UNISOURCE TECHNOLOGY INC.

Décisions


UNISOURCE TECHNOLOGY INC.
Dossier no : PR-99-036

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 5 avril 2000

Dossier no : PR-99-036

EU ÉGARD À une plainte déposée par Unisource Technology Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Susanne Grimes
_________________________
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire






Date de la décision : Le 5 avril 2000

Membre du Tribunal : Patricia M. Close

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Agent d’enquête : Paule Couët

Avocat pour le Tribunal : Michèle Hurteau

Partie plaignante : Unisource Technology Inc.

Avocat pour la partie plaignante : Ronald D. Lunau

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Avocat pour l’institution fédérale : Christianne M. Laizner

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 8 décembre 1999, Unisource Technology Inc. (Unisource) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] à l’égard du marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) (numéro d’invitation W8486-0-0916/A), et portant sur la fourniture d’articles divers de rechange pour des unités mobiles de buanderie et de bains, pour le ministère de la Défense nationale (MDN).

Unisource a allégué que, contrairement aux Articles 1015(4)c), 1015(4)d), 1014(2) et 1014(4)a) de l’Accord de libre-échange nord-américain [2] et aux Articles 501, 504(3)f), 506(1) et 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur [3] , le Ministère, après avoir avisé Unisource qu’un marché lui serait adjugé quant à un certain nombre des articles visés dans l’appel d’offres en question, a tenté de contraindre Unisource à modifier les prix qu’elle avait soumis.

Unisource a demandé, à titre de mesure corrective, que le marché lui soit adjugé relativement aux articles 6, 11, 12, 13, 14, 18, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 44 et 54 (les articles en question). Comme solution de rechange, Unisource a demandé que lui soit versée une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle a perdus; elle a aussi demandé de recevoir le remboursement des frais qu’elle a engagés relativement à la plainte ainsi que tout autre redressement que le Tribunal juge indiqué.

Le 15 décembre 1999, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences énoncées au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [4] . Le même jour, le Tribunal a ordonné au Ministère de reporter l’adjudication de tout contrat lié à la partie du marché public en question jusqu’à ce qu’il en ait déterminé le bien-fondé. Le 24 janvier 2000, le Ministère a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [5] . Le 14 février 2000, Unisource a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte à partir des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 12 juillet 1999, un avis de projet de marché (APM) relatif à l’appel d’offres en question a été diffusé par l’intermédiaire du Service électronique d’appels d’offres canadien (MERX). Le besoin a été défini comme étant assujetti à l’ALÉNA et l’ACI. L’APM précisait aussi que la Couronne se gardait le droit de négocier n’importe quel approvisionnement avec les fournisseurs.

La demande de propositions (DDP) diffusée dans le cadre de cet appel d’offres incorporait par renvoi, à la Section 1, « Instructions aux soumissionnaires/ entrepreneurs », la clause C0009T, « Justification de fournisseur unique », du Manuel des Clauses et conditions uniformisées d’achats (manuel CCUA), qui porte ce qui suit :

1. Si votre soumission est la seule reçue, vous devez, en vertu des Règlements sur les marchés de l’État, présenter avec votre proposition un document de soutien des prix contenant les renseignements suivants :

a) la liste de prix la plus récente, indiquant l’escompte, en pourcentage, offert au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux;

b) les factures payées pour des articles semblables (même qualité et quantité) vendus à d’autres clients;

c) une ventilation des prix indiquant, s’il y a lieu, le coût de la main-d’œuvre directe, des matières directes, des articles achetés, les frais généraux des services techniques et des installations, les frais généraux globaux et administratifs, les coûts de transport, les bénéfices, etc.

Le délai de soumission a pris fin le 26 août 1999. Trois propositions ont été reçues, y compris une offre de Unisource, portant sur 32 des articles. Unisource a présenté la seule offre sur 23 articles et l’offre au prix le plus bas sur 1 article.

