SAMSON & ASSOCIÉS


SAMSON & ASSOCIÉS
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2012-012

Décision et motifs rendus
le vendredi 19 octobre 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Samson & Associés aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

EU ÉGARD À D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

SAMSON & ASSOCIÉS Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Samson & Associés. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur se situe au degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alain Xatruch
Courtney Fitzpatrick

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Partie plaignante : Samson & Associés

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clarke
Roy Chamoun
Lissa Mussely
Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 27 juillet 2012, Samson & Associés (Samson) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, concernant un marché public (invitation no A0015-11-0040/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour la prestation de services de vérification interne et de services en matière de technologie de l’information et de vérification des systèmes.

2. Samson allègue que sa proposition a été incorrectement évaluée et déclarée non conforme. Plus particulièrement, Samson allègue que TPSGC a incorrectement décidé qu’une de ses ressources proposées ne respectait pas l’exigence obligatoire minimale en matière d’expérience en vérification énoncée dans les documents d’appel d’offres. Samson demande, à titre de mesure corrective, une nouvelle évaluation de sa proposition conformément aux critères énoncés dans la demande de propositions (DP) et le report de l’adjudication des contrats. Subsidiairement, Samson demande d’être dédommagée pour les frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition et pour le dépôt de sa plainte auprès du Tribunal.

3. Le 7 août 2012, le Tribunal a informé les parties que la plainte avait été acceptée à des fins d’enquête puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2. Le Tribunal a aussi avisé les parties qu’il n’ordonnerait pas le report de l’adjudication des contrats parce que les éléments de preuve au dossier indiquaient que les contrats avaient déjà été attribués.

4. Le 10 août 2012, TPSGC a accusé réception de la plainte et informé le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à chacune des sociétés suivantes : PricewaterhouseCoopers s.r.l., Deloitte & Touche s.r.l. (Deloitte), KPMG s.r.l., Orbis Risk Consulting Inc. et Ernst & Young s.r.l. Le 15 août 2012, Deloitte a demandé l’autorisation d’intervenir. Le 21 août 2012, le Tribunal a autorisé Deloitte à intervenir dans la présente affaire.

5. Le 4 septembre 2012, TPSGC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3. Le 10 septembre 2012, Samson a déposé ses observations sur le RIF. Deloitte n’a déposé aucune observation.

6. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Le 21 février 2012, TPSGC a publié une DP à l’intention des fournisseurs titulaires d’un arrangement en matière d’approvisionnement de services professionnels de soutien à la vérification (AA-SPSV). TPSGC souhaitait conclure cinq contrats pour la prestation de services de vérification interne et de services en matière de technologie de l’information et de vérification des systèmes.

8. Les dispositions pertinentes de la DP sont les suivantes :

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

1. Procédures d’évaluation

a) Les soumissions seront évaluées par rapport à l’ensemble des exigences de l’invitation à soumissionner, y compris les critères d’évaluation techniques.

[...]

1.1 Évaluation technique

1.1.1 Critères techniques obligatoires

Voir l’annexe 1 de la partie 4.

[...]

2.1 Méthode de sélection – Prix évalué par points le plus bas

1. Pour être déclarée recevable, une soumission doit :

a) respecter toutes les exigences de l’invitation à soumissionner;

b) satisfaire à tous les critères d’évaluation obligatoires;

c) obtenir le nombre minimal de points requis précisés dans l’annexe 1 de la partie 4 pour les critères techniques cotés.

2. Les soumissions ne répondant pas aux exigences a), b) ou c) seront déclarées non recevables. La soumission recevable ayant obtenu le plus de points ou celle ayant le prix évalué le plus bas ne sera pas nécessairement acceptée.

[...]

ANNEXE 1 DE LA PARTIE 4

CRITÈRES TECHNIQUES

1.1.1 Critères techniques obligatoires

La soumission doit respecter les critères techniques obligatoires indiqués ci-dessous. Le soumissionnaire doit fournir la documentation nécessaire afin de démontrer qu’il se conforme à ces critères.

Toute soumission qui ne satisfait pas aux critères techniques obligatoires sera déclarée non recevable. Chaque critère technique obligatoire doit être examiné séparément.

Critères techniques obligatoires (CTO) pour le volet de travail numéro un (1)
Le terme « soumissionnaire » désigne la personne ou l’entité (ou dans le cas d’une coentreprise, les personnes ou les entités) qui dépose une soumission pour l’exécution d’un contrat de biens, de services ou les deux. Le terme ne comprend pas la société mère, les filiales ou autres affiliées du soumissionnaire ni ses sous-traitants.

