PRINTERSPLUS, UNE DIVISION DE 1135379 ONTARIO LTD.


PRINTERSPLUS, UNE DIVISION DE 1135379 ONTARIO LTD.
Dossier no PR-2013-015

Décision prise
le mercredi 18 septembre 2013

Décision rendue
le vendredi 20 septembre 2013

Motifs rendus
le mardi 1er octobre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47.

PAR

PRINTERSPLUS, UNE DIVISION DE 1135379 ONTARIO LTD.

CONTRE

L'AGENCE DU REVENU DU CANADA

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s'il y a lieu d'enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no 1000310597) passé par l'Agence du revenu du Canada (ARC) pour la fourniture et l'installation de photocopieurs au Canada et pour la prestation de services connexes.

3. PrintersPlus, une division de 1135379 Ontario Ltd. (PrintersPlus), allègue que le contrat a été adjugé à tort à un soumissionnaire offrant des produits et services qui ne respectent pas les exigences obligatoires de l'invitation à soumissionner. À titre de mesure corrective, PrintersPlus demande à l'ARC de préciser comment elle a exercé une diligence raisonnable dans l'évaluation des soumissions avant l'adjudication du contrat au soumissionnaire retenu.

CONTEXTE DE LA PLAINTE

4. Le 8 mars 2013, l'ARC a publié une demande de propositions (DP), dont la date de clôture était le 23 avril 2013, pour la fourniture et l'installation de photocopieurs au Canada et pour la prestation de services connexes.

5. Le 24 juin 2013, PrintersPlus, qui avait fondé sa proposition sur la fourniture de produits et de services de Ricoh, a envoyé un courriel à l'ARC, dans lequel elle indiquait ce qui suit :

J'ai entendu une rumeur selon laquelle Kyocera a remporté la DP. Lorsque j'ai informé Ricoh [...] de cette rumeur, elle m'a dit être très préoccupée par la conformité de Kyocera aux conditions de l'appel d'offres [...]. Je me demande quand nous aurons l'occasion d'exprimer ces préoccupations.

Pourriez-vous mettre fin à cette rumeur et répondre à ma question?

[Traduction]

6. Le 26 juin 2013, l'ARC a répondu ce qui suit :

Le processus d'appel d'offres n'est pas achevé. Les réunions de compte rendu auront lieu lorsque le processus d'appel d'offres sera achevé, conformément à l'article 2.12 de la DP.

[Traduction]

7. Le 22 août 2013, l'ARC a informé PrintersPlus qu'un contrat avait été adjugé à 4 Office Automation Ltd. (4 Office Automation). Selon PrintersPlus, 4 Office Automation avait fondé sa proposition sur la fourniture de produits et de services de Kyocera.

8. Le 27 août 2013, PrintersPlus a envoyé un courriel à l'ARC pour lui demander un compte rendu en personne à l'égard du processus et de l'adjudication du contrat.

9. Le 10 septembre 2013, PrintersPlus a rencontré l'ARC et a soulevé son assertion concernant l'incapacité des produits et services de Kyocera de respecter les exigences énoncées dans la DP. L'ARC a répondu qu'elle ne pouvait divulguer les détails de la soumission retenue. En outre, PrintersPlus a posé des questions à l'ARC relativement à l'évaluation des soumissions, auxquelles l'ARC a répondu que deux soumissions — celles de 4 Office Automation et de PrintersPlus — respectaient les exigences obligatoires de la DP et que, par conséquent, le soumissionnaire retenu avait été choisi en fonction de la soumission financière la moins-disante.

10. Le 11 septembre 2013, PrintersPlus a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

11. Le 12 septembre 2013, le Tribunal a demandé à PrintersPlus des renseignements supplémentaires étant donné que la plainte était jugée non conforme, puisqu'elle ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE.

12. Le 13 septembre 2013, PrintersPlus a déposé les renseignements demandés auprès du Tribunal. Conformément au paragraphe 96(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3, la plainte a donc été considérée avoir été déposée le 13 septembre 20134.

ANALYSE

13. À titre de question préliminaire, le Tribunal remarque que si aucune opposition n'est présentée à l'institution fédérale concernée au sujet d'un motif de plainte, le délai pour déposer une plainte auprès du Tribunal est fixé par le paragraphe 6(1) du Règlement5. Si une opposition est présentée à l'institution fédérale concernée au sujet de ce motif de plainte et qu'elle est rejetée, le délai pour déposer une plainte est fixé par le paragraphe 6(2)6. Par conséquent, pour savoir si le paragraphe 6(1) ou 6(2) s'applique quant à une plainte, il faut d'abord déterminer si une opposition a été présentée ou non à l'institution fédérale concernée.