Le 21 septembre 1999, le Ministère a envoyé une télécopie à Unisource en réponse à la demande téléphonique de cette dernière concernant certaines erreurs de prix qu’elle avait faites. La télécopie demandait à Unisource de faire savoir si elle honorerait sa soumission ou si elle la retirerait relativement aux articles 21, 24, 25, 26, 27, 28, 45 et 48. Il y était aussi précisé qu’« un contrat sera accordé relativement aux articles 6, 11, 12, 13, 14, 18, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 44 et 54 [les articles en question] si les articles susmentionnés sont retirés » [traduction].

Le même jour, environ une heure après l’envoi de la télécopie susmentionnée, le Ministère a expédié à nouveau le même message, mais en y ajoutant la mention manuscrite suivante : « Tous les articles visés dans le marché adjugé devront être assortis d’une ventilation des prix, étant donné la valeur financière élevée de chaque article » [traduction].

Le 29 septembre 1999, Unisource a répondu, notamment, qu’elle retirait ses offres relativement aux articles 21, 24, 25, 26, 27, 28, 45 et 48. Elle a de plus précisé qu’elle joignait, comme annexe « D », une ventilation des prix visant les articles 6, 12, 13, 14, 18, 22, 23, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 44 et 54. Enfin, Unisource a indiqué que, étant donné les faibles prix unitaires des articles 22, 23, 34, 35 et 54, elle ne fournirait, comme annexe « C », que des formules d’attestation des prix, ce qu’elle disait croire acceptable.

Le 1er octobre 1999, le Ministère a téléphoné à Unisource pour demander à cette dernière de fournir un document de soutien du prix FAB usine des fabricants qu’elle avait soumis. Le même jour, le Ministère a confirmé sa demande dans une télécopie. L’article 2 de ladite télécopie porte ce qui suit :

Dans notre communication téléphonique, je vous avais informé que le contrat en question ne relève pas de ma compétence. On m’a demandé d’obtenir de votre part une vérification du prix du fabricant.

[Traduction]

Le 5 octobre 1999, le Ministère, n’ayant pas reçu de réponse à sa demande du 1er octobre 1999, a réexpédié le même message en y ajoutant la phrase manuscrite suivante : « Veuillez vous reporter au paragraphe 2 » [traduction]. Le 6 octobre 1999, Unisource a répondu, notamment, ce qui suit :

Cependant, d’après votre message du 1er octobre 1999, nous comprenons maintenant que des renseignements de soutien supplémentaires sur les prix sont requis, sous forme de copie d’offres de prix originales de nos fournisseurs. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de fournir cette information, puisqu’il s’agit là de documents confidentiels, détenus en propriété exclusive par notre entreprise, qui ne peuvent être divulgués.

[Traduction]

Unisource a aussi dit croire que sa réponse ne mettrait nullement sa soumission en péril.

Le 6 octobre 1999, le Ministère a téléphoné à Unisource et a offert de se rendre à l’établissement commercial de cette dernière afin d’y prendre directement connaissance des offres de prix du fabricant et ainsi confirmer les prix indiqués par Unisource dans ses documents de ventilation des prix. Unisource a refusé de se conformer à cette offre.

Entre les 12 et 21 octobre 1999, le Ministère, poursuivant son évaluation de la soumission d’Unisource, a tenté d’obtenir une vérification indépendante du prix du fabricant indiqué par Unisource. À cette fin, le Ministère a examiné les données estimatives du MDN incluses dans la demande d’acquisition. Cependant, puisque ces données estimatives étaient fondées sur des données sur les prix vieilles de 12 ans et puisqu’aucune donnée pertinente sur les prix des articles en question n’était disponible par l’intermédiaire du Service d’information sur les articles (SIA), le Ministère a décidé de présenter une demande de renseignements sur les prix et la disponibilité auprès dudit fabricant relativement aux six articles les plus dispendieux (articles 11, 12, 13, 14, 38 et 44) inclus dans l’offre d’Unisource. Ensemble, ces articles représentaient 88,75 p. 100 de la valeur des articles en question. La demande de renseignements sur les prix et la disponibilité a pris la forme d’une demande écrite au fabricant des six articles susmentionnés, et ne portait aucune mention de la soumission d’Unisource ni renseignement concernant l’appel d’offres en question.