Le soumissionnaire

Numéro Critère technique obligatoire SATISFAIT NON SATISFAIT Renvoi à la proposition
CTO1 Pour le volet de travail numéro un (1)
Le soumissionnaire doit proposer une équipe composée au minimum des personnes suivantes :
un (1) associé/directeur général
un (1) gestionnaire/chef de projet
un (1) vérificateur principal
un (1) vérificateur
Nota :
Si le nombre de personnes qualifiées est inférieur au minimum requis pour le présent critère technique obligatoire (CTO1), la proposition du soumissionnaire sera déclarée non recevable et sera rejetée.
Une ressource ne peut être proposée pour plus d’une catégorie de ressources dans le volet pertinent pour lequel une soumission est présentée.
     
[...]
Ressources proposées du soumissionnaire
Numéro Critère technique obligatoire SATISFAIT NON SATISFAIT Renvoi à la proposition
CTO4 Pour le volet de travail numéro un (1)
Pour chacune des ressources proposées, le soumissionnaire doit présenter un curriculum vitæ détaillé démontrant qu’elle respecte les exigences obligatoires minimales (instruction, titres professionnels et expérience de travail) de chaque catégorie de ressources pertinente décrite à l’annexe A, Énoncé des travaux, section 5.
     

ANNEXE A

ÉNONCÉ DES TRAVAUX

[...]

5.0 PORTÉE DES SERVICES

[...]

5.1 Volet de travail no 1 : services de vérification interne

[...]

Compétences et expérience obligatoires minimales des catégories de ressources

Le personnel de l’entrepreneur désigné dans chaque catégorie de ressources applicable doit satisfaire aux exigences obligatoires minimales suivantes pour le travail qui doit être effectué dans le cadre du présent volet.

[...]

GESTIONNAIRE/CHEF DE PROJET

Instruction/compétences professionnelles

Titre professionnel, notamment CA, CMA, CGA ou CIA.

Expérience

Minimum de six (6) années cumulatives d’expérience en vérification acquise au cours des dix (10) dernières années, y compris au moins deux (2) années cumulatives d’expérience en vérification interne.

[Traduction]

9. Au cours de la procédure de passation du marché public, TPSGC a répondu à certaines questions des soumissionnaires. Aucune des questions ou réponses ne concernait le motif de plainte de Samson. La date limite initiale de réception des soumissions, fixée au 12 mars 2012, a été reportée au 19 mars 2012. Selon TPSGC, 11 soumissions ont été reçues, dont celle de Samson.

10. Le 18 juillet 2012, TPSGC informait Samson que sa proposition ne respectait pas le premier critère technique obligatoire (CTO1) et qu’elle était donc jugée non conforme. Plus particulièrement, il informait Samson qu’une de ses ressources proposées à titre de gestionnaire/chef de projet ne possédait que 69 mois d’expérience démontrée en vérification, tandis que 72 mois (c’est-à-dire six années) étaient exigés. Dans la même correspondance, TPSGC indiquait que cinq contrats avaient été adjugés4.

11. Le 18 juillet 2012, Samson présentait à TPSGC une opposition par courriel. Le 19 juillet 2012, TPSGC répondait que la ressource proposée n’avait pas démontré clairement les six années d’expérience en vérification exigées au cours des 10 dernières années, y compris au moins deux années d’expérience en vérification interne. Le même jour, Samson écrivait à TPSGC pour lui faire part de son désaccord et pour lui demander de réexaminer sa décision.

12. Le 27 juillet 2012, Samson déposait sa plainte auprès du Tribunal. Le 30 juillet 2012, Samson déposait une copie papier de sa plainte, y compris des documents supplémentaires.

POSITION DES PARTIES

Samson

13. Samson soutient que sa proposition a été incorrectement déclarée non conforme et que le curriculum vitæ de la ressource proposée présente de façon claire et détaillée son expérience en vérification, y compris huit années à titre de directeur de la Vérification au sein d’un organisme gouvernemental (six de ces huit années d’expérience ayant été acquises au cours des 10 dernières années). Samson affirme que TPSGC n’a pas tenu compte de l’ensemble du curriculum vitæ de la ressource proposée lors de l’évaluation de son expérience et s’est plutôt concentré uniquement sur son expérience détaillée en matière de projets. Elle soutient qu’il n’est pas indiqué dans la DP que l’expérience devait être démontrée en fonction de chaque projet. Samson est d’avis que, dans son ensemble, le curriculum vitæ de la ressource proposée démontre plus de huit années d’expérience en vérification acquises au cours des 10 dernières années, toutes en vérification interne.

