SUPREMEX INC.

SUPREMEX INC.
Dossier no PR-2011-012

Décision prise
le mercredi 22 juin 2011

Décision et motifs rendus
le mercredi 6 juillet 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

SUPREMEX INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no EN893-104289/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) en vue de la fabrication et de l’impression d’enveloppes à double fenêtre.

3. Dans sa plainte, Supremex Inc. (Supremex) allègue :

  • que sa soumission a été incorrectement évaluée et déclarée non conforme;
  • que TPSGC a adjugé un contrat à un soumissionnaire qui n’avait pas la capacité d’effectuer le travail.

4. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain3, au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur4, à l’Accord sur les marchés publics5, au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili6 ou au chapitre 14 de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou7, selon le cas8. Autrement dit, le Tribunal doit examiner la plainte pour déterminer si les renseignements qu’elle contient démontrent, dans une mesure raisonnable, que l’entité acheteuse semble avoir mené le marché public d’une manière contrevenant à l’un des accords commerciaux applicables.

5. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

Évaluation de la proposition de Supremex

6. La demande de propositions (DP) publiée par TPSGC en vue de la fabrication et de l’impression d’enveloppes portait la date de clôture des soumissions du 18 mars 2011.

7. Le 16 mars 2011, TPSGC publiait la modification no 001, laquelle reportait la date de clôture des soumissions au 22 mars 2011.

8. En ce qui concerne les critères techniques obligatoires, la section 1.1.1 de la « PARTIE 4 - PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION » [traduction] de la DP présente un seul critère, qui prévoit ce qui suit :

O.1 Expérience de l’entreprise

Le soumissionnaire doit citer deux (2) projets pour le compte duquel il a fabriqué et imprimé sous contrat, annuellement, une quantité minimum de 500 000 enveloppes à double fenêtre pour chaque contrat obtenu au cours des trois (3) dernières années civiles avant la date de fermeture de la présente demande de propositions (DP).

Format de la réponse

Le soumissionnaire doit fournir les renseignements suivants pour chaque projet :

- Le nom et les coordonnées du client désigné comme satisfaisant au critère O.1;

- la date du début et de la fin du contrat (par exemple : du mois de mars 2007 jusqu’à aujourd’hui, ou du mois d’avril 2009 au 10 mars 2010);

- La description des enveloppes à double fenêtre fournies en vertu du contrat;

- La quantité d’enveloppes à double fenêtre fournie en vertu du contrat.

[Traduction, nos italiques]

9. La « Méthode de sélection », dans la même partie, indique qu’« [u]ne soumission doit être conforme aux exigences de l’invitation à soumissionner et répondre au critère d’évaluation technique obligatoire afin d’être recevable. » [Nos italiques, traduction]

10. Le Tribunal conclut que l’exigence de démontrer l’expérience de l’entreprise en fournissant le nom et les coordonnées des clients, la dates du début et de la fin du contrat, et la description des enveloppes et la quantité d’enveloppes par rapport aux deux projets identifiés par le soumissionnaire était claire et non ambiguë.

11. Le Tribunal remarque que Supremex énonce dans sa soumission qu’elle « [...] fournit ces deux enveloppes à TPSGC depuis plus de 30 ans [...] » [traduction] et qu’elle « [...] fabrique actuellement des enveloppes à double fenêtre pour plusieurs des sociétés les plus importantes du Canada [...]9 » [traduction]. Cependant, il n’est pas contesté que la soumission de Supremex ne fournissait pas les renseignements précis énoncés à l’exigence obligatoire O.1 en ce qui concerne l’expérience de l’entreprise (c.-à-d. le nom et les coordonnées des clients, la date du début et de la fin du contrat, et la description des enveloppes et la quantité d’enveloppes).

12. La période de soumission prenait fin le 22 mars 2011. Plus tard le même jour, TPSGC demandait, par courriel, que Supremex lui indique où, dans sa proposition, se trouvaient « [...] les renseignements concernant le nom et les coordonnées des clients, la date du début et de la fin du contrat, et la description des enveloppes et la quantité d’enveloppes » [traduction]. Le 23 mars 2011, Supremex répondait au courriel du 22 mars 2011 de TPSGC et lui fournissait des renseignements additionnels qui ne figuraient pas dans sa soumission. Le Tribunal remarque que, dans ce même courriel, Supremex déclarait ce qui suit10 :

Parce que je me pressais de livrer notre DP à notre messager le lundi midi, je n’ai pas inclus le nom et les coordonnées des clients, les dates du début et de la fin des contrat, et les descriptions et les quantités – mais j’ai inclus dans notre soumission technique le nom des organismes qui sont nos clients actuels et à qui nous vendons des enveloppes à double fenêtre et j’ai en effet indiqué que nous sommes, depuis plus de 30 ans, le fournisseur des enveloppes qui font l’objet de la présente DP.

Voici les renseignements précis dont vous avez besoin.

[...]

Je suis désolé pour cette omission [...].

[Nos italiques, traduction]

13. Le 25 mars 2011, TPSGC faisait parvenir un courriel à Supremex pour l’informer que sa soumission n’était pas conforme à l’exigence obligatoire O.1 et ne ferait l’objet d’aucun examen ultérieur. Dans ce même courriel, TPSGC informait Supremex que le contrat avait été adjugé à Enveloppe Concept Inc. (ECI).

14. Dans sa plainte, Supremex soutient que sa soumission démontrait clairement et sans ambigûité sa capacité de répondre aux modalités importantes de la DP. Supremex remarque que le juge Charron, dans Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton (Ville)11, a déclaré « [q]uant au mécanisme d’appel d’offres, il doit y avoir conformité “pour l’essentiel” plutôt qu’en tous points » et que « [l]a pour l’essentiel exige le respect de toutes les conditions essentielles de l’appel d’offres selon une norme objective [...]. » [Nos italiques]

15. Dans la même poussée, le Tribunal, dans IBM Canada Ltée12, a reconnu que les entités doivent procéder à une évaluation complète et rigoureuse de la conformité des propositions des soumissionnaires aux conditions obligatoires; il indiquait cependant qu’il existe des exceptions pour des questions de forme plutôt que des questions de fond et que, « [b]ien qu’il faille adopter une interprétation stricte des soumissions, en l’absence d’une méthode claire pour présenter les renseignements, une certaine latitude doit, de l’avis du Tribunal, être accordée aux soumissionnaires13. »

16. À cet égard, le Tribunal est d’avis que les précisions concernant l’expérience déclarée de l’entreprise (c.-à-d. le nom et les coordonnées des clients, la date du début et de la fin du contrat, et la description des enveloppes et la quantité d’enveloppes fournies en vertu des contrats précis) selon l’exigence obligatoire O.1 sont toutes « déterminantes » puisqu’elles appuient directement la nature et la vérifiabilité de l’expérience de l’entreprise déclarée par un soumissionnaire afin de répondre à une exigence obligatoire de l’invitation.

17. Étant donné sa nature déterminante, le défaut de Supremex de fournir les renseignements requis concernant l’expérience de l’entreprise dans sa soumission n’est pas un faute de forme, mais plutôt une faute de fond. Le Tribunal conclut donc que la décision de TPSGC selon laquelle la proposition de Supremex n’était pas conforme aux exigences de la DP était correcte.

18. Le Tribunal conclut aussi que les renseignements concernant les contrats antérieurs avec TPSGC et un deuxième client, lesquels Supremex a tenté de fournir à TPSGC le 23 mars 2011, après la date de clôture des soumissions, ont été correctement rejetés par TPSGC. L’acceptation de ces renseignements équivaudrait à une modification inappropriée de la proposition de Supremex après le délai pour la réception des soumissions. À cet égard, il faut faire une distinction entre un éclaircissement légitime (c.-à-d. une explication) d’un aspect actuel de la proposition et la révision ou la modification d’une proposition en introduisant de nouveaux renseignements ou des renseignements de fond différents.

19. Le Tribunal conclut donc que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de la soumission de Supremex n’a pas été faite conformément aux exigences de la DP et des accords commerciaux pertinents.

Adjudication du contrat à ECI

20. Supremex soutient aussi, en se fondant sur des renseignements qui ne rapportent pas à la présente invitation, que TPSGC aurait dû déclarer ECI non conforme parce qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ECI n’avait pas la capacité d’accomplir le travail décrit dans l’énoncé des travaux de la DP. Supremex soutient que TPSGC savait ou aurait dû savoir qu’ECI ne pouvait plus fournir d’enveloppes à l’Agence du revenu du Canada parce qu’elle ne respectait jamais les délais de livraison.

21. Comme Supremex le remarque, la DP intégrait, par renvoi, l’article 12 des « Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels 2003 (2010-10-07 »14 de TPSGC, lequel prévoit ce qui suit :

12 Rejet d’une soumission

1. Le Canada peut rejeter une soumission dans l’un des cas suivants :

[...]

(c) dans le cadre de transactions actuelles ou antérieures auprès du gouvernement du Canada :

[...]

(iii) le Canada a exercé ses recours contractuels de suspension ou de résiliation pour inexécution à l’égard d’un contrat attribué au soumissionnaire ou à l’un quelconque de ses employés ou sous-traitants proposés dans la soumission;

[...]

[Traduction, nos italiques]

22. Le Tribunal est d’avis que le libellé de cette disposition est discrétionnaire et n’oblige pas TPSGC à rejeter une soumission à cause de la défaillance d’un soumissionnaire dans le cadre d’un contrat actuel ou antérieur. À cet égard, il est probable, par exemple, que TPSGC, en exerçant sa discrétion en vertu de cette disposition, choisisse d’accepter une soumission malgré l’inexécution du soumissionnaire, étant convaincu que les facteurs qui ont contribué à cette inexécution ont été réglés, faisant ainsi que le vendeur est un fournisseur potentiel. Le Tribunal est d’avis qu’il ne serait pas approprié qu’il empiète directement ou indirectement sur la discrétion de TPSGC en vertu de cet article.

23. Sauf pour un renvoi que Supremex croyait qu’ECI ne pouvait plus fournir d’enveloppes à l’Agence du revenue du Canada parce qu’elle ne respectait pas les délais de livraison, aucun autre élément de preuve n’a été présenté concernant la conformité de la proposition d’ECI aux exigences de l’invitation15.

24. Le Tribunal conclut donc que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de la soumission de Supremex n’a pas été faite conformément aux exigences de la DP et des accords commerciaux pertinents.

25. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

26. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

8 . La fourniture d’enveloppes et la prestation de services d’impression sont visées par l’ACI. Même si la fourniture d’enveloppes est visée par l’ALÉNA, l’ALÉCC, l’ALÉCP et l’AMP, les services d’impression de la catégorie T, « Services de communication, de photographie, de cartographie, d’impression et de publication », sont exclues de la portée de l’ALÉNA en vertu de l’annexe 1001.1b-2, de la portée l’ALÉCC en vertu de l’annexe Kbis-01.1-4 et de la portée l’ALÉCP en vertu de l’annexe 1401.1-4 et ne figurent pas dans la liste de l’appendice, annexe 4 de l’AMP. Cependant, étant donné que le Tribunal est convaincu que le présent marché public est visé par l’ACI et que le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la présente plainte, il n’est pas nécessaire, selon le Tribunal, de déterminer si l’ALÉNA, l’ALÉCC, l’ALÉCP et l’AMP s’appliquent en l’espèce.

9 . Plainte publique, onglet 3.

10 . Ibid., onglet 4.

11 . [2007] 1 R.C.S. 116 aux para. 109, 110.

12 . Re plainte déposée par IBM Canada Ltée (5 novembre1999), PR-99-020 (TCCE).

13 . Ibid. à la p. 7.

14 . http://ccua-sacc.tpsgc-pwgsc.gc.ca/pub/rqqr.do?lang=fra&id=2003&date=201....

15 . Plainte publique au para. 55.