THALES CANADA INC.


THALES CANADA INC.
Dossier no PR-2012-010

Décision prise
le vendredi 27 juillet 2012

Décision rendue
le mardi 31 juillet 2012

Motifs rendus
le jeudi 2 août 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

PAR

THALES CANADA INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no W8476-112965/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale en vue de la fourniture d’équipement intégré du soldat.

3. Thales Canada Inc. (Thales) allègue, par l’entremise de sa division Thales Canada Defence and Security, que TPSGC a incorrectement rejeté sa proposition ayant conclu qu’elle ne respectait pas les exigences de sécurité obligatoires de l’invitation.

4. Le passage litigieux de la demande de propositions (DP) prévoit ce qui suit :

6.1.4.1 Pour présenter une soumission, le soumissionnaire doit démontrer, dans sa soumission générale de la section I (voir la clause 7 de l’annexe AA du volume 1 de la DP), que les conditions suivantes sont respectées :

[...]

c) les personnes proposées par le soumissionnaire devant avoir accès, aux fins de l’exécution de la phase A du contrat d’acquisition (qualification), à du matériel COMSEC comptable, à des renseignements ou des biens classifiés ou protégés ou à des lieux de travail dont l’accès est réglementé doivent respecter les exigences de sécurité indiquées à l’article 3 des volumes 2 et 3 de la DP, Clauses du contrat subséquent.

[...]

6.1.4.2 Le soumissionnaire doit faire parvenir un courriel à l’autorité contractante, au plus tard à 14 h, heure normale de l’Est, le 30 novembre 2012, attestant qu’il est titulaire d’un compte COMSEC approuvé, qui satisfait aux exigences de sécurité indiquées à l’article 3 des volumes 2 et 3 de la DP, Clauses du contrat subséquent.

[Traduction]

5. L’article 3 des volumes 2 et 3 de la DP prévoit ce qui suit :

3.2 Les employés de l’entrepreneur nécessitant l’accès à des renseignements ou des biens PROTÉGÉS/CLASSIFIÉS (À DIFFUSION NON RESTREINTE) ou à des lieux de travail dont l’accès est réglementé doivent chacun détenir une attestation de sécurité valide de niveau SECRET, attribuée ou approuvée par la DSIC, TPSGC. [...]

3.3 Les employés de l’entrepreneur nécessitant l’accès à des renseignements ou des biens PROTÉGÉS/CLASSIFIÉS (À DIFFUSION RESTREINTE) ou à des lieux de travail dont l’accès est réglementé doivent [...] CHACUN détenir une attestation de sécurité valide de niveau SECRET, attribuée ou approuvée par la DSIC, TPSGC. [...]

[...]

3.6 Les employés de l’entrepreneur nécessitant l’accès à des renseignements/biens COMSEC doivent être citoyens canadiens, détenir une cote de sécurité valide correspondant au niveau de sécurité des renseignements/biens auxquels ils auront accès, avoir besoin de les connaître, avoir reçu une initiation COMSEC et avoir signé une attestation d’initiation COMSEC. [...]

[Traduction]

6. La clause 7 de l’annexe AA du volume 1 de la DP prévoit ce qui suit :

7.1. Exigences de sécurité

Les renseignements demandés à l’article 6.1 du volume 1 de la DP doivent être fournis à la section I de la proposition du soumissionnaire.

[Traduction]

7. Les paragraphes qui suivent résument la chronologie des événements qui ont mené au dépôt de la présente plainte.

8. Le 11 juin 2012, soit la date de clôture des soumissions, Thales présentait sa proposition, dans laquelle elle indiquait le nom de trois personnes qui devaient avoir accès, aux fins de l’exécution de la « phase A du contrat d’acquisition (qualification) », à du matériel COMSEC comptable, à des renseignements ou biens classifiés ou protégés ou à des lieux de travail dont l’accès est réglementé.

9. Le 13 juillet 2012, dans le but de confirmer que les trois personnes proposées détenaient chacune une cote de sécurité valide, un agent de TPSGC demandait à Thales de fournir à la DSIC le numéro de référence de la cote de sécurité de chacune de ces personnes.

10. Thales fournissait le numéro de référence de deux des personnes, mais indiquait que, en fait, la troisième personne ne détenait pas de cote de sécurité. Thales affirmait également que cette personne n’aurait pas à accéder à du matériel COMSEC ou à des renseignements ou biens classifiés ou protégés et que son nom avait été inscrit par erreur. Thales demandait à TPSGC de retirer de la liste le nom de cette personne.

11. Plus tard le même jour, l’agent de TPSGC informait Thales du rejet de sa soumission.

12. Le 16 juillet 2012, l’agent de TPSGC expliquait que la soumission de Thales avait été rejetée parce que la demande qu’elle avait présentée le 13 juillet 2012 de retirer de la liste le nom de la troisième personne constituait une « modification de la soumission » [traduction].

