RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP


RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP
C.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossiers nos PR-2013-005 et PR-2013-008

Décision et motifs rendus
le vendredi 25 octobre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur les plaintes aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP Parties plaignantes

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que les plaintes ne sont pas fondées.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre aux plaintes, ces frais devant être payés par Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et par PricewaterhouseCoopers LLP. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, l'indication provisoire du degré de complexité des plaintes se situe entre le degré 1 et le degré 2. Par conséquent, l'indication provisoire du montant de l'indemnisation au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur se chiffre à 1 500 $. De ce montant, 500 $ sont à payer par Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et 1 000 $ par PricewaterhouseCoopers LLP, puisque la plainte déposée par PricewaterhouseCoopers LLP était d'une complexité accrue en raison de la requête qu'elle a présentée. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait aux indications provisoires des degrés de complexité ou aux indications provisoires des montants des indemnisations, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l'article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer les montants définitifs des indemnisations.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membres du Tribunal : Pasquale Michaele Saroli, membre présidant
Jason W. Downey, membre
Ann Penner, membre

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Elizabeth Giroux
Alexandra Pietrzak

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Parties plaignantes : Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Ltd. et PricewaterhouseCoopers LLP

Conseillers juridiques pour les parties plaignantes : Martin G. Masse
Jonathan O'Hara
Monica Podgorny
pour PricewaterhouseCoopers LLP

Parties intervenantes : Deloitte LLP
Ernst & Young LLP
KMPG LLP

Conseillers juridiques pour les parties intervenantes : Christopher J. Kent
Andrew Lanouette
Marc McLaren-Caux
pour Deloitte LLP

R. Benjamin Mills
Paul Conlin
pour Ernst & Young LLP

Riyaz Dattu
Patrick Welsh
pour KPMG LLP

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l'institution fédérale : Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun
Craig Collins-Williams

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 12 juin 2013, Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. (RCGT) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, alléguant que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a injustement évalué sa soumission relativement à une demande de propositions (invitation no A0015-12-0040/A) (la DP).

2. RCGT allègue que TPSGC a conclu à tort qu'un des projets énumérés dans le curriculum vitæ de la ressource proposée comme associé/directeur général, projet prétendument conforme au critère technique obligatoire 3, ne constituait pas une vérification judiciaire.

3. Le 5 juillet 2013, PricewaterhouseCoopers LLP (PwC) a également déposé une plainte auprès du Tribunal, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi, alléguant que TPSGC a injustement évalué sa soumission relativement à la DP.

4. Plus particulièrement, PwC soutient que TPSGC a conclu à tort que le rapport de vérification judiciaire qu'elle a fourni à titre d'exemple, prétendument de manière conforme au critère technique coté 1, ne constituait pas un rapport de vérification judiciaire.

5. Le 14 juin 2013, le Tribunal a décidé d'enquêter sur la plainte de RCGT et, le 10 juillet 2013, sur la plainte de PwC.

6. Le Tribunal a par la suite accordé le statut de partie intervenante à Deloitte LLP, à Ernst & Young LLP et à KPMG LLP (les parties intervenantes).

7. Le 26 juillet 2013, en réponse à une demande présentée par PwC aux termes de l'article 6.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur2, le Tribunal a décidé de joindre les deux procédures au motif que les parties, les questions en litige et les circonstances de chacune des plaintes sont essentiellement les mêmes.

8. Le 16 août 2013, TPSGC a déposé les rapports de l'institution fédérale (RIF) en réponse aux plaintes.

9. Le 23 août 2013, PwC a déposé une requête auprès du Tribunal en vue d'obtenir une ordonnance, aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, enjoignant TPSGC de lui fournir des renseignements supplémentaires.

10. Le 5 septembre 2013, le Tribunal a rejeté la requête de divulgation.

11. Le 6 septembre 2013, le Tribunal a reçu les observations des parties intervenantes sur les plaintes et sur les RFI.

12. PwC a déposé sa réponse aux RIF et aux observations des parties intervenantes le 13 septembre 2013.

13. Le 20 septembre 2013, RCGT a déposé sa réponse aux RIF et aux observations des parties intervenantes.

14. Le 27 septembre 2013, TPSGC a présenté une demande en vue de formuler des observations supplémentaires sur la réponse de PwC au RIF. TPSGC alléguait que, dans sa réponse au RIF, PwC avait avancé une nouvelle allégation de « modification non permise de l'évaluation »3 [traduction]. Par conséquent, TPSGC affirmait devoir être autorisé à présenter des observations supplémentaires relativement à ce nouvel argument allégué.

15. Dans sa réponse du 30 septembre 2013, PwC maintenait que sa réponse au RIF ne contenait aucun nouvel argument. PwC affirmait avoir expressément avancé l'allégation de « modification non permise de l'évaluation » à la note 6 de sa plainte4.

16. Le Tribunal a examiné les exposés des deux parties et a conclu, comme le soutenait PwC, que celle-ci avait effectivement soulevé l'allégation de « modification non permise de l'évaluation » dans sa plainte. Par conséquent, le Tribunal a déterminé qu'il ne s'agissait pas d'un nouvel argument avancé par PwC et qu'aucune observation supplémentaire de la part de TPSGC n'était donc justifiée.