Le Ministère a soutenu que les données sur les prix et sur la disponibilité ont fait ressortir des écarts entre les prix indiqués dans les offres de prix du fabricant et les prix indiqués par Unisource comme étant les prix du fabricant, les prix indiqués par Unisource étant de 1,5 à 67 fois plus élevés, et cela, sans compter la majoration comprise dans la soumission d’Unisource.

Le 21 octobre 1999, le Ministère a informé Unisource qu’il avait procédé à une étude du marché des articles visés dans la soumission de cette dernière et qu’il avait déterminé que l’écart entre les prix d’Unisource et les autres prix accessibles était excessif à l’extrême. Le Ministère a aussi demandé à Unisource si cette dernière était disposée à réviser ses prix à la baisse ou à confirmer que les prix qu’elle avait soumis devaient demeurer inchangés.

Le 25 octobre 1999, le Ministère a écrit de nouveau à Unisource pour lui demander de répondre à sa communication du 21 octobre 1999. Le 27 octobre 1999, Unisource a demandé un délai de réponse à la demande du Ministère. Le 28 octobre 1999, Unisource a répondu par écrit au Ministère, énonçant en détail sa perception de la procédure de passation du marché public jusque-là et indiquant que, à son avis, les actions du Ministère violaient l’ALÉNA et les politiques ministérielles. Unisource a aussi demandé que le Ministère passe immédiatement un contrat avec elle, à défaut de quoi elle déposerait une plainte auprès du Tribunal.

Le 10 novembre 1999, dans une lettre à Unisource, le Ministère a indiqué qu’aucun contrat ne serait attribué à Unisource relativement aux « articles en question ». Le Ministère a souligné qu’Unisource n’avait pas fourni la ventilation des prix exigée, et qu’elle n’était pas disposée à négocier ses prix à la baisse. Conformément à la clause C0009T du manuel CCUA, incluse par renvoi dans la DDP, et au paragraphe 7.441 de la section 7D du chapitre 7 du Guide des approvisionnements, le Ministère a déterminé que les prix soumis par Unisource pour les « articles en question » n’étaient pas justes et raisonnables. Le Ministère a informé Unisource qu’il avait l’intention de lancer un nouvel appel d’offres au fabricant pour obtenir de meilleurs prix. Le 12 novembre 1999, Unisource a demandé au Ministère qu’il reconsidère la position qu’il avait prise le 10 novembre 1999, puisque ladite position violerait les dispositions du contrat et de l’ALÉNA. Le 25 novembre 1999, le Ministère a réitéré la position qu’il avait établie le 10 novembre 1999 et a précisé que le point en litige était celui du manque de justification de la ventilation des prix. Le 8 décembre 1999, Unisource a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu qu’Unisource a déposé sa plainte auprès du Tribunal après le délai de 10 jours ouvrables prescrit par les paragraphes 6(1) et (2) du Règlement et qu’aucun élément des circonstances prévues au paragraphe 6(3) du Règlement ne s’applique à l’espèce.

Le Ministère a soutenu qu’Unisource avait découvert les faits à l’origine de sa plainte le 1er octobre 1999 ou, au plus tard, le 28 octobre 1999. En outre, le Ministère a soutenu qu’il a rejeté sans équivoque l’opposition d’Unisource et qu’il a fourni les raisons de son refus d’accorder un redressement dans sa lettre du 10 novembre 1999. Par conséquent, conformément aux dispositions du paragraphe 6(2) du Règlement, Unisource devait déposer sa plainte auprès du Tribunal au plus tard le 24 novembre 1999. Unisource a déposé sa plainte le 8 décembre 1999 et ladite plainte est donc tardive.

