce qui laisse entendre que l'exigence technique comprise dans la DP est injustement et inutilement restrictive, contrairement aux accords commerciaux applicables.

Plus particulièrement, StorageTek a soutenu que la question en litige consiste à savoir si l'exigence obligatoire établie dans la modification no 002 à la DP, c'est-à-dire la capacité d'effectuer la restauration au moyen d'unités virtuelles, représente une exigence technique équitable. Quant à l'exigence touchant la restauration autonome comme telle, elle ne pose pas problème. StorageTek a également soutenu que sa solution n'était pas fonction d'un système d'exploitation actif. La sauvegarde et la récupération manuelles des données auxquelles elle a fait référence dans sa soumission consistent à insérer, à la main, quatre bandes dans une unité (une opération d'une durée de 30 à 40 secondes), au lieu qu'il revienne à un particulier d'entrer une commande au clavier pour qu'un robot exécute ce travail.

StorageTek a soutenu qu'elle n'a pas soulevé la question de sa capacité à exécuter la restauration des données à partir d'une unité virtuelle à sa réunion du 1er décembre 1999 avec la GRC, du simple fait que la solution à l'étude à ce moment-là ne comportait pas de telles caractéristiques. StorageTek a indiqué qu'elle n'avait pris connaissance de l'exigence de restauration du système au moyen d'unités virtuelles que le 18 février 2000 environ, au moment de la parution de la modification no 002 à la DP.

StorageTek a reconnu que son Virtual Storage Manager n'exécute pas la restauration des volumes de disque du système directement à partir d'unités virtuelles, mais que c'est justement cette caractéristique obligatoire qui est visée par sa plainte. Ainsi, StorageTek a soutenu que l'exigence réelle de la GRC vise une fonction de restauration avec un rendement donné, et non une exigence ou une méthode particulières visant à assurer ce rendement.

Relativement à l'affirmation du Ministère selon laquelle la modification de la DP à ce moment-ci favoriserait StorageTek au détriment d'IBM, StorageTek a dit avoir fait valoir ses préoccupations au sujet de l'exigence de restauration des données à partir d'unités virtuelles dès que cette exigence a été annoncée dans la modification no 002 et que, par conséquent, elle ne pouvait comprendre pourquoi on l'accusait de tenter de retarder la procédure de passation du marché public à son avantage.

Dans ses dernières observations du 2 mai 2000, StorageTek a réitéré que sa plainte n'était pas une tentative visant à attaquer l'éthique professionnelle ou la crédibilité de quiconque. StorageTek a également soutenu qu'il était possible de sauvegarder et de restaurer des données, autres que les fichiers de restauration autonome minimums (qui ne doivent être sauvegardés qu'à de rares occasions, comme lorsque des changements sont apportés au système d'exploitation), en utilisant le Virtual Storage Manager de StorageTek. Ainsi, la GRC disposait d'un maximum de 64 unités de bandes virtuelles pour effectuer les sauvegardes essentielles. N'importe quel nombre de ces unités pourrait être utilisé par n'importe quel système de la GRC, et le Virtual Storage Manager empêcherait l'utilisation simultanée d'une même unité de bande virtuelle.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Conformément à l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des procédures et autres exigences établies par règlement pour le marché en question. L'article 11 du Règlement prévoit notamment que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément à l'ALÉNA.

L'article 1007 de l'ALÉNA prescrit, notamment, ce qui suit :

1. Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques établies, adoptées ou appliquées par ses entités n'aient pas pour but ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce.

2. Chacune des Parties fera en sorte que toute spécification technique prescrite par ses entités soit, s'il y a lieu:

a) définie en fonction des propriétés d'emploi du produit plutôt qu'en fonction de la conception ou de caractéristiques descriptives; et

b) fondée sur des normes internationales, des règlements techniques nationaux, des normes nationales reconnues ou des codes du bâtiment.

