9198-6919 QUÉBEC INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE VERREAULT INC.


9198-6919 QUÉBEC INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE VERREAULT INC.
Dossier no PR-2012-011

Décision prise
le mercredi 1er août 2012

Décision rendue
le jeudi 2 août 2012

Motifs rendus
le mardi 14 août 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

PAR

9198-6919 QUÉBEC INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE VERREAULT INC.

CONTRE

CONSTRUCTION DE DÉFENSE CANADA

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no HQ2637C1) passé par Construction de Défense Canada (CDC) en vue de la construction d’une infrastructure pour les véhicules blindés légers à Valcartier (Québec). Les travaux et services requis comprennent la main-d’œuvre, le matériel, la supervision et l’équipement nécessaire pour la construction d’une installation d’entreposage destinée aux véhicules blindés légers. Selon l’avis d’appel d’offres, la valeur estimative du marché public est de 21 275 000 $.

3. La société 9198-6919 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Verreault inc. (Verreault), allègue que CDC a erronément déclaré irrecevable la proposition qu’elle a présentée en réponse à l’appel d’offres pour les deux motifs suivants :

  • l’absence de signature, par un représentant autorisé de Verreault, du cautionnement de soumission qui accompagnait sa proposition;
  • n un conflit d’intérêts potentiel en raison de liens présumés entre Verreault et LVM-Technisol inc. (LVM), une société dont les services avaient été préalablement retenus par CDC afin qu’elle effectue une analyse géotechnique du terrain où l’installation qui fait l’objet du marché public doit être érigée.

4. Verreault soutient que l’omission de signer le cautionnement de soumission qui accompagnait sa proposition n’est pas un motif de non-conformité, mais constitue tout au plus une simple irrégularité mineure ou accessoire. Selon Verreault, en pareil cas, CDC est tenue de lui permettre de présenter de nouveau le cautionnement de soumission dans la forme indiquée. En outre, Verreault soutient que lui accorder la possibilité de corriger cette erreur de forme involontaire dans sa soumission ne serait pas préjudiciable aux autres soumissionnaires dans les circonstances.

5. Concernant la question du conflit d’intérêts, Verreault soutient que contrairement à l’évaluation et à la conclusion de CDC, elle n’est pas en situation de conflit d’intérêts, ni potentiel ni réel, et que, partant, sa soumission ne pouvait en aucun cas être jugée irrecevable pour ce motif. Selon les documents déposés avec la plainte, Verreault et LVM sont des entreprises ayant des personnalités juridiques distinctes, mais qui sont ultimement la propriété de la même société.

6. Verreault soutient qu’en l’espèce, le fruit du travail d’LVM a été mis à la disposition de tous les soumissionnaires, de sorte qu’il est impossible qu’elle ait eu accès à des renseignements de nature à lui conférer un avantage par rapport aux autres soumissionnaires. Par ailleurs, elle soutient qu’aucun employé d’LVM ayant participé à la préparation de l’analyse géotechnique n’a joué un rôle dans la préparation de la soumission de Verreault. Selon Verreault, ses employés et représentants et ceux d’LVM n’ont eu aucune discussion au sujet de cette analyse, de sa mise à jour ou au sujet de l’appel d’offres et de la préparation de sa soumission. Par conséquent, Verreault affirme que son équipe, qui était responsable de la soumission, n’a bénéficié, en tout état de cause, d’aucun avantage indu.

CADRE JURIDIQUE

7. Afin d’enquêter sur la plainte, l’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine que les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément à l’Accord de libre-échange nord-américain3, à l’Accord sur le commerce intérieur4, à l’Accord sur les marchés publics5, à l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili6, à l’Accord de libre-échange Canada-Pérou7 ou à l’Accord de libre-échange Canada-Colombie8, selon le cas. En l’espèce, la plainte a été déposée aux termes de l’ALÉNA, qui s’applique au marché public en cause9.

8. L’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. » Pour sa part, l’alinéa 1015(4)d) prévoit ce qui suit : « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres. »

ANALYSE DU TRIBUNAL

9. La question est donc de déterminer si les renseignements que contient la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que CDC n’a pas évalué la soumission de Verreault conformément aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres. Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis par Verreault démontrent, dans une mesure raisonnable, que CDC a eu tort de déclarer sa soumission irrecevable eu égard aux exigences énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres.