13. Le 23 juillet 2012, Thales recevait un avis écrit officiel de la part de TPSGC indiquant que la soumission avaient été rejetée parce qu’une des personnes proposées ne respectait pas les exigences de sécurité de la DP.

14. Thales adopte la position selon laquelle TPSGC a mal appliqué ou mal interprété les exigences obligatoires, a appliqué des critères d’évaluation non divulgués et a par ailleurs agi de façon déraisonnable, contrevenant ainsi aux accords commerciaux pertinents.

15. Aux termes du paragraphe 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur3, les documents d’appel d’offres doivent « [...] indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ». Les autres accords commerciaux prévoient une obligation semblable.

16. Il incombe au soumissionnaire, lorsqu’il répond à une invitation, de démontrer qu’il respecte toutes les exigences obligatoires du marché public4. Lors de l’évaluation d’une soumission, l’autorité acheteuse a le devoir de s’assurer que la soumission respecte rigoureusement les exigences obligatoires indiquées dans l’invitation à soumissionner5.

17. En outre, même si l’autorité acheteuse peut demander de préciser certains aspects d’une soumission, elle ne peut, après la clôture des soumissions, accepter de renseignements qui représentent une révision ou une modification importante de la proposition6. À titre d’exemple, les renseignements relatifs à une exigence obligatoire présentés pendant un processus d’éclaircissement qui diffèrent de ceux figurant dans la proposition constituent une révision de nature importante7.

18. Dans l’exercice de sa diligence raisonnable à l’égard de la soumission en question après la clôture des soumissions, TPSGC a été informé par Thales qu’une des personnes proposées ne détenait pas, en fait, la cote de sécurité obligatoire indiquée à l’article 6.1.4 du volume 1 et à l’article 3 des volumes 2 et 3 de la DP.

19. Il ressort clairement de la DP que cette information était nécessaire au moment de la présentation de la soumission. L’article 6.1.4.1 du volume 1 commence comme suit : « Pour présenter une soumission, le soumissionnaire doit démontrer, dans sa soumission générale de la section I (voir la clause 7 de l’annexe AA du volume 1 de la DP), que les conditions suivantes sont respectées [...] ». La clause 7 de l’annexe AA du volume 1 prévoit ce qui suit : « Les renseignements demandés à l’article 6.1 du volume 1 de la DP doivent être fournis à la section I de la proposition du soumissionnaire ».

20. L’article 6.1.4.2 du volume 1 de la DP est différent. Il permet aux soumissionnaires de fournir des renseignements après la clôture des soumissions — jusqu’au 30 novembre 2012. Cependant, il ne fait aucun doute que cet article concerne le « compte COMSEC » du soumissionnaire. Il ne s’applique pas aux attestations de sécurité des personnes proposées elles-mêmes, qui, comme indiqué à l’article 3 des volumes 2 et 3, concernent l’accès à du matériel COMSEC comptable, à des renseignements ou des biens classifiés/protégés ou à des lieux de travail dont l’accès est réglementé.

21. Du propre aveu de Thales, une des personnes proposées n’avait pas une telle attestation à la clôture des soumissions.

22. Par conséquent, en déclarant la soumission non conforme aux exigences de sécurité de la DP, TPSGC a agi conformément au paragraphe 506(6) de l’ACI.

23. Si TPSGC avait consenti à la demande de Thales de retirer de la soumission le nom de la personne, cela aurait constitué une révision de nature importante de la soumission; cela aurait rendu conforme une proposition par ailleurs non conforme. Cette décision aurait été contraire au paragraphe 506(6) de l’ACI.

24. Le Tribunal reconnaît que la DP ne comportait pas d’exigence obligatoire selon laquelle un nombre minimum de personnes ayant une cote de sécurité doivent être proposées et que, par conséquent, si Thales n’avait proposé que les deux personnes ayant la cote de sécurité requise, elle aurait respecté les exigences de sécurité de la DP. Toutefois, Thales a choisi de proposer trois personnes, dont une n’ayant pas la cote de sécurité requise, et compte tenu de ce fait, le Tribunal ne peut que conclure qu’une exigence obligatoire de la DP n’était pas respectée à la clôture des soumissions et que les éléments de preuve n’indiquent donc pas, de façon raisonnable, que TPSGC a incorrectement rejeté la proposition de Thales.

DÉCISION

25. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

4 . Re plainte déposée par Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Re plainte déposée par Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR-2000-040 (TCCE); Re plainte déposée par WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE).

5 . Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Minister of Public Works and Government Services), 2000 CanLII 15611 (CAF). Citant La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 R.C.S. 111, Thales soutient que la norme est la conformité sur le fond, mais que la norme de la common law ne s’applique pas aux accords commerciaux pertinents.

6 . Re plainte déposée par Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE); Re plainte déposée par Bell Canada (26 septembre 2011), PR-2011-031 (TCCE).

7 . Re plainte déposée par Bell Mobilité (14 juillet 2004), PR-2004-004 (TCCE).