LE GROUPE DE TRADUCTION MASHA KRUPP LTÉE


LE GROUPE DE TRADUCTION MASHA KRUPP LTÉE
c.
AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA
Dossier no PR-2011-061

Décision et motifs rendus
le lundi 28 mai 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

LE GROUPE DE TRADUCTION MASHA KRUPP LTÉE Partie plaignante

ET

L’AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à l’Agence de la santé publique du Canada le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée. En conformité avec l’article 4.1 et l’annexe A de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord quant à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

Membre du Tribunal :Pasquale Michaele Saroli, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Nick Covelli
Alexandra Pietrzak

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Partie plaignante : Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Marc Sauvé
Alyssa Tomkins

Institution fédérale : Agence de la santé publique du Canada

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : Tatiana Sandler

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 27 mars 2012, Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée (GTMK) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1.

2. La plainte concerne une demande d’offre à commandes (DOC) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) en vue de la prestation de services de traduction (invitation no 1000117933). L’ASPC a déclaré la proposition de GTMK non recevable pour la DOC et a adjugé le contrat à CLS Lexi-tech Ltd.

3. La plainte de GTMK se fonde sur deux allégations générales, axées sur la seconde exigence cotée (C2) de la DOC. La première est celle selon laquelle l’ASPC n’a pas défini clairement ses exigences ni n’a décrit clairement les critères d’évaluation et leur pondération. La seconde est celle selon laquelle l’ASPC a fondé son évaluation de la proposition de GTMK sur des critères d’évaluation non divulgués, n’a pas tenu compte de renseignements cruciaux contenus dans la proposition et n’a pas fourni à GTMK de justifications suffisantes de l’évaluation de la proposition. À titre de mesure corrective, GTMK demande de reporter l’adjudication du contrat et soit d’infirmer le rejet de sa proposition et d’ordonner à l’ASPC d’évaluer sa proposition en la considérant conforme, soit de procéder à un nouvel appel d’offres, de recevoir une indemnisation pour les profits qu’elle a perdus ou pour les frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition, ainsi que pour les frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte et toute autre réparation que le Tribunal estime indiquée.

4. Le 2 avril 2012, le Tribunal informait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte à l’égard de la seconde allégation générale seulement, laquelle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2. Le Tribunal n’a pas rendu d’ordonnance de report d’adjudication du contrat conformément au paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, car les éléments de preuve au dossier indiquaient que le contrat avait déjà été attribué. Cela était confirmé dans un courriel daté du 2 avril 2012, dans lequel l’ASPC informait le Tribunal qu’un contrat avait été attribué à CLS Lexi-tech Ltd.

5. Le 26 avril 2012, l’ASPC déposait un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3. Le 8 mai 2012, GTMK déposait ses commentaires sur le RIF, conformément à l’article 104.

6. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier4.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. L’enchaînement des événements pertinents est le suivant :

22 août 2011 La DOC est affichée sur MERX5.

20 septembre 2011 GTMK présente sa proposition.

8 février 2012 L’ASPC informe GTMK que sa proposition n’a pas été retenue.

17 février 2012 L’ASPC tient une séance d’information avec GTMK.

20 février 2012 GTMK obtient le « Rapport d’évaluation collectif » [traduction] de sa proposition.

20 février 2012 GTMK écrit à l’ASPC pour l’informer de deux erreurs possibles dans la cotation de sa proposition à l’égard de C2.

22 février 2012 GTMK se renseigne sur l’évolution de la situation concernant les questions qu’elle avait soulevées dans son courriel du 20 février 2012.

23 février 2012 L’ASPC répond qu’elle examine les renseignements contenus dans le courriel de GTMK daté du 20 février 2012 et qu’elle lui fera parvenir les résultats de son examen une fois celui-ci achevé.

1er mars 2012 GTMK dépose une plainte auprès du Tribunal.

2 mars 2012 Le Tribunal, ayant remarqué que la documentation fournie par GTMK dans le cadre de sa plainte n’indiquait pas qu’elle avait reçu la réponse de l’ASPC à son opposition exprimée dans son courriel du 20 février 2012, conclut que la plainte est prématurée. Il indique cependant que sa décision n’empêche pas GTMK de déposer une nouvelle plainte une fois que l’ASPC aura répondu à son opposition ou aura omis de le faire dans un délai raisonnable6.

