SECURE COMPUTING LLC


SECURE COMPUTING LLC
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2012-006

Décision et motifs rendus
le mardi 23 octobre 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Secure Computing LLC aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

SECURE COMPUTING LLC Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée. Chaque partie assumera ses propres frais en l’espèce.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Georges Bujold

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Partie plaignante : Secure Computing LLC

Institution fédérale : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 15 juin 2012, Secure Computing LLC (Secure Computing) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1. La plainte concerne un marché public (invitation no W8474-126119/B) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) en vue de la fourniture d’équipement de réseautage.

2. Secure Computing allègue que le contrat a été incorrectement adjugé à un soumissionnaire dont les produits offerts ne répondaient pas aux exigences obligatoires de l’invitation. À titre de mesure corrective, Secure Computing demande que TPSGC résilie le contrat et qu’il soit adjugé au soumissionnaire conforme suivant le moins disant. Secure Computing demande également qu’une ordonnance de report d’adjudication du contrat soit rendue.

3. Il s’agit de la troisième plainte déposée auprès du Tribunal par Secure Computing concernant la procédure de passation du présent marché public et comportant la même allégation. Le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la première plainte, puisqu’il a conclu que le dépôt de celle-ci était prématuré2. Le Tribunal a également décidé de ne pas enquêter sur la deuxième plainte déposée le 4 avril 2012, dans les délais prescrits, puisqu’il a conclu que les éléments de preuve n’indiquaient pas, de façon raisonnable, que le marché public n’avait pas été passé conformément aux accords commerciaux pertinents3.

4. Secure Computing a déposé cette troisième plainte auprès du Tribunal aux motifs qu’elle a recueilli de nouveaux renseignements et éléments de preuve, qu’elle n’aurait pu découvrir avant, qui établissent prétendument que le MDN a accepté des produits non conformes aux exigences de l’invitation. À la suite d’une conversation téléphonique tenue avec le secrétaire du Tribunal le 14 juin 2012, Secure Computing a demandé que les documents des deux plaintes antérieures, soit les dossiers nos PR-2011-062 et PR-2012-001, soient intégrés à la présente plainte.

5. Le 22 juin 2012, le Tribunal informait les parties que la plainte avait été acceptée à des fins d’enquête puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics4. Le Tribunal a déterminé que le principe de la chose jugée n’empêchait pas Secure Computing de déposer la présente plainte5. Le Tribunal est d’avis que l’exception au principe de la chose jugée concernant la découverte de nouveaux éléments de preuve qui n’auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, être produits dans le cadre du premier litige concernant la même question et les mêmes parties, s’applique en l’espèce.

6. Puisque les éléments de preuve contenus dans la plainte indiquent que le contrat avait déjà été adjugé et que les marchandises avaient déjà été livrées, le Tribunal n’a pas rendu d’ordonnance de report d’adjudication du contrat. Les renseignements et les documents des deux plaintes antérieures concernant la présente affaire ont été versés au dossier administratif. Le 13 juillet 2012, TPSGC demandait une prorogation de délai pour déposer le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le Tribunal a accordé la prorogation6. Le 8 août 2012, TPSGC déposait un RIF auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur7. Le 15 août 2012, Secure Computing déposait ses observations sur le RIF.

7. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

8. Le 5 mars 2012, l’invitation était publiée sur MERX8. L’invitation remplaçait un marché public (invitation no W8474-126119/A) daté du 23 février 2012, entrepris en vue de la fourniture du même équipement, qui avait été annulé. La date limite pour la réception des soumissions était le 15 mars 2012.

9. L’invitation comporte les critères obligatoires suivants :

MÉTHODE D’ÉVALUATION ET DE SÉLECTION (obligatoire)

À toute étape de l’évaluation, si une exigence obligatoire n’est pas respectée, la réponse [à la demande de rabais pour volume (DRV)] sera jugée non conforme et rejetée. Une réponse à la DRV sera considérée non conforme si elle n’est pas appuyée par les renseignements nécessaires et suffisants pour expliquer en quoi elle est conforme aux exigences obligatoires.

Les étapes ci-dessous serviront à évaluer les réponses à la DRV reçues. Le processus d’évaluation est subdivisé selon les étapes suivantes :

Étape 1 : Évaluation technique – critères techniques obligatoires

Chaque réponse à la DRV sera examinée pour déterminer si elle satisfait aux exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner (voir l’annexe B – Formulaire relatif aux exigences techniques de la DRV 1082).

Étape 2 : Évaluation de la soumission financière

La valeur évaluée totale de la soumission de la réponse à la DRV sera fondée sur la somme de tous les prix totaux des produits à livrer indiqués à l’annexe « A », TPS/TVH en sus.

Étape 3 : Méthode de sélection

Le soumissionnaire conforme le moins disant dont l’évaluation est positive sera recommandé pour l’adjudication.

[...]

ANNEXE « B »

EXIGENCES TECHNIQUES DE LA DRV 1082

Instructions aux soumissionnaires

1) Tout produit proposé doit entrer dans la définition technique de la catégorie 6.4 énoncée dans l’offre à commandes principale et nationale (OCPN).