14. Plus particulièrement, Samson soutient que le profil de carrière qui se trouve à la page 2 du curriculum vitæ de la ressource proposée indique qu’il a occupé un poste de directeur de la Vérification de 2000 à 2008 (dont six de ces années au cours des 10 dernières années). En outre, la déclaration figurant à la page 1 du curriculum vitæ de la ressource indique qu’« [à] titre de directeur de la Vérification, [la ressource proposée] a joué un rôle clé dans la mise en place et la direction de la vérification interne au sein d’un organisme fédéral important. Durant son mandat, il a effectué de nombreuses vérifications qui ont mené à l’amélioration des pratiques de gestion au sein de l’organisme »5 [traduction]. Samson indique également que la liste des projets pertinents réalisés (qui commence à la page 3 du curriculum vitæ) démontre que la ressource possède au moins deux années cumulatives d’expérience en vérification interne.

15. Dans ses observations sur le RIF, Samson allègue que la DP ne précise pas comment l’expérience en vérification devait être démontrée. Samson soutient que la déclaration figurant à la page 1 du curriculum vitæ de la ressource proposée indique qu’à titre de directeur de la Vérification, il a mis en place et dirigé la vérification interne et effectué de nombreuses vérifications.

16. Samson se demande aussi pourquoi le rôle de gestionnaire de la vérification assumé par la ressource proposée n’est pas considéré comme de l’expérience en vérification, puisqu’une partie des responsabilités d’un gestionnaire/chef de projet comprend logiquement la mise en place d’une structure de vérification, l’établissement de processus de vérification et la direction des équipes de vérification interne. Samson soutient que la position de TPSGC sous-entend que seule l’expérience acquise au niveau subalterne peut être considérée comme valable aux fins de la DP. Enfin, Samson se demande pourquoi un travail à temps partiel sur un projet est considéré comme de l’expérience à temps plein (c’est-à-dire qu’un projet de 50 jours qui s’est étendu sur six mois est considéré comme six mois d’expérience) lorsque, en même temps, TPSGC soutient que l’expérience de la ressource proposée ne doit pas être prise en compte, puisque cette dernière n’a pas effectué, à titre de directeur de la Vérification, que des tâches liées à la vérification.

17. Samson soutient également avoir proposé, au cours des deux dernières années, en présentant le même curriculum vitæ, la ressource en question comme chef de projet dans le cadre d’autres DP ayant les mêmes exigences, publiées en vertu du même arrangement en matière d’approvisionnement (c’est-à-dire l’AA-SPSV). Selon Samson, dans tous ces cas, sa ressource proposée a été considérée comme respectant les exigences.

TPSGC

18. TPSGC affirme avoir rejeté la soumission de Samson parce qu’elle ne fournit pas la documentation nécessaire pour démontrer le respect du premier critère technique obligatoire (CTO1) et, par extension, du quatrième critère technique obligatoire (CTO4) et de la section 5.1 de l’énoncé des travaux. TPSGC soutient que les déclarations figurant à la page 1 du curriculum vitæ de la ressource proposée ne comportent aucun renseignement relativement à la période au cours de laquelle il a « acquis une grande expérience à titre de gestionnaire de la vérification [...] »6 [traduction] et qu’il aurait été déraisonnable pour l’équipe de l’évaluation de présumer que l’expérience a été acquise au cours des 10 dernières années.

19. TPSGC soutient également que les informations relatives à l’emploi figurant à la page 2 du curriculum vitæ ne précisent pas le travail que la ressource proposée a effectué de 2000 à 2008 à titre de directeur de la Vérification. TPSGC allègue que, pour que la soumission de Samson respecte ce point, les évaluateurs auraient dû présumer que l’ensemble du travail effectué par la ressource proposée à titre de directeur de la Vérification constituait de l’expérience en vérification et que, sans précisions sur les tâches effectuées, il n’était pas loisible à l’équipe de l’évaluation d’en arriver à cette conclusion. À l’appui de cette position, TPSGC fait remarquer que le rôle de la ressource proposée dans « [...] la mise en place et la direction de la vérification interne [...] »7 [traduction] démontre qu’il agissait à titre de gestionnaire du travail de vérification effectué et que rien à la page 1 ou 2 de son curriculum vitæ ne démontre qu’il possède de l’expérience en matière de vérification (à la différence de l’expérience décrite dans la section de son curriculum vitæ portant sur son expérience détaillée en matière de projets). Enfin, TPSGC soutient que la section du curriculum vitæ portant sur l’expérience détaillée en matière de projets ne démontre que cinq années et neuf mois d’expérience, alors que six années étaient exigées.

