E.G. SPENCE RESIDENTIAL, COMMERCIAL AND INDUSTRIAL MAINTENANCE AND CONSTRUCTION


E.G. SPENCE RESIDENTIAL, COMMERCIAL AND INDUSTRIAL MAINTENANCE AND CONSTRUCTION
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2011-049

Décision rendue
le lundi 2 avril 2012

Motifs rendus
le vendredi 4 mai 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par E.G. Spence Residential, Commercial and Industrial Maintenance and Construction aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

E.G. SPENCE RESIDENTIAL, COMMERCIAL AND INDUSTRIAL MAINTENANCE AND CONSTRUCTION Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à E.G. Spence Residential, Commercial and Industrial Maintenance and Construction un montant de 350 $ au titre de remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition présentée en réponse à l’invitation no W0113-110473/A, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à E.G. Spence Residential, Commercial and Industrial Maintenance and Construction le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Alain Xatruch

Partie plaignante : E.G. Spence Residential, Commercial and Industrial Maintenance and Construction

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 2 janvier 2012, E.G. Spence Residential, Commercial and Industrial Maintenance and Construction (E.G. Spence) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1 concernant un marché public (invitation no W0113-110473/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale en vue de la prestation de services d’inspection, de maintenance et de réparation de machines à laver et de sécheuses de type résidentiel à la Base des Forces canadiennes (BFC) Borden.

2. E.G. Spence allègue que TPSGC n’a pas évalué sa proposition conformément aux modalités de l’invitation et que, par conséquent, la procédure de passation du marché public a été inéquitable et a manqué de transparence. E.G. Spence soutient également que si elle avait été au courant de la manière dont TPSGC l’évaluerait, la proposition qu’elle a présentée aurait été considérablement différente.

3. À titre de mesure corrective, E.G. Spence demande que le Tribunal recommande que le processus d’invitation soit rouvert et que tous les soumissionnaires aient l’occasion de présenter une nouvelle proposition selon des critères d’évaluation clairement énoncés. Subsidiairement, elle demande à être indemnisée pour pertes de salaire et de profits.

4. Le 9 janvier 2012, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2. Le 12 janvier 2012, TPSGC accusait réception de la plainte et informait le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à Parkway Home Appliance Service (Parkway).

5. Le 3 février 2012, TPSGC déposait le rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3. Le 22 février 2012, E.G. Spence déposait ses observations sur le RIF.

6. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements écrits au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Le 21 novembre 2011, TPSGC publiait une demande de propositions (DP) en vue de la prestation de services d’inspection, de maintenance et de réparation de machines à laver et de sécheuses de type résidentiel à la BFC Borden.

8. Les dispositions pertinentes de la DP, dans le cadre de la présente plainte, prévoient ce qui suit :

PARTIE 2 – INSTRUCTIONS À L’INTENTION DES SOUMISSIONNAIRES

[...]

1.2 Visite obligatoire des lieux

Il est obligatoire que le soumissionnaire ou un représentant de ce dernier visite les lieux d’exécution des travaux. Des dispositions ont été prises pour la visite des lieux d’exécution des travaux, qui aura lieu le 30 novembre 2011, à 10 h au Bureau des contrats, 16 Ramillies Road (Édifice P 154), 2e étage, sal[l]e 234, BFC Borden. Borden (Ontario) Canada. [...]

[...]

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

[...]

1.1.1 Critères financiers obligatoires

(a) Le soumissionnaire doit présenter, en dollars canadien, les prix fermes pour tous les articles énoncés dans la Base de paiement.

(b) Le soumissionnaire doit remplir la Base de paiement et la présenter avec sa soumission.

[...]

1.1.3 Évaluation du prix – prix global

L’usage estimatif total de chaque article d’exécution sera multiplié par le prix unitaire ferme afin de déterminer le prix calculé pour cet article. On additionnera le prix calculé pour tous les articles d’exécution afin de déterminer le prix global à des fins d’évaluation.

[...]

PART 6 – CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT

[...]

4.1 Période du contrat

La période du contrat est à partir de la date du contrat jusqu’au 31 décembre 2012 inclusivement.

[...]

