ACCESS CORPORATE TECHNOLOGIES INC.


ACCESS CORPORATE TECHNOLOGIES INC.
c.
MINISTÈRE DES TRANSPORTS
Dossier no PR-2013-012

Décision et motifs rendus
le jeudi 14 novembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Access Corporate Technologies Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

ACCESS CORPORATE TECHNOLOGIES INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée. Chaque partie assumera ses propres frais en l'espèce.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Laura Little

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Partie plaignante : Access Corporate Technologies Inc.

Institution fédérale : ministère des Transports

Conseiller juridique pour l'institution fédérale : Brian Harvey

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

1. Le 27 août 2013, Access Corporate Technologies Inc. (ACT) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1.

2. La plainte porte sur un marché public passé par le ministère des Transports (Transports Canada) (invitation no T8080-130016) pour la prestation de services professionnels spécialisés à l'appui des priorités clés de la Direction générale de la sécurité maritime et de la Direction générale de la sûreté maritime, y compris les services d'un expert-conseil en ressources humaines, de deux experts-conseils en conception de la classification et en conception organisationnelle et de deux experts-conseils en gestion du changement.

3. ACT allègue que Transports Canada a adjugé le contrat à tort à un autre soumissionnaire, dont la proposition ne respectait pas les exigences obligatoires de l'invitation. Plus précisément, ACT allègue que la ressource proposée par le soumissionnaire retenu pour le poste d'expert-conseil en ressources humaines ne respectait pas l'exigence technique obligatoire en matière d'expérience de gestion de projets, comme le prévoit la demande de propositions (DP), ce qui aurait dû, à son avis, rendre l'offre non conforme sur le plan technique.

4. À titre de mesure corrective, ACT demande la réévaluation de la proposition du soumissionnaire retenu, la validation de l'expérience de la ressource proposée en question et le report de l'adjudication du contrat.

5. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n'est pas fondée.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. Le 17 juin 2013, un avis de projet de marché a été publié sur MERX2, qui a été modifié le 3 juillet 2013. La DP a été émise par Transports Canada en vertu d'un arrangement en matière d'approvisionnement portant sur les Services professionnels centrés sur les tâches et les solutions.

7. La date de clôture pour la remise des soumissions, prévue à l'origine pour le 11 juillet 2013, a été reportée au 16 juillet 2013. Selon Transports Canada, trois soumissions ont été reçues à la date de clôture modifiée, dont une d'ACT et une de The Associates Group (TAG).

8. Le 1er août 2013, Transports Canada a avisé ACT que sa proposition n'avait pas été retenue et que le contrat avait été adjugé à TAG.

9. ACT allègue que, le 8 août 2013, la ressource qu'elle proposait pour un des postes d'expert-conseil en conception de la classification et en conception organisationnelle lui a dit avoir également été inclus dans la soumission retenue de TAG pour le poste d'expert-conseil en ressources humaines3.

10. Le 9 août 2013, ACT a écrit à Transports Canada pour lui demander un compte rendu afin de répondre aux préoccupations d'ACT à la lumière des nouveaux renseignements reçus.

11. Le 22 août 2013, Transports Canada a tenu une réunion de compte rendu lors de laquelle ACT s'est opposée à l'adjudication du contrat au motif que la ressource proposée par TAG pour le poste d'expert-conseil en ressources humaines ne respectait pas l'exigence technique obligatoire TO2.2 parce qu'elle n'avait pas l'expérience exigée en gestion de projets. Le jour suivant, ACT a confirmé son opposition par écrit dans une lettre à Transports Canada.

12. Le 27 août 2013, Transports Canada a répondu par courriel à la lettre d'opposition d'ACT, indiquant qu'un examen interne avait confirmé l'évaluation initiale de la proposition de TAG par le comité d'évaluation et que, par conséquent, il conserverait le contrat actuel avec TAG.