17. Le 27 septembre 2013, le Tribunal a également reçu une demande présentée par Deloitte LLP et Ernst & Young LLP dans laquelle était indiqué que RCGT avait également soulevé de nouveaux arguments dans sa réponse au RIF. Plus particulièrement, ces parties intervenantes soutenaient que RCGT avait présenté de nouveaux arguments relativement à des allégations d'erreurs commises par TPSGC lors de l'évaluation de sa soumission5. Par conséquent, Deloitte LLP et Ernst & Young LLP affirmaient devoir être autorisées à présenter des observations supplémentaires en réponse à ces nouveaux arguments allégués.

18. Après avoir examiné les observations de RCGT en réponse au RIF, le Tribunal a conclu que les arguments supplémentaires soulevés par RCGT ne concernaient pas le fond de la plainte, mais que les observations de celle-ci relativement à des erreurs d'évaluation avaient plutôt été présentées à l'appui de la requête de divulgation de PwC6. Cependant, le Tribunal avait déjà rendu une décision définitive concernant la requête de divulgation avant que RCGT ne soulève ces arguments. Le Tribunal a donc considéré s'être acquitté de sa charge et, par conséquent, être dans l'impossibilité de rouvrir ce dossier afin d'examiner les arguments de RCGT.

19. Puisque RCGT a avancé les allégations concernant des erreurs d'évaluation à l'appui de la requête de divulgation et non de sa plainte, ces éléments de preuve n'ont pas été correctement déposés auprès du Tribunal lors de l'évaluation du fond de la plainte. Par conséquent, le Tribunal a déterminé qu'il ne s'agissait pas, en fait, de nouveaux arguments et que rien ne justifiait de permettre à Deloitte LLP et à Ernst & Young LLP de présenter des observations supplémentaires relativement à ceux-ci. La demande présentée par Deloitte LLP et Ernst & Young LLP a donc été rejetée.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

20. Le 15 février 2013, TPSGC a publié la DP en vue de la prestation de services de vérification judiciaire du volet de travail no 4 aux termes de l'arrangement en matière d'approvisionnement de services professionnels de soutien à la vérification du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. La date de clôture de l'invitation était le 8 mars 2013.

21. L'invitation était limitée aux fournisseurs présélectionnés pour le volet de travail no 4. RCGT et PwC font partie des sociétés présélectionnées qui ont été invitées à soumissionner7.

22. Dans la partie 4 de la DP intitulée « PROCÉDURES D'ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION », la section 1a) prévoit ce qui suit : « Les soumissions seront évaluées par rapport à l'ensemble des exigences de l'invitation à soumissionner, y compris les critères d'évaluation techniques » [traduction]. Les critères techniques se composent de « critères techniques obligatoires » et de « critères techniques cotés »8.

Critères techniques obligatoires

23. Les critères techniques obligatoires sont énoncés à l'annexe 1 de la partie 4 de la DP. À cet égard, la section 1.1.1, intitulée « Critères techniques obligatoires », prévoit ce qui suit :

La soumission doit respecter les critères techniques obligatoires indiqués ci-dessous. [...]

Toute soumission qui ne satisfait pas aux critères techniques obligatoires sera déclarée non recevable.

[Traduction]

24. Parmi les critères techniques obligatoires contenus dans l'invitation figurent les critères techniques obligatoires 1 et 3, qui prévoient respectivement ce qui suit :

CTO1 Pour le volet de travail no 4

Le soumissionnaire doit proposer une équipe composée au minimum des personnes suivantes :

  • un (1) associé/directeur général;
  • un (1) gestionnaire/chef de projet;
  • un (1) vérificateur principal;
  • un (1) spécialiste du soutien à la vérification;
  • un (1) commis au soutien administratif.

N.B. : Si le nombre de personnes qualifiées sur le plan technique est inférieur au minimum requis pour le présent critère technique obligatoire, la proposition du soumissionnaire sera déclarée non recevable et sera rejetée.

[...]

CTO3 Pour chacune des ressources proposées, le soumissionnaire doit présenter un curriculum vitæ détaillé démontrant qu'elle respecte les exigences obligatoires minimales (études, titres professionnels et expérience de travail) pour chacune des catégories de ressource décrites à l'annexe A, Énoncé des travaux, section 5.

[Nos italiques, traduction]

25. Pour ce qui est du critère technique obligatoire 3, la section 5 de l'Énoncé des travaux prévoit ce qui suit :

L'expérience des ressources proposées doit être clairement indiquée en fournissant un résumé ou une description des projets sur lesquels elles ont travaillé ou de leur expérience de travail et en indiquant quand les projets ont été réalisés.

[Traduction]

26. En ce qui concerne expressément l'expérience requise de l'associé/directeur général proposé, la section 5 de l'Énoncé des travaux prévoit ce qui suit9 :

5.1 Volet 4 : Vérifications judiciaires

[...]

Compétences et expérience obligatoires minimales pour les catégories de ressource

Le personnel de l'entrepreneur proposé pour chacune des catégories de ressource doit satisfaire aux exigences obligatoires minimales suivantes pour le travail qui doit être effectué dans le cadre de ce volet. Les ministères utilisateurs ne peuvent réduire ces exigences minimales, mais ils peuvent les augmenter, au besoin, à l'étape de la demande de propositions (DP).

Associé/directeur général

● Études/compétences professionnelles

● Un des titres professionnels suivants : CA, CMA, CGA, CIA ou CFE.