10. Le Tribunal se penchera d’abord sur la question du cautionnement de soumission qui a été soulevée par CDC comme premier motif pour déclarer irrecevable la soumission de Verreault. Si nécessaire, le Tribunal examinera ensuite les allégations de Verreault concernant la question du conflit d’intérêts10.

11. Le Tribunal estime que les exigences stipulées dans la documentation relative à l’appel d’offres étaient claires quant aux renseignements et documents que les soumissionnaires devaient fournir en matière de garantie de soumission et quant aux conséquences possibles du non-respect de ces exigences.

12. Les « Instructions à l’intention des soumissionnaires – Formulaire CDL 193 » (les Instructions), qui, comme l’a reconnu Verreault11, faisaient partie intégrante de la documentation relative à l’appel d’offres, prévoyaient ce qui suit :

1 DOCUMENTS D’APPEL D’OFFRES

1.1 Les documents suivants qui sont fournis avec le dossier d’appel d’offres ou intégrés à titre de référence font partie de l’appel d’offres et de tout contrat subséquent :

1.1.1 Formulaire de soumission – CDL 150

1.1.2 Documents de contrat de construction standards – CDL 250

.1 Instructions à l’intention des soumissionnaires – CDL 193

.2 Conditions générales – CDL 32

[...]

3 LA SOUMISSION

3.1 La soumission :

[...]

3.1.4 doit être accompagnée des éléments suivants :

.1 une garantie de soumission, s’il y a lieu, comme l’indique l’article [5]12;

.2 tout document mentionné dans les documents d’appel d’offres où il est stipulé qu’il doit accompagner la soumission.

3.2 [...] En vertu des dispositions du paragraphe [8.5]13, à défaut de fournir les renseignements requis dans les documents d’appel d’offres, la soumission peut être jugée invalide. [...]

[...]

5 EXIGENCES RELATIVES À LA GARANTIE DE SOUMISSION

5.1 Une garantie de soumission est requise lorsque le budget du projet annoncé est supérieur à 100 000 $ ou, si le budget du projet annoncé est inférieur à 100 000 $ lorsqu’elle est expressément exigée dans les documents d’appel d’offres. La garantie financière présentée doit être l’ORIGINALE de celle-ci. Les télécopies ou les photocopies NE sont PAS acceptées. Le soumissionnaire doit inclure dans sa soumission une garantie de soumission sous la forme d’un cautionnement de soumission ou d’un dépôt de garantie. Ladite garantie doit représenter au moins 20 % du montant de la soumission. Le montant maximum de la garantie de soumission requise est de 2 000 000 $.

5.2 Un cautionnement de soumission doit être établi dans une forme approuvée et mentionnée dans les Conditions Générales – CDL32, qui font partie des documents de contrat de construction standards disponibles sur le site Web de Construction de Défense Canada, à l’adresse suivante : http://www.dcc.cdc.gc.ca/français/cc_procurement.html. [...]

[...]

8 ACCEPTATION DES SOUMISSIONS

[...]

8.5 Construction de Défense Canada peut, à sa discrétion exclusive, ignorer ou faire corriger les irrégularités mineures contenues dans les soumissions qu’elle reçoit, si elle détermine, à sa discrétion exclusive, que les différences entre la soumission et les exigences énoncées dans les documents d’appel d’offres peuvent être corrigées ou ignorées sans qu’un préjudice soit causé aux autres soumissionnaires.

[...]

[Nos italiques]

13. Ainsi, le cautionnement de soumission qui, selon le paragraphe 5.2 des Instructions, « [...] doit être établi dans une forme approuvée et mentionnée dans les Condition Générales – CDL 32 [...] » est un document qui faisait partie intégrante de la documentation relative à l’appel d’offres et qui devait obligatoirement accompagner la soumission de Verreault en l’espèce. Ce document, qui est un formulaire standard intitulé « Cautionnement de soumission » compris dans les « Conditions Générales – Formulaire CDL 32 », requiert clairement la signature tant de la personne physique ou morale qui accepte de fournir une garantie de soumission à titre de caution que du soumissionnaire lui-même à titre de « débiteur principal »14.