ANNEXE « A »

BESOIN

1. Besoin

L’entrepreneur doit fournir la main-d’œuvre, les matériaux, les outils, l’équipement et le transport pour l’inspection, la maintenance et la réparation d’environ 900 machines à laver et sécheuses de type résidentiel pour le ministère de la Défense national[e] (MDN), Services techniques, Génie construction à la BFC Borden, à Borden, en Ontario, Canada.

[...]

Partie A : SSV&L [Services de soutien du vivre et du logement]

L’entrepreneur doit fournir la main-d’œuvre, les matériaux, les outils, l’équipement et le transport pour l’inspection d’environ 700 machines à laver et sécheuses.

L’entrepreneur doit réaliser l’inspection de 25 machines à laver et sécheuses par mois, à partir du premier jour ouvrable de chaque mois.

Les installations sont situées au 675, route Dieppe (bâtiment P-144), salle 107, et comptent les unités suivantes :

[...]

Partie B : Parc Blackdown

L’entrepreneur doit fournir la main-d’œuvre, les matériaux, les outils, l’équipement et le transport pour l’inspection d’environ 200 machines à laver et sécheuses.

L’entrepreneur doit réaliser l’inspection de 25 machines à laver et sécheuses par mois, du 1er avril au 31 octobre. [...]

[...]

ANNEXE « B »

BASE DE PAIEMENT

Pour la période de la date du contrat au 31 décembre 2012 compris.

Partie I

A. Inspections et maintenance préventive

Les inspections et la maintenance préventive comprennent la main-d’oeuvre, les matériaux, les outils, l’équipement et le transport nécessaires pour effectuer les inspections et la maintenance préventive mentionnées à l’annexe A.

Article Description Prix de unitaire ferme
1 Machine à laver Bâtiment P-144 $ / Chaque
2 Séchoir Bâtiment P-144 $ / Chaque
3 Machine à laver Blackdown Park $ / Chaque
4 Séchoir Blackdown Park $ / Chaque

9. La visite obligatoire des lieux, telle que décrite dans la DP, avait lieu le 30 novembre 2011 à la BFC Borden. E.G. Spence est d’avis qu’il a été précisé, lors de cette visite, que seraient inspectées 25 machines à laver et sécheuses par mois (c.-à-d. 300 machines à laver et sécheuses par année) dans les installations des Services de soutien du vivre et du logement (SSV&L) et que 25 machines à laver et sécheuses par mois seraient inspectées du 1er avril au 31 octobre (c.-à-d.175 machines à laver et sécheuses par année) au parc Blackdown, pour un total de 475 machines à laver et sécheuses inspectées par année.

10. Dans le RIF, TPSGC confirme que les fournisseurs potentiels ont été informés, lors de la visite des lieux, que les inspections requises se limitaient à 475 machines à laver et sécheuses et ne visaient pas l’ensemble des 900 machines à laver et sécheuses situées dans les installations des SSV&L et du parc Blackdown pendant la durée du contrat.

11. La date de clôture de l’invitation était le 7 décembre 2011. TPSGC a reçu quatre propositions, dont une présentée par E.G. Spence, qui ont toutes été considérées recevables. Le 13 décembre 2011, TPSGC adjugeait le contrat à Parkway en fonction du prix évalué le plus bas.

12. Le 14 décembre 2011, E.G. Spence envoyait deux courriels à TPSGC dans lesquels elle contestait l’adjudication du contrat et demandait un entretien et des renseignements sur les mesures à prendre pour que la procédure de passation du marché public soit réexaminée. Le même jour, TPSGC répondait à E.G. Spence au moyen d’une lettre pour l’informer qu’un contrat de 104 500 $ (TVH en sus) avait été adjugé à Parkway. La lettre informait également E.G. Spence que le prix total évalué de sa proposition était de 45 915 $, comparativement à 28 560 $ pour celui de la proposition de Parkway4.

13. Plus tard le 14 décembre 2011, E.G. Spence envoyait à TPSGC un autre courriel dans lequel elle lui demandait de divulguer la manière dont il avait calculé le prix total évalué de sa proposition. Le 15 décembre 2011, TPSGC fournissait à E.G. Spence les détails de l’évaluation financière concernant sa proposition, qui indiquaient que ses prix unitaires fermes avaient été multiplié par un total de 700 machines à laver et sécheuses dans le cas des SSV&L et de 200 machines à laver et sécheuses dans le cas du parc Blackdown (pour un total de 900 machines à laver et sécheuses).