2) Pour chaque exigence supplémentaire énoncée dans la colonne A ci-après, les soumissionnaires doivent inscrire une des deux réponses suivantes :

Conforme : Lorsque le produit proposé respecte, à tous les égards, l’exigence. À l’exception de la justification technique dont il est question dans les colonnes C, D et E aux présentes, aucune autre explication n’est nécessaire.

Non conforme : Lorsque le produit proposé ne respecte pas, à tous les égards, l’exigence. Le non-respect d’une exigence obligatoire fera en sorte que la proposition sera déclarée non conforme.

3) Le mot « oui » indiqué dans la colonne C signifie que les soumissionnaires doivent fournir une justification technique relativement à l’exigence énoncée dans la colonne A. La justification technique peut consister en une brochure technique, une fiche technique, un manuel ou tout autre document démontrant que le produit proposé respecte l’exigence.

A
Exigences techniques
B
Déclaration de conformité
C
Le soumissionnaire doit remplir les colonnes D et E et fournir une justification
D
Exigences obligatoires que le soumissionnaire doit justifier
E
Renvoi aux documents justificatifs supplémentaires inclus dans la soumission
Configuration proxy SSL        
Ne doit pas dépasser 2U   OUI    
Doit pouvoir être monté sur châssis   OUI    
Doit avoir 6 Go de mémoire vive   OUI    
Doit inclure deux ports en cuivre 10/100/1000   OUI    
Doit fonctionner en RAID 1   OUI    
Doit inclure 6 disques durs SAS de 300 Go   OUI    
[...]        

[Traduction]

10. Le 14 mars 2012, en réponse à l’invitation, Secure Technologies International Inc. présentait une proposition au nom de Secure Computing9. Le 22 mars 2012, TPSGC informait l’agent de Secure Computing que même si la soumission de cette dernière était conforme sur le plan technique, elle n’était pas le soumissionnaire retenu, puisqu’elle n’était pas la moins disante. Dans le même courriel, TPSGC informait également l’agent de Secure Computing qu’un contrat avait été adjugé à un autre soumissionnaire, soit Conexsys Communications Ltd. (Conexsys).

11. Le 26 mars 2012, Secure Computing présentait une opposition formelle concernant les résultats de l’évaluation des propositions dans un courriel envoyé à TPSGC. Secure Computing allègue que la solution proposée par le soumissionnaire retenu ne répond pas aux exigences techniques obligatoires de l’invitation et demande que l’adjudication du contrat soit mise en suspens en attendant le résultat d’une enquête approfondie sur la question.

12. Les préoccupations précises de Secure Computing étaient que la solution proposée par le soumissionnaire retenu ne répondait pas aux exigences selon lesquelles l’équipement demandé (configuration proxy SSL) i) ne devait pas dépasser 2U et ii) devait inclure six disques durs SAS de 300 Go. Selon Secure Computing, le fabricant de l’équipement que le soumissionnaire retenu a proposé est incapable de fournir une solution qui serait conforme à ces exigences techniques obligatoires.

13. Le 29 mars 2012, TPSGC répondait à l’opposition dans une lettre à Secure Technologies International Inc., laquelle, comme il a été indiqué précédemment, était l’agent dûment autorisé de Secure Computing aux fins de la présente invitation ainsi que la société ayant présenté une soumission à son nom. Dans cette lettre, TPSGC informait que l’équipe d’évaluation technique avait examiné les préoccupations de Secure Computing et avait confirmé ce qui suit :

  • la documentation technique présentée avec la réponse à la DRV du soumissionnaire retenu démontrait clairement que le dispositif proposé ne dépassait pas 2U;
  • la documentation technique présentée par le soumissionnaire retenu démontrait clairement également que le dispositif proposé comprenait au total six disques durs SAS de 300 Go, comme l’exigeait l’annexe B de la DRV;
  • tous les produits proposés par le soumissionnaire retenu étaient identiques à ceux qui figuraient sur la liste de prix publiée pour cet offrant, comme l’exigeait l’OCPN des SSER.

14. Étant donné que l’équipe d’évaluation technique avait confirmé que l’équipement proposé par le soumissionnaire retenu respectait, à tous les égards, les exigences techniques pertinentes, TPSGC a également indiqué qu’il maintenait sa décision d’adjuger le contrat à Conexsys.

15. Le 24 avril 2012, Secure Computing présentait une demande aux termes de la Loi sur l’accès à l’information10 en vue d’obtenir une liste détaillée des produits à livrer en vertu du contrat adjugé à Conexsys. Le 15 mai 2012, Secure Computing était informée qu’une prorogation du délai de réponse pouvant aller jusqu’à 90 jours supplémentaires s’appliquait à sa demande d’accès à l’information.

16. Le 6 juin 2012, toujours en attente d’une réponse à sa demande d’accès à l’information, Secure Computing rencontrait le MDN, soit l’utilisateur final qui avait reçu les marchandises de Conexsys, et obtenait une copie du bordereau des marchandises que le MDN avait reçues en vertu du contrat adjugé au terme de la procédure de passation du marché public, ainsi que l’accès physique à l’équipement livré. En outre, Secure Computing obtenait alors des photographies de certains éléments de cet équipement.