19 mars 2012 GTMK reçoit une lettre de l’ASPC datée du 15 mars 2012 dans laquelle elle réitérait sa décision selon laquelle la proposition de GTMK était non conforme car elle ne respectait pas les exigences minimales de C2.

27 mars 2012 GTMK dépose une nouvelle plainte auprès du Tribunal.

QUESTION PRÉLIMINAIRE — RESPECT DES DÉLAIS DE PLAINTE ET PORTÉE DE L’ENQUÊTE

8. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Selon le paragraphe 6(2) du Règlement, un fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

9. En d’autres mots, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

10. À l’égard de la première allégation générale relative à l’invitation elle-même et notamment à la prétention de GTMK selon laquelle l’ASPC n’a pas défini clairement ses exigences ni n’a décrit clairement les critères d’évaluation et leur pondération, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd.7 : « Dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle. [...] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. »

11. Citant l’avertissement de la Cour d’appel fédérale dans IBM, le Tribunal affirmait ce qui suit dans le dossier no PR-2002-0018 : « Lorsqu’il existe une ambiguïté manifeste [...] visible au vu de l’article de la DP ou de la modification en cause [...] le fournisseur potentiel doit tenter d’obtenir des éclaircissements sur ce qui est exigé ou, sinon, déposer une opposition ou une plainte dans les délais prescrits. »

12. Dans le même ordre d’idées, le Tribunal affirmait ce qui suit dans le dossier no PR-2006-0129 : « [...] c’est au soumissionnaire qu’est imposé le fardeau de demander des éclaircissements avant de présenter une offre. »

13. Il convient également de noter que la Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision du Tribunal dans le dossier no PR-98-00810, dans laquelle le Tribunal avait décidé de ne pas enquêter sur la plainte en énonçant ce qui suit :

Dans son examen des renseignements fournis, le Tribunal est d’avis que les faits à l’origine de la plainte sont que la DP ne définissait pas clairement les critères qui seraient employés pour évaluer si une marchandise proposée respectait la description du deuxième point de la DP. [...] Le Tribunal est également d’avis que Jastram aurait dû connaître les faits à l’origine de sa plainte le ou vers le 7 octobre 1997, à la réception des documents d’invitation. Par conséquent, il aurait dû y avoir dépôt de la plainte auprès du Tribunal ou de l’opposition auprès de TPSGC environ 10 jours ouvrables après le 7 octobre 1997. [...] Par conséquent, le Tribunal ne peut enquêter sur la plainte et tient la question pour réglée.

[Traduction]

14. Étant donnée la nature manifeste des omissions alléguées de l’invitation relativement à C2 concernant les critères d’évaluation et la pondération, on doit considérer que GTMK a eu connaissance des faits à l’origine de sa plainte le 22 août 2011, lorsqu’elle a reçu les documents d’invitation. Par conséquent, sa plainte ou son opposition aurait dû être déposée dans les 10 jours ouvrables suivant cette date, conformément à l’article 6 du Règlement. Puisque GTMK n’a pas respecté les délais prévus, cet aspect de sa plainte est prescrit en vertu de la loi.

15. La seconde allégation générale porte sur le refus, exprimé dans la lettre de l’ASPC du 15 mars 2012, de donner à GTMK réparation à l’égard de la cotation de la proposition, indiquant que la proposition de GTMK n’avait pas atteint la cote minimale « Adéquat » pour C2 à l’égard de l’expérience des membres de l’équipe de traduction proposée. Le Tribunal est d’avis que cela constitue de manière claire et non équivoque un refus de réparation au sens du paragraphe 6(2) du Règlement. Comme GTMK a déposé sa plainte dans les 10 jours ouvrables de la réception du refus de réparation de l’ASPC, la plainte a été jugée avoir été déposée dans les délais aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement à l’égard de cette allégation générale.

16. Les parties ont été informées par lettre datée du 2 avril 2012 que la plainte avait été acceptée en partie et que l’enquête du Tribunal se limiterait à l’évaluation de la proposition de GTMK à l’égard de C2, en tenant compte des éclaircissements obtenus lors d’échanges de questions et de réponses entre l’ASPC et les soumissionnaires potentiels avant la clôture des soumissions.