Le Ministère a soutenu, à titre d’argument subsidiaire, que la soumission d’Unisource était irrecevable, puisqu’Unisource avait refusé à diverses reprises de fournir les renseignements demandés par le Ministère en application de la clause C0009T du manuel CCUA, incluse par renvoi à la Section 1 de la DDP.

Le Ministère a soutenu que les actions qu’il a entreprises, à la suite du refus d’Unisource de fournir les documents de soutien des prix requis, avaient été entreprises de bonne foi en conformité avec des politiques ministérielles sur les marchés bien établies et ne contrevenaient pas aux dispositions des accords commerciaux. En outre, le Ministère a soutenu qu’aucun renseignement détenu en propriété exclusive et compris dans la soumission d’Unisource n’a été divulgué au fabricant ni rendu public. Les dispositions des accords commerciaux portant sur les marchés publics, selon le Ministère, n’ont pas pour objet et ne doivent pas être interprétées comme ayant pour effet de tenir le gouvernement et les contribuables otages de prix excessifs dans les cas où une seule soumission est présentée. Le Ministère a au contraire le devoir de veiller à la tenue d’une évaluation de la soumission pour garantir une juste valeur pour le contribuable.

Le Ministère a soutenu que les termes de l’APM et de la DDP lui accordaient expressément le droit de tenir des négociations avec un soumissionnaire. De même, le Ministère a contesté l’affirmation d’Unisource selon laquelle l’Article 1014(2) de l’ALÉNA interdit la négociation des prix. Le Ministère a soutenu que l’Article 1014 de l’ALÉNA, considéré dans son ensemble, s’applique correctement aux circonstances dans lesquelles plusieurs soumissions ont été reçues en réponse à un appel d’offres.

Le Ministère a soutenu que sa communication du 21 octobre 1999 adressée à Unisource n’était pas un ultimatum, mais une invitation à négocier. Le Ministère n’a pas alors indiqué à Unisource des prix spécifiques pour les articles en question, mais a plutôt demandé à Unisource d’indiquer si elle était disposée à réviser ses prix à la baisse ou à fournir une confirmation de ses prix. En outre, contrairement à l’affirmation d’Unisource selon laquelle le Ministère peut rejeter une offre uniquement dans les cas où la clause intitulée « Rendement du fournisseur » de la DDP s’applique, le Ministère a soutenu que : 1) la clause C0009T du manuel CCUA autorise le Ministère à rejeter une soumission lorsque le soumissionnaire omet de fournir un document de soutien des prix satisfaisant; 2) la clause 9403(2) des « Instructions et conditions uniformisées » du manuel CCUA, incluse par renvoi dans la DDP, prévoit que les soumissions peuvent être acceptées en totalité ou en partie et que ni la plus basse ni l’une quelconque des soumissions ne sera nécessairement acceptée; 3) la clause 9403(4) des « Instructions et conditions uniformisées » du manuel CCUA porte que la Couronne se réserve le droit de négocier avec les soumissionnaires. Toutes les clauses susmentionnées ont été incluses par renvoi dans la DDP et, par conséquent, faisaient partie intégrante de la DDP.

De plus, le Ministère a soutenu que l’Article 1016(2)a) [6] de l’ALÉNA s’applique aux circonstances du marché public visé dans les présentes et que, par conséquent, le Ministère a agi correctement lorsqu’il a informé Unisource que le besoin serait communiqué au seul fabricant connu des articles en question.

Le Ministère a aussi déclaré qu’il n’a pas agi de façon discriminatoire contre Unisource, mais qu’il a plutôt en tout temps agi de bonne foi, donnant à Unisource toutes les occasions possibles de se conformer aux conditions énoncées dans l’appel d’offres. De même, le Ministère a indiqué qu’il n’avait pas été partial en faveur du fabricant pour ce qui concerne les articles en question, comme en témoigne le fait que le Ministère n’a pas immédiatement rejeté la soumission d’Unisource, présentée à des prix excessifs, mais a plutôt offert à cette dernière de tenir des négociations. La décision de lancer une nouvelle invitation à l’intention du fabricant n’a été prise qu’après l’échec des tentatives de négociation avec Unisource.