14. Le 20 juin 2012, Verreault présentait une soumission en réponse à l’appel d’offres. Or, bien qu’elle ait annexé à sa soumission le formulaire « Cautionnement de soumission » exigé à titre de garantie financière, il manquait la signature du « débiteur principal », soit celle d’un représentant autorisé de Verreault, sur ce document.

15. Le 19 juillet 2012, CDC informait Verreault que sa soumission avait été jugée irrecevable, notamment pour le motif suivant :

Dans un premier temps, votre cautionnement de soumission, qui accompagnait votre bordereau de soumission CDL 150, n’est pas conforme. Le cautionnement de soumission soumis est non avenu sans la signature du débiteur principal, soit le représentant autorisé au nom de [Verreault]. Seul un cautionnement dûment signé sera accepté comme soumission valide15.

16. Le 23 juillet 2012, Verreault présentait une opposition à CDC16. Sur la question du cautionnement de soumission, Verreault admettait avoir omis de signer le formulaire requis. Toutefois, elle soutenait que ce document ne constituait pas en soi un cautionnement, mais plutôt un avis informant CDC qu’un contrat de cautionnement avait été conclu et énonçant ses modalités. Verreault soutenait de plus que CDC ne pouvait ignorer le fait qu’elle avait tout de même joint à sa soumission, malgré l’absence de sa signature, un formulaire dûment signé par la caution, de sorte que l’objectif recherché par l’article 5 des Instructions était amplement atteint.

17. De plus, Verreault affirmait à CDC que la Politique sur les marchés établie par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada de même que le chapitre 10 de l’ALÉNA prévoient que certains types d’irrégularités mineures ne vicient pas une soumission et qu’il est possible pour une institution fédérale de permettre à un soumissionnaire de corriger des erreurs de forme involontaires n’engendrant pas de discrimination entre les fournisseurs. Par conséquent, Verreault demandait à CDC de lui permettre de remédier à son omission de signer le formulaire de cautionnement. À cet effet, elle joignait à son opposition un nouveau formulaire de cautionnement de soumission, cette fois dûment signé par son représentant autorisé.

18. Enfin, Verreault demandait à CDC de suspendre le processus d’adjudication du contrat et de prendre l’engagement de répondre à l’opposition au plus tard le 26 juillet 2012 ou d’indiquer dans quel délai elle pourrait y répondre.

19. Dans une lettre datée du 24 juillet 2012, CDC accusait réception de la lettre d’opposition de Verreault et indiquait qu’elle y répondrait « en temps et lieu ». Entretemps, Verreault apprenait que, le 19 juillet 2012, CDC avait adjugé le contrat à un autre soumissionnaire, ce que CDC lui a confirmé dans une lettre datée du 26 juillet 2012. En agissant de la sorte, le Tribunal est d’avis que CDC a clairement refusé la réparation demandée en guise de réponse à l’opposition présentée par Verreault.

20. Le 26 juillet 2012, Verreault déposait sa plainte auprès du Tribunal dans les délais prescrits. Dans sa plainte, Verreault soulève essentiellement les mêmes arguments que dans son opposition.

21. À la lumière des exigences énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres, le Tribunal conclut que le dépôt d’un cautionnement de soumission « [...] établi dans une forme approuvée et mentionnée dans les Condition Générales – CDL 32 [...] » était une condition essentielle pour qu’une soumission, au moment de son ouverture, soit considérée conforme aux critères obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres. Afin d’être établi dans la forme prescrite, ce cautionnement de soumission devait non seulement inclure la signature de la caution, mais aussi celle du soumissionnaire en tant que « débiteur principal » s’engageant également au même titre que la caution envers CDC, sous réserve des conditions énoncées dans le document, au paiement de la somme requise à titre de garantie de soumission.

22. Contrairement à l’argument de Verreault, le Tribunal est d’avis que ce document constituait plus qu’un simple avis informant CDC qu’un contrat de cautionnement avait été conclu. En fait, il s’agissait de la garantie financière en tant que telle qui, selon les Instructions, devait obligatoirement accompagner la soumission. Selon les modalités de la documentation relative à l’appel d’offres, lorsque fournie sous la forme d’un cautionnement de soumission, cette garantie doit être signée tant par la caution que par le « débiteur principal ».