● Expérience

● Doit avoir accompli un minimum de quatre (4) projets de vérification judiciaire, d'une valeur de plus de 50 000 $ chacun, au cours des quatre (4) dernières années ET doit avoir un minimum de cinq (5) années d'expérience cumulatives en vérification judiciaire acquises au cours des dix (10) dernières années.

[Nos italiques, traduction]

Critères techniques cotés

27. Pour être déclarée recevable, une soumission doit également respecter quatre critères techniques cotés.

28. En outre, conformément à la section 2 de la partie 4 de la DP, pour être déclarée recevable, une soumission technique doit obtenir la note de passage prescrite suivante10 :

1. Pour être déclarée recevable, une soumission doit :

[...]

c) obtenir le nombre minimal de points requis précisés à l'annexe 1 de la partie 4 pour les critères techniques cotés.

[Traduction]

29. À cet égard, le tableau des critères techniques cotés figurant à l'annexe 1 de la partie 4 de la DP prévoit ce qui suit : « Maximum de 320 points – note de passage globale de 75 p. 100, soit 240 points »11 [traduction].

30. Sont particulièrement pertinents aux présentes plaintes les critères techniques cotés 1 et 2, qui prévoient ce qui suit :

Numéro Critère technique coté Méthode de notation
CTC1 Le soumissionnaire doit fournir un exemple d’un rapport de vérification judiciaire concernant une collectivité des Premières Nations qui a été effectuée pour le gouvernement fédéral canadien au cours des cinq (5) années précédant la date de clôture pour la remise des soumissions.

[...]

Tout rapport de vérification judiciaire présenté à un ministère fédéral à titre de « version préliminaire du rapport définitif » sera considéré conforme.

Maximum de 20 points par critère selon le système de notation multiplié par deux

Total (CTC1) : maximum de 100 points

. . . 

Numéro Critère technique coté
ÉTUDE DE CAS
Méthode de notation
CTC2 Le soumissionnaire doit fournir une proposition de trois (3) à cinq (5) pages maximum en réponse au scénario suivant :
[...]
Maximum de 20 points par critère selon le système de notation multiplié par deux
Total (CTC2) : maximum de 100 points

[Nos italiques, traduction]

ANALYSE

RCGT

31. Le 31 mai 2013, RCGT a reçu une lettre de TPSGC l'informant que sa proposition était jugée non conforme puisqu'elle ne respectait pas le critère technique obligatoire 3 et, par voie de conséquence, le critère technique obligatoire 1. Plus particulièrement, TPSGC a indiqué ce qui suit :

[La personne] proposée à titre d'associé/directeur général ne satisfait pas aux exigences obligatoires minimales de cette catégorie dans le cadre du volet de travail numéro quatre (4). L'associé/directeur général possède une expérience non cumulative de quatre (4) années ou de quarante-huit (48) mois. Pour satisfaire à l'exigence obligatoire minimale, l'associé/directeur général devait posséder cinq (5) années d'expérience cumulative en vérification judiciaire acquise au cours des dix (10) dernières années.

[...]

Puisque le critère technique obligatoire 3 n'est pas satisfait relativement à l'associé/directeur général, Raymond Chabot Grant Thornton ne respecte pas le critère technique obligatoire 1 et [sa] proposition est donc jugée non conforme et a été rejetée12.

[Nos italiques, traduction]

32. Conformément au libellé de l'invitation, « [...] si les chronologies de deux ou plusieurs projets ou si les expériences se chevauchent, la durée du temps commun de chaque projet/expérience ne sera pas comptée plus d'une fois »13 [traduction]. La détermination de TPSGC selon laquelle la proposition de RCGT était non recevable est attribuable au fait qu'il a conclu que le projet no 7 ne constituait pas une vérification judiciaire, mais plutôt une vérification des contributions, ce qui a eu pour effet que le reste de l'expérience admissible en vérification judiciaire – rajustée selon les chronologies simultanées – n'était pas suffisante pour satisfaire aux exigences chronologiques du critère technique obligatoire 3.

33. Toutefois, RCGT soutient que « [l]e projet no 7 [était] clairement désigné comme un projet de vérification judiciaire dans la proposition et dans le c.v. » [traduction]. À cet égard, RCGT présume que TPSGC a considéré le projet no 7 comme une vérification des contributions plutôt qu'une vérification judiciaire en raison de la caractérisation suivante du projet dans la description sommaire de celui-ci figurant dans le curriculum vitæ de la ressource proposée comme associé/directeur général :

RHDCC nous a demandé d'effectuer des vérifications des contributions afin de déterminer si les montants versés à ces organisations étaient conformes aux modalités des divers accords et contrats de contribution. Nous avons examiné plusieurs centaines d'accords aux termes desquels des organisations ont reçu des versements de RHDCC au cours de la période visée par l'examen14.

[Nos italiques, traduction]

34. L'Énoncé des travaux, qui fait partie de l'invitation, est particulièrement utile pour établir le sens voulu du terme vérification judiciaire aux fins de la DP. Par exemple, il est indiqué que, contrairement aux vérifications internes dans le cadre desquelles « [...] il n'est pas présumé qu'il y a eu fraude ou d'autres actes illégaux commis envers la Couronne ou qu'il y a eu perte pécuniaire et dont le but de la vérification et du rapport subséquent est de fournir une garantie relativement à la gestion des risques, à la gouvernance et/ou aux contrôles » [traduction], lors de vérifications judiciaires « [...] il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a eu fraude ou d'autres actes illégaux commis envers la Couronne ou qu'il y a eu perte pécuniaire, et l'enquête vise à confirmer ou infirmer les allégations et à prendre des mesures de contrôle appropriées »15 [nos italiques, traduction].