ANALYSE DU TRIBUNAL

17. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur11.

18. L’avis affiché sur MERX indique que le besoin concerne la catégorie R109 « Services de traduction et d’interprétation ». Les services de la catégorie R109 sont exclus du champ d’application de l’ALÉNA en raison de l’annexe 1001.1b-2, de l’ALÉCC en raison de l’annexe Kbis-01.1-4, de l’ALÉCP en raison de l’annexe 1401.1-4 et de l’ALÉCCO en raison de l’annexe 1401.1-4. Les services de traduction ne font pas partie des services énumérés à l’annexe 4 de l’appendice 1 de l’AMP. L’ACI ne comporte pas une telle exclusion. De plus, l’ASPC est l’une des institutions fédérales assujetties à l’ACI et la valeur estimée du marché dépasse largement les seuils monétaires applicables en vertu de l’ACI. L’ASPC reconnaît que l’ACI s’applique à l’espèce.

19. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Dans l’évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l’article 504. Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

20. Dans les cas portant sur l’application du paragraphe 506(6) de l’ACI, le Tribunal, en règle générale, ne substitue pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, d’une autre manière, procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure12. De plus, le Tribunal est d’avis que la responsabilité de s’assurer qu’une proposition satisfait à tous les critères essentiels d’une invitation incombe en définitive au soumissionnaire13.

21. L’exigence EP2 de la DOC en question prévoit expressément que les soumissionnaires doivent respecter les exigences obligatoires qui y sont prévues :

EP2 Proposition technique (50 points)

La présente section donne les renseignements que doivent soumettre les soumissionnaires. Pour se qualifier, ces derniers doivent répondre à toutes les exigences obligatoires établies dans la DP [...].

L’évaluation sera fondée uniquement sur le contenu des réponses et toute modification soumise selon les normes. Il ne faut présumer en aucun cas que Sa Majesté connaît déjà les qualifications des soumissionnaires autres que celles transmises dans le cadre de la DP.

[Nos italiques]

22. L’exigence obligatoire O2 de l’article 1.4, Exigences obligatoires, de la section I, Exigences et évaluations de la présentation, de la DOC exige que les soumissionnaires proposent au moins cinq traducteurs qualifiés :

O2 Le soumissionnaire doit prouver que son personnel est qualifié et en mesure d’offrir des services de traduction, comme l’indique cette DP. Pour prouver qu’il répond aux exigences, le soumissionnaire doit joindre à sa proposition les curriculum vitæ (CV) détaillés des ressources suivantes :

• Traducteur de l’anglais au français (au moins trois (3))

• Traducteur du français à l’anglais (au moins deux (2))

*Chaque ressource peut être proposée dans une (1) seule catégorie.

[Nos soulignements]

Exigence d’expérience adéquate

23. L’article 1.5, Exigences cotées, de la section I, Exigences et évaluations de la présentation, de la DOC indique ce qui suit :

Les soumissionnaires doivent obtenir, au minimum, la cote « adéquate » pour les critères établis aux paragraphes [C1] et [C2]. [...] Les propositions qui ne respectent pas cette exigence ne seront plus prises en compte.

[Nos italiques]

24. À cet égard, C2 prévoit ce qui suit :

C2 Expérience du personnel (30 points)

But

Évaluer l’expérience récente des traducteurs proposés dans le cadre de projets de taille et de portée semblables. Une expérience adéquate consiste en cinq (5) années d’expérience professionnelle récente dans un rôle similaire ainsi qu’en l’achèvement de trois (3) projets récents de traductions dans les domaines de la science ou de la santé, comptant au moins 5 000 mots chacun.

Renseignements à soumettre

La réponse à fournir dans le cas présent peut consister en des documents existants (curriculum vitæ, brochures, profils d’entreprise, lettres de référence, etc.). En vue de faciliter l’évaluation, les renseignements sur les personnes doivent comprendre ce qui suit :

domaine d’expertise des personnes proposées (y compris le gestionnaire de projet et le superviseur des lieux) qui prendront part au projet, de même que le rôle qui leur sera dévolu;

années d’expérience des personnes;

responsabilités assumées par les personnes proposées dans le cadre de projets qu’elles ont complétés;

attestation et permis du personnel, au besoin.