13. Le 27 août 2013, ACT a déposé la présente plainte auprès du Tribunal. Le 30 août 2013, le Tribunal a avisé ACT que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires pour que le dossier de la plainte soit complet. Le 30 août 2013, ACT a fourni ces renseignements supplémentaires au Tribunal4.

PROCÉDURE DE PLAINTE

14. Le 5 septembre 2013, aux termes du paragraphe 30.13(2) de la Loi sur le TCCE et de l'article 101 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur,5 le Tribunal a informé les parties qu'il avait décidé le 4 septembre 2013 d'enquêter sur la plainte puisqu'elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement. Le Tribunal a également informé les parties qu'il n'ordonnerait pas le report de l'adjudication du contrat parce que les éléments de preuve au dossier indiquaient que le contrat avait déjà été attribué.

15. Le 13 septembre 2013, Transports Canada a accusé réception de la plainte et informé le Tribunal que le contrat avait été attribué à TAG.

16. Le 18 septembre 2013, Transports Canada a demandé une prolongation de 15 jours du délai de dépôt d'un rapport de l'institution fédérale (RIF). Le Tribunal a accordé une prolongation de délai de cinq jours ouvrables.

17. Le 2 octobre 2013, Transports Canada a déposé un RIF auprès du Tribunal conformément à l'article 103 des Règles.

18. Le 15 octobre 2013, aux termes du paragraphe 104(1) des Règles, ACT a déposé ses commentaires sur le RIF.

19. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

20. La DP renfermait les dispositions générales suivantes à l'égard de la préparation des offres techniques, des procédures d'évaluation et des attestations :

PARTIE 3 – INSTRUCTIONS POUR LA PRÉPARATION DES SOUMISSIONS

[...]

Section I : Soumission technique

Dans leur soumission technique, les soumissionnaires doivent démontrer leur compréhension des exigences contenues dans la demande de soumissions et expliquer comment ils répondront à ces exigences. Les soumissionnaires doivent démontrer leur capacité d'accomplir le travail et décrire de façon exhaustive, concise et claire comment ils s'y prendront.

[...]

Curriculum vitæ des ressources proposées : Sauf indication contraire dans la DP, la soumission technique doit comprendre le curriculum vitæ de chaque expert-conseil proposé démontrant que chacune des exigences décrites dans la grille de l'Annexe A de l'arrangement en matière d'approvisionnement (incluant les exigences en matière d'éducation, d'expérience de travail et d'attestation professionnelle) est respectée. [...]

[...]

Section III : Attestations

Les soumissionnaires doivent inclure les attestations exigées à la partie 5.

[...]

PARTIE 4 – PROCÉDURES D'ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

1. Procédures d'évaluation

a) Les soumissions seront évaluées par rapport à l'ensemble des exigences de la demande de soumissions, incluant les critères d'évaluation technique.

[...]

2.1 Méthode de sélection – Note combinée la plus élevée pour le mérite technique 70 p. 100 et le prix 30 p. 100

2.1.1 Pour être déclarée recevable, une soumission doit :

a) respecter toutes les exigences de la demande de soumissions;

b) satisfaire à tous les critères d'évaluation obligatoire;

c) obtenir le nombre de points minimums requis précisés dans la pièce jointe 1 de la partie 4 pour les critères techniques cotés.

2.1.2 Les soumissions ne répondant pas aux exigences de a) ou b) ou c) seront déclarées non recevables. La soumission recevable ayant obtenu le plus de points ou celle dont le prix évalué est le plus bas ne seront pas nécessairement acceptées.

[...]

PARTIE 5 – ATTESTATIONS

Pour qu'un contrat leur soit attribué, les soumissionnaires doivent fournir les attestations exigées et la documentation connexe. Le Canada déclarera une soumission non recevable si les attestations exigées et la documentation connexe ne sont pas remplies et fournies comme demandé. Les soumissionnaires doivent inclure les attestations exigées et la documentation connexe dans la section III de leur soumission.