17. Le 15 juin 2012, Secure Computing déposait la présente plainte et fournissait au Tribunal les nouveaux renseignements et éléments de preuve. Elle allègue que les éléments de preuve qu’elle a obtenus le 6 juin 2012 démontrent que, comme elle le soutenait dans ses plaintes précédentes, les marchandises livrées au MDN ne sont pas en fait conformes aux exigences techniques obligatoires.

18. Plus particulièrement, elle soutient qu’il ne fait maintenant aucun doute que, en fait, les marchandises livrées au MDN ne sont pas conformes aux exigences techniques obligatoires, puisque, à première vue, les photographies prises sur place montrent que Conexsys a livré 10 articles d’équipement de réseautage qualifiés de dispositifs v10000 G2 de Websense, qui ont chacun quatre disques durs au total, soit deux disques durs SAS de 600 Go et deux de 146 Go, pour un espace total sur les disques durs de 1,492 To par dispositif, alors que l’exigence énoncée à l’annexe « B » de l’invitation indique clairement que chaque dispositif « [d]oit inclure 6 disques durs SAS de 300 Go », pour un espace total sur les disques durs de 1,8 To par dispositif.

POSITION DES PARTIES

TPSGC

19. Dans le RIF, TPSGC soutient que la procédure de passation du marché public a été menée conformément aux accords commerciaux pertinents, puisqu’il a évalué toutes les propositions présentées à la clôture des soumissions en respectant entièrement les termes des documents d’appel d’offres. TPSGC affirme avoir fondé sa décision d’adjuger le contrat à Conexsys sur le fait que sa soumission était conforme en tous points à toutes les exigences de l’invitation et représentait la meilleure valeur pour la Couronne au moment de l’évaluation des propositions.

20. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les produits de Conexsys dépassent 2U, TPSGC soutient que l’exigence détermine l’épaisseur maximale des unités proposées. Pour ce qui est de ce type d’équipement de réseautage, la dimension est mesurée en « U », un « U » équivalant à 4,445 cm d’épaisseur. Par conséquent, pour être conforme dans le cadre de la présente invitation, l’épaisseur de chaque unité proposée ne doit pas dépasser 8,89 cm. TPSGC affirme que, suivant la réception de la présente plainte, une enquête a été ouverte, qui a révélé que les 10 unités livrées par Conexsys respectent l’exigence relative à l’épaisseur maximale de 2U.

21. Eu égard à l’allégation de Secure Computing selon laquelle la soumission de Conexsys ne respecte pas l’exigence obligatoire d’inclure « 6 disques durs SAS de 300 Go », TPSGC soutient que Conexsys a indiqué dans sa soumission qu’elle ajouterait deux disques durs SAS de 300 Go à la configuration type de ses produits comportant quatre disques durs, sans frais supplémentaires. Par conséquent, TPSGC soutient que la soumission de Conexsys est conforme à première vue et affirme avoir respecté, dans son évaluation des propositions, ses obligations aux termes de la documentation relative à l’appel d’offres et des accords commerciaux pertinents.

22. Cependant, TPSGC reconnaît que les unités livrées ne respectent pas l’exigence selon laquelle chaque unité doit inclure « 6 disques durs SAS de 300 Go ». TPSGC soutient que même si chacune des 10 unités livrées est pourvue de six fentes, dans lesquelles des disques durs peuvent être insérés, toutes les unités livrées ne comportent que quatre disques durs et deux fentes vides. TPSGC soutient également que, maintenant qu’il est au courant que les produits livrés par Conexsys ne respectent pas les exigences obligatoires des documents d’appel d’offres et du contrat, il va communiquer, à titre d’administrateur du contrat, avec Conexsys pour l’informer qu’elle n’a pas livré des produits conformes aux conditions du contrat. TPSGC affirme qu’il demandera à Conexsys de remédier à cette violation de contrat en fournissant des produits conformes, comme exigé.

23. TPSGC soutient qu’étant donné que les allégations contenues dans la plainte portent sur des questions relatives à l’administration du contrat, un domaine qui ne relève pas de la compétence du Tribunal, et qu’il a informé le Tribunal de son intention de faire respecter les conditions du contrat et de demander à Conexsys de livrer des produits conformes à toutes les exigences des documents d’appel d’offres et du contrat, le Tribunal doit rejeter la présente plainte.

24. TPSGC soutient également que chaque partie doit assumer ses propres frais.

Secure Computing

25. Secure Computing allègue que la solution proposée par le soumissionnaire retenu ne répond pas aux exigences techniques obligatoires de l’invitation et demande que l’adjudication du contrat soit mise en suspens en attendant le résultat d’une enquête approfondie sur la question. Secure Computing soutient avoir fait une recherche sur Internet lorsqu’elle a été informée, le 22 mars 2012, que sa soumission n’était pas retenue relativement à l’invitation no W8474-126119/B, et que, selon les renseignements disponibles sur le site Web de Websense, le contrat n’aurait pas dû être adjugé à Conexsys, puisque Websense ne fabrique ni ne vend aucun équipement conforme aux exigences techniques obligatoires suivantes :

  • ne doit pas dépasser 2U;
  • doit inclure 6 disques durs SAS de 300 Go.

