LIFTOW LIMITED

Décisions


LIFTOW LIMITED
Dossier no PR-99-017

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 13 octobre 1999

Dossier no PR-99-017

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Liftow Limited aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), ch 47, modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 13 octobre 1999

Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Agent d’enquête : Dominique Laporte

Avocat pour le Tribunal : Philippe Cellard

Partie plaignante : Liftow Limited

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 16 juillet 1999, la société Liftow Limited (Liftow) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] à l’égard d’un marché public du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) portant sur la fourniture d’un chariot élévateur à fourche TCM modèle FB25-6, ou d’un chariot similaire, pour le compte du Conseil national de recherches du Canada (CNRC).Liftow a allégué que le Ministère n’a pas tenu compte de l’exigence obligatoire portant sur la livraison lorsqu’il a adjugé un marché à la société J.H. Ryder Machinerie Limitée (J.H. Ryder) qui, censément, n’était pas en mesure de satisfaire la date limite de livraison fixée au 30 juillet 1999. Liftow a demandé, à titre de mesure corrective, que le marché en question lui soit adjugé.Le 21 juillet 1999, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière remplissait les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] . Le 16 août 1999, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (le RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [3] . Le 27 août 1999, Liftow a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte à partir des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 19 avril 1999, le Ministère a reçu une demande du CNRC portant sur l’achat, avec reprise, d’un chariot élévateur à fourche. Il était urgent d’obtenir le matériel puisque le chariot élévateur en usage présentait des risques pour la sécurité. Le 25 mai 1999, un avis de projet de marché (APM) et une demande de propositions (DP) ont été publiés par l’entremise du Service électronique d’appels d’offres canadien (MERX). L’APM précisait que le marché public était assujetti à l’Accord de libre-échange nord-américain [4] et à l’Accord sur le commerce intérieur [5] et que la date de livraison requise était le 30 juillet 1999 au plus tard.La DP, qui est datée du 19 mai 1999 et qui précise que la date de clôture des soumissions était le 21 juin 1999, indique notamment ce qui suit à la page 2 : « Description : Livraison : requise le 30 juillet 1999 au plus tard » [traduction]. En outre, la section 1:A de la DP, intitulée « DIRECTIVES AUX SOUMISSIONNAIRES/ENTREPRENEURS » se lit, notamment, comme suit :LIVRAISON : LE 30 JUILLET 1999 AU PLUS TARDSPÉCIFICATIONS OBLIGATOIRES :1. CHARIOT ÉLÉVATEUR À FOURCHE À PNEUMATIQUES GONFLABLES [Traduction]En outre, à la page 7, la DP indique, notamment, ce qui suit :

Critères de sélection

Pour être jugée recevable, une soumission doit satisfaire à toutes les exigences obligatoires du présent appel d’offres. Les soumissions qui ne remplissent pas toutes les exigences obligatoires ne seront pas retenues pour examen. Il sera recommandé d’adjuger le marché ou d’octroyer une offre à commandes, selon le cas, à la soumission recevable la moins-disante.

LIVRAISON

Le délai de livraison le plus bref que nous pouvons respecter est _________________.

[Traduction]

Selon le RIF, deux propositions ont été reçues : celle de J.H. Ryder au montant de 35 577,50 $, TPS comprise, et celle de Liftow au montant de 36 583,30 $, TPS comprise. La proposition soumise par J.H. Ryder indique, notamment, ce qui suit : « LIVRAISON... DANS LES DERNIERS JOURS DE JUILLET 1999 » [traduction]. Une mention, jointe à la proposition de J.H. Ryder et faisant partie intégrante de ladite proposition, indique, notamment, ce qui suit : « Livraison : à être fixée au moment de la commande ». [traduction].

Selon le RIF, le Ministère a demandé à J.H. Ryder de préciser la date de livraison dans sa soumission. Le 29 juin 1999, le Ministère a reçu une télécopie de J.H. Ryder dans laquelle elle confirmait la livraison au plus tard le 30 juillet 1999. Étant donné que sa proposition a été évaluée comme étant la proposition recevable la moins-disante, un marché a été adjugé à J.H. Ryder le 29 juin 1999. Le marché stipule, notamment, ce qui suit : « Livraison : l’entrepreneur devra avoir complété la livraison au plus tard le 30 JUILLET 1999 ». [traduction].