Le Canada pourra vérifier l'authenticité des attestations fournies par les soumissionnaires pendant la période d'évaluation des soumissions (avant l'attribution d'un contrat) et après l'attribution du contrat. L'autorité contractante aura le droit de demander des renseignements supplémentaires pour s'assurer que les soumissionnaires respectent les attestations avant l'attribution d'un contrat. La soumission sera déclarée non recevable s'il est constaté que le soumissionnaire a fait de fausses déclarations, sciemment ou non. Le défaut de respecter les attestations ou de donner suite à la demande de renseignements supplémentaires de l'autorité contractante aura pour conséquence que la soumission sera déclarée non recevable.

[...]

PIÈCE JOINTE 1 DE LA PARTIE 5

ATTESTATIONS QUI DOIVENT ACCOMPAGNER L'OFFRE

[...]

1.4 Études et expérience

Le soumissionnaire atteste qu'il a vérifié tous les renseignements fournis dans les curriculum vitæ et les documents à l'appui présentés avec sa soumission, plus particulièrement les renseignements relatifs aux études, aux réalisations, à l'expérience et aux antécédents professionnels, et que ceux-ci sont exacts. En outre, le soumissionnaire garantit que chaque individu qu'il a proposé est en mesure d'exécuter les travaux prévus dans le contrat éventuel.

Attestation

En déposant une soumission, le soumissionnaire atteste que les informations fournies par le soumissionnaire pour répondre aux exigences prévues ci-dessus sont exactes et complètes.

[Traduction]

21. Les critères obligatoires d'évaluation technique prévus dans la DP, y compris l'appendice no 7, prévoient ce qui suit :

PIÈCE JOINTE 1 DE LA PARTIE 4

CRITÈRES TECHNIQUES OBLIGATOIRES

1.1.1 Critères techniques obligatoires

La soumission doit satisfaire aux critères techniques spécifiés ci-dessous. Le soumissionnaire doit fournir les documents d'appui nécessaire pour satisfaire à chaque critère.

Les soumissions qui ne satisferont pas aux critères techniques obligatoires seront jugées irrecevables. Chaque critère obligatoire doit être traité séparément.

[...]

Pour les fins des critères techniques obligatoires précisés ci-dessous, il sera tenu compte de l'expérience du soumissionnaire.

[...]

TO1- Le soumissionnaire

[...]

TO1.1 PropositionRessources proposées

Le soumissionnaire DOIT nommer et fournir le curriculum vitæ (CV) détaillé de :

a) un (1) expert-conseil en ressources humaines

b) un (1) expert-conseil en gestion du changement

c) deux (2) experts-conseils en conception de la classification et en conception organisationnelle

Le soumissionnaire a l'entière responsabilité de s'assurer que les CV qu'il soumet sont suffisamment détaillés pour permettre une évaluation complète des ressources proposées. Le défaut de fournir des renseignements suffisants peut rendre la soumission irrecevable, et la proposition ne fera pas dans ce cas l'objet d'une évaluation plus poussée.

[...]

TO2 – Ressources proposées par le soumissionnaire – EXPERT-CONSEIL EN RESSOURCES HUMAINES – Niveau 3

[...]

TO2.2 Le soumissionnaire DOIT fournir un profil démontrant l'expérience en gestion de projets de l'expert-conseil en ressources humaines (min. 10 ans d'expérience – consécutifs ou cumulatifs – au cours des 15 dernières années). [...]

[Traduction]

POSITION DES PARTIES

ACT

22. ACT allègue que la ressource proposée par TAG pour le poste d'expert-conseil en ressources humaines ne disposait pas du minimum de 10 ans d'expérience en gestion de projets et que, par conséquent, il ne pouvait pas respecter l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP. Cette exigence particulière prévoit que la ressource doit avoir au moins 10 ans d'expérience en gestion de projets (consécutifs ou cumulatifs) au cours des 15 dernières années.