Finalement, le Ministère a contesté l’affirmation de Unisource selon laquelle la communication du 21 septembre 1999 du Ministère constituait une entente d’adjudication d’un marché à Unisource relativement à certains articles. Aucune telle entente n’a été formée en droit puisqu’il n’y a pas eu accord de volontés. Plus précisément, les parties ne se sont pas mises d’accord sur les articles devant faire l’objet d’un marché ni sur le prix. En outre, le Ministère a soutenu qu’Unisource a reconnu, tant par ses actions que par ses communications écrites subséquentes au Ministère, qu’aucune entente d’adjudication d’un marché n’était issue de la télécopie du 21 septembre 1999 et a ajouté qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’Unisource ait donné suite à la première télécopie du 21 septembre 1999, par exemple en plaçant une commande auprès d’un fournisseur ou autrement.

Le Ministère a demandé d’avoir l’occasion de présenter des exposés sur le remboursement des frais dans la présente affaire.

Position d’Unisource

Unisource a soutenu que, aux fins de la détermination de la date initiale du délai de dépôt de la plainte aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement, la correspondance pertinente est la lettre du 25 novembre 1999 du Ministère dans laquelle ce dernier a refusé l’opposition faite par Unisource le 12 novembre 1999. Unisource a soutenu que, de ce fait, sa plainte a été déposée dans les délais prescrits.

Unisource a soutenu que l’offre du 21 septembre 1999 du Ministère visant l’attribution d’un contrat à Unisource ne pouvait être fondée que sur le fait que la soumission de cette dernière pour les articles en question était recevable et conforme (et, présumément, dans les limites du budget gouvernemental prévu pour le besoin en cause). En outre, Unisource a soutenu que, dans sa lettre du 29 septembre 1999 au Ministère, elle avait retiré son offre relativement à certains articles et fourni une « ventilation des prix ». Dès qu’il a été satisfait aux deux conditions énoncées dans la lettre du 21 septembre 1999 du Ministère, l’adjudication du marché, selon Unisource, était achevée et le Ministère ne peut maintenant soutenir que la soumission d’Unisource était irrecevable.

Unisource a soutenu que le Ministère s’est à tort fondé sur le manuel CCUA, puisque la clause C0009T n’exige pas que les listes de prix du fabricant soient fournies à titre de document de soutien ou, autrement dit, de justification, d’une ventilation de prix. En outre, il n’a pas été fait mention de la liste de prix du fabricant dans la DDP. Unisource a soutenu que l’insistance du Ministère pour obtenir le prix du fabricant à titre de seule forme satisfaisante de soutien des prix était contraire à la clause C0009T et que le Ministère a ainsi, dans les faits, incorporé, après la clôture des soumissions, une nouvelle disposition dans la DDP. Unisource a fait valoir qu’il s’agissait là d’une violation de l’Article 1015(4)d) de l’ALÉNA et de l’Article 506(6) de l’ACI. Unisource a en outre soutenu que, étant donné que le Guide des approvisionnements n’était pas inclus par renvoi dans la DDP, le Ministère n’avait pas le pouvoir d’importer, après la clôture des soumissions, une nouvelle disposition dans la DDP ni de procéder à une étude de marché pendant que la procédure de soumission suivait son cours.

Selon Unisource, ce qui s’est passé après la clôture des soumissions ne peut guère être qualifié de négociation. Unisource a soutenu que, dans les faits, un ultimatum lui a été signifié, à savoir, réviser à la baisse, après la clôture des soumissions, les prix qu’elle avait soumis ou perdre le marché. Cependant, selon Unisource, même s’il pouvait être dit qu’il y a eu négociation, ladite négociation n’était pas conforme aux dispositions sur les négociations de l’ALÉNA. En premier lieu, Unisource a soutenu que la simple réserve d’un droit de négocier dans une clause énonçant une condition uniformisée qui est annexée à une DDP ne constitue pas une déclaration nette de l’intention de négocier dans le cas d’une invitation à soumissionner particulière. De même, le Ministère n’est pas autorisé à entreprendre une négociation portant sur des critères, tels que les prix du fabricant, qui n’ont pas été énoncés dans le manuel CCUA ni incorporés dans la DDP. L’Article 1014(4) de l’ALÉNA porte spécifiquement que l’élimination des fournisseurs dans le cadre d’une négociation doit être faite selon les critères spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres.

