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c.
MUSÉE CANADIEN DE LA NATURE
Dossier no PR-2012-015

Décision rendue
le vendredi 18 janvier 2013

Motifs rendus
le mercredi 30 janvier 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Storeimage aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

STOREIMAGE Partie plaignante

ET

LE MUSÉE CANADIEN DE LA NATURE Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au Musée canadien de la nature le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Storeimage. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur se situe au degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : le 13 décembre 2012

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Anja Grabundzija

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

Partie plaignante : Storeimage

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Jean Faullem
Alexandra Roy

Institution fédérale : Musée canadien de la nature

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : David M. Attwater

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 7 septembre 2012, Storeimage a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1 concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 12-1630-MCN-067) publiée par le Musée canadien de la nature (MCN) pour la prestation de services de fabrication et d’installation de cabinets, panneaux d’affichage graphique et autres pièces pour une exposition permanente à la Galerie de la Terre Vale au MCN.

2. Storeimage allègue que les critères d’évaluation énoncés dans la DP étaient ambigus, que le MCN a évalué son offre de façon déraisonnable et qu’il y existait une crainte raisonnable de partialité de la part des évaluateurs dans cette procédure de passation du marché public. À titre de mesure corrective, Storeimage demande la réévaluation de son offre. Elle demande aussi le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ainsi que pour la préparation de son offre. De plus, elle a demandé que le Tribunal ordonne au MCN de reporter l’adjudication du contrat.

3. Le 17 septembre 2012, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2. Le même jour, aux termes du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a ordonné au MCN de reporter l’adjudication de tout contrat jusqu’à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte.

4. Le 18 septembre 2012, le MCN a certifié que l’acquisition des services en question était urgente et qu’un retard dans l’adjudication du contrat serait contraire à l’intérêt public. Le 19 septembre 2012, conformément au paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a annulé son ordonnance de report d’adjudication de contrat du 17 septembre 2012.

5. Le 11 octobre 2012, le MCN a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3. Le 23 octobre 2012, Storeimage a déposé ses observations sur le RIF. Le 1er novembre 2012, Storeimage a déposé une version modifiée de ce document.

6. Le 6 novembre 2012, le Tribunal a invité le MCN à répondre à certaines allégations faites par Storeimage dans ses observations sur le RIF, notamment pour ce qui est de l’évaluation des propositions financières. Le 9 novembre 2012, le MCN a présenté sa réplique aux allégations de Storeimage. Le 14 novembre 2012, Storeimage a présenté une réponse à la réplique du MCN.

7. Le 30 novembre 2012, le Tribunal a informé les parties qu’il tiendrait une audience publique, conformément au paragraphe 105(6) des Règles, afin de clarifier les faits importants et d’entendre les arguments relatifs à l’allégation sur l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part des évaluateurs dans cette procédure de passation du marché public. Le 6 décembre 2012, le Tribunal a informé les parties que l’audience se tiendrait le 13 décembre 2012.

8. Le 6 décembre 2012, les parties ont informé le Tribunal du nom des témoins qu’elles entendaient appeler. Le 10 décembre 2012, les parties ont déposé des cahiers d’autorités additionnelles.

9. L’audience a eu lieu à Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2012. Le Tribunal a entendu les témoignages de six témoins. Mme Rachelle Fournier, présidente de Storeimage, et M. Patrick Molla, directeur général de Storeimage, ont comparu à titre de témoins pour celle-ci. Le MCN a appelé M. Max Joly, agent principal aux contrats et achats, ainsi que les trois évaluateurs ayant participé à cette procédure de passation du marché public : Mme Caroline Lanthier, gestionnaire de projets, M. Marc Beck, gestionnaire de projets, et M. Daniel Boivin, concepteur d’expositions.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

10. Le 15 août 2012, le MCN a publié une DP pour la prestation de services de fabrication et d’installation d’éléments pour une exposition permanente à la Galerie de la Terre Vale. La date de clôture des soumissions était le 29 août 2012.

11. La DP contient les dispositions suivantes pertinentes à cette plainte :

CRITÈRES D’ÉVALUATION

Le premier critère d’évaluation sera la meilleure valeur globale pour le MCN. La valeur est définie par la proposition la mieux expliquée et le coût le moins élevé. Nous proposons que les soumissions soient rédigées en utilisant les titres et en répondant aux demandes d’information établies plus bas. Les soumissions seront jugées d’après les critères suivants.

1e Partie – OFFRE TECHNIQUE

1. Expérience de l’entreprise – (10 points)

1.1 Depuis combien d’années le soumissionnaire est-il en affaires?

1.2 Quelle est l’importance de l’expérience du soumissionnaire dans le domaine d’expositions itinérantes de qualité pour les musées?

1.3 Quelle est l’importance de l’expérience du soumissionnaire avec des projets semblables?

1.4 Quelle est la compétence, la créativité et la qualité d’exécution démontrée lors de projets antérieurs (veuillez donner des exemples)?

1.5 Quelle est la portée de l’expérience de travail du soumissionnaire avec des équipes multidisciplinaires?

1.6 Donnez trois dossiers d’échantillons de projets de grandeur et de portée de travail semblables, et, ou de contenu, et quelle était la responsabilité de votre agence dans le projet, et en quoi ce projet est semblable à la galerie de la Terre.

1.7 Donnez au moins trois références de projets semblables, y compris les noms des personnes responsables et leurs numéros de téléphone.