23. Selon ACT, celle-ci avait au départ envisagé de proposer la même personne comme expert-conseil en ressources humaines dans sa propre proposition, mais qu'une vérification des références avait révélé que cette personne ne disposait pas du niveau d'expérience en gestion de projets nécessaire pour être retenu pour ce poste. Au soutien de son allégation, ACT a fourni un résumé de sa vérification des références (daté du « 8 juillet »), lequel indique que la ressource en question n'avait que 28 mois (ou 4,8 années) d'expérience pertinente en gestion de projets. En conséquence, ACT a décidé de le proposer plutôt pour un des postes d'expert-conseil en conception de la classification et en conception organisationnelle.

24. ACT soutient que Transports Canada n'a pas appliqué correctement les exigences techniques obligatoires de la DP lors de son évaluation de la proposition de TAG. Elle allègue aussi que Transports Canada aurait dû réévaluer la proposition de TAG, y compris en vérifiant l'expérience en gestion de projets de la ressource proposée, à la lumière des préoccupations soulevées par ACT à la suite de l'adjudication du contrat.

Transports Canada

25. Dans le RIF, Transports Canada soutient que la plainte n'est pas fondée. En vertu des dispositions de la DP, il affirme avoir le droit de se fier à l'attestation de TAG selon laquelle les renseignements soumis à l'égard de l'expérience de la ressource proposée sont exacts et complets. Il renvoie au fait que la DP ne précise pas que des vérifications de références seront réalisées et qu'elle n'oblige pas Transports Canada à vérifier par ailleurs les renseignements soumis dans la proposition d'un soumissionnaire.

26. Outre que Transports Canada soutienne n'avoir aucune obligation de vérifier la validité des attestations contenues dans la proposition de TAG, il soutient également que ses évaluateurs n'ont trouvé aucun élément les amenant à exercer leur droit de faire une vérification. De plus, puisque ACT n'a soulevé ses préoccupations relatives au non-respect allégué de l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP par TAG qu'après que le contrat eut été attribué, même si Transports Canada avait décidé qu'une vérification était nécessaire, il s'agirait d'une question d'administration des contrats échappant à la compétence du Tribunal.

Réplique d'ACT

27. Dans ses commentaires sur le RIF, ACT soutient qu'avant même qu'elle ait présenté son opposition, Transports Canada avait des raisons de douter de la véracité de l'expérience en gestion de projets de la ressource proposée, telle que présentée dans la proposition de TAG, puisque la même ressource avait été proposée par ACT pour un autre poste n'exigeant pas la même expérience. De l'avis d'ACT, Transports Canada aurait dû vérifier l'expérience de la ressource proposée à la lumière de cette divergence apparente.

28. ACT soutient que Transports Canada avait l'obligation de réagir à l'attestation erronée fournie par TAG en exerçant les pouvoirs que lui confère la DP pour déclarer irrecevable la soumission de TAG (avant l'adjudication) ou, plus tard, en annulant l'adjudication pour cause de défaut.

29. ACT soutient que permettre à TAG de conserver le contrat sur le fondement d'une attestation erronée est non seulement injuste pour les soumissionnaires non retenus dans le cadre de la présente procédure d'invitation, mais a également pour effet de compromettre l'intégrité et l'efficacité du système de marchés publics dans son ensemble.

ANALYSE DU TRIBUNAL

30. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.

31. L'article 11 du Règlement prévoit aussi que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l'espèce, l'Accord sur le commerce intérieur6, l'Accord de libre-échange nord-américain7, l'Accord sur les marchés publics8, l'Accord de libre-échange Canada-Chili9, l'Accord de libre-échange Canada-Pérou10, l'Accord de libre-échange Canada-Colombie11 et l'Accord de libre-échange Canada-Panama12.

Dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables

32. Le Tribunal a restreint son enquête aux dispositions pertinentes de l'ACI, de l'ALÉNA et de l'AMP, étant donné que les autres accords commerciaux applicables contiennent des dispositions similaires à celles qui se trouvent dans l'ALÉNA.

33. Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères ».

34. L'alinéa 1013(1) de l'ALÉNA prévoit que « [l]a documentation relative à l'appel d'offres qu'une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires [...] notamment [...] g) une description complète des produits ou services demandés et de toutes autres exigences, y compris les spécifications techniques, la certification de conformité [...] [et] h) les critères d'adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions [...] ».

35. Le paragraphe 1015(4) de l'ALÉNA prévoit que, « a) pour être considérée en vue de l'adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation » et que « d) l'adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres ».

36. Le paragraphe XIII(4) de l'AMP prévoit que, « a) [p]our être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions devront être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation » et que « [l]es adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l'appel d'offres ».

Transports Canada a-t-il évalué incorrectement la proposition du soumissionnaire retenu?

37. La question à trancher dans la présente enquête est celle de savoir si Transports Canada a fait défaut d'évaluer la proposition du soumissionnaire retenu d'une manière compatible avec les exigences obligatoires de la DP et s'il a par conséquent violé les dispositions des accords commerciaux applicables en déterminant que l'expérience de la ressource proposée se conformait à l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP13.

38. Le Tribunal reconnaît depuis longtemps que « [...] la conformité des fournisseurs potentiels à toutes les conditions obligatoires des documents d'appel d'offres est une des pierres angulaires de l'intégrité de tout mécanisme de passation des marchés publics » et que « [p]ar conséquent les entités doivent procéder à une évaluation complète et rigoureuse de la conformité des propositions des soumissionnaires aux conditions obligatoires »14.

39. Il est aussi bien établi que le fardeau de démontrer la conformité aux critères obligatoires incombe aux soumissionnaires. Par conséquent, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition pour vérifier qu'elle est conforme à tous les éléments essentiels15. Lorsqu'une invitation exige des soumissionnaires qu'ils attestent certains renseignements contenus dans leur proposition quant à leur exactitude et à leur exhaustivité, l'entité acheteuse a le droit de se fier à ces attestations au moment d'évaluer les soumissions16.

40. Le Tribunal est d'avis qu'à moins que les évaluateurs ne se soient pas raisonnablement appliqués à évaluer la proposition d'un soumissionnaire, qu'ils aient donné une interprétation erronée de la portée d'une exigence, qu'ils n'aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu'ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l'évaluation n'ait pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure, il n'interviendra pas ni ne substituera son jugement à celui des évaluateurs17.

41. En l'espèce, le Tribunal détermine que Transports Canada, dans son évaluation des propositions et dans l'adjudication du contrat, avait le droit de se fier à l'attestation de TAG selon laquelle la ressource proposée respectait l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP de 10 ans d'expérience en gestion de projets au cours des 15 dernières années. À la lecture de la DP, il est clair qu'en soumettant une proposition le soumissionnaire attestait que la véracité, l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements fournis en réponse aux exigences obligatoires avaient été vérifiées par le soumissionnaire.

42. Le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument d'ACT selon lequel le fait que la même ressource a été proposée par deux soumissionnaires différents pour deux postes différents aurait dû constituer un avertissement pour Transports Canada à l'égard des compétences de cette ressource et aurait donc obligé Transports Canada à faire une vérification. Le Tribunal conclut que la plainte (selon laquelle l'attestation de TAG est erronée) ne contient aucun élément de preuve démontrant que la conclusion de Transports Canada n'était pas raisonnable ou conforme aux exigences de la DP.

43. En vertu des dispositions de la DP, l'autorité contractante peut demander des renseignements supplémentaires (sans en avoir l'obligation) afin de vérifier le respect de l'attestation par les soumissionnaires avant ou après l'adjudication du contrat. De l'avis du Tribunal, il n'y a aucune indication selon laquelle Transports Canada avait quelque raison que ce soit de douter de l'attestation de TAG au cours de la phase d'évaluation des soumissions, et il était en droit de se fier à l'attestation de TAG relative aux renseignements contenus dans le CV de la ressource proposée. Par conséquent, les évaluateurs n'avaient aucunement l'obligation d'effectuer une vérification de l'expérience de la ressource proposée dans son évaluation de la conformité à l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP de la proposition de TAG.