26. Secure Computing soutient qu’il ressort clairement des éléments de preuve que TPSGC et le MDN ont accepté des produits non conformes aux exigences de l’invitation. Ces éléments de preuve sont notamment une copie du bordereau des marchandises que le MDN a reçues de Conexsys pour la présente DRV et plusieurs photographies des marchandises livrées. Selon Secure Computing, ces photographies justifient d’autant plus sa plainte initiale selon laquelle les marchandises livrées au MDN pour la DRV 1082-1 sont en fait non conformes aux exigences techniques obligatoires, puisqu’elles montrent que Conexsys a livré 10 dispositifs v10000 G2 de Websense qui ne sont pas dotés des disques durs SAS requis.

27. En réponse au RIF, Secure Computing affirme que TPSGC a admis que les produits livrés par Conexsys le 30 mars 2012 ne sont pas conformes, puisqu’ils ne comptent que quatre disques durs au lieu des six requis11.

28. Selon Secure Computing, l’affirmation de TPSGC selon laquelle « Secure Technologies et Conexsys ont toutes deux présenté une proposition conforme sur le plan technique en réponse à la DRV » [traduction] revient à admettre que, en fait, seule Secure Technologies a présenté une proposition conforme sur le plan technique et que, par conséquent, le contrat n’aurait pas dû être adjugé à Conexsys.

29. Secure Computing soutient qu’en permettant à Conexsys de remédier au manquement, TPSGC lui donne un avantage concurrentiel injuste. Selon Secure Computing, puisque les éléments de preuve démontrent que Conexsys n’a pas présenté de proposition conforme, elle n’aurait pas dû se voir accorder un contrat et ne doit pas avoir l’occasion de remédier à cette violation de contrat; TPSGC doit plutôt résilier le contrat et l’adjuger au soumissionnaire conforme le moins disant. Secure Computing soutient également qu’il est clairement indiqué sur le site Web de Websense que les produits de Conexsys n’incluent pas six disques durs, à moins que ces spécifications aient changé depuis le 30 mars 2012, ce qui constituerait un avantage concurrentiel injuste puisque seuls les produits offerts au moment de la DRV auraient dû être inclus dans la proposition de Conexsys.

30. Enfin, Secure Computing affirme que, en ce qui a trait au contrat des SSER conclu avec TPSGC au titre de la catégorie 6.4, Configuration proxy SSL (soit l’outil d’approvisionnement utilisé pour la présente DRV), les SSER exigent notamment que les offrants fournissent à TPSGC une liste régulièrement mise à jour des prix du matériel offert, dans laquelle TPSGC ne peut acheter que les produits approuvés au préalable. Secure Computing soutient que la décision de TPSGC de permettre à Conexsys de remédier à son manquement en fournissant des produits supplémentaires afin de corriger sa soumission va à l’encontre des règles des SSER et, une fois de plus, lui donne un avantage injuste. Secure Computing est d’avis que le processus des SSER ne permet pas aux offrants de modifier les produits offerts sur leur liste de prix afin de respecter les exigences obligatoires d’un contrat. Par exemple, si le matériel offert sur la liste de prix de Conexsys comprend le dispositif v10000 G2 de Websense (dont la capacité de quatre disques durs est indiquée sur Internet), Conexsys ne devrait pas pouvoir simplement ajouter deux disques durs, sauf si les modèles dotés de disques durs supplémentaires figuraient sur sa liste de prix au moment de sa soumission initiale.

ANALYSE DU TRIBUNAL

31. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit aussi que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur12, l’Accord de libre-échange nord-américain13, l’Accord sur les marché publics14, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili15, l’Accord de libre-échange Canada-Pérou16 et l’Accord de libre-échange Canada-Colombie17.

32. Toutefois, puisque seuls l’ACI et l’AMP sont invoqués dans la plainte et que, dans son RIF, TPSGC ne conteste pas le fait que l’ACI, l’AMP et l’ALÉNA s’appliquent à la procédure de passation du marché public en question, le Tribunal limitera son étude aux dispositions pertinentes de ces accords.

33. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

34. Le paragraphe 1015(4) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes:

a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation;

[...]

d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...].

35. Le paragraphe XIII(4) de l’AMP prévoit ce qui suit :

4. a) Pour être considérées en vue de l’adjudication, les soumissions devront être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation. [...]

[...]

c) Les adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres.

36. Le Tribunal remarque également qu’aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, une plainte déposée auprès du Tribunal doit concerner la procédure de passation des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique. Selon le Tribunal, cette procédure, c.-à-d. la procédure de passation des marchés publics qui relève de sa compétence, débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir et se poursuit jusqu’à l’adjudication du contrat. Les dispositions des accords commerciaux pertinents appuient cette interprétation.