Cotation

Surpasse grandement l’exigence Surpasse l’exigence Adéquat Ne respecte pas l’exigence
27-30 20-26 15-19 0-14

[Nos italiques]

25. C2 doit être interprétée en tenant compte des questions et réponses publiées par l’ASPC durant la période d’appel d’offres. Sont particulièrement pertinentes à la présente enquête les « Questions et réponses no 1 » (du 30 août 2011) et les « Questions et réponses no 3 » (du 6 septembre 2011), qui énoncent respectivement ce qui suit :

Questions et réponses no 1

Le 30 août 2011

[...] 

Question 4

[...] En ce qui a trait à C2, une note moyenne sera-t-elle calculée au moyen des notes obtenues pour chaque ressource?

Réponse 4

[...] La note attribuée à C2 sera celle obtenue au moyen de l’évaluation de l’ensemble des ressources proposées.

[...]

Question 6

En ce qui a trait à C2

a. Une expérience adéquate est définie comme cinq (5) années d’expérience professionnelle et trois (3) projets pertinents. L’ASPC pourrait-elle fournir une description de ce qui « surpasse grandement l’exigence » (combien d’années d’expérience et de projets)?

b. L’exigence s’applique aux « projets récents ». Jusqu’à quand pouvons-nous retourner en arrière?

c. Les projets doivent comporter au moins 5 000 mots. Qu’est-ce qui est considéré comme un projet? Est-ce une seule traduction de 5 000 mots OU une COC conclue entre le traducteur et un client et dans le cadre de laquelle plusieurs traductions totalisant au moins 5 000 mots ont été faites?

Réponse 6

a) L’ASPC jugera que la mention « surpasse grandement l’exigence » correspond à au moins dix (10) projets

b) L’ASPC entend par « projets récents » ceux ayant été réalisés au cours des cinq (5) dernières années.

c) L’ASPC estimera qu’un projet est une seule traduction d’au moins 5 000 mots, ou un sous-ensemble de traductions connexes (pour le même objectif) totalisant 5 000 mots ou plus. Le critère n’exige pas que le traducteur ait conclu une COC avec un autre client.

[...]

Questions et réponses no 3

Le 6 septembre 2011

[...] 

Question 1

En suivi des réponses fournies dans le document Questions et Réponses No 1, j’aimerais une clarification de la question suivante :

À la Réponse 4, il est indiqué que le pointage pour C2 sera [celui obtenu] au moyen de l’évaluation de l’ensemble des ressources proposées. Peut-on assumer que la Réponse 6 s’applique au moyen de l’évaluation de l’ensemble des ressources proposées, en voulant dire que le nombre de projets demandés est pour tous les membres d’équipe [combinés] et non pour chaque ressource individuelle?

Réponse 1

Non, chaque ressource individuelle sera évaluée selon les critères établis à la section C2, en [d’autres] mots, le nombre d’années d’expérience et le nombre de projets ne sont pas cumulatifs pour l’équipe en entier. (ex : [Une] équipe de cinq ressources [présentées], [chacune] avec un an d’expérience ne sera pas [considérée] [comme] ayant cinq ans d’expérience.)

[Nos soulignements]

26. À titre d’observation préliminaire, le Tribunal conclut que l’exigence d’expérience adéquate prévue au C2 se fonde bel et bien sur deux critères distincts, ce que dénote l’emploi de la locution conjonctive « ainsi que », le premier étant d’ordre temporel (cinq années d’expérience professionnelle récente dans un rôle similaire), le second étant d’ordre concret (l’achèvement de trois projets récents de traduction dans les domaines de la science ou de la santé, comptant au moins 5 000 mots chacun)14.

27. De plus, compte tenu des éclaircissements apportés par les questions et réponses précitées, le Tribunal conclut que l’évaluation d’une proposition selon C2 nécessite obligatoirement un processus en deux temps.

28. Dans un premier temps, conformément à la réponse 1 des « Questions et réponses no 3 » et à la nécessité, prévue au O2, d’un personnel qualifié d’au moins cinq ressources aptes à fournir des services de traduction, chaque ressource proposée devait être évaluée en fonction des deux critères prévus au C2. Autrement dit, la proposition devait montrer que chaque traducteur proposé avait accumulé au moins cinq ans d’expérience récente dans un rôle similaire et achevé au moins trois projets récents de traduction dans les domaines de la science ou de la santé, comptant au moins 5 000 mots chacun.