2. Expérience de l’équipe du projet (15 points)

2.1 Quelles sont les qualifications et l’expérience des personnes qui seront affectées au projet? (Veuillez joindre les curriculum vitæ et nommer tous sous-traitants qui seront affectés au projet.)

2.2 La pertinence de contextes de projets et de travaux antérieurs.

2.3 Joindre les curriculum vitæ de l’équipe du projet et déterminer les responsabilités particulières à ce projet, et le rapport et les avantages de ces expériences antérieures relativement à ce projet.

3. Qualité globale de la proposition (25 points)

3.1 Qualité globale de la proposition et approches proposées pour la portée des travaux.

3.2 Démonstration de connaissances relatives aux exigences techniques.

3.3 Démonstration de la capacité et de la méthodologie de votre équipe pour la réalisation de travail collaboratif avec le MCN durant la phase de construction.

3.4 Avez-vous remarqué des sujets qui ont été oubliés par le Musée dans cette DP, lesquels, selon vous, amélioreraient le projet ou votre proposition?

4. Calendrier (10 points)

4.1 Calendrier détaillé qui détaille les dates de production et d’installation se terminant le 23 novembre, 2012 reconnaissant les dates principales décrites dans la section « Portée des travaux ».

5. Qualité des garanties par rapport aux défauts et aux bris (10 points)

5.1 Durée

5.2 Niveau de service, y compris les réparations et les refontes

5.3 Temps de redressement, de la notification à la résolution

2e PARTIE – PROPOSITION DU PRIX

6. Coût global (30 points)

6.1 Coût global anticipé jusqu’à l’achèvement du projet;

6.2 Ventilation réaliste des coûts d’éléments particuliers selon la liste de prix jointe; (annexe B).

6.3 Taux horaire – et quotidien, tout compris;

6.4 Coûts des déplacements, de l’administration et accessoires.

MÉTHODE D’ÉVALUATION

Les propositions seront évaluées par un comité. Les propositions doivent obtenir un minimum de 70 % pour la PARTIE 1 - Offre technique, pour être· prises en considération lors du processus de choix final.

Les résultats d’évaluation de propositions conformément aux critères susmentionnés seront l’outil principal d’évaluation globale. Le Musée se réserve le droit d’entreprendre des négociations par rapport au prix.

12. De plus, la partie de la DP intitulée « Instructions aux soumissionnaires » contient les paragraphes suivants :

15. Le MCN se réserve le droit de vérifier toute l’information fournie par un entrepreneur intéressé en communiquant directement avec ses anciens clients, ses associés et les membres de son personnel. Vous devez accepter de fournir et d’émettre toutes les autorisations nécessaires pour permettre de confirmer votre expérience antérieure. Les fausses déclarations visant votre expérience et la portée de votre expérience antérieure peuvent constituer des motifs de disqualification.

16. Le MCN se réserve le droit de disqualifier n’importe quel entrepreneur si sa proposition montre que la façon dont il fournit les services peut avoir une incidence négative sur les relations d’affaires existantes du Musée canadien de la nature.

13. Entre les 20 et 23 août 2012, le MCN a publié sur MERX4 des mises à jour et des addenda à la DP. La date de clôture des soumissions était le 29 août 2012. Le MCN a reçu trois propositions, dont celle de Storeimage.

14. L’évaluation des soumissions a eu lieu le 30 août 2012, par un comité de trois évaluateurs. Le 31 août 2012, le MCN a téléphoné aux références des soumissionnaires qui s’étaient qualifiés pour les première et deuxième places, en l’occurrence, le soumissionnaire gagnant et Storeimage. Selon le MCN, le processus de vérification des références n’a pas altéré les résultats de l’évaluation.

15. Le 4 septembre 2012, le MCN a informé Storeimage par écrit que la proposition d’Aménagement Exposition TCD Inc. était retenue. La même journée, Storeimage a téléphoné au MCN pour demander un compte-rendu de l’évaluation de sa proposition. Une conversation téléphonique a eu lieu entre Mme Fournier et M. Joly. Des appels-conférences ont également eu lieu les 5 et 6 septembre 2012, entre M. Joly, Mme Fournier et M. Molla, au cours desquels une explication, point par point, a été fournie concernant l’évaluation de la proposition de Storeimage.

16. Le 7 septembre 2012, Storeimage a déposé une plainte auprès du Tribunal.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Délai de dépôt de la plainte

17. Comme premier motif de plainte, Storeimage soutient que la DP n’énonçait pas avec suffisamment de précision les critères et la méthode d’évaluation des soumissions. Storeimage se plaint spécifiquement du fait que les sous-critères n’étaient pas ventilés dans la DP et que celle-ci n’énonçait pas de barèmes pour l’allocation des points.

18. Le MCN soutient, pour sa part, que Storeimage aurait dû découvrir toute lacune relative aux critères ou à la méthode d’évaluation le 15 août 2012, date à laquelle Storeimage a obtenu copie de la DP. Selon le MCN, toute allégation sur ce point dans la plainte du 7 septembre 2012 est tardive eu égard à l’article 6 du Règlement5.

19. Par le biais de ses observations sur le RIF, Storeimage a répondu que les soumissionnaires n’avaient que deux semaines pour déposer leurs propositions, ce qui ne leur laissait pas le temps de poser des questions à cette étape.

20. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».