37. Par exemple, le paragraphe 514(2) de l’ACI prévoit ce qui suit :

2. Afin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics, le gouvernement fédéral adopte et maintient, à l’égard des marchés publics visés par le présent chapitre, des procédures de traitement des plaintes:

a) permettant aux fournisseurs de déposer des plaintes portant sur tout aspect du processus de passation du marché public, lequel, pour l’application du présent article, débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir, et se poursuit jusqu’à l’attribution du marché.

[Nos italiques]

38. Pour sa part, l’alinéa 1017(1)a) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

1. Afin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics, chacune des Parties adoptera et maintiendra des procédures de contestation des offres pour les marchés visés par le présent chapitre, en conformité avec les points suivants:

a) chacune des Parties permettra aux fournisseurs de présenter des contestations des offres portant sur tout aspect du processus de passation des marchés, lequel, pour l’application du présent article, débutera au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir et se poursuivra jusqu’à l’adjudication du marché.

[Nos italiques]

39. La premier question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si TPSGC a correctement évalué la proposition de Conexsys en déterminant que l’équipement qu’elle proposait respectait les exigences techniques obligatoires énoncées à l’annexe « B » de l’invitation. Essentiellement, il s’agit de déterminer si, compte tenu des renseignements inclus dans la soumission de Conexsys, les évaluateurs pouvaient conclure, de façon raisonnable, que l’équipement proposé par le soumissionnaire retenu respectait les exigences selon lesquelles l’équipement « [n]e doit pas dépasser 2U » et [d]oit inclure 6 disques durs SAS de 300 Go ».

40. Le Tribunal remarque qu’il fait généralement preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Dans le dossier no PR-2005-00418, le Tribunal a indiqué qu’il « [...] interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable »19 et qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs « [...] à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure »20.

41. En outre, comme le Tribunal l’a indiqué dans son exposé des motifs dans le dossier no PR-2012-001, la question est celle de savoir si TPSGC a commis une erreur dans son évaluation des renseignements contenus dans la proposition du soumissionnaire retenu. Le matériel superflu, comme les renseignements concernant la gamme de produits vendus par Conexsys, qui sont accessibles à tous sur Internet, n’est pas pertinent quant au processus d’évaluation et ne peut être pris en compte par les évaluateurs.

42. C’est à la lumière de ces principes que le Tribunal déterminera si l’évaluation de la proposition de Conexsys est conforme aux exigences des accords commerciaux. À cet égard, Conexsys a abordé, dans sa soumission et dans la documentation sur les produits qui accompagnait sa soumission à titre de justification technique, la question des exigences selon lesquelles l’équipement proposé ne doit pas dépasser 2U et doit inclure six disques durs SAS de 300 Go21. À première vue, ces renseignements indiquent que la dimension de l’équipement offert ne dépasse pas 2U. En outre, il est expliqué dans la proposition de Conexsys que deux disques durs SAS de 300 Go supplémentaires seraient ajoutés à la configuration type de quatre disques durs de l’équipement offert, sans frais supplémentaires.

43. Compte tenu des éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal convient donc avec TPSGC que ce dernier a évalué la proposition de Conexsys, telle que présentée à la clôture des soumissions, conformément aux modalités des documents d’invitation. Par conséquent, la décision d’adjuger le contrat à Conexsys est raisonnable étant donné que, à première vue, la proposition de Conexsys est conforme, à tous les égards, aux exigences techniques de l’invitation.

44. En ce qui concerne l’allégation de Secure Computing selon laquelle TPSGC a commis une erreur en tenant compte de produits qui ne figuraient pas sur la liste de prix de Conexsys, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’indique que l’équipement offert par Conexsys ne figurait pas sur sa liste de prix. Au contraire, comme l’a expliqué TPSGC dans une lettre datée du 24 août 2012, le dispositif proxy SSL (le modèle V10000G2 de Websense) proposé par Conexsys est un produit inscrit sur sa liste de prix et entrant dans la définition technique de la catégorie 6.4 de l’OCPN des SSER22. Il n’y a aucune exigence quant au nombre de disques durs qu’un dispositif proxy SSL figurant sur la liste de prix d’un offrant doit comporter.

45. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il était loisible à Conexsys d’offrir l’équipement indiqué sur sa liste de prix et de le configurer afin de répondre aux exigences techniques particulières de l’invitation, surtout si la modification de l’équipement est effectuée sans occasionner de frais supplémentaires à l’entité acheteuse. Ce qui importe est que, à la clôture des soumissions, TPSGC disposait de renseignements qui indiquaient que l’équipement offert par Conexsys figurait sur sa liste de prix, respectait la définition technique de la catégorie 6.4 de l’OCPN des SSER et pouvait, sans occasionner de frais à TPSGC, être configuré afin d’inclure le nombre requis de disques durs.

46. En résumé, après avoir examiné attentivement les éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal ne voit aucune raison d’intervenir dans le jugement des évaluateurs. Le Tribunal estime qu’ils ont fait une évaluation complète et rigoureuse de la conformité de Conexsys aux exigences techniques de l’invitation, conformément aux termes de la DRV et aux dispositions pertinentes des accords commerciaux. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a passé le marché public conformément à l’article 506 de l’ACI et aux dispositions semblables de l’ALÉNA et de l’AMP.