35. Le Tribunal a déjà indiqué que le sens d'un terme, dans le contexte de son emploi dans une DP, doit se rapporter logiquement aux tâches et aux produits à livrer mentionnés dans l'Énoncé des travaux16. À cet égard, le fait qu'une vérification judiciaire, aux fins de la présente invitation, présuppose l'existence de motifs raisonnables de soupçonner une fraude ou d'autres actes illégaux est également appuyé par la description des principales tâches, à la section 6.0 de l'Énoncé des travaux17, qui concernent des actes illégaux. La section 6.0 prévoit ce qui suit :

  • En premier lieu, déterminer et délimiter les secteurs dans lesquels il peut y avoir eu détournement de fonds ou acte répréhensible et préparer les éléments de preuve et les recommandations nécessaires.

[...]

  • Examiner les dossiers financiers et non financiers accessibles et la documentation à l'appui afin de déterminer les secteurs qui requièrent une enquête plus approfondie (s'il y a lieu).

[...]

  • Déterminer s'il existe ou non des éléments de preuve suffisants pour :
    • renvoyer l'affaire à un organisme d'application de la loi à des fins d'enquête criminelle;
    • appuyer la prise de mesures disciplinaires;
    • transférer l'affaire à des avocats à des fins d'action civile;
    • recommander le recouvrement des fonds d'AADNC qui ont été mal utilisés et détournés;

[...]

Préparer un résumé de la version préliminaire du rapport d'enquête [...] qui renfermera des observations, des constatations, un sommaire des questions clés, une conclusion, des recommandations et les mesures à mettre en oeuvre afin d'éviter que des pertes pécuniaires, des actes répréhensibles et des infractions commis envers la Couronne ne se reproduisent.

[Nos italiques, traduction]

36. RCGT soutient que l'objectif précis de l'évaluation de la conformité aux modalités des accords de contribution dans le cadre du projet no 7 est de nature judiciaire. Cependant, rien n'indique dans la description du projet no 7 que les vérifications qui y sont décrites sont fondées sur l'existence de motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a eu fraude ou tout autre acte illégal commis envers la Couronne. En revanche, tous les autres projets admissibles à titre d'expérience que RCGT a énumérés dans sa soumission contenaient des précisions explicites confirmant leur nature ou leur teneur judiciaire respective. Plus particulièrement, tous ces projets concernaient clairement la prestation de services de vérification à la suite d'allégations précises de fraude ou de tout autre acte illégal commis envers la Couronne18.

37. Tel que l'a indiqué le Tribunal par le passé, la responsabilité de vérifier qu'une proposition est conforme à tous les éléments essentiels d'une invitation incombe en définitive au soumissionnaire19. Le Tribunal a également déjà souligné qu'il revient au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition pour s'assurer que celle-ci ne comporte aucune ambiguïté et que TPSGC sera en mesure de bien la comprendre20. Dans ce contexte, l'Énoncé des travaux, qui fait partie de l'invitation, prévoit que « [l]'expérience des ressources proposées doit être clairement indiquée en fournissant un résumé ou une description des projets sur lesquels elles ont travaillé [...] »21.

38. RCGT allègue que si TPSGC avait des doutes ou des préoccupations quant à la nature du projet, il pouvait demander des éclaircissements conformément à la section 5.30 du Guide des clauses et conditions uniformisées d'achat (CCUA), puisque ces éclaircissements n'auraient aucunement modifié son prix proposé ou quelque élément important que ce soit de sa soumission. RCGT affirme ce qui suit :

Nous maintenons qu'en cas de doute, TPSGC aurait pu demander des éclaircissements ou une vérification relativement au projet no 7, mais qu'il a décidé de ne pas le faire. Il s'agit d'une pratique autorisée en vertu du chapitre 5.30 du Guide des CCUA.

Les références du client auraient pu être fournies à la demande de TPSGC et/ou d'AADNC, ce qui aurait permis à TPSGC de confirmer que la mission avait été entreprise en raison de soupçons et de risques de fraude possible envers le gouvernement. Dans d'autres circonstances, TPSGC et/ou AADNC ont communiqué avec le soumissionnaire pour confirmer le lien avec la ressource proposée.

Nous sommes d'avis qu'une vérification indépendante des références auprès de l'organisation cliente n'aurait aucunement constitué une modification de la soumission étant donné que, premièrement, la nature de vérification judiciaire du travail était clairement démontrée dans la soumission, que, deuxièmement, la vérification n'aurait pas porté atteinte à l'intégrité et à l'objectivité du processus d'invitation à soumissionner et que, troisièmement, il s'agit d'une pratique courante en ce qui a trait aux invitations du gouvernement fédéral.

Si l'évaluateur avait effectué l'évaluation de manière raisonnable, la ressource proposée aurait été jugée conforme aux critères techniques obligatoires 1 et 3 et, par conséquent, aurait respecté le nombre minimum de mois d'expérience en vérification judiciaire [...]22.