29. Selon l’échelle de cotation énoncée dans la DOC, chaque traducteur proposé respectant les deux critères d’expérience adéquate de C2 recevrait une note d’au moins 15 points (« Adéquat »). Le fait que l’échelle de cotation permette également l’attribution d’un maximum de 14 points à un traducteur proposé qui ne respecte pas entièrement un critère prévu au C2 ou les deux critères est une indication que l’expérience d’une telle ressource, bien qu’inadéquate, recevrait tout de même une certaine considération au moyen de points attribués en fonction du niveau d’expérience pertinente de cette personne.

30. Après l’évaluation du caractère adéquat de l’expérience de chaque traducteur proposé selon les deux critères énoncés au C2, les évaluateurs, dans un second temps et conformément à la réponse 4 des « Questions et réponses no 1 », devaient donner une note globale pour C2 fondée sur l’évaluation de l’ensemble des ressources proposées par l’offrant. Ici encore, puisque l’on peut supposer que la possibilité d’attribuer jusqu’à 14 points à une ressource proposée ne respectant pas l’exigence d’expérience adéquate prévue par l’échelle de cotation n’était pas dépourvue de signification, le Tribunal est d’avis que les notes attribuées à ces personnes étaient prises en compte dans la détermination d’une note globale pour C2 relativement à l’ensemble des ressources proposées.

31. En plus de ce processus d’évaluation en deux temps de l’exigence cotée, l’emploi dans le libellé de C2 du mot « doivent » par rapport aux renseignements à fournir indique que la divulgation des responsabilités que chaque traducteur proposé avait assumées lors des projets qu’il avait achevés constituait également une exigence obligatoire.

32. Par conséquent, une proposition échouerait si moins de cinq traducteurs proposés avaient accompli au moins trois projets dans les domaines de la science ou de la santé ou si les responsabilités des traducteurs à l’égard de ces projets n’étaient pas divulguées.

Évaluation de la proposition de GTMK

33. La proposition de GTMK a été rejetée au motif que le comité d’évaluation de l’ASPC lui a attribué une note inférieure à « Adéquat » pour C2. Les motifs donnés par les évaluateurs pour déclarer la proposition de GTMK non conforme comprenait l’omission d’indiquer des projets récents de traduction dans les domaines de la science ou de la santé pour chacun des cinq traducteurs proposés dans le tableau contenu aux pages 31 à 33 de sa proposition. À cet égard, il a été noté que pour chacune des cinq ressources proposées, seuls deux projets de traduction dans les domaines de la science ou de la santé ont été mentionnés, le troisième étant dans chaque cas de nature économique ou juridique15.

34. GTMK réplique que le comité d’évaluation de l’ASPC n’a pas adéquatement tenu compte du tableau additionnel présenté aux pages 34 et 35 de sa proposition, lequel énumérait d’autres projets auxquels trois des traducteurs proposés avaient participé16. À cet égard, elle soutient que le défaut de la part de l’ASPC de demander à GTMK des éclaircissements sur ce point témoigne de la « nature inconsidérée et déraisonnable » [traduction] de sa décision17.

35. Le Tribunal est convaincu que cette liste additionnelle de projets fait partie intégrante de la réponse de GTMK à l’égard de C2 et que, par conséquent, elle aurait dû recevoir une attention adéquate. Cela dit, ces renseignements supplémentaires n’auraient pas suffi à sauvegarder la proposition de GTMK. Le fait que GTMK reconnaît que deux des cinq traducteurs proposés ne respectaient pas l’exigence relative aux projets dans les domaines de la science ou de la santé est particulièrement important à cet égard18. Par conséquent, il s’ensuit qu’avec seulement trois des cinq ressources proposées par GTMK pouvant avoir l’expérience requise, GTMK n’était pas apte à respecter C2. L’obtention d’éclaircissements n’aurait rien changé à ce fait19. À cet égard, le Tribunal est d’accord avec l’affirmation de l’ASPC selon laquelle ce fait suffisait pour rejeter la proposition de GTMK sans qu’elle n’ait à lui accorder un examen plus poussé20.