47. En dépit de ce qui précède, le Tribunal ne peut ignorer le fait que TPSGC ait admis, après l’adjudication du contrat à Conexsys, que l’équipement livré par Conexsys ne respecte pas l’exigence technique concernant le nombre requis de disques durs. Dans de tels cas, la règle générale est que s’il est découvert, après l’adjudication du contrat, au moment de la livraison des marchandises achetées, que ces dernières ne respectent pas une exigence obligatoire, la question devient alors une question d’administration du contrat ou d’exécution du contrat et elle ne relève donc pas de la compétence du Tribunal23.

48. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple question d’administration du contrat si, en acceptant des produits qui sont différents de ceux proposés dans une soumission et qui ne respectent pas les exigences de l’invitation, l’entité acheteuse déclenche, dans les faits, une nouvelle procédure de passation de marché public selon des critères obligatoires différents, sans lancer d’appel d’offres en bonne et due forme. À cet égard, il convient de rappeler les conclusions suivantes rendues par le Tribunal dans le dossier no PR-2010-07424 :

37. Le Tribunal doit décider s’il a compétence en l’espèce. Pour ce faire, il est important de comprendre ce qui s’est réellement passé au cours de cette procédure de passation de marché public. Les parties conviennent que les spécifications originales visaient 24 000 clés USB en acier inoxydable et que le MDN, au lieu d’insister sur la livraison de clés USB en acier inoxydable, a convenu d’accepter le même nombre de clés USB en plastique. Les parties ne s’entendent toutefois pas sur la caractérisation de cette décision.

38. TPSGC soutient que, puisque le contrat avait déjà été adjugé à Brymark, la décision d’accepter les clés USB en plastique est une question qui relève de l’administration du contrat et que, par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence en l’espèce.

39. AMS soutient que cette décision a créé, dans les faits, un nouveau marché qui relève de la compétence du Tribunal puisque les clés USB acceptées par le MDN sont complètement contraires aux spécifications du marché original.

40. Le Tribunal conclut que, le 19 mars 2010, Brymark a fourni au MDN un échantillon de présérie qui n’était pas conforme aux spécifications. À ce moment, le MDN devait prendre une décision. Il pouvait soit refuser l’échantillon et exiger un échantillon conforme aux spécifications, soit accepter l’échantillon en plastique en sachant que cela entraînerait la livraison de clés USB en plastique plutôt qu’en acier inoxydable.

41. Le Tribunal tire deux conclusions des faits mentionnés au paragraphe précédent.

42. Premièrement, TPSGC a évalué la soumission de Brymark conformément aux documents de l’appel d’offres et celle-ci était, à première vue, entièrement conforme. Conformément aux dispositions de la DP, TPSGC a adjugé le contrat à Brymark puisque sa soumission recevable proposait la plus grande quantité de clés USB en acier inoxydable sans dépasser le budget. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a passé le marché public en conformité avec le paragraphe 506(6) de l’ACI et avec les dispositions similaires de l’ALÉNA, de l’ALÉCC et de l’ALÉCP.

43. Deuxièmement, ceci n’est pas une simple question d’administration du contrat, mais constitue, dans les faits, une nouvelle procédure de passation de marché public. Comme TPSGC l’a indiqué, la procédure de passation d’un marché public débute au moment où une entité décide des produits à acquérir et se poursuit jusqu’à l’adjudication du contrat. Ainsi, l’achat par le MDN de clés USB en plastique de Brymark est du ressort du Tribunal aux fins d’examiner si le MDN a passé le marché public conformément aux procédures établies dans les accords commerciaux.

44. Les circonstances du présent marché sont similaires à celles du marché faisant l’objet du dossier no PR-2006-01625, dans lequel le Tribunal a conclu ce qui suit :

25. En fin de compte, les modifications apportées à l’exigence étaient importantes et contredisaient carrément les spécifications originales. La modification d’une condition obligatoire dans un marché, après la réception des soumissions ou même après l’adjudication d’un contrat, n’est pas une simple question d’administration du contrat. En effet, en l’espèce, un nouveau marché a été amorcé après que Parcs Canada eût décidé d’accepter, au lieu de poteaux de soutien profilés en I en aluminium, des poteaux ronds en aluminium plantés dans du gravier compacté. Lorsqu’il a été découvert que les spécifications originales n’étaient pas acceptables ou qu’une solution de rechange beaucoup moins coûteuse pouvait satisfaire aux normes voulues (même si cette solution de rechange ne répondait pas aux spécifications obligatoires), Parcs Canada aurait dû résilier tout contrat adjugé et lancer un nouvel appel d’offres.

26. En procédant de la manière dont elle l’a fait, Parcs Canada a en fait négocié un contrat à fournisseur unique portant sur un besoin différent. Par conséquent, le Tribunal conclut que Parcs Canada a contrevenu à l’ACI en ne suivant pas la procédure de passation du marché énoncée à l’article 506 de l’ACI, qui prévoit ce qui suit :

[...]