21. Selon le paragraphe 6(2) du Règlement, « [l]e fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition [...] et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

22. Ces dispositions indiquent clairement qu’une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal.

23. En ce qui concerne l’argument de Storeimage selon lequel la DP n’énonçait pas avec suffisamment de précision les critères et la méthode d’évaluation des soumissions, le Tribunal considère que Storeimage a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de ce motif de plainte lorsqu’elle a obtenu copie de la DP, c’est-à-dire le 15 août 20126.

24. Le Tribunal considère que, si Storeimage était d’avis que la DP présentait des lacunes, elle avait, pour satisfaire aux exigences de l’article 6 du Règlement, jusqu’au 29 août 2012 (c.-à-d. 10 jours ouvrables après le 15 août 2012) pour présenter une opposition au MCN ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal sur ce point précis.

25. Or, Storeimage n’a pas présenté d’opposition au MCN sur ce motif dans le délai requis, et cette plainte n’a été déposée auprès du Tribunal que le 7 septembre 2012, soit après l’expiration du délai prévu.

26. Dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd.7, la Cour d’appel fédérale a examiné l’approche du Tribunal sur cette question et a confirmé sa validité comme il suit :

[18] Dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle. [...]

[...]

[20] [...] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. [...]

[21] Le Tribunal a précisé clairement, dans le passé, que les plaintes fondées sur l’interprétation des termes d’une DP devaient avoir été présentées dans les dix jours suivant le moment où l’ambiguïté ou le manque de clarté qu’on allègue était devenu ou aurait dû normalement devenir apparent.

27. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte, sur ce motif, n’a pas été déposée en temps opportun. L’enquête du Tribunal ne portera donc pas sur ce motif.

28. Cela étant dit, le Tribunal tient à souligner que s’il avait mené une enquête sur ce premier motif de plainte de Storeimage, il aurait, selon toute vraisemblance, conclu que la DP ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur8, lequel prévoit ce qui suit :

« [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

29. Or, il apparaît au Tribunal qu’en l’espèce, les critères et la méthode d’évaluation énoncés dans la DP auraient dû être rédigés avec plus de précision et étaient, vraisemblablement, en deçà de la norme requise en vertu du paragraphe 506(6) de l’ACI. Plus particulièrement, le Tribunal observe que la DP ne comprenait pas de ventilation des points par sous-critère d’évaluation et n’énonçait pas de quelle manière se ferait l’allocation des points.

30. Le Tribunal tient à souligner le caractère fondamental de l’exigence prévue au paragraphe 506(6) de l’ACI pour l’intégrité de la procédure de passation des marchés publics. En effet, le Tribunal a déjà reconnu que le non-respect de cette disposition entraîne des conséquences indésirables autant pour les soumissionnaires que pour le gouvernement, résultant en des retards et des coûts supplémentaires, et en une possibilité réelle que des propositions méritantes soient injustement rejetées9.

31. Il est difficile de constater une situation semblable, mais le Tribunal ne peut procéder à l’encontre de l’article 6 du Règlement.

Nouveau motif de plainte

32. Dans ses observations sur le RIF, Storeimage allègue que la méthode suivie par le MCN pour évaluer les propositions financières diffère de celle annoncée dans la DP.

33. Il appert du RIF que les évaluateurs n’ont pas accordé de points séparément sous les critères 6.1 à 6.4 de la DP, mais ont plutôt appliqué une formule mathématique comparative fondée uniquement sur les coûts globaux.

34. Storeimage ajoute que cette façon de procéder a pu avantager le soumissionnaire gagnant. Ainsi, même si Storeimage est le soumissionnaire ayant obtenu le meilleur pointage suivant la formule adoptée, elle soutient que le différentiel de points entre sa proposition et celle du soumissionnaire gagnant aurait pu être plus grand si les critères annoncés dans la DP avaient été appliqués dans l’évaluation.

35. Par lettre datée du 6 novembre 2012, le Tribunal a invité le MCN à lui présenter ses observations sur l’allégation de Storeimage selon laquelle les propositions financières n’avaient pas été évaluées conformément à la DP.

36. Le MCN soutient, dans ses commentaires supplémentaires, que cette allégation de Storeimage porte sur l’évaluation des propositions financières des autres soumissionnaires, ce qui constitue une allégation étrangère à l’objet de la plainte initiale, qui ne concernait que l’évaluation de la partie technique de sa propre proposition. En effet, le MCN remarque que Storeimage, ayant obtenu le meilleur pointage pour sa proposition financière, n’avait aucune raison de s’en plaindre.

37. Le MCN argumente par ailleurs que les évaluations financières ont été exécutées conformément à la DP. Selon le MCN, la DP, dans son ensemble, indiquait qu’un maximum de 30 points serait attribué en se fonction du « prix global » de la proposition, ce qui correspond au critère 6.1. Selon le MCN, les critères 6.2, 6.3 et 6.4, pris isolément, avaient une valeur de zéro et ne servaient qu’à permettre au MCN de mieux comprendre le coût global soumis par les soumissionnaires.

38. En réponse, Storeimage soutient que sa plainte n’était pas limitée à l’évaluation de sa proposition, mais reprochait généralement au MCN d’avoir contrevenu au paragraphe 506(6) de l’ACI, selon lequel une DP doit énoncer les critères d’évaluation qui seront utilisés. Storeimage argumente par ailleurs que l’interprétation de l’ensemble de la DP mène à la conclusion que chaque critère énoncé serait évalué, y compris les critères 6.1 à 6.4, toute ambiguïté devant être interprétée contre le MCN. Storeimage ajoute qu’elle n’a eu connaissance de la méthode d’évaluation des propositions financières qu’à la lecture du RIF et ne pouvait donc pas s’en plaindre initialement.