[Traduction]

39. Cependant, et tel que l'a déjà indiqué le Tribunal dans des causes antérieures, « [...] bien qu'une entité acheteuse puisse, dans certaines circonstances, chercher à obtenir des éclaircissements sur un aspect particulier d'une proposition, elle n'est pas tenue de le faire »23; il incombe au soumissionnaire de s'assurer que sa proposition répond à toutes les exigences de l'invitation. D'ailleurs, le fait que le pouvoir de TPSGC de demander des éclaircissements soit discrétionnaire est explicitement indiqué dans le préambule de l'alinéa 5.30b) du Guide des CCUA24, qui prévoit ce qui suit :

Si TPSGC juge nécessaire d'obtenir [...] des éclaircissements [...], l'agent de négociation des contrats doit s'assurer qu'aucun des soumissionnaires n'est avantagé par rapport aux autres.

[Nos italiques]

40. Dans Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux25, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

51. [...] Le Tribunal interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable.

52. [...] Par le passé, le Tribunal a affirmé qu'il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d'un soumissionnaire, qu'ils aient donné une interprétation erronée de la portée d'une exigence, qu'ils n'aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu'ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l'évaluation n'ait pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure.

41. Plus récemment, dans Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l'Environnement26, le Tribunal a réitéré la position qu'il avait adoptée dans Northern Lights, confirmant qu'il interviendrait relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait « déraisonnable » et qu'il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que ceux-ci ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d'un soumissionnaire, qu'ils aient donné une interprétation erronée de la portée d'une exigence, qu'ils n'aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu'ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l'évaluation n'ait pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure27.

42. Dans BMT et NOTRA, le Tribunal a indiqué que la détermination de TPSGC serait jugée raisonnable si elle était fondée sur une explication défendable, même si elle n'était pas convaincante aux yeux du Tribunal28.

43. Tel qu'indiqué précédemment, il incombait à RCGT de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa soumission afin de s'assurer que celle-ci était conforme à tous les éléments essentiels de l'invitation, y compris le critère technique obligatoire 3 et, par extension, le critère technique obligatoire 1. Cependant, contrairement aux résumés fournis relativement aux autres projets énumérés dans le curriculum vitæ de l'associé/directeur général proposé (qui faisait partie de la soumission de RCGT), la description du projet no 7 n'indiquait pas que la vérification en question était fondée sur l'existence de motifs raisonnables de soupçonner une fraude ou tout autre acte illégal commis envers la Couronne.

44. L'objectif principal d'une vérification des contributions est de fournir des garanties relativement à la conformité d'un bénéficiaire aux modalités d'une entente de financement, tandis qu'une vérification judiciaire est fondée sur des motifs raisonnables de soupçonner une fraude ou tout autre acte illégal commis envers la Couronne et nécessite l'application de méthodes particulières en matière de juricomptabilité afin de recueillir et de présenter des éléments de preuve en vue de confirmer ou d'infirmer qu'un tel acte a eu lieu29. Bien qu'une vérification des contributions puisse donner lieu à des conclusions qui mènent ensuite à une vérification judiciaire, les deux types de vérification sont distincts30. À cet égard, même si le projet no 7 exigeait que la personne-ressource proposée « [...] décèle tout acte frauduleux, conflit d'intérêts et autres problèmes possibles [...] » [traduction], rien ne suggérait que cette tâche était fondée sur l'existence de soupçons raisonnables de fraude ou d'un autre acte illégal commis envers la Couronne. Cette tâche semblait plutôt être accessoire par rapport à la tâche principale du projet, qui consistait à « [...] effectuer des vérifications des contributions afin de déterminer si les montants versés à ces organisations étaient conformes aux modalités des divers accords et contrats de contribution » – une tâche qui est essentielle au contrôle budgétaire serré et à la bonne gouvernance et qui ne suppose pas l'existence d'une fraude ou d'un autre acte illégal commis envers la Couronne. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il n'était pas déraisonnable pour les évaluateurs de conclure que le projet no 7 ne constituait pas une « vérification judiciaire » au sens de ce terme dans l'Énoncé des travaux, mais plutôt une vérification des contributions.

45. Enfin, le Tribunal est d'avis que si les évaluateurs de TPSGC avaient permis à RCGT de fournir des renseignements supplémentaires afin d'établir le fait que le projet no 7 était une vérification judiciaire (plutôt qu'une vérification des contributions, ce qu'il semblait raisonnablement être à première vue), la limite séparant une demande d'éclaircissements et une modification de la soumission aurait été franchie. Le Tribunal a déjà conclu ce qui suit :

L'expression « modification de la soumission » [...] désigne un changement ou une modification à une soumission, soit par le soumissionnaire, soit par l'entité acheteuse, après la date limite de réception des soumissions31.

46. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal estime que l'évaluation de TPSGC selon laquelle le projet no 7 ne constituait pas une vérification judiciaire n'est pas déraisonnable. Il ne considère pas non plus déraisonnable la détermination subséquente de TPSGC selon laquelle la soumission de RCGT ne respectait pas les exigences du critère technique obligatoire 3 et, par déduction nécessaire, celles du critère technique obligatoire 1.