14. PrintersPlus affirme que son courriel daté du 27 août 2013 constitue une opposition présentée à l'autorité contractante. Cependant, le Tribunal n'est pas du tout convaincu que PrintersPlus a vraiment présenté une opposition. Cette question doit être examinée puisque, selon qu'une opposition est présentée ou non concernant un motif de plainte, le délai pour déposer une plainte auprès du Tribunal à l'égard de ce motif de plainte différera.

15. Dans Cougar Aviation Limited7, le Tribunal a examiné la question de savoir si une opposition respecte ou non les délais prescrits. Le Tribunal a conclu que la partie plaignante dans cette affaire n'avait pas respecté les délais pour présenter une opposition, en dépit du fait qu'elle avait écrit une lettre d'opposition au ministère fédéral acheteur, puisque la question constituant le fond de la plainte n'était pas soulevée dans cette lettre. Confirmant la conclusion du Tribunal dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour d'appel fédérale, dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux)8, a indiqué que « [p]our que la procédure informelle de règlement des plaintes soit efficace, l'opposition doit être formulée avec suffisamment de précision pour permettre au Ministère d'y donner suite »9.

16. Le Tribunal a employé un raisonnement semblable dans Valcom Consulting Group Inc.10. Comme dans la présente plainte, la partie plaignante dans cette affaire avait écrit au ministère fédéral acheteur pour lui demander un compte rendu détaillé sur les résultats de la demande de soumissions. Elle a par la suite tenté de qualifier cette communication d'opposition. Le Tribunal a indiqué que, « [e]n droit, une lettre adressée à une autorité contractante ne peut être considérée comme une opposition qu'en ce qui concerne les aspects de la procédure de passation du marché qu'elle mentionne expressément »11.

17. Par conséquent, il ressort clairement de la jurisprudence que ce ne sont pas toutes les communications indiquant une certaine forme de mécontentement qui rendent applicable le paragraphe 6(2) du Règlement et qui constituent une opposition au sujet d'une plainte. Pour que ce paragraphe s'applique aux fins d'une plainte déposée par la suite, la communication doit désigner de façon suffisamment précise la question en litige, et cette question doit constituer le fond de la plainte déposée par la suite auprès du Tribunal en raison d'un refus de réparation.

18. Le Tribunal conclut que le courriel que PrintersPlus a envoyé à l'ARC le 27 août 2013, dans lequel elle demandait un compte rendu en personne, ne peut être interprété comme une opposition concernant la conformité de 4 Office Automation aux conditions de la DP, puisque cette question ne figurait pas dans le courriel. Le Tribunal a abordé ce sujet dans Valcom : « En l'espèce, les courriels datés du 25 mars et du 2 avril démontrent que [la partie plaignante] a simplement demandé un compte rendu sur l'issue du processus de demande de soumissions. Aucun des deux courriels ne soulève explicitement l'allégation de [la partie plaignante] selon laquelle le processus d'évaluation se soit déroulé de façon injuste ou ait été entaché d'irrégularités, ni ne demande la réévaluation de sa proposition. Ces questions n'ont été soulevées que dans la plainte que [la partie plaignante] a déposée auprès du Tribunal. En d'autres termes, la plainte de [la partie plaignante] comprend un motif de plainte qui n'était pas l'objet des courriels qu'elle a envoyés à TPSGC »12.

19. Par conséquent, le Tribunal conclut que le courriel de PrintersPlus daté du 27 août 2013 n'était qu'une simple demande de compte rendu.

20. L'absence d'une opposition exclut le paragraphe 6(2) du Règlement et rend applicable le délai prescrit au paragraphe 6(1). Le Tribunal est d'avis que, puisque l'ARC a informé PrintersPlus le 22 août 2013 de l'adjudication du contrat à 4 Office Automation, cette date est celle où les faits à l'origine de la plainte ont été découverts. À cet égard, PrintersPlus a confirmé dans le courriel qu'elle a envoyé au Tribunal le 13 septembre 2013 qu'elle savait que 4 Office Automation offrait les produits de Kyocera dans sa soumission et qu'elle connaissait donc les faits à l'origine de sa plainte le 22 août 2013. Par conséquent, la plainte que PrintersPlus a déposée auprès du Tribunal le 13 septembre 2013, par application du paragraphe 96(1) des Règles, l'a été au-delà du délai prescrit au paragraphe 6(1) du Règlement13.