39. Premièrement, dans la mesure où les allégations de Storeimage sont fondées sur un manque de clarté des critères et de la méthode d’évaluation annoncés dans la DP, le Tribunal considère que les allégations concernant l’évaluation des propositions financières sont présentées de façon tardive, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-haut.

40. Si Storeimage était d’avis que la DP présentait des lacunes, elle avait, pour satisfaire aux exigences de l’article 6 du Règlement, 10 jours ouvrables après le 15 août 2012 (date à laquelle Storeimage a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir ces lacunes) pour présenter une opposition au MCN ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Puisque Storeimage n’a présenté aucune opposition au MCN et n’a déposé aucune plainte auprès du Tribunal à l’intérieur de ce délai, le Tribunal ne peut pas enquêter sur cette question.

41. Deuxièmement, dans la mesure où Storeimage se plaint du fait que l’évaluation des propositions financières n’a pas été menée selon les critères annoncés dans la DP, le Tribunal conclut que cette allégation n’a été soulevée pour la première fois que dans les observations de Storeimage sur le RIF.

42. Le Tribunal prend acte du renvoi générique de Storeimage au paragraphe 506(6) de l’ACI dans sa plainte initiale; toutefois, le Tribunal considère qu’un tel renvoi n’équivaut pas à soulever un motif de plainte comme tel.

43. En effet, l’alinéa 30.11(2)c) de la Loi sur le TCCE prévoit que la plainte doit « [...] exposer de façon claire et détaillée ses motifs et les faits à l’appui [...] ». Il incombe donc à la partie plaignante de décrire de façon exhaustive ses motifs de plainte et le simple fait de citer des dispositions des accords commerciaux pertinents n’est pas suffisant.

44. Le Tribunal considère donc que l’allégation de Storeimage, selon laquelle les critères annoncés dans la DP pour l’évaluation des propositions financières n’ont pas été respectés, constitue un nouveau motif de plainte. Puisqu’aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte, le Tribunal n’enquêtera pas sur ce motif.

45. Le Tribunal remarque qu’on ne peut pas simplement modifier l’objet d’une plainte et, par conséquent, de l’enquête du Tribunal, ou y faire des ajouts après que la décision d’enquêter a été prise. La présentation d’un nouveau motif constituerait une modification importante à la plainte, en contravention de l’article 7 du Règlement, selon lequel le Tribunal doit déterminer si certaines conditions sont respectées avant de décider d’enquêter sur un motif de plainte donné10.

46. Le recours approprié pour Storeimage aurait été de déposer une nouvelle plainte dans les délais prévus à l’article 6 du Règlement après avoir pris connaissance de ce nouveau motif de plainte11, ce qui n’a pas été le cas aux présentes. Storeimage est donc forclose de se plaindre pour ce motif.

ANALYSE DU TRIBUNAL

47. Tel que discuté plus haut, aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a l’obligation, dans le cadre de son enquête, de limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.

48. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, seulement l’ACI. Selon les renseignements figurant dans la plainte, les services en question sont expressément exclus de l’application de l’Accord de libre-échange nord-américain12, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili13, l’Accord de libre-échange Canada-Pérou14 et l’Accord de libre-échange Canada-Colombie15, et ne sont pas visés par l’Accord sur les marchés publics16. De plus, les seuils monétaires applicables en vertu de ces accords commerciaux ne semblent pas avoir été atteints.

49. La seule question dont le Tribunal demeure valablement saisi est celle de savoir si le MCN a évalué la proposition de Storeimage de façon déraisonnable.

50. Storeimage fonde cette allégation sur trois sous-motifs: la méthode d’évaluation par comparaison des soumissions et par moyenne des pointages utilisée par le MCN; les pointages trop faibles accordés à Storeimage pour certains critères; et l’existence d’une crainte raisonnable de partialité chez le personnel du MCN.

Méthode d’évaluation

51. Storeimage reproche au MCN sa façon d’accorder les points. Storeimage reproche en particulier au MCN d’avoir utilisé une méthode d’évaluation comparative par laquelle les soumissions ont été mises en opposition l’une à l’autre afin de déterminer laquelle aurait le plus haut pointage quant aux postes d’évaluation en question.

52. Le RIF spécifie, et cette explication a été confirmée par les témoignages des trois évaluateurs devant le Tribunal, que chaque proposition a été évaluée par rapport aux critères d’évaluation mentionnés dans la DP. Toutefois, le nombre de points attribués pour chaque critère a été arrêté, en comparant, selon différents procédés, le mérite d’une proposition par rapport aux deux autres.

53. Ainsi, un évaluateur a noté les propositions tour à tour, en accordant aux deuxième et troisième propositions évaluées plus ou moins de points selon leur mérite respectif par rapport à la première proposition. Les deux autres évaluateurs ont lu toutes les propositions et ont fait de brefs commentaires, pour ensuite accorder un pointage final, selon le critère, aux trois propositions. La note globale finale pour chaque proposition, déterminant leur classement respectif, a été déterminée en calculant la moyenne des notes globales auxquelles sont arrivés les trois évaluateurs.

54. Storeimage soutient qu’il était déraisonnable pour le MCN de procéder de cette façon. Elle soutient que les évaluateurs auraient dû accorder des points selon le critère en se fondant sur des barèmes prédéterminés, plutôt qu’en comparant les trois propositions entre elles. De plus, selon Storeimage, le MCN aurait dû établir la note globale finale des propositions par consensus entre les évaluateurs plutôt qu’en calculant une moyenne.