ANALYSE DU TRIBUNAL

20. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur8, l’Accord de libre-échange nord-américain9, l’Accord sur les marchés publics10, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili11, l’Accord de libre-échange Canada-Pérou12 et l’Accord de libre-échange Canada-Colombie13.

21. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

22. L’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA prévoit que, « pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation ».

23. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit en outre que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

24. L’AMP, l’ALÉCC, l’ALÉCP et l’ALÉCCO contiennent des dispositions similaires à celles de l’ALÉNA susmentionnées.

25. Essentiellement, la question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si TPSGC a incorrectement évalué la proposition de Samson en ne tenant pas compte d’une partie de l’expérience de sa ressource proposée. Il s’agit de déterminer si, compte tenu des renseignements inclus dans la soumission de Samson, les évaluateurs devraient avoir conclu que Samson a démontré que sa ressource proposée possède au moins six années d’expérience en vérification acquise au cours des 10 dernières années, dont au moins deux années d’expérience en vérification interne. Le Tribunal constate que la DP exige que les soumissionnaires fournissent la documentation nécessaire afin de démontrer qu’ils se conforment aux critères techniques obligatoires. La DP exige aussi expressément que les soumissionnaires présentent un curriculum vitæ détaillé pour chacune des ressources proposées afin de démontrer qu’elles respectent les exigences obligatoires minimales.

26. Avant d’aborder l’examen des allégations de Samson, le Tribunal rappelle qu’il fait généralement preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Dans Excel Human Resources Inc.14, le Tribunal a confirmé qu’il « “[...] interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable” et qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs “[...] à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure” ».

27. En outre, dans BMT Fleet Technology Ltd. et Notra Inc., le Tribunal a indiqué que « [l]a détermination de TPSGC sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal »15.

28. Par ailleurs, il est bien établi que le fardeau de démontrer la conformité aux critères obligatoires incombe aux soumissionnaires16. Le Tribunal a également déclaré que la responsabilité de vérifier qu’une proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’une invitation incombe ultimement au soumissionnaire. Par conséquent, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition et de vérifier qu’elle est conforme à tous les éléments essentiels17.

29. C’est à la lumière de ces principes que le Tribunal déterminera si l’évaluation de TPSGC de la proposition de Samson est conforme aux exigences des accords commerciaux.

30. En ce qui concerne les premier et quatrième critères techniques obligatoires (CTO1 et CTO4) et la section 5.1 de l’énoncé des travaux, les renseignements figurant à la page 1 du curriculum vitæ de la ressource proposée dans la soumission de Samson comprennent la déclaration suivante :

À titre de directeur de la Vérification, [la ressource proposée] a joué un rôle clé dans la mise en place et la direction de la vérification interne au sein d’un organisme fédéral important. Durant son mandat, il a effectué de nombreuses vérifications qui ont mené à l’amélioration des pratiques de gestion au sein de l’organisme.

31. Le Tribunal constate que ces deux phrases ne fournissent pas de précisions sur le type de travail de vérification que la ressource proposée a pu effectuer. Le Tribunal constate également que ces deux phrases ne mentionnent pas les années au cours desquelles cette expérience a été acquise. Par conséquent, le Tribunal convient avec TPSGC que, pour que les évaluateurs considèrent que ces renseignements démontrent que la ressource proposée a le nombre requis d’années d’expérience en vérification (soit six années cumulatives au cours des 10 dernières années), un certain nombre d’hypothèses devraient être faites quant à la nature du travail effectué et à la période au cours de laquelle l’expérience a été acquise.

32. Même si la lecture de ces deux phrases concernant le rôle de la ressource proposée à titre de directeur de la Vérification est faite en tenant compte de la page 2 du curriculum vitæ de la ressource proposée, qui indique qu’il a occupé le poste de 2000 à 2008, le Tribunal conclut que les évaluateurs auraient encore dû se fonder sur certaines hypothèses.

33. Par exemple, très peu de renseignements ont été fournis relativement à l’expérience liée à la vérification que la ressource proposée a acquise dans son rôle de directeur de la Vérification ou au temps qu’il a passé à assumer une fonction de vérification par opposition à une fonction de gestion. Cela ressort particulièrement lorsque ce niveau de détail est comparé à celui fourni dans la section du curriculum vitæ portant sur l’expérience en matière de projets (qui ne démontre pas non plus six années cumulatives d’expérience en vérification acquise au cours des 10 dernières années).