23. Or, les renseignements fournis par Verreault indiquent que le cautionnement qui accompagnait la soumission, au moment de son ouverture, n’était pas conforme à cette condition essentielle, puisqu’il ne comportait pas la signature d’un représentant autorisé de Verreault à titre de « débiteur principal », s’obligeant conjointement et solidairement avec la caution envers CDC au paiement de la somme requise à titre de garantie de soumission, sous réserve de certaines conditions. Verreault admet d’ailleurs avoir omis de signer le cautionnement de soumission au moment opportun, soit avant la date fixée pour le dépôt des soumissions.

24. Par conséquent, le Tribunal conclut que la conclusion de CDC selon laquelle la soumission de Verreault n’était pas conforme à cette condition essentielle spécifiée dans la documentation relative à l’appel d’offres est bien fondée en fait et en droit et est donc raisonnable.

25. Bien que Verreault allègue 1) que sa soumission, pour l’essentiel, ait été conforme aux exigences impératives de l’appel d’offres, 2) que l’objectif recherché par l’article 5 des Instructions ait été amplement atteint, vu qu’elle avait joint à sa soumission un formulaire de cautionnement dûment signé par la caution, et 3) que sa soumission n’aurait pas dû être rejetée pour une erreur de forme involontaire ou à cause d’une « simple irrégularité mineure », le Tribunal a conclu, dans des cas antérieurs où la conformité à des critères essentiels était en question, qu’il s’agissait de savoir si les critères avaient été respectés de façon rigoureuse17. Le Tribunal conclut que la signature du représentant autorisé de Verreault à l’endroit indiqué sur le formulaire de cautionnement requis était fondamentale dans le contexte du marché public en cause, car elle attestait son engagement envers CDC à titre de « débiteur principal » et confirmait l’acceptation par le soumissionnaire des modalités de la garantie de soumission qu’il présentait sous la forme d’un cautionnement.

26. Étant donné que la signature du « débiteur principal » était requise sur le formulaire de cautionnement et était donc nécessaire pour que la soumission soit déclarée recevable en conformité avec la documentation relative à l’appel d’offres, CDC avait le devoir de s’assurer que la soumission de Verreault était entièrement et rigoureusement conforme à cette exigence.

27. Pour sa part, il incombait à Verreault de satisfaire à cette exigence et de s’assurer que les renseignements fournis dans sa soumission étaient complets et clairs18. Autrement dit, il incombait à Verreault de s’assurer que sa soumission respectait complètement et rigoureusement les exigences des Instructions et des autres documents intégrés, par renvoi, dans la documentation relative à l’appel d’offres et il incombait à CDC d’évaluer la conformité entière et rigoureuse de Verreault à l’égard de ces exigences.

28. Les circonstances de l’espèce sont analogues à celles du dossier no PR-2007-01119. La soumission de la partie plaignante dans cette cause avait été rejetée parce qu’elle avait omis de fournir la signature requise. Le soumissionnaire soutenait qu’il ne s’agissait que d’une « omission sans importance », mais il était indiqué dans la documentation relative à l’appel d’offres que la signature était nécessaire pour que la soumission soit conforme, et le Tribunal n’a trouvé aucune indication raisonnable que l’entité acheteuse ne s’était pas acquittée de ses obligations pertinentes en déclarant les soumissions irrecevables. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du Tribunal selon laquelle la signature était obligatoire et que « [c]ette conclusion suppose nécessairement [...] que le [Tribunal] n’a pas jugé que l’absence de signature constituait une irrégularité mineure »20.