36. Enfin, sur la foi de son propre examen des projets additionnels énumérés dans la proposition de GTMK, le Tribunal accepte la position de l’ASPC selon laquelle les renseignements exigés par C2 relativement aux responsabilités assumées par les personnes lors des projets décrits étaient absents de la proposition de GTMK. À cet égard, bien que le Tribunal n’entende pas traiter en profondeur de cette question, puisqu’il a déjà conclu que la proposition de GTMK était non recevable pour d’autres motifs, il remarque qu’hormis des énoncés généraux selon lesquels des ressources particulières ont participé à des projets donnés, il n’y a aucun développement au sujet des responsabilités particulières. D’ailleurs, GTMK ne conteste pas l’allégation de l’ASPC selon laquelle GTMK ne respectait pas cette exigence obligatoire. Par conséquent, la proposition de GTMK était également non recevable à cet égard. Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal conclut que l’ASPC a passé le marché public conformément à l’ACI, y compris le paragraphe 506(6).

FRAIS

37. Le Tribunal accorde à l’ASPC le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour répondre à la plainte.

38. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

39. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré le plus bas mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La complexité du marché public était modérée puisqu’il visait un projet relativement indéfini, tel que la prestation de services de traduction selon la demande. Le Tribunal conclut que la complexité de la plainte était modérée, puisque celle-ci se fondait sur une combinaison d’exigences obligatoires et cotées. Enfin, la complexité de la procédure était faible étant donné qu’il n’y a pas eu de requête ou de parties intervenantes et qu’aucune audience n’a été nécessaire. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

40. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, the Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

41. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à l’ASPC le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par GTMK. En conformité avec l’article 4.1 et l’annexe A de la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord quant à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

4 . L’article 105 des Règles permet au Tribunal de tenir une audience publique s’il le juge nécessaire pour clarifier des questions importantes.

5 . Le service électronique d’appel d’offres du Canada.

6 . Voir Re plainte déposée par Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée (2 mars 2012), PR-2011-055 (TCCE).

7 . 2002 CAF 284 (CanLII) [IBM] aux para. 18, 20.

8 . Re plainte déposée par Primex Project Management Ltd. (22 août 2001) (TCCE) à la p. 10.

9 . Re plainte déposée par Info-Electronics H P Systems Inc. (2 août 2006) (TCCE) [Info-Electronics] au para. 23.

10 . Re plainte déposée par Jastram Technologies Inc. (10 juin 1998) (TCCE) à la p. 2.

11 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

12 . Re plainte déposée par MTS Allstream Inc. (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE).

13 . Re plainte déposée par Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE) [Integrated Procurement].

14 . Le fait que C2 prévoit un élément concret s’ajoutant à l’élément temporel n’est pas inhabituel, notamment parce que les domaines professionnels tels que la santé ont généralement leur propre vocabulaire, et qu’idéalement les traducteurs doivent connaître ce vocabulaire de manière à faciliter la prestation, dans les délais, des services de traduction.

15 . Pièce du Tribunal PR-2011-061-09 au para. 38.

16 . Proposition de GTMK aux pp. 34, 35.

17 . Pièce du Tribunal PR-2011-061-01 aux para. 29, 48.

18 . Ibid. au para. 39.

19 . Il est de jurisprudence établie que bien qu’une entité acheteuse puisse, dans certaines circonstances, chercher à obtenir des éclaircissements sur une proposition, elle n’est aucunement tenue de le faire. Il incombe plutôt au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition pour vérifier qu’elle est conforme à tous les éléments essentiels. Voir Integrated Procurement. De même, il incombe au soumissionnaire de veiller à ce que les renseignements présentés dans le cadre de sa soumission soient clairs. Voir Info-Electronics. Par conséquent, l’ASPC n’avait nullement l’obligation de chercher à obtenir de tels éclaircissements.

20 . Pièce du Tribunal PR-2011-061-09 au para. 46. Les exigences cotées étant clairement liées aux exigences obligatoires de la DOC, la note globale obtenue par GTMK pour C2 n’est pas incompatible avec l’irrecevabilité de sa proposition relativement à O2.