55. De l’avis du Tribunal, ces faits n’établissent pas que le MCN a procédé contrairement aux dispositions de l’ACI.

56. Le paragraphe 506(6) de l’ACI pose l’exigence, en matière de documents d’appel d’offres, d’« [...] indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. » Tel qu’il est mentionné plus haut, la DP annonçait, quoique de façon sommaire, la méthode d’évaluation qui serait suivie dans ce processus de sélection de soumissionnaire. Toutefois, il s’agit là d’un motif dont Storeimage ne peut pas se plaindre à ce stade, pour les motifs exposés plus haut.

57. Le Tribunal considère en l’espèce que le fait de comparer les soumissions pour les fins d’attribuer des points et de calculer ensuite une moyenne des points attribués par chaque évaluateur n’est pas contraire à la méthode d’évaluation énoncée dans les documents d’appel d’offres.

58. Le Tribunal ajoute que la comparaison des soumissions et le calcul d’une moyenne ne constituent pas, en soi, des pratiques interdites par l’ACI. Rien dans l’ACI ne rend obligatoire l’utilisation du procédé par consensus ou d’une grille de correction avec des barèmes d’attribution de points, à moins qu’une institution fédérale indique dans les documents d’appel d’offres qu’elle procédera de cette façon particulière.

59. Le Tribunal considère que, pourvu que les propositions soient évaluées selon les aspects exigés dans les documents d’appel d’offres, la comparaison des soumissions fait ressortir la qualité relative des propositions et contribue à la sélection de la meilleure soumission. Quant à l’attribution des notes globales finales par consensus entre les évaluateurs plutôt que par calcul de moyennes, cette méthode n’est pas pour autant meilleure aux yeux du Tribunal. En tout état de cause, elle ne constitue pas une exigence posée par l’ACI.

Évaluation des soumissions

60. Storeimage allègue en outre que le pointage attribué à sa proposition pour plusieurs critères était déraisonnablement bas. Elle considère, par exemple, qu’elle méritait plus de points pour l’expérience de la firme et de l’équipe de travail proposée pour le projet. Selon Storeimage, le MCN accordait plus d’importance à la forme qu’au fond des soumissions. L’écart relativement important entre les notes accordées par les différents évaluateurs serait un autre indicateur, selon Storeimage, du caractère déraisonnable de cette évaluation.

61. Pour sa part, le MCN soutient que la proposition de Storeimage a été évaluée de façon tout à fait équitable, en se fondant sur la démonstration, dans sa proposition, de ses qualifications en vertu des critères posés. Selon le MCN, les notes des évaluateurs et les explications données à Storeimage lors de la séance d’information du 6 septembre 2012 expliquent les notes attribuées.

62. Toujours selon le MCN, la variation des notes attribuées par différents évaluateurs n’est pas déraisonnable, étant donné la part de subjectivité inhérente à toute évaluation. Le MCN soutient qu’il serait inapproprié, dans ces circonstances, pour le Tribunal de substituer son appréciation des mérites d’une proposition au jugement professionnel des évaluateurs.

63. Le Tribunal a indiqué par le passé qu’il fait généralement preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions et qu’il interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable17.

64. Le Tribunal a en outre indiqué qu’une évaluation pourrait être réputée déraisonnable, par exemple, s’il appert que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la proposition, ont donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou ont effectué une évaluation non équitable du point de vue de la procédure18.

65. De l’avis du Tribunal, rien n’indique, en l’espèce, que l’évaluation de la proposition de Storeimage a été déraisonnable selon la norme de révision que le Tribunal retient de la jurisprudence en semblable matière.

66. Le simple fait des différences entre les points accordés par différents évaluateurs n’est que le reflet de leur jugement professionnel et ne peut permettre d’inférer qu’une évaluation était déraisonnable. Ainsi, dans le dossier no PR-2006-02419, le Tribunal a reconnu qu’en raison de la part de jugement personnel que comporte l’évaluation de propositions, deux comités d’évaluation différents évaluant des propositions identiques pourraient, d’une manière légitime, arriver à des résultats différents.

67. Une évaluation n’est pas non plus déraisonnable en raison du fait que Storeimage considère que son pointage ne reflète pas fidèlement sa qualité réelle. Les soumissionnaires doivent être évalués en se fondant seulement sur leur proposition. En effet, la jurisprudence du Tribunal reconnaît que le fardeau incombe aux soumissionnaires de démontrer, dans leur proposition, comment elles répondent aux critères d’évaluation posés20.

68. Ceci étant dit, bien que ces éléments ne soient pas déterminants en soi, le Tribunal retient qu’ils peuvent faire partie d’un contexte plus général, et il gardera ces éléments à l’esprit dans le cadre de son évaluation de l’allégation de Storeimage portant sur l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

Crainte raisonnable de partialité

69. Storeimage soulève l’existence d’un préjugé négatif de la part du MCN envers elle, en se fondant sur le fait que certaines personnes au sein de l’établissement semblaient considérer avoir eu de mauvaises expériences avec Storeimage dans le passé. Storeimage soumet que cette perception négative de l’entreprise au sein du MCN n’est pas fondée et soulève une crainte raisonnable de partialité, ce qui rend l’évaluation de sa proposition déraisonnable.