Selon le RIF, le 6 juillet 1999, dans le cadre d’une conversation téléphonique entre le Ministère et Liftow, l’agent de négociation des contrats a déclaré que la date de livraison n’était pas une exigence obligatoire de la DP. Cependant, les détails de la proposition de J.H. Ryder et l’évaluation de cette proposition n’ont pas fait l’objet de discussions.

Le 16 juillet 1999, Liftow a déposé une plainte auprès du Tribunal.

Le 26 juillet 1999, J.H. Ryder a avisé l’agent de négociation des contrats que la date de livraison du 30 juillet 1999, prévue au contrat, posait un problème. Au même moment, J.H. Ryder a proposé une date de livraison révisée, soit le 25 septembre 1999, concernant le véhicule visé dans l’appel d’offres ainsi que la livraison, au plus tard le 30 juillet 1999, d’un chariot élévateur à fourche de remplacement, à titre de prêt jusqu’à la date de livraison de l’unité visée dans le marché public. J.H. Ryder a indiqué que le chariot de prêt répondait à toutes les spécifications, en termes de matériel et de rendement, énoncées dans le marché, ou même les dépassait, sauf que les pneus étaient à bandage plein plutôt que des pneumatiques gonflables. Le 28 juillet 1999, J.H. Ryder a confirmé l’offre susmentionnée dans une télécopie adressée au Ministère et a demandé d’être informée de l’acceptabilité de son offre. Selon le RIF, les agents du Ministère responsables de l’administration du contrat ont accepté l’offre, cette acceptation ayant été confirmée par le Ministère dans une lettre du 29 juillet 1999. La lettre indique, notamment, ce qui suit : « Vous [J.H. Ryder] avez aussi mentionné dans notre conversation que l’unité faisant l’objet du marché serait livrée d’ici à quatre semaines environ » [traduction]. Le 5 août 1999, J.H. Ryder a confirmé que la date de livraison révisée était le 25 septembre 1999, comme l’indiquait sa télécopie initiale du 28 juillet 1999, adressée au Ministère. Selon le RIF, le 30 juillet 1999, le Ministère a reçu la confirmation que le chariot élévateur à fourche de prêt avait été livré.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu que J.H. Ryder a indiqué, dans sa proposition, une date de livraison qui était « dans les derniers jours de juillet 1999 », cette date ayant été précisée par J.H. Ryder, à la demande du Ministère, comme étant le 30 juillet 1999. Le Ministère a soutenu qu’il a donc correctement évalué les propositions en ce qui concerne la condition portant sur la livraison.

En outre, le Ministère a reconnu que le commentaire fait à Liftow par l’un de ses agents, selon lequel la date de livraison n’était pas un facteur dans l’évaluation des propositions, était erroné. Le Ministère a soutenu que l’observation susmentionnée, qui a été faite après l’évaluation des propositions et l’adjudication du marché en question, n’a pas eu d’incidence sur l’évaluation des propositions et ne reflétait pas correctement la façon dont les propositions avaient été évaluées. L’évaluation des propositions comprenait clairement l’évaluation de la date de livraison requise, comme le démontre la demande d’éclaircissement à cet égard adressée par le Ministère et la réponse de J.H. Ryder.

Le Ministère a dit avoir été avisé par J.H. Ryder le 23 juillet 1999 et ce, pour la première fois, que cette dernière éprouvait des difficultés à satisfaire la date de livraison établie dans le marché et a ajouté qu’un tel renseignement n’est donc pas pertinent dans la question de savoir si l’évaluation des propositions a été faite conformément aux exigences et aux critères d’évaluation énoncés dans la DP.

Le Ministère a finalement indiqué dans le RIF que le personnel d’administration du contrat a déterminé que l’acceptation de l’offre de J.H. Ryder d’un chariot de prêt qui répondait, en termes de matériel et de rendement, aux spécifications énoncées dans le marché, ou qui dépassait ces dernières, était une solution raisonnable et prudente étant donné l’urgent besoin qu’avait le CNRC d’un chariot élévateur à fourche et l’impossibilité d’obtenir un tel véhicule d’un autre fournisseur à ce moment.

Position de Liftow

Liftow a soutenu que, selon ses connaissances de l’industrie, la plupart des entreprises n’ont pas pour habitude d’entreposer le type de chariot élévateur à fourche requis dans la DP et que le délai de construction d’un tel chariot serait d’au moins 12 semaines. Elle a souligné que la date de livraison révisée, à savoir le 25 septembre 1999, qu’a acceptée le Ministère correspond au délai d’exécution habituellement nécessaire pour les nouvelles commandes de fabrication. Liftow a soutenu que, à cause du retard susmentionné et de l’acceptation par le Ministère de l’offre de J.H. Ryder au sujet d’un chariot de prêt, le CNRC est contraint d’utiliser, en attendant, un chariot élévateur à fourche dans une application qui est peut-être un danger pour la sécurité.