Unisource a soutenu que se fonder sur des critères non divulgués (par exemple le recours à des prix du fabricant comme étant la seule forme acceptable de justification des prix) viole le contrat de soumission. En l’espèce, le Ministère a violé les accords commerciaux et a manqué à son obligation d’équité lorsqu’il s’est fondé sur des critères non divulgués.

Quant au fait que le Ministère ait invoqué l’Article 1016(2)a) de l’ALÉNA à l’appui de sa décision de lancer un nouvel appel d’offres auprès du fabricant, Unisource a soutenu que la procédure d’appel d’offres restreinte énoncée dans l’ALÉNA ne s’applique pas en l’espèce, puisqu’elle donnerait lieu à une mesure discriminatoire en faveur d’une personne qui n’a pas soumissionné. En outre, l’Article 1016(2)a) de l’ALÉNA s’applique uniquement « lorsqu’aucune soumission n’aura été déposée » ou lorsque « les soumissions déposées [. . .] ne seront pas conformes aux conditions essentielles de l’appel d’offres », et ni l’un ni l’autre des deux préalables susmentionnés, selon Unisource, n’existaient en l’espèce. Finalement, Unisource a soutenu que le Ministère était tenu de ne pas accepter, et encore moins de ne pas tenter d’imposer, des modifications des prix après la clôture de la procédure de soumission.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu’il enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit notamment que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ALÉNA et de l’ACI.

Le Tribunal examinera d’abord deux questions préliminaires soulevées par les parties, à savoir si Unisource a déposé sa plainte auprès du Tribunal dans les délais prescrits et si, de fait, le Ministère a adjugé un marché à Unisource lorsqu’il a envoyé la télécopie initiale du 21 septembre 1999.

Le Tribunal est convaincu qu’Unisource a déposé sa plainte auprès du Tribunal conformément aux dispositions du paragraphe 6(2) du Règlement et que ladite plainte a donc été déposée dans les délais prescrits.

Le Tribunal est d’avis qu’Unisource a découvert les faits à l’origine de sa plainte le ou vers le 10 novembre 1999, lorsque le Ministère l’a informée que certains prix n’étaient pas justes et raisonnables et que, par conséquent, l’invitation à soumissionner serait lancée de nouveau auprès du fabricant des marchandises. Unisource a fait opposition à la décision susmentionnée le 12 novembre 1999 et, le 25 novembre 1999, le Ministère a rejeté l’opposition faite par Unisource à cette décision. Unisource a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 8 décembre 1999. De ce fait, le Tribunal a déterminé que tant l’opposition présentée par Unisource que la plainte qu’elle a déposée auprès du Tribunal s’inscrivent dans le délai de 10 jours ouvrables prévu au paragraphe 6(2) du Règlement et que, par conséquent, la plainte d’Unisource a été déposée dans les délais prescrits.