70. Spécifiquement, l’impartialité du MCN serait mise en doute par des commentaires concernant l’expérience négative antérieure avec Storeimage, faits par M. Boivin aux références de Storeimage lors de vérifications téléphoniques. Il appert de même, selon Storeimage, de certains commentaires de M. Joly à Mme Fournier lors d’une conversation téléphonique lui expliquant pourquoi Storeimage ne s’était pas vue octroyer le contrat.

71. Storeimage allègue aussi que M. Boivin était biaisé dans son évaluation en raison du fait que ses notes manuscrites indiquent, pour certains critères, des commentaires préliminaires tels que « good » (bien) ou « high » (supérieur) pour Storeimage et un autre soumissionnaire, mais que ces notes se traduisent par un pointage numérique plus bas pour Storeimage que pour la concurrente dans son évaluation finale21. Storeimage allègue que ces faits, considérés à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire, et notamment du fait que les critères d’évaluation mal définis laissaient beaucoup de place à la discrétion, ont fait naître une crainte raisonnable de partialité viciant le processus d’évaluation.

72. Le MCN argumente que les expériences antérieures étaient pertinentes pour l’attribution du contrat à la suite de la DP et que l’expérience antérieure du MCN avec Storeimage a été soulevée dans les vérifications de références de façon légitime et de bonne foi.

73. Le MCN ajoute que la question des projets précédents de Storeimage a été mentionnée par M. Boivin lors de la vérification des références, mais que le tout n’a eu lieu qu’après l’évaluation des propositions techniques. Or, les différents pointages n’ont pas été changés à la suite de ces vérifications22.

74. En s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale23, le MCN a soumis que le simple fait que les évaluateurs aient pu avoir une opinion préexistante au sujet de Storeimage fondée sur leur expérience professionnelle antérieure ne constitue pas une considération illégitime soulevant une crainte raisonnable de partialité24. Quant à M. Joly, il appert qu’il ne faisait pas partie du comité d’évaluation, et sa conduite, selon le MCN, n’est donc pas pertinente à la question de partialité.

75. Selon le témoignage de Mme Fournier, M. Joly lui aurait mentionné, dans le cadre de leur conversation téléphonique du 4 septembre 2012, que deux projets réalisés par Storeimage pour le MCN avaient présenté des difficultés et que le fait que des évaluateurs aient eu de mauvaises expériences avec Storeimage explique certains pointages plus bas obtenus par sa proposition25. Selon Mme Fournier, lorsqu’elle a demandé des explications supplémentaires sur ces deux projets, M. Joly aurait qualifié l’expérience du MCN de « cauchemardesque »26, ce qui est catégoriquement nié par M. Joly.

76. Mme Fournier a témoigné qu’à la lumière de ces commentaires de M. Joly, elle était demeurée incrédule en raison du fait que quelques jours plus tôt, Mme Sunniva Geuer, une référence de Storeimage, avait été très positive quant à sa conversation avec les responsables du MCN.

77. En particulier, Mme Geuer avait téléphoné à Mme Fournier pour lui faire part de son entretien avec un évaluateur du MCN, M. Boivin, tout en précisant qu’elle avait donné une excellente recommandation. Mme Geuer aurait cependant mentionné qu’on lui avait parlé d’« inquiétudes » concernant des problèmes rencontrés lors de projets précédents de Storeimage27. En outre, suivant la conversation du 4 septembre 2012 avec M. Joly, Mme Fournier a communiqué avec une autre référence, qui lui aurait fait part de commentaires similaires provenant du MCN28.

78. M. Molla a dit au Tribunal avoir été surpris d’entendre parler de ces inquiétudes. Il s’agissait selon lui de deux projets qui s’étaient bien déroulés et où il n’y avait eu que des remplacements minimes — M. Molla les estimait de 35 $ à 40 $ par projet — effectués dans les délais et sans coûts supplémentaires pour le MCN29. M. Molla a témoigné aussi que ses dossiers n’indiquent qu’un seul projet datant de la même époque où certains travaux ont dû être repris, mais qu’en fin de compte, le MCN avait été satisfait30. Ceci a d’ailleurs été confirmé par Mme Lanthier, responsable du projet en question31.

79. Selon M. Joly, c’est Mme Fournier qui lui aurait posé la question, lors de la conversation initiale du 4 septembre 2012, à savoir s’il y avait des expériences négatives antérieures avec Storeimage, question à laquelle il a répondu dans l’affirmative. Il dit avoir pu renvoyer à deux projets en particulier après avoir consulté son registre électronique32.

80. M. Joly a expliqué que Storeimage a effectué une bonne quantité de travail pour le MCN33. Il a confirmé être au courant de certains « problèmes » avec Storeimage, par le biais d’employés ayant travaillé avec l’entreprise. Il a affirmé aussi qu’aucun de « ces employés » ne faisait partie du comité d’évaluation et que les membres du comité d’évaluation n’avaient jamais discuté avec lui de leurs expériences antérieures avec Storeimage34.

81. En contre-interrogatoire, M. Joly a indiqué qu’une personne en particulier au MCN n’était pas satisfaite des travaux effectués et espérait ne plus avoir à travailler avec Storeimage35. Il a aussi indiqué plus tard qu’il y avait « possiblement » d’autres personnes qui tenaient Storeimage en mauvaise estime36.

82. M. Joly a aussi témoigné que son rôle dans cette évaluation des propositions techniques se limitait à transmettre les propositions reçues et les grilles de correction au comité d’évaluation37.