21. La plainte serait également prescrite par la loi si le Tribunal déterminait que PrintersPlus a présenté une opposition verbale à l'ARC concernant son motif de plainte au cours de la réunion de compte rendu qui a eu lieu le 10 septembre 2013. Aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement, pour être valide, une opposition doit être présentée dans les 10 jours ouvrables suivant la date où le fournisseur potentiel a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de son opposition. Cependant, le 10 septembre 2013 se situe 12 jours ouvrables après le 22 août 2013.

22. Il est à noter que le Tribunal ne peut accepter le courriel que PrintersPlus a envoyé à l'ARC le 24 juin 2013, dans lequel elle demandait une occasion d'exprimer des préoccupations quant à « [...] la conformité de Kyocera aux conditions de l'appel d'offres [...] » [traduction], en tant qu'opposition pertinente à sa plainte. Cela s'explique par le fait que le courriel était fondé sur une rumeur. Dans TPG Technology Consulting Ltd. c. Canada (Travaux publics et des Services gouvernementaux)14, la Cour d'appel fédérale avait des raisons de considérer la viabilité d'une rumeur comme le point de départ des délais prescrits à l'article 6 du Règlement. La Cour d'appel fédérale a indiqué que « [l]e Tribunal devait se demander dès le départ si le genre de renseignements déposé[s] par la plaignante mentionnaient qu'un système équitable et transparent, dans l'esprit du chapitre dix de l'ALENA [...], se déroulait. Dans les circonstances de l'espèce, contrairement à l'alinéa 30.11(2)c) de la Loi, le Tribunal ne disposait d'aucun fondement factuel qui lui aurait permis de déterminer le point de départ du délai de prescription. [...] En fin de compte, il ne pouvait que refuser de traiter la plainte au motif qu'elle était prématurée compte tenu qu'il n'y avait eu aucune annonce de la part de TPSGC »15.

23. Par conséquent, pour confirmer le principe très important de la procédure de passation des marchés publics qui concerne la transparence et l'équité, le Tribunal ne peut considérer le point de départ des délais prescrits par la loi en se fondant sur des rumeurs, des spéculations ou des informations de seconde main. Autre exemple de la mesure dans laquelle cette approche serait irréalisable : pour que le point de départ du délai prescrit puisse être vérifié, le Tribunal devrait enquêter sur le moment où PrintersPlus a pris connaissance de la rumeur sur laquelle elle a fondé son courriel.

24. Le Tribunal conclut qu'une plainte fondée sur les inquiétudes soulevées dans le courriel daté de juin 2013 ne peut qu'être déclarée prématurée, puisqu'elle serait fondée sur une rumeur plutôt que sur une correspondance réelle de la part de l'institution fédérale concernée. La correspondance de l'ARC informant PrintersPlus de l'adjudication du contrat constitue donc le seul fondement factuel sur lequel la plainte de PrintersPlus peut être fondée.

25. Quoi qu'il en soit, si le courriel de PrintersPlus daté de juin 2013 était fondé sur une correspondance reçue plutôt que sur une rumeur et si le Tribunal avait reçu suffisamment de renseignements pour tirer la conclusion selon laquelle PrintersPlus a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits dans les 10 jours ouvrables suivant ce courriel, la plainte subséquente demeurerait prescrite par la loi. Cela s'explique par le fait que la conclusion qui doit être tirée aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement est celle selon laquelle la correspondance que l'ARC a envoyée à PrintersPlus pour l'informer de l'adjudication du contrat constitue un refus de réparation, et PrintersPlus a déposé sa plainte auprès du Tribunal plus de 10 jours ouvrables après avoir reçu la correspondance.

26. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n'enquêtera pas sur la plainte.

DÉCISION

27. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

4 . Le paragraphe 96(1) des Règles prévoit ce qui suit : « La plainte est considérée avoir été déposée : a) soit à la date où le Tribunal la reçoit; b) soit, dans le cas d'une plainte non conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi, à la date à laquelle le Tribunal reçoit les renseignements relatifs aux points à corriger pour rendre la plainte conforme à ce paragraphe » [nos italiques].

5 . Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel doit déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte. »

6 . Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que « [l]e fournisseur potentiel qui a présenté à l'institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l'institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s'il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de l'opposition. »

7 . (7 juin 1999), PR-98-040 (TCCE).

8 . 2000 CanLII 16572 (CAF) [Cougar].

9 . Cougar au para 74.

10 . (8 avril 2013), PR-2013-001 (TCCE) [Valcom].

11 . Valcom au para.16.

12 . Valcom au para.16.

13 . Il est à noter que la plainte serait encore prescrite par la loi même si elle était considérée avoir été déposée le 11 septembre 2013, puisque cette date se situe 13 jours ouvrables après le 22 août 2013.

14 . 2007 CAF 291 (CanLII) [TPG].

15 . TPG aux para. 39, 41.