1. Chaque Partie veille à ce que les marchés publics visés par le présent chapitre soient passés conformément aux procédures prévues au présent article.

2. L’appel d’offres doit être lancé au moyen de l’une ou plusieurs des méthodes suivantes :

a) le recours à un système électronique d’appel d’offres auquel tous les fournisseurs canadiens ont également accès;

b) la publication de l’appel d’offres dans un ou plusieurs quotidiens préalablement désignés et auquel tous les fournisseurs canadiens ont facilement accès;

c) le recours à des listes de fournisseurs [...]

27. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de Canyon est fondée.

Pour l’essentiel, la même chose s’est produite en l’espèce. En acceptant des clés USB en plastique plutôt qu’en acier inoxydable, contrairement aux spécifications obligatoires originales, sans procéder à un nouvel appel d’offres auprès des autres fournisseurs potentiels, le MDN n’a pas passé le marché conformément aux paragraphes 506(1) et 506(2) de l’ACI, au paragraphe 1015(4) de l’ALÉNA, à l’article Kbis-10 de l’ALÉCC et au paragraphe 1410(4) de l’ALÉCP.

49. Le Tribunal doit donc déterminer si la même chose s’est produite en l’espèce. La question consiste à savoir si les éléments de preuve sont suffisants pour que le Tribunal conclue que le MDN a accepté de l’équipement non conforme aux spécifications obligatoires originales, sans procéder à un nouvel appel d’offres auprès d’autres fournisseurs potentiels.

50. Sur cette question, le Tribunal remarque que les faits en l’espèce sont différents, en ce sens que TPSGC a indiqué dans son RIF que maintenant qu’il est au courant des lacunes de l’équipement qu’il a acheté auprès de Conexsys, il ne l’acceptera pas sans soulever d’objection. TPSGC a également informé le Tribunal qu’aucune des unités livrées de l’équipement requis n’était en usage et qu’il avait l’intention de faire respecter les conditions du contrat en demandant à Conexsys de fournir l’équipement conforme.

51. Selon TPSGC, le processus administratif du MDN quant à la réception de produits à son entrepôt et au paiement de factures fait en sorte que les produits sont d’abord acceptés en fonction d’un examen initial de leur emballage et de la facture. TPSGC soutient que, en l’espèce, ce processus administratif qui, pour des raisons opérationnelles, ne comprend pas la mise à l’essai physique des produits avant leur acceptation, a fait en sorte que le MDN a accepté par inadvertance la livraison de produits non conformes de Conexsys, mais que, à titre d’administrateur du contrat, il envisage de demander à Conexsys de remédier à sa violation de contrat et s’engage à prendre les mesures nécessaires pour assurer la livraison de l’équipement conforme.

52. Le 27 août 2012, le Tribunal demandait à TPSGC de fournir des renseignements supplémentaires et des éléments de preuve à l’appui de ses affirmations selon lesquelles il n’accepterait pas, « sans soulever d’objection » [traduction], des produits qui ne respectent pas les exigences de l’invitation et avait l’intention de demander à Conexsys de fournir des produits conformes à ces exigences. Le 30 août 2012, TPSGC fournissait une réponse confidentielle et une réponse publique à la demande du Tribunal et déposait un document confidentiel pour justifier ses affirmations concernant les mesures qu’il avait prises pour faire respecter le contrat. Plus particulièrement, TPSGC confirmait avoir envoyé à Conexsys un avis de manquement au sujet du contrat qu’elle a conclu avec la Couronne et déclarait publiquement que si aucune mesure n’était prise pour remédier au manquement et que le contrat était annulé, il envisagerait la publication d’une nouvelle invitation pour combler ce besoin26. Ensuite, le 19 septembre 2012, TPSGC informait le Tribunal que Conexsys avait remédié à son manquement et livré de l’équipement conforme à sa proposition initiale et aux conditions du contrat.

53. Compte tenu de ces éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que TPSGC a pris les mesures nécessaires pour faire respecter le contrat adjugé à Conexsys et que la présente question doit être traitée en tant que question d’administration du contrat ou d’exécution du contrat sur laquelle le Tribunal n’a pas compétence. Les faits de l’espèce se distinguent de ceux qui étaient en cause dans AdVenture Marketing, en ce sens qu’il ne peut être dit que l’entité acheteuse a accepté des produits qui contredisent complètement les spécifications originales. Au contraire, les éléments de preuve prépondérants indiquent que TPSGC a finalement refusé d’accepter les produits livrés au départ.

54. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que, en l’espèce, TPSGC n’a, en fait, ni amorcé un nouveau marché ni négocié un contrat à fournisseur unique portant sur un besoin différent avec Conexsys. Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle l’entité acheteuse semble avoir modifié ses exigences initiales en acceptant la livraison de produits non conformes aux conditions obligatoires énoncées dans les documents d’invitation.