29. De même, dans le dossier PR-2011-03121, un représentant de la partie plaignante, autre que celui requis selon la documentation relative à l’appel d’offres, avait signé un formulaire par lequel il confirmait, au nom du soumissionnaire, avoir lu l’ensemble de l’invitation à soumissionner, et attestait que tous les renseignements fournis dans les soumissions étaient complets et exacts et que le soumissionnaire acceptait d’être lié par les conditions de l’invitation à soumissionner et du contrat subséquent. Donc, dans ce dossier, il y avait une signature apposée à l’endroit indiqué, mais, selon les soumissions telles qu’elles avaient été présentées, ce n’était pas la signature requise. Puisque la signature requise était essentielle pour que les soumissions de la partie plaignante soient déclarées conformes à l’invitation à soumissionner, le Tribunal a décidé que son absence, contrairement aux prétentions de la partie plaignante dans cette affaire, ne constituait pas une irrégularité mineure. De l’avis du Tribunal, il s’agissait plutôt d’une exigence fondamentale de l’appel d’offres à laquelle la partie plaignante ne s’était pas conformée ainsi qu’un motif raisonnable pour lequel l’entité acheteuse avait déclaré, à juste titre, que les soumissions en cause étaient irrecevables. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a jugé que la décision du Tribunal était raisonnable22.

30. En l’espèce, suivant les principes qu’il a énoncé dans ces précédents, compte tenu des renseignements dont CDC disposait, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune indication raisonnable que CDC a incorrectement évalué la soumission de Verreault en ce qui a trait aux exigences relatives au cautionnement de soumission. Autrement dit, il était raisonnable pour CDC de déclarer que la soumission de Verreault n’était pas conforme à une condition essentielle de la documentation relative à l’appel d’offres. C’est donc à juste titre qu’elle n’a pas été prise en considération en vue de l’adjudication du contrat dans les circonstances.

31. En ce qui concerne les arguments de Verreault selon lesquels CDC est tenue dans les circonstances de lui permettre de corriger son erreur involontaire ou la « simple irrégularité mineure » que contenait sa soumission, et ce, en acceptant le formulaire de cautionnement dûment signé par son représentant autorisé qu’elle lui a transmis le 23 juillet 2012, le Tribunal estime, pour les motifs énumérés ci-dessus, que l’omission de Verreault de déposer une soumission accompagnée d’un formulaire de cautionnement dûment signé par son représentant autorisé ne constitue pas une irrégularité mineure, mais bien un défaut de respecter une condition essentielle de l’appel d’offres.

32. De toute façon, ni les dispositions de la Politique sur les marchés ni les alinéas 1009(2)b) et 1015(1)g) de l’ALÉNA sur lesquels s’appuie Verreault n’imposent aux entités acheteuses l’obligation de permettre à un soumissionnaire de corriger une irrégularité mineure ou une erreur involontaire. Ces dispositions ne font qu’accorder aux entités acheteuses la possibilité de permettre à un soumissionnaire de corriger de telles erreurs dans certaines circonstances. Ces dispositions n’indiquent aucunement qu’une entité acheteuse est tenue de le faire. Du reste, en ce qui concerne l’alinéa 1015(1)g) de l’ALÉNA, cette disposition n’est pas pertinente puisqu’elle concerne la correction d’erreurs de forme involontaire « [...] entre l’ouverture des soumissions et l’adjudication du marché [...] ». En l’espèce, Verreault cherche à corriger une erreur dans sa soumission après l’adjudication du marché.

33. Il est vrai que le paragraphe 8.5 des Instructions accordait à CDC, à sa discrétion exclusive, le pouvoir d’ignorer ou de faire corriger des irrégularités mineures contenues dans une soumission si elle déterminait, à sa discrétion exclusive, que les différences entre la soumission et les exigences énoncées dans les documents d’appel d’offres pouvaient être corrigées ou ignorées sans qu’un préjudice soit causé aux autres soumissionnaires. De toute évidence, CDC n’a pas jugé approprié d’utiliser cette discrétion en l’espèce. Compte tenu de sa conclusion selon laquelle le défaut de Verreault de déposer un cautionnement de soumission dûment signé ne constituait pas une simple irrégularité mineure, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il a le pouvoir de contraindre CDC à le faire ni qu’il serait approprié ou justifié, en tout état de cause, que CDC invoque cette clause pour lui permettre de remédier à son omission dans les circonstances.

34. Par conséquent, le Tribunal conclut que CDC n’était aucunement obligée de permettre à Verreault de corriger sa soumission en l’autorisant, après la date de fermeture des soumissions, à déposer de nouveau ou à signer rétroactivement le formulaire de cautionnement requis.