Ayant examiné avec soin les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que l'article 1.2.8 des exigences techniques, tel que modifié (l'exigence obligatoire invoquée pour déclarer la soumission de StorageTek non conforme) est rédigé de façon à préciser les propriétés relatives à la conception et établit précisément comment la fonction de restauration autonome doit être exécutée, c'est-à-dire en utilisant seulement des unités virtuelles. Avant que le Ministère ne dépose sa réponse à la question 8, ce qu'il a fait le 18 février 2000, il n'était nullement mentionné que le système sur bande virtuel, qui faisait l'objet de la DP, devait comprendre nécessairement une unité virtuelle. Ni la GRC, ni quiconque, n'a en aucun temps laissé entendre qu'un système d'entreposage sur bande virtuel, par déduction nécessaire, doit comprendre une unité virtuelle. De toute évidence, ce n'est pas ce que StorageTek a compris.

Le Tribunal n'est pas convaincu que la GRC ne puisse exprimer son besoin en termes de rendement plutôt que de conception. Il doit exister un rendement spécifique que la GRC désire atteindre lorsqu'elle précise une conception particulière (c.-à-d. des unités virtuelles), et c'est ce rendement précisément qui doit être décrit dans la DP. Il se peut fort bien que, pour des raisons de rendement, une unité virtuelle soit le seul appareil pouvant répondre aux besoins de la GRC. Il faudra toutefois que cette situation soit clairement formulée et adéquatement énoncée dans la DP. Le Tribunal conclut que, contrairement à l'article 1007 de l'ALÉNA, l'actuelle formulation de l'article 1.2.8 du cahier des charges, tel que modifié, se rapporte à une conception particulière et, en tant que telle, pose ou a pour effet de poser un obstacle inutile au commerce.

L'observation du Ministère, selon laquelle la prolongation de la procédure de passation du marché public à ce moment-ci pourrait être perçue comme favorisant StorageTek au détriment d'IBM, n'est pas fondé. Le Tribunal est convaincu que StorageTek a découvert les faits à l'origine de sa plainte seulement lorsque le Ministère a publié sa réponse à la question 8. À la demande du Ministère, le 23 février 2000, StorageTek a fait état de ses difficultés relativement à la réponse 8 dans une télécopie qu'elle a fait parvenir au Ministère. StorageTek a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 25 février 2000. Le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve lui indiquant que la plainte de StorageTek, ou la façon dont cette plainte a été déposée auprès du Tribunal, était inappropriée ou entreprise pour des motifs ultérieurs. De plus, le Tribunal aimerait assurer la GRC que les observations de StorageTek ne peuvent être interprétées comme portant ombrage aux agissements du personnel de la GRC.

D'après le RIF, ni l'un ni l'autre des soumissionnaires n'avaient pas été informés du statut de leur proposition respective. Puisqu'il peut être possible de redresser la situation en soumettant une partie de l'invitation à soumissionner à un nouvel appel d'offres, le Tribunal recommandera au Ministère d'entreprendre une telle démarche. Toutefois, si le Ministère décide de ne pas utiliser cette démarche, le Tribunal recommandera, comme solution de rechange, que l'invitation à soumissionner soit annulée et lancée de nouveau, conformément aux dispositions des accords commerciaux applicables.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public n'a pas été passé conformément aux exigences de l'ALÉNA et que, par conséquent, la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que le Ministère et la GRC précisent l'énoncé des exigences générales de l'article 1.1.1 de l'annexe « C », « Cahier des charges et Énoncé des travaux relativement au système sur bande virtuel de la GRC - site à distance », de la DP et, dans ce contexte, de reformuler l'article 1.2.8, tel que modifié, y compris les changements à apporter en conséquence ailleurs dans l'annexe « C », au besoin, exprimés en critères de rendement plutôt qu'en critères de conception. Le Tribunal recommande également que le Ministère demande à StorageTek et à IBM de réviser, si besoin est, leurs soumissions, y compris le coût, en fonction de ces changements et dans une telle mesure seulement, et poursuive la procédure de passation du marché tel qu'il est prévu dans la DP reformulée et les accords commerciaux applicables.

Comme solution de rechange, le Tribunal recommande que la DP soit annulée et lancée de nouveau avec un cahier des charges modifié, conformément aux dispositions des accords commerciaux.

Aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à StorageTek le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt et le traitement de cette plainte.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . Les observations de StorageTek sur le RIF daté du 10 avril 2000.

6 . La DP a été modifiée par la modification no 001 le 7 février 2000, la modification no 002 le 18 février 2000, et la modification no 003 le 23 février 2000. Seule la modification no 002 se rapporte à la présente affaire.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 13 juin 2000