14. Le 23 décembre 2011, E.G. Spence déposait une plainte auprès du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA), dans laquelle elle s’opposait à l’évaluation financière de sa proposition effectuée par TPSGC. Le 29 décembre 2011, le BOA informait E.G. Spence que le marché public ne relevait pas de sa compétence et lui conseillait de communiquer avec le Tribunal ou de déposer une plainte auprès de ce dernier.

15. Le 30 décembre 2011, E.G. Spence déposait des documents auprès du Tribunal et exprimait son désir de déposer une plainte portant sur un marché public. Le même jour, le Tribunal, aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE, avisait E.G. Spence qu’il avait besoin de renseignements supplémentaires afin que sa plainte puisse être considérée comme déposée.

16. Le 2 janvier 2012, le Tribunal recevait les renseignements supplémentaires qu’il avait demandés à E.G. Spence et considérait donc la plainte de cette dernière comme déposée.

ANALYSE DU TRIBUNAL

17. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord de libre-échange nord-américain5, l’Accord sur le commerce intérieur6, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili7, l’Accord de libre-échange Canada-Pérou8 et l’Accord de libre-échange Canada-Colombie9.

18. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

19. L’article 1013(1)(h) de l’ALÉNA prévoit que la documentation relative à l’appel d’offres doit contenir :

les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...].

20. L’article 1015(4)(d) de l’ALÉNA prévoit que le gouvernement doit attribuer les contrats de la façon suivante :

l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres.

21. L’ALÉCC, l’ALÉCP et l’ALÉCCO comportent des dispositions semblables à celles de l’ALÉNA.

22. Dans sa plainte, E.G. Spence soutient que, même si les modalités de la DP et les renseignements qu’elle a reçus au cours de la visite obligatoire des lieux indiquaient que les propositions seraient évaluées en fonction du fait que les inspections se limiteraient à 300 machines à laver et sécheuses dans les installations des SSV&L et à 175 machines à laver et sécheuses au parc Blackdown pendant la durée du contrat, TPSGC a évalué sa proposition en se fondant sur le fait que les inspections viseraient l’ensemble des 700 machines à laver et sécheuses dans les installations des SSV&L et l’ensemble des 200 machines à laver et sécheuses au parc Blackdown.

23. La question à trancher dans la présente enquête est donc celle de savoir si TPSGC a évalué la proposition d’E.G. Spence conformément aux modalités de la DP.

24. Conformément à l’article 1.1.3 de la partie 4 de la DP intitulée « PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION », le prix total évalué d’une proposition est établi en multipliant l’usage estimatif total de chaque article d’exécution par le prix unitaire de cet article, puis en additionnant les résultats. En ce qui concerne le nombre d’inspections de machines à laver et sécheuses prévues, le Tribunal remarque que les modalités de la DP ne sont pas tout à fait claires.

25. D’une part, l’annexe « A » de la DP intitulée « BESOIN » prévoit ce qui suit : « L’entrepreneur doit fournir la main-d’œuvre, les matériaux, les outils, l’équipement et le transport pour l’inspection d’environ 700 machines à laver et sécheuses » aux SSV&L et « [...] d’environ 200 machines à laver et sécheuses » au parc Blackdown. D’autre part, l’annexe « A » prévoit aussi ce qui suit : « L’entrepreneur doit réaliser l’inspection de 25 machines à laver et sécheuses par mois, à partir du premier jour ouvrable de chaque mois » aux SSV&L et « [...] de 25 machines à laver et sécheuses par mois, du 1er avril au 31 octobre » au parc Blackdown.

26. Compte tenu du fait que la DP prévoit expressément que la période du contrat commence à la date du contrat (la date de clôture de l’invitation était le 7 décembre 2011) et prend fin le 31 décembre 201210, les taux d’inspection susmentionnés représentent environ 300 inspections dans les installations des SSV&L et 175 inspections au parc Blackdown11.

27. Cependant, toute ambiguïté perçue dans les modalités de la DP a été dissipée lors de la visite obligatoire des lieux qui s’est déroulée à la BFC Borden le 30 novembre 2011. Comme indiqué précédemment, TPSGC confirme, dans son RIF, que les fournisseurs potentiels ont été informés, au cours de la visite des lieux, que les inspections requises se limitaient à 475 machines à laver et sécheuses (c.-à-d. 300 dans les installations des SSV&L et 175 au parc Blackdown) et ne viseraient pas l’ensemble des 900 machines à laver et sécheuses pendant la durée du contrat.