PwC

47. Pour évaluer la plainte de PwC, le Tribunal se penchera d'abord sur la note de zéro donnée à la soumission technique de PwC relativement au critère technique coté 1. Le Tribunal n'examinera l'évaluation de la soumission relativement au critère technique coté 2 que s'il détermine que la note de zéro accordée par rapport au critère technique coté 1 était déraisonnable, puisque la justification de cette note relativement au critère technique coté 1 empêcherait la soumission de PwC d'obtenir la note de passage de 240 points.

48. TPSGC a publié quatre modifications de la DP en réponse à des questions précises soulevées par les soumissionnaires. La réponse no 15 de la modification no 4, qui confirme qu'un rapport judiciaire définitif était exigé relativement au critère technique coté 1, est particulièrement pertinente :

Question no 15 : Bon nombre des missions judiciaires entreprises par AADNC concernant les Premières Nations suivent un processus, et une série de documents sont rédigés pour communiquer les résultats – souvent selon un modèle de document d'orientation initiale, suivi par un rapport sur les constatations présenté à AADNC, puis par un rapport présenté à la collectivité des Premières Nations. Chacune de ces communications s'appuie sur la communication précédente et [reflète] la capacité [du soumissionnaire] à communiquer avec le client et à adapter l'approche et la méthode. En ce qui concerne le critère technique coté 1, la Couronne serait-elle prête à examiner les trois communications clés se rapportant à une mission donnée préparées pour le client[?]

Réponse no 15 : [L]a Couronne n'exige que le rapport judiciaire définitif (et non les autres outils de communication).

[Nos italiques, traduction]

49. Le Tribunal constate que la réponse no 15 est conforme aux termes explicites du critère technique coté 1, qui, même s'il permet la présentation d'une version préliminaire, exige que ladite version préliminaire soit celle d'un rapport de vérification judiciaire « définitif ». Comme le fait remarquer KPMG LLP, l'indication fournie dans le critère technique coté 1, selon laquelle une « version préliminaire du rapport définitif » serait considérée conforme, « [...] précise clairement que tout ce qui ne constitue pas un rapport “définitif” (y compris un rapport préliminaire) ne sera pas jugé conforme »32 [traduction].

50. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal ne peut accepter la proposition selon laquelle l'expression « rapport de vérification judiciaire », dans le contexte de son emploi dans l'invitation, doit être « [...] définie au sens large afin d'inclure un rapport préparé après une des nombreuses étapes d'une vérification judiciaire » [traduction], comme le soutient PwC33. Le Tribunal est plutôt convaincu que c'est un rapport de vérification judiciaire définitif qui devait être fourni à titre d'exemple relativement au critère technique coté 1, bien que ce rapport pouvait être présenté dans un état préliminaire conformément aux termes explicites de ce critère.

51. Tel qu'indiqué précédemment, l'Énoncé des travaux, qui fait partie de l'invitation, explique que les vérifications judiciaires sont effectuées en raison de motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a eu fraude ou tout autre acte illégal commis envers la Couronne. La section 6.0 de l'Énoncé des travaux indique que l'enquête vise à confirmer ou infirmer les allégations et à prendre des mesures de suivi appropriées.

52. À cet égard, le Tribunal estime raisonnable la détermination de TPSGC selon laquelle le document prétendument conforme au critère technique coté 1 que PwC a présenté ne constituait pas un rapport de vérification judiciaire définitif qui était, aux termes de la section 8 de l'Énoncé des travaux, un produit à livrer dans le cadre de l'étape III. Le Tribunal accepte plutôt la conclusion de TPSGC selon laquelle le rapport que PwC a fourni à titre d'exemple était un produit à livrer à une étape antérieure, dont la nature visait à délimiter la vérification, qui n'aurait pas permis de tirer des conclusions définitives confirmant ou infirmant les allégations précises qui ont mené à la vérification ni de formuler des recommandations. Puisque le rapport que PwC a fourni à titre d'exemple ne respectaient ni l'une ni l'autre de ces exigences, il ne remplissait pas les conditions relatives aux produits à livrer à l'étape III, conformément à la section 8 de l'Énoncé des travaux.

53. D'ailleurs, le caractère délimitatif du document en cause, qui concerne surtout des mesures supplémentaires à prendre, est confirmé par l'énoncé des travaux relatif à la délimitation de la vérification, qui indique que la nature de celle-ci devait être prospective et prévisionnelle. Toutefois, les travaux supplémentaires n'ont jamais été entrepris, puisque la Couronne n'a pas approuvé le financement d'activités autres que celle de la délimitation initiale de la vérification elle-même. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que PwC n'a pas fourni de « rapport définitif » conformément à la DP.

54. Puisque PwC n'a pas fourni de rapport de vérification judiciaire définitif à titre d'exemple, la note de zéro accordée à sa soumission relativement au critère technique coté 1 était inévitable au regard des dispositions de l'invitation.

55. Plus particulièrement, la section 1.1.2 de la partie 4 de la DP prévoit qu'« [u]ne note de zéro sera attribuée aux critères techniques cotés qui n'auront pas été traités » [traduction]. Cet aspect est réitéré dans le système de notation figurant dans le tableau 1 de la section 1.1.2 de l'annexe 1 de la partie 4, qui prévoit ce qui suit :

Le système de notation ci-dessous (tableau 1) servira à évaluer les critères techniques cotés 1, 2, 3 et 4.