35. Ayant déterminé que les renseignements fournis par Verreault n’indiquent pas que CDC a contrevenu aux dispositions pertinentes de l’ALÉNA en déclarant irrecevable sa soumission au motif que le cautionnement de soumission était non conforme et non avenu et, qu’à lui seul, ce motif était suffisant pour que CDC déclare irrecevable la soumission de Verreault, le Tribunal conclut, dans la mesure où il veut favoriser l’économie des ressources judiciaires, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de Verreault sur la question du conflit d’intérêts potentiel afin de disposer de la plainte.

36. Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, le Tribunal conclut que la plainte n’indique pas de façon raisonnable que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux dispositions pertinentes de l’ALÉNA.

37. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

38. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm>.

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

9 . Le Tribunal a donc tenu compte des dispositions pertinentes de l’ALÉNA dans le but de rendre une décision aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE. Cela ne signifie aucunement que le Tribunal a conclu que les services de construction visés par le marché public ne sont pas assujettis aux autres accords commerciaux. De toute façon, l’analyse du Tribunal aux termes de l’ALÉNA s’appliquerait aussi, mutatis mutandis, aux termes des autres accords commerciaux qui contiennent des dispositions similaires.

10 . Dans la mesure où le Tribunal conclurait que les renseignements fournis par Verreault ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que CDC a contrevenu aux dispositions pertinentes de l’ALÉNA en déclarant irrecevable sa soumission au motif que le cautionnement de la soumission était non conforme et non avenu, il ne serait pas nécessaire pour le Tribunal d’examiner les allégations de Verreault sur la question du conflit d’intérêts afin de disposer de la plainte. En effet, dès lors, le non-respect des exigences concernant le cautionnement de soumission dans la documentation relative à l’appel d’offres serait un motif suffisant pour que la soumission de Verreault ne soit pas considérée en vue de l’adjudication du contrat.

11 . Plainte au para. 33.

12 . Le libellé de la version française de l’article 3 des Instructions renvoie à l’article 4. Toutefois, les exigences relatives à la garantie de soumission se trouvent plutôt à l’article 5. Le Tribunal conclut donc que l’article 3 devrait renvoyer à l’article 5 et non à l’article 4. D’ailleurs, l’avis d’appel d’offres (plainte, pièce P-3) confirme ce fait puisqu’il renvoie à l’article 5 pour aviser les soumissionnaires potentiels qu’une garantie de soumission est requise lorsque le budget du projet annoncé est supérieur à 100 000 $, comme dans le cas qui nous occupe. En outre, Verreault a reconnu que les exigences relatives à la garantie de soumission étaient énoncées à l’article 5. Plainte aux para. 30-33.

13 . Le libellé de la version française des Instructions renvoie erronément au paragraphe 7.5, une disposition inexistante. Un examen de l’ensemble des Instructions de même que de leur version anglaise indique plutôt que la disposition pertinente à laquelle devrait renvoyer le paragraphe 3.2 est le paragraphe 8.5.

14 . Plainte, annexes 6, 11.

15 . Plainte, pièce P-8.

16 . Plainte, pièce P-10.

17 . Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Minister of Public Works and Government Services), 2000 CanLII 15611 (CAF). En l’espèce, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’une des pierres angulaires de l’intégrité de tout système d’appel d’offres réside dans la nécessité de veiller à ce que les fournisseurs potentiels respectent toutes les conditions obligatoires des documents d’invitation à soumissionner.

18 . Au sujet du principe selon lequel il incombe au soumissionnaire de satisfaire aux exigences d’une invitation, voir par exemple Re plainte déposée par Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Re plainte déposée par Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR-2000-040 (TCCE); Re plainte déposée par WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE). Au sujet du principe selon lequel il incombe au soumissionnaire de s’assurer que sa soumission est claire, voir Re plainte déposée par Info-Electronics H P Systems Inc. (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE).

19 . Re plainte déposée par Surespan Construction Ltd. (8 mai 2007) (TCCE).

20 . Surespan construction ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 57 (CanLII) au para. 2.

21 . Re plainte déposée par Bell Canada (26 septembre 2011) (TCCE).

22 . Bell Canada c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CAF 162 (CanLII).