28. Par conséquent, les prix unitaires indiqués dans la proposition d’E.G. Spence devaient être multipliés par un total de 475 machines à laver et sécheuses. Toutefois, les éléments de preuve au dossier indiquent clairement que ces prix unitaires ont été multipliés à tort par un total de 900 machines à laver et sécheuses12. En outre, le Tribunal remarque que TPSGC reconnaît, dans son RIF, que les prix unitaires des inspections offerts par chacun des soumissionnaires ont été multipliés par un nombre erroné de machines à laver et de sécheuses.

29. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas évalué la proposition d’E.G. Spence conformément aux modalités de la DP, allant ainsi à l’encontre des accords commerciaux pertinents, et que, par conséquent, la plainte est fondée.

Mesure corrective

30. Ayant conclu que la plainte est fondée, le Tribunal doit maintenant examiner si les circonstances pertinentes au marché public visé justifient la recommandation d’une mesure corrective particulière.

31. À cet égard, le Tribunal est régi par les paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, qui prévoient ce qui suit :

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

32. En outre, le paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE confère au Tribunal le pouvoir d’accorder à la partie plaignante le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation d’une réponse à l’invitation à soumissionner qui fait l’objet de la plainte.

33. Le Tribunal est d’avis que le défaut d’évaluer une proposition conformément aux modalités de l’invitation représente une irrégularité grave dans la procédure de passation du marché public qui cause préjudice à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication.

34. L’intégrité et l’efficacité du mécanisme d’adjudication ne peuvent être maintenues que si les soumissionnaires sont assurés que la procédure est entièrement transparente et que leur proposition sera évaluée conformément aux modalités de l’invitation. Bien qu’il soit évident qu’une erreur a été commise quant à l’évaluation des propositions, les éléments de preuve n’indiquent aucune mauvaise foi de la part de TPSGC.

35. TPSGC soutient que même si les prix unitaires des inspections offerts par chacun des soumissionnaires ont été multipliés par inadvertance par un nombre erroné de machines à laver et de sécheuses, l’erreur n’a eu aucune incidence sur le classement définitif des propositions, puisqu’ elle a été faite relativement à l’évaluation de toutes les propositions.

36. TPSGC affirme que si les prix unitaires avaient été multipliés par le nombre exact de machines à laver et de sécheuses, le classement des propositions aurait été exactement le même13. Il soutient donc que l’erreur n’a eu aucune conséquence sur le résultat de la procédure de passation du marché public, que le contrat subséquent a été correctement adjugé au soumissionnaire le moins-disant (c.-à-d. Parkway) et que les intérêts d’E.G. Spence dans le marché public n’ont pas été lésés.

37. Dans ses observations sur le RIF, E.G. Spence reconnaît que sa soumission était trop élevée pour qu’elle se voie adjuger le contrat et qu’elle ne demande plus au Tribunal de résilier le contrat adjugé à Parkway.

38. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve au dossier indiquent clairement que, quel que soit le nombre de machines à laver et de sécheuses utilisé pour établir le prix total évalué des propositions, Parkway aurait quand même obtenu le prix total évalué le plus bas et se serait vu adjuger le contrat.

39. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut donc que rien ne permet de recommander que le contrat adjugé à Parkway soit résilié ni de recommander qu’E.G. Spence soit indemnisée pour perte de profits ou perte d’occasion de profits.

40. Toutefois, comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services14, « [...] le [Tribunal] [...] joue un rôle de réglementation dans le cadre du processus administratif [...] [et] doit exercer ses pouvoirs en vue de, notamment, préserver la confiance des soumissionnaires éventuels en l’intégrité du système de passation des marchés publics », car « [l]a perte de confiance aurait un effet préjudiciable sur l’aspect concurrentiel du processus d’appel d’offres ».

41. Lorsqu’E.G. Spence a appris que les prix unitaires indiqués dans sa proposition avaient été multipliés par un total de 900 machines à laver et sécheuses plutôt que de 475, il était raisonnable qu’elle conclue que la procédure de passation du marché public était irrégulière et manquait de transparence. Il était également raisonnable qu’elle prenne les mesures qu’elle a prises relativement au dépôt d’une plainte auprès du Tribunal.