34. Bien que chacun des projets dont il est question dans la section du curriculum vitæ portant sur l’expérience puisse ne pas avoir comporté un travail de vérification à temps plein, le Tribunal convient que le niveau de détail fourni pour chaque projet est suffisant pour que TPSGC évalue l’expérience en vérification de la ressource proposée et conclut que la ressource proposée a consacré une portion importante de son temps à un travail lié à la vérification au cours des périodes mentionnées dans ladite section.

35. Toutefois, le même niveau de détail n’a pas été fourni dans la description de l’expérience en vérification que la ressource proposée a acquise à titre de directeur de la Vérification. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les explications que TPSGC a données dans ses observations sur ce point sont défendables et qu’il est raisonnable que TPSGC n’ait pas avancé d’hypothèses quant à l’expérience en vérification que la ressource proposée a acquise en tant que directeur de la Vérification.

36. Le Tribunal conclut que Samson aurait pu inclure davantage de renseignements dans sa proposition pour permettre aux évaluateurs de déterminer et d’évaluer l’expérience en vérification de la ressource proposée. Par exemple, Samson aurait pu fournir des précisions supplémentaires relativement au travail de vérification que la ressource proposée a effectué à titre de directeur de la Vérification ou peut-être simplement fournir une estimation du temps que la ressource proposée a consacré au travail de vérification dans ce rôle. Cependant, comme elle ne l’a pas fait, le Tribunal conclut qu’il est raisonnable pour TPSGC d’avoir rejeté la soumission de Samson.

37. Samson soutient également que la ressource proposée a été acceptée, sur présentation du même curriculum vitæ, à titre de chef de projet pour d’autres DP ayant les mêmes exigences et publiées en vertu du même arrangement en matière d’approvisionnement. Le Tribunal est d’avis que Samson soutient essentiellement qu’étant donné que la ressource proposée a été acceptée pour d’autres DP, la décision de ne pas l’accepter en l’espèce est déraisonnable. Le Tribunal estime que la présumée acceptation de la ressource proposée pour d’autres DP ne suffit pas pour démontrer que la décision des évaluateurs est déraisonnable en l’espèce.

38. En résumé, après avoir attentivement examiné les éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal ne voit aucune raison d’intervenir relativement au jugement des évaluateurs. Bien que le Tribunal puisse lui-même en être arrivé à une autre conclusion, il considère que l’évaluation de la proposition de Samson effectué par TPSGC est raisonnable dans les circonstances et ne va pas à l’encontre des dispositions pertinentes des accords commerciaux.

39. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte de Samson n’est pas fondée.

Frais

40. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.

41. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

42. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré le plus bas mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La complexité du marché public était faible, car il visait la prestation d’un seul type de services dans le cadre d’un arrangement en matière d’approvisionnement déjà établi. La complexité de la plainte était faible, en ce sens que les questions étaient directes et visaient à déterminer si TPSGC avait correctement évalué la proposition de Samson par rapport à un critère obligatoire. Enfin, la complexité de la procédure était faible, car les questions ont été débattues par les parties au moyen d’éléments de preuve documentaire et d’observations écrites et qu’une audience n’a pas été nécessaire.

43. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

44. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

45. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Samson. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal se situe au degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation se chiffre à 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . TPSGC a également déterminé qu’une deuxième ressource proposée à titre de gestionnaire/chef de projet ne respectait pas les exigences obligatoires minimales. Cependant, Samson ne conteste pas cette décision.

5 . Plainte aux pp. 6-7 et annexe B-3; commentaires sur le RIF à la p. 4.

6 . RIF, para. 8 à la p. 12.

7 . RIF, para. 9 à la p. 12.

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

10 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

11 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

12 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

13 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011) [ALÉCCO].

14 . Re plainte déposée par Excel Human Resources Inc. (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au para. 33.

15 . Re plainte déposée par l’entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et Notra Inc. (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) au para. 25; voir aussi Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).

16 . Par exemple, Re plainte déposée par Excel Human Resources Inc. (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE); Re plainte déposée par Info-Electronics H P Systems Inc. (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE).

17 . Re plainte déposée par Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE). Dans ce cas, le Tribunal a aussi conclu que, bien qu’une entité acheteuse puisse dans certaines circonstances chercher à obtenir des éclaircissements sur un aspect particulier d’une proposition, elle n’est aucunement tenue de le faire.