83. Chacun des trois évaluateurs a affirmé avoir une certaine connaissance préalable de Storeimage, soit personnelle, soit provenant de renseignements partagés avec d’autres employés lors de réunions sectorielles. Chacun a de plus affirmé ne pas en avoir discuté avec les autres évaluateurs avant d’entreprendre l’évaluation et ne pas avoir été influencé par ces connaissances préalables.

84. Ainsi, M. Beck a témoigné avoir eu une expérience personnelle limitée avec Storeimage, reliée à un des projets désignés comme « problématique ». Il a expliqué qu’il y avait eu des « inquiétudes mineures » [traduction] lors de ce projet, mais que ces inquiétudes n’ont pas laissé de doutes à son esprit quant aux aptitudes de Storeimage, puisqu’à son sens, le projet antérieur était « insignifiant » par rapport au projet présent38.

85. Mme Lanthier a témoigné ne pas avoir de perception négative du travail de Storeimage et ne pas avoir été influencée par de telles considérations dans cette évaluation39. Elle a témoigné ne pas avoir discuté de son expérience antérieure avec Storeimage avec les autres évaluateurs40.

86. M. Boivin, quant à lui, a expliqué au Tribunal qu’il a entendu parler lors de réunions sectorielles avec d’autres employés de certaines expériences négatives avec Storeimage. Toutefois, il a dit que ces considérations n’ont pas eu d’impact sur son évaluation de la proposition de Storeimage41. Il a témoigné de plus avoir effectivement soulevé des expériences négatives du MCN en parlant aux références de Storeimage dans le but d’obtenir le plus de renseignements possible et il a affirmé avoir été content d’apprendre que l’expérience de ces personnes était bonne42.

87. Le Tribunal doit déterminer, à la lumière des éléments de preuve au dossier, si les circonstances de l’affaire soulèvent une crainte raisonnable de partialité.

88. Dans le dossier no PR-2002-07043, le Tribunal a traité de la question de crainte raisonnable de partialité. Dans son exposé des motifs, le Tribunal a invoqué Cougar Aviation, dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que, aux termes de l’ACI, la compétence du Tribunal pour statuer sur une plainte n’était pas limitée aux plaintes de partialité réelle, mais incluait celles portant sur des allégations de crainte raisonnable de partialité.

89. Le critère appliqué par le Tribunal pour déterminer si les circonstances de l’espèce donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité est le critère énoncé par le juge de Grandpré dans son opinion dissidente dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie44, qui a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone45, laquelle opinion dissidente stipulait ce qui suit:

[...] à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?46

90. En premier lieu, concernant les commentaires négatifs de M. Boivin aux références de Storeimage, le Tribunal remarque que le fait que les pointages n’aient pas été changés à la suite de ces conversations n’est pas pertinent.

91. La question en l’espèce n’est pas de savoir si les propos tenus par l’évaluateur lors de sa discussion avec la référence ont eu un impact sur la recommandation donnée par cette personne et ont ainsi pu influencer la note; il s’agit plutôt de savoir si le fait même de tenir les propos en question démontre que l’évaluateur a pu être biaisé contre Storeimage et qu’il y a par conséquent crainte raisonnable que l’évaluation entière en ait été affectée.

92. En deuxième lieu, le Tribunal considère que les propos tenus par M. Joly lors de sa conversation avec Mme Fournier ne sont pas non plus pertinents. Les éléments de preuve révèlent que M. Joly n’a pas évalué les propositions techniques et qu’il n’a donné aucune instruction précise à l’équipe d’évaluation47.

93. Or, le Tribunal doit déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité de la part des personnes ayant effectué l’évaluation elle-même. Le Tribunal ne tirera donc aucune conclusion des échanges entre M. Joly et Mme Fournier.

94. Ayant étudié les faits sur lesquels s’appuie l’allégation de Storeimage eu égard à l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut qu’en l’espèce, il n’existe pas de crainte raisonnable de partialité.

95. Le Tribunal retient des éléments de preuve que plusieurs personnes au sein du MCN, y compris les évaluateurs étaient au courant de certains « problèmes » antérieurs avec Storeimage; il y avait ce qu’on pourrait qualifier de « bruit » circulant au sein des équipes du MCN en ce qui concerne Storeimage. Le Tribunal retient par contre que l’impression générale de Storeimage auprès des évaluateurs demeurait bonne.

96. De l’avis du Tribunal, il ne s’agit pas, ici d’un fait soulevant une crainte raisonnable de partialité dans les circonstances de cette affaire. Le simple fait que des évaluateurs possèdent certaines expériences professionnelles préexistantes d’un soumissionnaire, que ces expériences soient par ailleurs bonnes ou moins bonnes, ne constitue pas, en soi, un fait soulevant la crainte raisonnable que l’évaluation était biaisée. Or, en l’espèce, aucune autre circonstance de l’évaluation ne permet de conclure, selon le test applicable, que l’évaluation n’a pas été juste.

97. En effet, il est ressorti des témoignages qu’il n’y a pas eu de discussions avant l’évaluation entre M. Joly et le comité d’évaluation, ou entre les membres du comité d’évaluation, concernant les expériences antérieures avec Storeimage48.

98. De plus, quant aux appels téléphoniques avec les références, malgré certaines contradictions dans les éléments de preuve, le Tribunal est d’avis qu’ils s’expliquent vraisemblablement par un désir, chez les évaluateurs, d’obtenir, dans un contexte de compressions budgétaires, un renfort quelconque à la décision du comité d’évaluation de soumettre pour approbation par l’autorité financière une proposition ayant obtenu le pointage technique le plus élevé, mais qui était aussi notablement plus chère que celle de Storeimage49.

