BRAINS II CANADA INC.


BRAINS II CANADA INC.
Dossier no PR-2011-056

Décision prise
le jeudi 15 mars 2012

Décision rendue
le vendredi 16 mars 2012

Motifs rendus
le mercredi 28 mars 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

PAR

BRAINS II CANADA INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte concerne un marché public (demande de proposition no 42352-12-0001) passé par le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile (Sécurité publique Canada) en vue de la prestation de services de techniciens en informatique.

3. Brains II Canada Inc. (Brains II) allègue que Sécurité publique Canada a injustement adjugé le contrat à un fournisseur qui avait incorrectement inclus les curriculum vitæ de deux employés de Brains II dans sa soumission, en contravention de leurs obligations contractuelles envers Brains II.

RESPECT DU DÉLAI

4. Pour les motifs indiqués ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été déposée dans le délai prévu.

5. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Selon le paragraphe 6(2), un fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

6. Le paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE énonce les exigences relatives au dépôt d’une plainte, notamment que celle-ci doit « f) fournir tous les renseignements et documents pertinents que le plaignant a en sa possession ».

7. Le paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit :

Lorsqu’il détermine que la plainte n’est pas conforme, le Tribunal notifie sa décision au plaignant en précisant les points à corriger, ainsi que les mesures à prendre et le délai imparti à cet effet.

8. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

9. De plus, peu importe la date à laquelle débute la période de 10 jours aux fins de déposer une plainte auprès du Tribunal, celle-ci se poursuit si la plainte, telle que déposée, comporte des lacunes. Par conséquent, une plainte qui comporte des lacunes qui n’est pas redressée dans les 10 jours sera jugée en retard.

10. Le 30 novembre 2011, Sécurité publique Canada publiait une demande de proposition (DP) en vue de la prestation de services de techniciens en informatique. Le 16 janvier 2012, Brains II présentait une soumission en réponse à la DP.

11. Selon la plainte, le 13 février 2012, Sécurité publique Canada informait Brains II que sa soumission avait été déclarée non conforme. Le 14 février 2012, Brains II demandait une explication.

12. Le 15 février 2012, Sécurité publique Canada répondait que deux des employés de Brains II ne répondaient pas à la cotation requise de 60 p. 100 énoncée dans la DP. Le même jour, Brains II demandait des éclaircissements et si son propre contrat avec Sécurité publique Canada serait prolongé jusqu’à ce que le nouveau fournisseur obtienne des autorisations sécuritaires pour ses employés, tout en ajoutant qu’elle n’était pas disposée à transférer ses propres employés à un nouveau fournisseur. Sécurité publique Canada a répondu qu’il n’avait pas l’habitude de se concerner de questions “internes” telles que le transfert d’employés à des fournisseurs. Selon la plainte, Brains II communiquait avec Sécurité publique Canada le 27 février 2012 afin de discuter plus amplement de la question et rencontrait par la suite Sécurité publique Canada à un moment donné entre les 28 février et 1er mars 2012. Cependant, la nature de ces discussions subséquentes n’a pas été indiquée dans la plainte.

13. Le Tribunal conclut que Brains II a pris connaissance des motifs de sa plainte le 15 février 2012, le jour où Sécurité publique Canada l’informait de la raison pour laquelle sa proposition avait été déclarée non conforme. Le Tribunal remarque aussi que la plainte ne contient aucun élément de preuve selon lequel Brains II a présenté une opposition à Sécurité publique Canada après le 15 février 2012. Par conséquent, le Tribunal conclut que Brains II avait jusqu’au 1er mars 2012 pour déposer sa plainte, ce qu’elle a fait.

14. Cependant, le Tribunal conclut que la plainte, telle que déposée le 1er mars 2012, comportait des lacunes parce qu’elle n’incluait pas des copies de la DP et de la proposition de Brains II et qu’avant que Brains II ait redressé sa plainte, le 8 mars 2012, le délai législatif pour déposer une plainte était déjà écoulé; par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence pour enquêter sur celle-ci.

INDICATION RAISONNABLE D’UNE VIOLATION

15. Même si la plainte avait été déposée dans le délai, le Tribunal n’aurait pas pu enquêter sur celle-ci, puisqu’elle n’indique pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux pertinents.

16. L’alinéa 7(1)c) du Règlement prévoit que pour ouvrir une enquête, le Tribunal doit conclure que la plainte indique, de façon raisonnable, que le marché public n’a pas été passé conformément à l’Accord de libre-échange nord-américain3, à l’Accord sur le commerce intérieur4, à l’Accord sur les marchés publics5, à l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili6, à l’Accord de libre-échange Canada-Pérou7 ou à l’Accord de libre-échange Canada-Colombie8, selon le cas.

17. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

18. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

[L]’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...].

19. Les autres accords commerciaux prévoient des dispositions semblables. En application des dispositions ci-dessus, il incombe à la partie plaignante de démontrer que l’évaluation de sa soumission a été effectuée incorrectement, c.-à-d. qu’elle ne respectait pas les critères énoncés dans les documents d’appel d’offres. Autrement dit, le Tribunal interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable, à savoir lorsque les évaluateurs n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance, ont mal interprété la portée de l’exigence, n’ont pas procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure ou ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués9.

20. En l’espèce, aucun élément de preuve ne laisse entendre que les évaluateurs n’ont pas procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure. Même si Brains II allègue que le soumissionnaire retenu avait incorrectement “débauché” cinq de ses employés, Sécurité publique Canada a conclu que le transfert d’employés était une question interne entre Brains II et l’autre soumissionnaire et ne doit pas faire partie de son évaluation. Le Tribunal est d’accord. Autrement dit, aucun élément de preuve n’indique une violation des dispositions susmentionnées des accords commerciaux.

21. Par conséquent, le Tribunal conclut que les renseignements au dossier n’indiquent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.

DÉCISION

22. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

9 . Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).