Quant à la question de savoir si un marché a été établi entre le Ministère et Unisource du fait de l’envoi de la première télécopie du 21 septembre 1999 du Ministère, le Tribunal détermine qu’il n’y a pas eu établissement de tel marché. Après avoir examiné le dossier, le Tribunal conclut que la première télécopie du 21 septembre 1999 du Ministère à Unisource a été remplacée par la deuxième télécopie du même jour, également du Ministère à Unisource. La deuxième télécopie demande à Unisource de fournir des éclaircissements sur la ventilation des frais justifiant ses prix. Unisource n’a pas répondu à la première télécopie du 21 septembre 1999 et le Tribunal conclut donc qu’il n’y avait pas encore, ce même jour, accord des volontés sur les articles en question à fournir ou sur les prix soumissionnés. Le Tribunal est convaincu que la deuxième télécopie du 21 septembre 1999 établissait clairement pour toutes les parties intéressées que le Ministère demandait, et s’attendait à recevoir, des éclaircissements sur les prix de divers articles pour mener à terme son évaluation de la proposition d’Unisource. Le Tribunal est également convaincu qu’Unisource ne s’est pas fiée à la première télécopie du 21 septembre 1999, et qu’elle n’y a pas donné suite. Les éléments de preuve démontrent qu’Unisource a accusé réception de la deuxième télécopie du 21 septembre 1999, puisqu’elle lui a répondu le 29 septembre 1999, en retirant son offre pour les articles tel qu’il le lui avait été demandé et en fournissant des ventilations de prix et des formules d’attestation de prix pour les articles en question. Le Tribunal est en outre convaincu qu’Unisource savait que le Ministère s’attendait à obtenir des éclaircissements sur les prix, comme le démontre la lettre d’Unisource du 6 octobre 1999 au Ministère, dans laquelle elle a affirmé ne pas pouvoir fournir les offres de prix originales de ses fournisseurs puisqu’il s’agissait là de renseignements confidentiels détenus en propriété exclusive et dans laquelle elle ajoutait croire que sa réponse ne mettrait nullement sa soumission en péril. Par conséquent, étant donné qu’il n’y a pas eu accord des volontés le 21 septembre 1999 entre les parties et qu’Unisource a répondu, le 29 septembre 1999, à la deuxième télécopie du 21 septembre 1999, le Tribunal conclut qu’aucun marché n’était encore établi entre le Ministère et Unisource et que le Ministère était justifié de poursuivre son évaluation de la proposition d’Unisource après le 21 septembre 1999.

Quant au fond de l’espèce, le Tribunal doit examiner la question de savoir si le Ministère, lorsqu’il a déclaré irrecevable la proposition d’Unisource, a agi en conformité avec les dispositions de l’ACI et de l’ALÉNA et en conformité des termes de la DDP.

L’Article 506(6) de l’ACI porte, notamment, que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

L’Article 1015(4)a) de l’ALÉNA porte que, « pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation ». L’Article 1015(4)d) précise que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

Le Tribunal détermine que, lorsqu’il a déclaré irrecevable la proposition d’Unisource et qu’il ne lui a pas adjugé de marché, le Ministère a agi en conformité avec les dispositions pertinentes de l’ALÉNA et de l’ACI.

Le Tribunal est convaincu que, en l’espèce, le prix est une condition obligatoire ou essentielle de la DDP. Le Tribunal est d’avis que les soumissionnaires étaient non seulement tenus de présenter des prix, mais aussi, si une soumission devait être la seule reçue, étant donné l’incorporation par renvoi de la clause C0009T du manuel CCUA à la Section 1 de la DDP, le Ministère avait le pouvoir discrétionnaire de demander des documents satisfaisants de soutien des prix. Les parties ne contestent pas l’existence de la clause susmentionnée dans la DDP ni le fait que le Ministère avait le droit de demander des renseignements de justification des prix. Les parties, cependant, ne sont pas d’accord sur ce qui constitue un document satisfaisant de soutien des prix. Unisource est d’avis que la fourniture des renseignements demandés par le Ministère le 21 septembre 1999 aurait dû suffire, tandis que le Ministère, pour sa part, a soutenu qu’il avait le droit de vérifier l’exactitude des renseignements fournis. Le Tribunal est d’avis que le Ministère avait le droit d’obtenir d’Unisource, ou par l’intermédiaire de cette dernière, tous les renseignements dont il avait raisonnablement besoin pour être convaincu que la justification des prix fournie par Unisource était exacte. Le Tribunal est convaincu que le Ministère a d’abord tenté d’obtenir lesdits renseignements auprès d’Unisource, ou par son intermédiaire, en demandant à cette dernière de lui fournir une confirmation sous la forme d’offres de prix du fabricant ou de factures et en proposant ensuite à Unisource de se rendre à l’établissement commercial d’Unisource afin d’y examiner les renseignements nécessaires à la justification des prix. Toutes ces tentatives ont failli en raison de l’insistance qu’a mise Unisource à affirmer que les renseignements demandés étaient confidentiels et détenus en propriété exclusive et ne pouvaient être divulgués.