44. Les parties ne contestent pas que les préoccupations d'ACT à l'égard de la proposition de TAG n'ont été soulevées auprès de Transports Canada qu'après l'adjudication du contrat, sur la foi de renseignements découverts subséquemment par ACT. Si, après l'adjudication du contrat, il a été porté à la connaissance de Transports Canada que TAG ne respectait pas l'exigence technique obligatoire, ce que Transports Canada n'admet pas, il s'agirait néanmoins d'une question d'administration du contrat sur laquelle le Tribunal n'a pas compétence18.

45. En somme, ayant attentivement étudié les éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal ne voit aucune raison d'intervenir dans le jugement des évaluateurs. Le Tribunal conclut que ceux-ci ont évalué la conformité de la proposition de TAG à l'exigence technique obligatoire TO2.2 de la DP de manière exhaustive et strictement conforme aux dispositions de la DP et des dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables.

46. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n'est pas fondée.

FRAIS

47. L'article 30.16 de la Loi sur le TCCE permet au Tribunal d'accorder le remboursement des frais aux parties plaignantes ou aux institutions fédérales. Quant à savoir si des frais devraient être accordés à la partie ayant eu gain de cause en l'espèce, le Tribunal constate que même si la plainte est rejetée pour les motifs énoncés ci-dessus, Transports Canada n'a pas demandé le remboursement de ses frais raisonnables en l'espèce. Par conséquent, dans les circonstances, aucuns frais ne seront accordés.


1 . L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Service électronique d'appel d'offres du Canada.

3 . Documents supplémentaires déposés par ACT le 30 août 2013.

4 . Le Tribunal a déterminé que la plainte, déposée dans les délais prescrits par les paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, D.O.R.S./93-602 [Règlement], avait été déposée en temps voulu.

5 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

6 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

7 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

8 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

9 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

10 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

11 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

12 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

13 . Les motifs de plainte et, par conséquent, l'analyse du Tribunal se concentrent sur la question de savoir si Transports Canada a correctement évalué la conformité de la proposition de TAG à l'exigence technique obligatoire TO2.2. Le Tribunal n'est saisi d'aucune allégation ou information relatives à aucun autre des éléments essentiels de la proposition de TAG ou à son évaluation par Transports Canada.

14 . IBM Canada Ltée (5 novembre 1999), PR-99-020 (TCCE) à la p. 7.

15 . Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l'Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) [Excel] au par. 34; Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE) au par. 13.

16 . Central Automotive Inspections Records & Standards Services (CAIRSS) Corp. (31 octobre 2012), PR-2012-025 (TCCE) aux par. 24-25. Voir aussi Sanofi Pasteur Limited (12 mai 2011), PR-2011-006 (TCCE) aux par. 22-23; Airsolid Inc. (18 février 2010), PR-2009-089 (TCCE) au par. 11.

17 . Excel au par. 33. Voir aussi Valcom Ltd. (Ottawa) (2 décembre 2002), PR-2002-014 (TCCE).

18 . Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE et le paragraphe 7(1) du Règlement permettent à un fournisseur potentiel de déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés suivie relativement à un contrat spécifique. L'administration d'un contrat est une étape distincte qui se déroule après l'adjudication. Elle porte sur les questions soulevées lors de l'exécution et de la gestion du contrat. Le Tribunal a clairement indiqué que les questions d'administration de contrat ne sont pas de sa compétence. Voir par exemple Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises (21 février 2013), PR-2012-043 (TCCE) au par. 10. Les plaintes concernant l'administration de contrat relèvent du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement.