BELL CANADA


BELL CANADA
Dossier no PR-2011-031

Décision prise
le lundi 26 septembre 2011

Décision rendue
le vendredi 7 octobre 2011

Motifs rendus
le lundi 24 octobre 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

PAR

BELL CANADA

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no EN869-090126/O) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration en vue de la prestation d’un service de télécommunications intégré afin d’assurer des services téléphoniques, de transmission de données et de vidéoconférence, c.-à-d. les Services de réseau d’entreprise du gouvernement (SREG).

3. Bell Canada (Bell) allègue que TPSGC a commis une erreur lorsqu’il a rejeté les quatre propositions qu’elle a soumises en réponse à la demande de proposition (DP), en ce sens que :

  • la conclusion de TPSGC selon laquelle la signature d’un cadre de chez Bell, M. Stéphane Boisvert, sur l’attestation du soumissionnaire à l’annexe E de la DP rend les quatre propositions non conformes est incorrecte en fait et en droit;
  • TPSGC a dérogé aux modalités de la DP en considérant l’attestation à l’annexe E de la DP comme une exigence obligatoire malgré le fait que cela n’était pas prévu dans le langage clair de la DP.

4. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain3, au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur4, à l’Accord sur les marchés publics5, au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili6, au chapitre 14 de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou7 ou au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie8, selon le cas. En l’espèce, au moins l’ACI s’applique9.

5. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

6. La question est donc de déterminer si les renseignements que contient la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que TPSGC n’a pas évalué les soumissions de Bell conformément aux exigences de la DP.

7. La DP énonçait ce qui suit :

PARTIE 3 – INSTRUCTIONS POUR LA PRÉPARATION DES SOUMISSIONS

[...]

3.2 Section 1 : Soumission technique

[...] La soumission technique doit traiter clairement et de manière suffisamment approfondie des points faisant l’objet des critères d’évaluation en fonction desquels la soumission sera évaluée.

[...]

a) La soumission technique comprend les éléments suivants :

[...]

(ii) SREG annexe E – Attestation du soumissionnaire;

[...]

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

[...]

4.2 Procédures d’évaluation

a) Les soumissions seront évaluées en fonction de l’ensemble des exigences de l’invitation à soumissionner, y compris les critères d’évaluation obligatoires, techniques et financiers. [...]

[...]

c) En plus de tout autre délai prescrit dans l’invitation à soumissionner :

(i) Demandes de précisions : si le Canada demande des précisions au soumissionnaire quant à sa soumission, ou s’il veut la vérifier, le soumissionnaire disposera d’un délai [...].

4.3 Évaluation obligatoire

a) Chaque soumission sera examinée afin de déterminer si elle satisfait aux exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner. Tous les éléments de l’invitation à soumissionner qui constituent des exigences obligatoires sont formulés en utilisant les termes « doit » ou « obligatoire ». Les soumissions qui ne sont pas conformes à chacune des exigences obligatoires seront jugées irrecevables et seront rejetées.

[...]

4.6 Méthode de sélection

a) Une soumission doit satisfaire aux exigences de l’invitation à soumissionner et à tous les critères d’évaluation obligatoires pour être déclarée recevable. Les soumissions qui ne satisfont pas à cette exigence seront déclarées irrecevables.[...]

[...]

PARTIE 6 – ATTESTATIONS

Pour qu’un contrat leur soit attribué, les soumissionnaires doivent fournir les attestations exigées. Le Canada déclarera une soumission irrecevable si les attestations exigées ne sont pas remplies et fournies tel qu’il est demandé dans les articles qui suivent.

Le Canada pourra vérifier l’authenticité des attestations fournies par les soumissionnaires pendant la période d’évaluation des soumissions (avant l’attribution d’un contrat) et après l’attribution du contrat. L’autorité contractante aura le droit de demander des renseignements supplémentaires pour s’assurer que les soumissionnaires respectent les attestations avant l’attribution d’un contrat. La soumission sera déclarée irrecevable si on constate que le soumissionnaire a fait de fausses déclarations, sciemment ou non. Le défaut de respecter les attestations [...] aura aussi pour conséquence que la soumission sera déclarée irrecevable.

6.1 Attestations préalables à l’adjudication d’un contrat

a) Les attestations énumérées ci-dessous, aux articles 6.2, 6.3 et 6.4, devraient être remplies et fournies avec la soumission, mais elles peuvent être fournies plus tard. Si l’une de ces attestations obligatoires n’est pas remplie et fournie comme demandé, l’autorité contractante en informera le soumissionnaire et lui donnera un délai afin qu’il se conforme à l’exigence. [...]

6.2 Attestation du fabricant d’origine

[...]

6.3 Formulaire d’attestation de l’éditeur de logiciels et Formulaire d’autorisation de l’éditeur de logiciels

[...]

6.4 Attestations requises en vertu des Instructions uniformisées supplémentaires 2003-1

[...]

[Traduction]

8. Le 31 mai 2011, Bell présentait quatre soumissions en réponse à la DP.

9. Dans une lettre datée du 19 août 2011, TPSGC avisait Bell que ses soumissions ne respectaient pas une exigence de validation indiquée à l’annexe E de la DP intitulée « ATTESTATION DU SOUMISSIONNAIRE », qui exigeait la signature du président-directeur général du soumissionnaire. TPSGC faisait remarquer que l’annexe E avait été signée par M. Stéphane Boisvert et que M. Boisvert était désigné dans les soumissions comme le président chargé des marchés d’affaires chez Bell et non comme le président-directeur général de Bell Canada.

10. Dans une lettre datée du 29 août 2011, Bell présentait une opposition à TPSGC. Bell avisait TPSGC qu’en vertu d’un instrument de délégation signé par son président-directeur général, en date du 16 mai 2011, avant la date de clôture des soumissions, M. Boisvert était dûment habilité à approuver et à signer les propositions au nom du président-directeur général. Selon la lettre, M. Boisvert n’avait délibérément pas fait mention de son autre titre en signant l’annexe E de la DP, ce qu’il n’avait pas fait ailleurs dans les soumissions, parce qu’il faisait fonction de président-directeur général aux fins de l’annexe E. Bell allègue que TPSGC a incorrectement supposé que M. Boisvert avait signé l’annexe E en vertu du même titre sans vérifier ou confirmer ce fait auprès de Bell et que « TPSGC aurait dû vérifier auprès de Bell Canada, aux termes des paragraphes 4.2 et 6 de la DP, si M. Boisvert avait bien reçu l’autorisation de signer l’annexe E en tant que délégué officiel du président-directeur général de Bell Canada » [note omise, traduction]10.

11. Dans la même lettre, Bell s’opposait aussi au rejet des soumissions en alléguant que l’attestation à l’annexe E de la DP et l’annexe E elle-même n’étaient pas désignées comme des exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner. Dans sa lettre, Bell faisait remarquer qu‘à l’alinéa 4.3a) de la DP, les exigences obligatoires sont formulées en utilisant les termes « doit » ou « obligatoire » et que nulle part dans la DP les termes « doit » ou « obligatoire » sont utilisés relativement à l’annexe E ou dans l’annexe E elle-même. Bell allègue aussi que l’alinéa 3.6a) prévoit ce qui suit : « Les soumissionnaires doivent présenter les attestations en conformité avec la partie 6 » [traduction]. Bell allègue que l’annexe E n’est pas l’une des attestations mentionnées à la partie 6.

12. Dans une lettre datée du 9 septembre 2011, TPSGC avisait Bell que la décision qu’elle avait communiquée dans une lettre datée du 19 août 2011 demeurait inchangée. TPSGC faisait remarquer que Bell n’avait pas indiqué dans ses soumissions que M. Boisvert avait l’autorité de signer l’annexe E de la DP au nom ou avec l’autorisation du président-directeur général de Bell. TPSGC indiquait que, lors de la première étape, soit la demande d’expression d’intérêt et de qualification, la réponse de Bell avait désigné M. George Cope comme le président-directeur général et que la personne qui avait signé l’annexe E était clairement désignée dans les soumissions comme le « Président –Marchés d’affaires Bell » [traduction]. TPSGC indiquait aussi qu’il ne lui était pas permis de demander des renseignements additionnels afin de corriger des erreurs ou de réparer des défauts dans une soumission.

13. Dans la même lettre, TPSGC reconnaissait que l’annexe E de la DP n’était pas une attestation requise à la partie 6 de la DP. Il reconnaissait aussi que l’annexe E n’était pas une « exigence obligatoire » [traduction] au sens de l’article 4.3. Toutefois, TPSGC soutenait que l’article 4.3 ne s’appliquait pas parce que l’annexe E constituait une exigence fondamentale de la validation de la soumission. À cet égard, TPSGC renvoyait Bell à l’alinéa 4.6a), qui, à son avis, fait la distinction entre les « exigences de l’invitation à soumissionner » et les « critères d’évaluation obligatoires » et prévoit qu’une soumission doit satisfaire aux deux éléments afin d’être déclarée recevable.

14. Le 20 septembre 2011, Bell déposait sa plainte auprès du Tribunal dans les délais prescrits.

15. Dans sa plainte, Bell allègue que les évaluateurs des soumissions de TPSGC n’ont pas envisagé la possibilité que M. Boisvert faisait fonction de président-directeur général ou que M. Boisvert pouvait agir à différents titres pour la passation de documents. Bell allègue que les évaluateurs ont tiré des conclusions erronées quant à la compétence de M. Boisvert pour signer l’annexe E de la DP. Selon Bell, TPSGC aurait dû lui demander des éclaircissements avant de rejeter ses soumissions, et de tels éclaircissements n’auraient pas constitué une modification inacceptable des soumissions.

16. Bell allègue aussi que, de toute façon, il n’était pas prévu que l’attestation à l’annexe E de la DP soit une exigence obligatoire de l’invitation à soumissionner et que, par conséquent, l’omission de la signature du président-directeur général n’était pas une bonne raison pour rejeter les soumissions. Selon Bell, les attestations figurant à la partie 6 de la DP constituaient les attestations obligatoires et que l’attestation à l’annexe E n’en faisait pas partie. Bell allègue aussi que la signature demandée à l’annexe E n’était pas une exigence obligatoire car selon le sous-alinéa 3.2a)(ii), l’annexe E faisait partie de la proposition technique plutôt que d’être une exigence obligatoire et il est affirmé à l’alinéa 4.3a) que « [t]ous les éléments de l’invitation à soumissionner qui constituent des exigences obligatoires sont formulés en utilisant les termes “doit” ou “obligatoire” ».

17. Bell soutient aussi que, si elle n’avait pas respecté une certaine exigence obligatoire, cette non-conformité était « négligeable » [traduction] et que, pour l’essentiel, les soumissions étaient conformes.

Analyse du Tribunal

18. L’annexe E de la DP consiste en un formulaire par lequel, entre autres, un signataire, au nom du soumissionnaire, confirme avoir lu l’ensemble de l’invitation à soumissionner et atteste que tous les renseignements fournis dans la soumission sont complets et exacts et que le soumissionnaire accepte d’être lié par les conditions de l’invitation à soumissionner et du contrat subséquent. Le formulaire comporte une case en bas à droite pour la signature précédée à gauche de l’énoncé qui suit :

Signature du représentant autorisé du soumissionnaire, la signature requise est celle du président-directeur général

[Nos italiques, traduction]

19. L’argument de Bell selon lequel la signature du président-directeur général n’était pas un critère obligatoire semble s’appuyer sur le libellé de l’article 4.3 de la DP. L’article 4.3 indique que les exigences obligatoires sont formulées en utilisant les termes « doit » ou « obligatoire » — termes qui sont absents de l’annexe E de la DP.

20. L’article 4.3 de la DP est intitulé « Évaluation obligatoire », ce qui laisse entendre que les « exigences obligatoires » auxquelles il est fait référence dans cet article sont expressément des critères d’évaluation obligatoires.

21. Cela est conforme à l’article 4.6 de la DP intitulé « Méthode de sélection », qui prévoit ce qui suit :

Une soumission doit satisfaire aux exigences de l’invitation à soumissionner et à tous les critères d’évaluation obligatoires pour être déclarée recevable.

[Nos italiques]

22. La formulation précédente indique clairement que deux catégories de renseignements doivent être fournis dans une soumission pour que celle-ci soit déclarée recevable : i) les exigences de l’invitation à soumissionner; ii) les critères d’évaluation obligatoires.

23. Aussi, l’alinéa 4.2a) de la DP indique que les soumissions allaient être évaluées « [...] en fonction de l’ensemble des exigences de l’invitation à soumissionner, y compris les critères d’évaluation obligatoires, techniques et financiers. » Cette formulation confirme que les critères d’évaluation obligatoires ne sont que certains des éléments de la DP qu’une soumission doit respecter pour être déclarée recevable.

24. Donc, bien que l’annexe E de la DP ne comprenne ni le terme « doit » ni le terme « obligatoire », elle peut néanmoins, selon l’article 4.6, constituer un élément essentiel d’une soumission en vertu de la DP s’il s’agit de l’une des « exigences de l’invitation à soumissionner ».

25. Bien que l’annexe E de la DP ne semble pas constituer un critère d’évaluation obligatoire tel qu’il est défini à l’article 4.3 de la DP, elle fait clairement partie de l’invitation à soumissionner (c.-à-d. de la DP), et la signature du président-directeur général du soumissionnaire est expressément « requise » comme le prévoit le libellé de l’annexe E de la DP : « Signature du représentant autorisé du soumissionnaire, la signature requise est celle du président-directeur général » [nos italiques].

26. Par conséquent, le Tribunal conclut que la signature du président-directeur général à l’annexe E de la DP constitue l’une des « exigences de l’invitation à soumissionner » qu’un soumissionnaire devait respecter afin que sa soumission soit déclarée recevable, conformément à l’article 4.6 de la DP.

27. Bien que Bell allègue que ses soumissions, pour l’essentiel, sont conformes à la DP et ne doivent pas être rejetées pour une raison « négligeable » ou à cause d’une « simple irrégularité » [traduction], le Tribunal a conclu, dans des cas antérieurs où la conformité à des critères essentiels était en question, qu’il s’agissait de savoir si les critères avaient été respectés de façon rigoureuse11. Le Tribunal conclut que la signature du président-directeur général est fondamentale dans le contexte de la DP, atteste la validité des renseignements contenus dans la soumission et confirme l’acceptation des modalités de l’invitation à soumissionner et du contrat subséquent. Étant donné que la signature du président-directeur général était requise et donc nécessaire pour que les soumissions soient déclarées recevables à la DP en conformité avec l’article 4.6 de la DP, TPSGC avait le devoir de s’assurer que les soumissions de Bell étaient entièrement et rigoureusement conformes à cette exigence.

28. Pour sa part, il incombait à Bell de satisfaire à l’exigence de l’annexe E de la DP et de s’assurer que les renseignements fournis dans sa soumission étaient clairs12.

29. Autrement dit, il incombait à Bell de s’assurer que sa soumission respectait clairement et rigoureusement l’exigence de l’annexe E de la DP et il incombait à TPSGC d’évaluer la conformité entière et rigoureuse de Bell à l’égard de l’exigence de l’annexe E.

30. Bell admet que son président-directeur général, M. George Cope, n’a pas signé l’annexe E de la DP. Bell admet aussi que l’annexe E a plutôt été signée par M. Boisvert. Bell allègue que l’annexe E a tout de même été correctement signée parce que M. Boisvert était autorisé à la signer au nom du président-directeur général.

31. Le Tribunal conclut que, selon les soumissions telles qu’elles sont présentées, M. Boisvert n’était pas le président-directeur général. Bien que le titre de M. Boisvert ne soit pas indiqué à l’annexe E de la DP, il est clairement désigné ailleurs dans les soumissions comme le « Président – Marchés d’affaires Bell ». La seule conclusion raisonnable à laquelle TPSGC pouvait arriver dans les circonstances est que M. Boisvert n’était pas le président-directeur général et que, par conséquent, Bell n’avait pas respecté l’exigence de l’annexe E.

32. Les circonstances de l’espèce sont analogues à celles du dossier no PR-2007-01113. La soumission de la partie plaignante dans cette cause avait été rejetée parce qu’elle avait omis de fournir la signature requise. Le soumissionnaire soutenait qu’il ne s’agissait que d’une « omission sans importance », mais il était indiqué dans la DP que la signature était nécessaire pour que la soumission soit conforme, et le Tribunal n’a trouvé aucune indication raisonnable que TPSGC ne s’était pas acquitté de ses obligations pertinentes en déclarant les soumissions irrecevables. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du Tribunal selon laquelle la signature était obligatoire et que « [c]ette conclusion suppose nécessairement [...] que le TCCE n’a pas jugé que l’absence de signature constituait une irrégularité mineure »14.

33. En l’espèce, il y a une signature mais, selon les soumissions telles qu’elles sont présentées, ce n’est pas la signature requise. Puisque la signature requise était essentielle pour que les soumissions de Bell soient déclarées recevables à l’invitation à soumissionner, le Tribunal ne considère pas que son absence constitue une irrégularité mineure. Il s’agit plutôt d’une exigence fondamentale de la DP à laquelle Bell ne s’est pas conformée ainsi que la raison pour laquelle TPSGC a déclaré a juste titre que les soumissions étaient irrecevables.

34. Bell allègue que M. Boisvert était autorisé à signer au nom du président-directeur général. Toutefois, le Tribunal conclut que les renseignements présentés dans les soumissions de Bell n’indiquaient pas cela. En fait, lues dans leur ensemble, les soumissions, telles qu’elles ont été présentées, indiquaient que M. Boisvert était le président chargé des marchés d’affaires chez Bell, et non son président-directeur général.

35. Compte tenu des renseignements dont TPSGC disposait, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune indication raisonnable que TPSGC a incorrectement évalué les soumissions de Bell en ce qui a trait à l’annexe E de la DP.

36. En ce qui concerne les éclaircissements, une entité acheteuse peut, dans certaines circonstances, chercher à obtenir des éclaircissements sur un aspect particulier d’une proposition, mais, de façon générale, elle n’est aucunement tenue de le faire15.

37. En l’espèce, la partie 6 de la DP, sur laquelle Bell s’appuie en partie16, donnait à TPSGC « [...] le droit de demander des renseignements supplémentaires pour s’assurer que les soumissionnaires respectent les attestations [...] » pendant la période d’évaluation des soumissions avant d’adjuger un contrat. Toutefois, elle n’indiquait pas que TPSGC était dans l’obligation de demander des éclaircissements.

38. De plus, l’alinéa 4.2c) de la DP fait référence à des demandes d’éclaircissements sans indiquer que celles-ci sont autre chose que des demandes discrétionnaires.

39. Aussi, la partie 2 de la DP intégrait, par renvoi, l’article 16 des « Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels 2003 (2010-10-07 »17 de TPSGC, qui prévoit ce qui suit :

16 Déroulement de l’évaluation

1. Lorsque le Canada évalue les soumissions, il peut, sans toutefois y être obligé, effectuer ce qui suit :

(a) demander des précisions ou vérifier l’exactitude de certains renseignements ou de tous les renseignements fournis par les soumissionnaires relatifs à la demande de soumissions;

[...]

40. De plus, comme le Tribunal l’a déjà indiqué, un éclaircissement est une explication d’un aspect quelconque d’une proposition qui ne représente pas une révision ou une modification importante de la proposition18. La clarification d’une ambiguïté dans une soumission, au lieu d’une modification importante apportée à une soumission, est acceptable19. Toutefois, selon les soumissions, M. Boisvert de toute évidence n’était pas le président-directeur général.

41. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n’était aucunement obligé de demander des éclaircissements à Bell en ce qui concerne l’annexe E de la DP et, plus particulièrement, en ce qui concerne la signature requise du président-directeur général.

42. Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, le Tribunal conclut que la plainte n’indique pas de façon raisonnable que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au paragraphe 506(6) ou de toute autre disposition de l’ACI.

43. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

44. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011) [ALÉCCO].

9 . Les services semblent être compris dans une catégorie ayant trait aux services de télécommunications. Certains services de télécommunications sont exclus de certains accords commerciaux. Alors qu’il n’est pas clair, selon les renseignements contenus dans la plainte, que l’ALÉNA, l’ALÉCC, l’ALÉCP et l’AMP s’appliquent en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de l’ACI dans le but de rendre une décision aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE. Cela ne signifie aucunement que le Tribunal a conclu que les services visés par le marché public ne sont pas assujettis à l’ALÉNA, l’ALÉCC, l’ALÉCP et l’AMP. De plus, le Tribunal remarque que l’ALÉCCO n’était pas en vigueur au moment de la publication de l’invitation en question. Par conséquent, l’ALÉCCO ne s’applique pas.

10 . Plainte, onglet E.

11 . Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2000 CanLII 15611 (CAF). En l’espèce, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’une des pierres angulaires de l’intégrité de tout système d’appel d’offres réside dans la nécessité de veiller à ce que les fournisseurs potentiels respectent toutes les conditions obligatoires des documents d’invitation à soumissionner.

12 . Au sujet du principe selon lequel il incombe au soumissionnaire de satisfaire aux exigences d’une invitation, voir par exemple Re plainte déposée par Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Re plainte déposée par Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR-2000-040 (TCCE); Re plainte déposée par WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE). Au sujet du principe selon lequel il incombe au soumissionnaire de s’assurer que sa soumission est claire, voir Re plainte déposée par Info-Electronics H P Systems Inc. (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE).

13 . Re plainte déposée par Surespan Construction Ltd. (8 mai 2007) (TCCE).

14 . Surespan Construction Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 57 (CanLII) au para. 2.

15 . Re plainte déposée par Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE).

16 . Bell soutient que l’annexe E de la DP n’était pas une attestation comprise dans la partie 6, ce que TPSGC n’a pas contesté, mais elle s’est néanmoins appuyée en partie sur cet article dans sa plainte auprès du Tribunal.

17 . http://ccua-sacc.tpsgc-pwgsc.gc.ca/pub/rqqr.do?lang=fra&id=2003&date=201....

18 . Re plainte déposée par Mechron Energy Ltd. (18 août 1995), PR-95-001 (TCCE).

19 . Re plainte déposée par Bosik Vehicle Barriers Ltd. (6 mai 2004), PR-2003-082 (TCCE).