TABLEAU 1
0 L’information fournie ne répond pas aux critères. Le soumissionnaire obtient 0 p. 100 des points possibles pour cet élément.
[...]  

Pour les critères techniques cotés 1 et 2, le système de notation sera multiplié par deux.

[Traduction]

56. En ce qui concerne l'analyse qui précède, le Tribunal conclut que l'attribution d'une note de zéro à la soumission technique de PwC relativement au critère technique coté 1 n'était pas déraisonnable.

57. Pour ce qui est de l'affirmation de Deloitte LLP et de KPMG LLP selon laquelle l'argument subsidiaire de PwC est forclos en vertu de la loi, le Tribunal ne voit aucun problème relativement au respect des délais. Deloitte LLP et KPMG LLP affirment que PwC conteste les critères choisis dans la DP et, en particulier, l'exigence de fournir un rapport « définitif » de vérification judiciaire à titre d'exemple. Elles soutiennent que cet argument est forclos en vertu de la loi, puisque PwC était au courant de cette exigence lorsque TPSGC a publié la modification no 4 de la DP le 1er mars 2013. Deloitte LLP et KPMG LLP maintiennent donc que PwC aurait dû soulever ce motif de plainte dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle l'a découvert ou aurait dû vraisemblablement le découvrir, soit le 1er mars 2013.

58. À cet égard, le Tribunal est d'accord avec PwC sur ce qui suit :

La plainte de PwC ne concerne pas la manière dont les critères dans la DP ont été rédigés ou modifiés. PwC soutient que sa soumission a fait l'objet d'une évaluation déraisonnable en ce qui a trait à ces critères tels que rédigés et modifiés34.

[Traduction]

Puisque la plainte de PwC porte sur la manière dont les critères ont été appliqués à sa soumission et non sur les critères choisis eux-mêmes, le Tribunal conclut que la question du respect des délais n'est pas en cause.

59. Quoi qu'il en soit, la jurisprudence du Tribunal prévoit clairement qu'une institution fédérale a le droit de définir ses besoins opérationnels légitimes et d'y répondre. Cependant, même si une institution fédérale a le droit de définir les paramètres d'une DP, elle doit le faire d'une façon raisonnable, car elle n'est pas autorisée à établir des conditions impossibles à satisfaire35. Par conséquent, la prérogative de l'entité acheteuse dans la définition de ses besoins d'approvisionnement se trouve circonscrite par une exigence de caractère raisonnable36. En l'espèce, étant donné que les tâches de l'étape III figurant à la section 6.0 de l'Énoncé des travaux exigent explicitement, notamment, que les entrepreneurs retenus « [p]réparent [un] rapport d'enquête définitif » [traduction] et que la section 8.0 inclut expressément le « [r]apport définitif » [traduction] à titre de produit à livrer de l'étape III (de manière distincte, par exemple, des « [d]ocuments de travail » [traduction]), le Tribunal estime raisonnable la demande d'un rapport de vérification judiciaire définitif. À cet égard, et tel que l'a indiqué Deloitte LLP, « [s]eul un rapport de vérification judiciaire définitif exige qu'un vérificateur adopte par écrit une position définitive et claire relativement à la question difficile de déterminer s'il y a eu fraude ou détournement de fonds »37 [traduction].

60. Étant donné cette conclusion, et pour les raisons expliquées ci-dessus, le Tribunal estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner l'évaluation de la soumission technique de PwC relativement au critère technique coté 2.

FRAIS

61. Ayant conclu que les plaintes ne sont pas fondées, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre aux plaintes. Pour décider du montant de l'indemnisation en l'espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l'évaluation du degré de complexité d'une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

62. Selon l'avis provisoire du Tribunal, les présentes plaintes ont un niveau de complexité qui se situe entre le premier et le deuxième niveau mentionné à l'annexe A de la Ligne directrice. La complexité du marché public était faible, puisqu'il concernait la prestation de services d'évaluation judiciaire. De même, les plaintes n'étaient pas complexes, car elles ne traitaient essentiellement que d'une seule question, c'est-à-dire celle de savoir si TPSGC avait correctement déterminé que les propositions de RCGT et de PwC n'étaient pas conformes aux exigences obligatoires de la DP, qui soulevait des questions d'interprétation plutôt directes des exigences de l'invitation.

63. En ce qui concerne la complexité de la procédure, le Tribunal conclut que celle-ci était quelque peu compliquée en raison de la requête que PwC a déposée. Des cycles supplémentaires de présentation d'exposés par les parties ont été nécessaires afin de traiter adéquatement les demandes que PwC a présentées dans sa requête. En outre, le Tribunal fait remarquer que la requête de PwC a été rejetée. Par conséquent, il conclut que la complexité de la procédure, en ce qui a trait à PwC en particulier, était légèrement supérieure.

64. Par conséquent, les indications provisoires des montants des indemnisations données par le Tribunal sont de 500 $ à payer par RCGT et de 1 000 $ à payer par PwC.

DÉCISION

65. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que les plaintes ne sont pas fondées.

66. Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre aux plaintes, ces frais devant être payés par RCGT et par PwC. Conformément à la Ligne directrice, l'indication provisoire du degré de complexité des plaintes se situe entre le degré 1 et le degré 2. Par conséquent, l'indication provisoire du montant de l'indemnisation à TPSGC donnée par le Tribunal se chiffre à 1 500 $. De ce montant, 500 $ sont à payer par RCGT et 1 000 $ par PwC, puisque la plainte déposée par PwC était d'une complexité accrue en raison de la requête qu'elle a présentée. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait aux indications provisoires des degrés de complexité ou aux indications provisoires des montants des indemnisations, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l'article 4.2 de la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer les montants définitifs des indemnisations.


1 . L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 [Lois sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./91-499.

3 . Pièce PR-2013-005-055 à la p. 1.

4 . Pièce PR-2013-005-057 à la p. 2.

5 . Pièce PR-2013-005-054 à la p. 1.

6 . Plus particulièrement, RCGT soutenait que, puisque TPSGC avait commis des erreurs d'évaluation, RCGT et PwC devaient bénéficier d'une divulgation complète des notes accordées par les évaluateurs afin de déterminer quelles autres erreurs avaient été commises lors de l'évaluation des soumissions. Voir pièce PR-2013-005-052 à la p. 5.

7 . Pièce PR-2013-005-23 à l'onglet 1; pièce PR-2013-008-14 à l'onglet 1.

8 . Ibid.

9 . Ibid.

10 . Ibid.

11 . Ibid.

12 . Pièce PR-2013-005-01C aux pp. 1-2.

13 . Pièce PR-2013-005-23 à l'onglet 1.

14 . Pièce PR-2013-005-001.

15 . Pièce PR-2013-005-23 à l'onglet 1. Plus particulièrement, voir le sous-alinéa 5.0(i) de l'Énoncé des travaux. À cet égard, l'Énoncé des travaux est conforme à l'avis de l'Institut Canadien des Comptables Agréés selon lequel les « missions de juricomptabilité » « [...] concernent des litiges existants ou anticipés. Ces missions portent sur des risques, des soupçons ou des allégations de fraude, ou d'autres comportements illégaux ou contraires à l'éthique. » Il est aussi conforme à la définition suivante du terme « forensic accounting » (juricomptabilité) tirée du Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. : « [...] mise en oeuvre de compétences en comptabilité afin d'enquêter sur une fraude, un détournement de fonds, etc., et de préparer une analyse de l'information financière qui sera utilisée dans une procédure judiciaire » [traduction].

16 . Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) [BMT et NOTRA] au par. 28.

17 . Pièce PR-2013-005-23 à l'onglet 1. Plus particulièrement, voir les étapes I, II et III de la section 6.0 de l'Énoncé des travaux.

18 . Pièce PR-2013-005-01A.

19 . Voir, par exemple, ADRM Technology Consulting Group Corp./Randstad Intérim Inc. (26 avril 2012), PR-2012-002 (TCCE) [ADRM] au par. 22; Cauffiel Technologies Corporation (5 avril 2011), PR-2010-094 (TCCE) au par. 11; Trans-Sol Aviation Service Inc. (1er mai 2008), PR-2008-010 (TCCE) au par. 11.

20 . Voir par exemple ADRM au par. 22; BRC Business Enterprises Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (27 septembre 2010), PR-2010-012 (TCCE) au par. 51.

21 . Pièce PR-2013-005-23 à l'onglet 1; pièce PR-2013-008-14 à l'onglet 1.

22 . Pièce PR-2013-005-052 à la p. 4.

23 . Voir par exemple Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée (25 août 2011), PR-2011-024 (TCCE) au par. 21; Marathon Watch Company Ltd. (19 mai 2010), PR-2010-011 (TCCE) au par. 16; Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE) au par. 13; IBM Canada Limitée, PricewaterhouseCoopers LLP et le Centre for Trade Policy and Law à l'Université Carleton (10 avril 2003), PR-2002-040 (TCCE) à la p. 15.

24 . Conformément à la section 1 de la partie 2 de la DP, les dispositions du Guide des CCUA sont incorporées par renvoi dans la présente DP.

25 . (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) [Northern Lights] aux par. 51, 52.

26 . (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) [Excel].

27 . Excel au par. 33.

28 . BMT et NOTRA au par. 25. Voir aussi C3 Polymeric Limited c. Musée des beaux-arts du Canada (14 février 2013), PR-2012-020 (TCCE) au par. 38; Pelican Products, Inc. (Canada) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (17 octobre 2006), PR-2006-019 (TCCE) au par. 19.

29 . Pièce PR-2013-005-044 au par. 17.

30 . Ibid.

31 . Secure Computing LLC c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 octobre 2012), PR-2012-006 (TCCE) au par. 55.

32 . Exposé non confidentiel de KPMG LLP daté du 6 septembre 2013 au par. 21.

33 . Pièce PR-2013-008-001 au par. 9.

34 . Pièce PR-2013-005-057 au par. 6.

35 . Voir par exemple Daigen Communications (23 août 2011), PR-2011-021 (TCCE) au par. 15; Forrest Green Management Corp. c. Agence des services frontaliers du Canada (12 août 2010), PR-2009-154 (TCCE) au par. 44; MTS Allstream Inc., Call-Net Enterprises Inc. et TELUS Communications Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 août 2005), PR-2004-061 (TCCE) au par. 67.

36 . Voir par exemple Daigen Communications au par. 15; Global Upholstery Co. Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (6 juillet 2009), PR-2008-052 (TCCE) au par. 10.

37 . Pièce PR-2013-005-042 au par. 41.