Selon le Tribunal, le fait que des renseignements de soutien puissent être confidentiels et détenus en propriété exclusive par Unisource n’est pas pertinent pour décider si le Ministère avait le droit de demander les renseignements afin de mener à terme son évaluation. Le Tribunal est d’avis que, en refusant au Ministère la permission de prendre connaissance des documents de soutien des prix, Unisource n’a pas satisfait à l’obligation qu’elle avait de fournir des documents de soutien des prix. Si, comme il appert, la protection de certains renseignements préoccupait Unisource, elle aurait pu communiquer ces renseignements au Ministère sous réserve de la protection de leur caractère confidentiel. Cela se fait constamment et le Ministère est pleinement en mesure de garantir une telle protection. Le Tribunal est d’avis qu’Unisource, lorsqu’elle a refusé de fournir les renseignements qui lui ont été demandés a, à ce moment, justifié le Ministère à déclarer irrecevable la proposition d’Unisource. Le fait que le Ministère en soit arrivé à cette conclusion, c’est-à-dire à déclarer irrecevable la proposition d’Unisource à partir d’une étude sur son propre prix, n’enlève pas son caractère légitime à la position du Ministère lorsqu’il a déclaré irrecevable la proposition d’Unisource au motif du défaut de cette dernière de fournir des documents satisfaisants de soutien des prix. Par conséquent, la plainte n’est pas fondée.

Le Ministère, dans le RIF, a indiqué qu’il a le droit, étant donné les circonstances, de recourir à un fournisseur unique pour combler le besoin, et a invoqué à cet égard les dispositions de l’Article 1016(2) de l’ALÉNA. Le Tribunal fait observer qu’il semble exister au moins deux autres fournisseurs des marchandises requises, qu’un délai considérable s’est écoulé depuis la diffusion de l’appel d’offres. Le recours proposé à un fournisseur unique à un autre niveau de commerce constituerait un marché public distinct et pourrait donc faire l’objet d’une nouvelle plainte.

Le Ministère a demandé dans le RIF l’occasion de présenter d’autres exposés sur les frais dans la présente affaire. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l’affaire ne justifient pas d’accorder les frais contre Unisource. Bien que la plainte d’Unisource ne soit pas fondée, elle n’était pas dénuée de tout fondement [7] . Par conséquent, des exposés sur cette question ne sont pas nécessaires et le Tribunal n’accordera pas de frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux exigences de l’ALÉNA et de l’ACI et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. 1985 (4e supp.) , c. 47 [ ci-après Loi sur le TCCE ].

2. 32 I.L.M. 289 ( entré en vigueur : 1er janvier 1994) [ ci-après ALÉNA ].

3. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ ci-après ACI ].

4. D.O.R.S. /93-602 [ ci-après Règlement ].

5. D.O.R.S. /91-499.

6. 2. Une entité pourra utiliser les procédures d’appel d’offres limitées dans les circonstances et sous réserve des conditions suivantes, le cas échéant : a) lorsqu’aucune soumission n’aura été déposée en réponse à un appel d’offres fait selon une procédure ouverte ou sélective, ou lorsque les soumissions déposées seront le résultat d’une collusion ou ne seront pas conformes aux conditions essentielles de l’appel d’offres, ou émaneront de fournisseurs ne remplissant pas les conditions de participation prévues conformément au présent chapitre, pour autant que les conditions de l’appel d’offres initial ne soient pas substantiellement modifiées pour le marché qui sera adjugé.

7. Flolite Industries Addendum (7 août 1998) PR-97-045 ( TCCE ).


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Publication initiale : le 13 avril 2000