42. Bien que la présente enquête ait maintenant révélé que TPSGC a fait une erreur qui n’a pas modifié le classement définitif des propositions, ce type d’erreur ébranle néanmoins la confiance des soumissionnaires potentiels en l’intégrité du mécanisme de passation des marchés publics et peut même les dissuader de répondre aux invitations ultérieures. Cela est particulièrement vrai étant donné la vaste expérience de TPSGC en matière de marchés publics et la simplicité relative de la présente procédure de passation du marché public. Comme E.G. Spence l’a indiqué dans ses observations sur le RIF, « [...] la procédure [de passation des marchés publics] ne doit pas seulement parler de transparence, elle doit être transparente » [traduction].

43. Dans ces circonstances, le Tribunal juge approprié d’accorder à E.G. Spence le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition présentée en réponse à l’invitation.

44. Le Tribunal estime qu’E.G. Spence a consacré tout au plus une journée entière de travail pour prendre part à la visite obligatoire des lieux à la BFC Borden le 30 novembre 2011 et pour préparer sa proposition en réponse à l’invitation, ce qui, selon les modalités de cette invitation, ne semblait pas être difficile. En tenant compte des frais associés aux commandes de service et à la main-d’œuvre indiqués dans la proposition d’E.G. Spence15, le Tribunal conclut qu’un montant de 350 $ représente, de façon raisonnable, les frais qu’E.G. Spence a vraisemblablement engagés pour la préparation de sa proposition.

45. Par conséquent, aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à E.G. Spence un montant de 350 $ au titre de remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition présentée en réponse à l’invitation.

Frais

46. Le Tribunal accorde à E.G. Spence le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

47. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au plus bas degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). Le marché public n’était pas complexe, car il visait la prestation d’un ensemble simple de services. La plainte n’était pas complexe, en ce sens qu’elle ne traitait que de la question de savoir si TPSGC a évalué une partie particulière de la proposition d’E.G. Spence conformément aux modalités de l’invitation. Enfin, la procédure de la plainte n’était pas complexe, compte tenu que TPSGC a reconnu qu’une erreur avait été commise dans l’évaluation des propositions, qu’il n’y a eu ni requête ni partie intervenante et qu’une audience publique n’a pas été nécessaire. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

48. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

49. Aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à E.G. Spence un montant de 350 $ au titre de remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition présentée en réponse à l’invitation no W0113-110473/A, ces frais devant être payés par TPSGC.

50. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à E.G. Spence le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Dans le RIF, TPSGC explique que le prix total évalué, calculé pour chaque proposition, comprend un montant fixe pour les inspections (selon le nombre réel d’inspections à effectuer) et un montant nominal pour les commandes de service (selon un nombre nominal de commandes de service utilisé aux fins de l’évaluation). Il explique également que la valeur du contrat adjugé à Parkway, qui est considérablement supérieure au prix total évalué de la soumission de Parkway, représente une limite de coût et que le coût réel du contrat dépendra du volume réel de commandes de service pouvant être passées pendant la durée du contrat.

5 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

6 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

7 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

9 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011) [ALÉCCO]. L’Accord sur le commerce intérieur (15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>) ne s’applique pas puisque la valeur du marché public est inférieure au seuil monétaire pertinent pour les marchés de services visés par cet accord.

10 . Voir l’article 4.1 de la partie 6 de la DP intitulée « CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT » et l’annexe « B » de la DP intitulée « BASE DE PAIEMENT ».

11 . Ces estimations sont obtenues en multipliant le nombre de mois complets pendant la durée du contrat (c.-à-d. 12 mois) par 25 dans le cas des SSV&L et en multipliant 7 mois (avril à octobre) par 25 dans le cas du parc Blackdown.

12 . Voir RIF, pièce 11.

13 . À cet égard, TPSGC a présenté, dans son RIF, une grille d’évaluation qui montre que la multiplication des prix unitaires d’E.G. Spence et de Parkway par 300 machines à laver et sécheuses dans le cas des installations des SSV&L et par 175 machines à laver et sécheuses dans le cas du parc Blackdown aurait quand même fait en sorte que Parkway obtienne le prix total évalué le plus bas. Voir RIF, pièce confidentielle 13.

14 . 2007 CAF 176 (CanLII) aux para. 21, 22.

15 . RIF, pièce confidentielle 11.