99. De l’avis du Tribunal, ces appels téléphoniques ne permettent pas de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable que Storeimage n’est pas ressortie gagnante en raison d’un préjugé contre elle.

100. Enfin, quant aux commentaires (par exemple, « good » ou « high ») apparaissant dans les notes manuscrites d’évaluation de M. Boivin, qui ne se traduisaient pas par une note égale à commentaire égal, il appert du témoignage de M. Boivin qu’il ne s’agissait que de notes préliminaires et que les pointages numériques sont le résultat d’une évaluation plus approfondie; ceci n’est pas non plus déraisonnable.

101. En résumé, le Tribunal considère que l’existence d’un certain historique négatif de Storeimage, connu des évaluateurs, ne s’est pas ici traduit en considération mettant en doute l’impartialité de l’évaluation de sa proposition.

Frais

102. Storeimage a demandé le remboursement des frais liés à la plainte. Le MCN a aussi demandé que des frais lui soient accordés.

103. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au MCN le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.

104. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

105. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2. La complexité du marché lui-même était basse, étant donné qu’il concernait la prestation de services de fabrication et d’installation d’éléments d’exposition. La complexité de la plainte était elle aussi basse, étant fondée sur quelques questions non controversées en jurisprudence. La complexité de la procédure, quant à elle, était plus élevée, étant donné qu’il y a eu une requête du Tribunal pour déposer des documents additionnels, que le Tribunal a décidé de tenir une audience publique et que la procédure a dû être prolongée au délai de 135 jours.

106. Toutefois, bien que suivant la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal du montant de l’indemnisation devrait être de 2 400$, en l’espèce, le Tribunal juge opportun de réduire à 1 000$ les frais accordés au MCN et devant être payés par Storeimage. Le Tribunal considère cette réduction justifiée en raison du fait que c’est de son propre chef qu’une audience publique a été menée, ce qui a aussi eu pour incidence de prolonger le délai de la procédure.

DÉCISION DU TRIBUNAL

107. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

108. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au MCN le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Storeimage. Conformément à la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal se situe au degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

4 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

5 . Pièce du Tribunal PR-2012-015-10, dossier administratif, vol. 1A à la p. 81.

6 . Pièce du Tribunal PR-2012-015-10A (protégée), dossier administratif, vol. 2, onglet 13.

7 . 2002 CAF 284 (CanLII).

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par Med-Emerg International Inc. (15 juin 2005), PR-2004-050 (TCCE) au para. 103.

10 . Voir Re plainte déposée par Excel Human Resources Inc. (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au para. 42.

11 . Voir, par exemple, Re plaintes déposées par Hewlett-Packard (Canada) Ltd. (21 février 2002), PR-2001-030 et PR-2001-040 (TCCE), dans lesquelles la partie plaignante a déposé une deuxième plainte après avoir obtenu de nouveaux renseignements dans le cadre de l’enquête du Tribunal portant sur la première plainte.

12 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

13 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

14 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

15 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

16 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

17 . Voir Re plainte déposée par Samson & Associés (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) au para. 26; Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) [Northern Lights] au para. 51.

18 . Northern Lights au para. 52.

19 . Re plainte déposée par Antian Professional Services Inc. (20 décembre 2006) (TCCE) au para. 50.

20 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par Excel Human Resources Inc. (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au para. 34; Re plainte déposée par Info-Electronics H P Systems Inc. (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE), au para. 23.

21 . Transcription de l’audience publique, 13 décembre 2012, aux pp. 265-266.

22 . Pièce du Tribunal PR-2012-015-10, dossier administratif, vol. 1A aux pp. 73-74, 84.

23 . Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux), 2000 CanLII 16572 (C.A.F.) [Cougar Aviation] aux para. 29-39.

24 . Transcription de l’audience publique, 13 décembre 2012, à la p. 294.

25 . Ibid. aux pp. 73-74, 82.

26 . Ibid. aux pp. 79-81.

27 . Ibid. pp. 36-40, 64, 76.

28 . Ibid. à la p. 40.

29 . Ibid. aux pp. 89-90, 107-109.

30 . Ibid. aux pp. 93-94.

31 . Ibid. aux pp. 204-205.

32 . Ibid. à la p. 124.

33 . Ibid. à la p. 119.

34 . Ibid. aux pp. 120-121.

35 . Ibid. aux pp. 135-136.

36 . Ibid. à la p. 160.

37 . Ibid. à la p. 117.

38 . Ibid. à la p. 177.

39 . Ibid. à la p. 205.

40 . Ibid. aux pp. 216-217.

41 . Ibid. aux pp. 227-228, 236.

42 . Ibid. à la p. 234.

43 . Re plainte déposée par Prudential Relocation Canada Ltd. (30 juillet 2003) (TCCE).

44 . [1978] 1 R.C.S. 369 [Committee for Justice and Liberty].

45 . [2003] 1 R.C.S. 884.

46 . Committee for Justice and Liberty à la p. 394.

47 . Transcription de l’audience publique, 13 décembre 2012, aux pp. 154, 158.

48 . Ibid. aux pp. 179-180, 208, 216-217, 238.

49 . Voir le témoignage de M. Beck, ibid. à la p. 185; témoignage de M. Boivin, ibid. aux pp. 243-247, 254-255.