55. Enfin, le Tribunal remarque que Secure Computing lui a fait parvenir un courriel le 1er octobre 2012 dans lequel elle alléguait que les mesures prises par TPSGC en l’espèce permettaient à Conexsys de modifier sa soumission initiale. Le Tribunal ne peut admettre cet argument. L’expression « modification de la soumission » [traduction] désigne un changement ou une modification à une soumission, soit par le soumissionnaire, soit par l’entité acheteuse, après la date limite de réception des soumissions. En l’espèce, il n’y a pas eu de tel changement ni de telle modification à la soumission de Conexsys. Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle TPSGC a permis à Conexsys de compléter sa soumission pour la rendre conforme aux exigences de l’invitation après la date limite de réception des soumissions. D’ailleurs, le Tribunal a déjà conclu que, à première vue, la proposition de Conexsys, telle que présentée à la clôture des soumissions, était entièrement conforme aux exigences techniques de l’invitation.

56. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

57. Le Tribunal tient à ajouter que même s’il ne dispose d’aucun élément de preuve qui mettrait en doute le fait que TPSGC assure que Conexsys a maintenant livré l’équipement conforme en tous points aux exigences de l’invitation, il n’en demeure pas moins que Secure Computing peut découvrir ultérieurement de nouveaux éléments de preuve qui n’auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, être produits dans le cadre de la présente enquête et qui pourraient indiquer le contraire. À cet égard, le Tribunal remarque que TPSGC ne semble pas avoir répondu à la demande d’accès à l’information de Secure Computing. Dans ce cas, il se peut que le principe de la chose jugée n’empêche pas Secure Computing de déposer une autre plainte concernant la présente affaire. La question de savoir si le principe de la chose jugée s’appliquerait est une question qui dépendrait de la nature des nouveaux éléments de preuve qui pourraient ultérieurement être découverts.

QUESTIONS DE FRAIS

58. L’article 30.16 de la Loi sur le TCCE permet au Tribunal d’accorder le remboursement des frais aux parties plaignantes ou aux institutions fédérales. Quant à savoir si des frais doivent être remboursés à la partie ayant eu gain de cause en l’espèce, le Tribunal considère que même s’il a conclu que la plainte n’était pas fondée pour les motifs énoncés ci-dessus, sur le plan pratique, la procédure de plainte aurait pu être évitée si le MDN n’avait pas d’abord accepté par inadvertance la livraison de produits non conformes de Conexsys. En outre, TPSGC n’a pas demandé le remboursement de ses frais raisonnables en l’espèce. Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, aucuns frais ne sont accordés.

DÉCISION DU TRIBUNAL

59. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée. Chaque partie assumera ses propres frais en l’espèce.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Re plainte déposée par Secure Computing LLC (29 mars 2012), PR-2011-062 (TCCE).

3 . Re plainte déposée par Secure Computing LLC (11 avril 2012), PR-2012-001 (TCCE).

4 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

5 . Ce principe a pour effet que, lorsqu’une décision judiciaire définitive a été rendue, une partie ne peut en contester le bien-fondé dans un nouveau litige devant le même tribunal.

6 . Par conséquent, conformément à l’alinéa 12c) du Règlement, le Tribunal rend ses conclusions relatives à la plainte dans les 135 jours suivant le dépôt de celle-ci.

7 . D.O.R.S./91-499.

8 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

9 . L’invitation est une DRV en vue de la fourniture d’équipement de réseautage par TPSGC en application de l’offre à commandes principale et nationale (OCPN) no EN578-030742/000/EW des Services de soutien de l’équipement de réseau (SSER). Cette procédure de passation du marché public permet aux agents autorisés des titulaires d’OCPN (les offrants) de présenter des soumissions en leur nom. Selon les renseignements fournis avec la plainte, Secure Computing est un titulaire d’OCPN et Secure Technologies International Inc. est son agent autorisé.

10 . L.R.C. 1985, c. A-1.

11 . Secure Computing a renvoyé au RIF à la p. 2, para. 7.

12 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

13 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

14 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

15 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

16 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

17 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

18 . Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005) (TCCE) [Northern Lights].

19 . Northern Lights au para. 51.

20 . Northern Lights au para. 52.

21 . RIF, pièce confidentielle 7. Le Tribunal remarque qu’étant donné que Secure Computing n’était pas représentée par un conseiller juridique indépendant dans le cadre de la présente enquête, elle ne pouvait avoir accès aux documents confidentiels concernant la soumission de Conexsys que TPSGC a déposés au cours de la présente enquête. Aux termes de la Loi sur le TCCE, un administrateur, un préposé ou un employé d’une partie ne peut obtenir l’accès à l’information désignée confidentielle.

22 . Pièce du Tribunal PR-2012-006-15. TPSGC a également déposé auprès du Tribunal, en tant que pièces confidentielles jointes à cette lettre, des documents démontrant que Conexsys a offert de l’équipement qui figurait sur sa liste de prix. Pièce du Tribunal PR-2012-006-15A.

23 . Re plainte déposée par Airsolid Inc. (18 février 2010), PR-2009-089 (TCCE).

24 . Re plainte déposée par AdVenture Marketing Solutions Inc. (31 mars 2011) (TCCE) [AdVenture Marketing].

25 . Re plainte déposée par Canyon Contracting (19 septembre 2006), PR-2006-016 (TCCE).

26 . Pièces du Tribunal PR-2012-006-18 et PR-2012-006-18A.