Liftow a en outre fait observer que le Ministère ne lui a jamais demandé si elle pouvait toujours livrer, dans un délai plus bref, une unité neuve qui répondait à toutes les spécifications obligatoires.

Liftow a soutenu que la soumission de J.H. Ryder aurait dû être jugée irrecevable dès que le Ministère a découvert que J.H. Ryder accuserait un retard de livraison de huit semaines par rapport à la date de livraison obligatoire. Liftow a soutenu que le fait d’accepter un chariot élévateur à fourche usagé en remplacement, un chariot ne répondant pas aux spécifications, pour satisfaire la date de livraison, était non seulement dangereux mais également injuste pour les autres soumissionnaires qui auraient pu livrer le chariot élévateur à fourche convenable à la date de livraison prévue. Pour être juste et équitable envers tous les fournisseurs, et en rétrospective, Liftow a soutenu que les critères d’évaluation auraient dû indiquer qu’un chariot de prêt qui ne répondait pas aux exigences obligatoires serait acceptable en attendant la livraison du véhicule visé par le marché public. La DP ne portait aucune mention de ce genre.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu’il a décidé d’enquêter, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit notamment que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ACI et de l’ALÉNA.

Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit, notamment, ce qui suit : « Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ». L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prescrit, notamment, ce qui suit : « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». Par conséquent, le Tribunal doit décider si la DP a clairement indiqué qu’une date de livraison précise était fixée et si le Ministère a agi conformément à l’ACI et à l’ALÉNA lorsqu’il a adjugé le marché en question à J.H. Ryder.

Le Tribunal conclut que la DP indique sans équivoque à deux endroits distincts (à la page 2 et à la page 3) que la livraison était requise le 30 juillet 1999 au plus tard. Le Tribunal est d’avis que le Ministère a correctement évalué les soumissions par rapport à la date de livraison obligatoire lorsqu’il a demandé des éclaircissements de J.H. Ryder et conclut que le Ministère n’a pas contrevenu aux dispositions de l’ACI ou de l’ALÉNA lorsqu’il a adjugé le marché en question sur la foi de la confirmation de la date de livraison par J.H. Ryder.

En ce qui concerne les faits subséquents liés au processus du contrat adjugé dans le cadre du marché en question, c’est-à-dire la difficulté à satisfaire la date de livraison éprouvée par J.H. Ryder une fois le marché adjugé et la question du chariot de prêt, le Tribunal a examiné les renseignements fournis par les parties et est d’avis que, en l’espèce, il n’a pas compétence pour examiner cet aspect de l’affaire. Le Tribunal détermine que cette partie de la plainte ne porte pas sur un aspect du processus de passation des marchés publics au sens de l’alinéa 514(2)a) de l’ACI ou au sens de l’alinéa 1017(1)a) de l’ALÉNA. Aux termes des alinéas susmentionnés, le processus de passation des marchés publics débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir et se poursuit jusqu’à l’adjudication du marché. Le Tribunal conclut que la difficulté à satisfaire la date de livraison éprouvée par J.H. Ryder et ses négociations subséquentes avec le Ministère ont eu lieu le 26 juillet 1999, presqu’un mois après l’adjudication du marché en question. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il s’agit là d’un aspect qui ne se rapporte pas au processus d’évaluation des soumissions mais plutôt d’une question qui se rattache à l’administration des contrats.

Le Ministère a demandé dans le RIF l’occasion de présenter d’autres exposés sur les frais dans la présente affaire. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l’espèce ne justifient pas d’accorder les frais contre Liftow. Bien que la plainte de Liftow n’ait pas été accueillie, elle n’était pas dénuée de tout fondement [. Flolite Industries (7 août 1998), PR-97-045 (T.C.C.E.).] . Par conséquent, d’autres exposés sur cette question ne sont pas nécessaires et le Tribunal n’accordera pas le remboursement de frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que le marché public a été passé conformément à l’ACI et à l’ALÉNA, et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2. DORS/93-602 [ci-après Règlement].

3. DORS/91-499.

4. 32 I.L.M. 289 [ci-après ALÉNA].

5. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].


[ Table des matières]

Publication initiale : le 3 novembre 1999