M. BALL


M. BALL
Dossier no PR-2013-023

Décision prise
le vendredi 29 novembre 2013

Décision rendue
le vendredi 29 novembre 2013

Motifs rendus
le lundi 16 décembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

M. BALL

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s'il y a lieu d'enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

2. La plainte porte sur un marché public (invitation nº T2065-130022) passé par le ministère des Transports (Transports Canada) en vue de la fourniture de services de nettoyage et de déneigement à l'aéroport St. Anthony à Terre-Neuve-et-Labrador.

3. La partie plaignante, Mme M. Ball, allègue que Transports Canada a attribué le contrat à un soumissionnaire dont le prix était trop bas pour être conforme à l'exigence des documents d'appel d'offres selon laquelle les employés doivent être rémunérés au moins au salaire minimum de Terre-Neuve-et-Labrador et selon laquelle l'équipement, les matériaux et les fournitures énumérés dans les documents d'appel d'offres doivent être fournis.

CONTEXTE

4. Le 3 octobre 2013, Transports Canada a publié une invitation en vue de la fourniture de services de nettoyage et de déneigement. La période de soumission a pris fin le 14 novembre 2013.

5. Le 15 novembre 2013, Transports Canada a avisé Mme Ball que le soumissionnaire retenu était G & M Enterprises Limited. Le 18 novembre 2013, Mme Ball a présenté à Transports Canada une opposition par courriel dans laquelle elle contestait le respect des exigences de l'appel d'offres par le soumissionnaire retenu. Le 22 novembre 2013, Transports Canada a répondu en avisant Mme Ball que le contrat n'avait pas encore été attribué et que, « [...] pour la résolution de différends à l'égard de l'attribution d'un contrat, il faut s'adresser au Tribunal canadien du commerce extérieur et non à Transports Canada » [traduction].

6. Le 24 novembre 2013, Mme Ball a déposé la plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

7. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conformément au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d'entamer une enquête : i) la plainte est déposée dans les délais prescrits par l'article 6 du Règlement; ii) le plaignant est réellement un fournisseur ou un fournisseur potentiel; iii) la plainte porte sur un contrat spécifique; iv) les renseignements fournis par le plaignant démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n'a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l'Accord de libre-échange nord-américain3, au chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur4, à l'Accord sur les marchés publics5, au chapitre Kbis de l'Accord de libre-échange Canada-Chili6, au chapitre quatorze de l'Accord de libre-échange Canada-Pérou7, au chapitre quatorze de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie8 ou au chapitre seize de l'Accord de libre-échange Canada-Panama9, selon le cas.

8. De l'avis du Tribunal, les trois premières conditions sont remplies : la plainte a été déposée dans les délais prescrits, la partie plaignante est réellement un soumissionnaire et la plainte porte sur un contrat auquel tous les accords commerciaux énumérés à l'article 7 du Règlement10 s'appliquent. L'analyse se concentrera par conséquent sur la dernière condition, celle de savoir si la plainte démontre, dans une mesure raisonnable, une violation possible d'un accord commercial.

ANALYSE

9. Mme Ball allègue qu'il y a eu violation d'un accord commercial par Transports Canada du fait qu'il a accepté une offre dont la valeur totale du contrat était insuffisante pour respecter les exigences relatives au salaire minimum prévues dans les documents d'appel d'offres et couvrir les coûts liés à l'exigence de fournir l'équipement, les matériaux et les fournitures.

10. Le Tribunal a déterminé que tous les accords commerciaux s'appliquent au marché public faisant l'objet de la plainte, y compris l'ALÉNA, l'ACI et l'AMP. Ces accords exigent que l'entité acheteuse attribue le contrat conformément aux conditions essentielles indiquées dans la documentation de l'appel d'offres11.

11. Par exemple, le paragraphe 1015(4)d) de l'ALÉNA prévoit ce qui suit :

4. L'adjudication des marchés s'effectuera conformément aux procédures suivantes :

[...]

d) l'adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres; [...]

12. En l'espèce, la documentation relative à l'appel d'offres n'indiquait pas clairement les critères qu'une soumission devait respecter pour être prise en considération en vue de l'adjudication. Cependant, selon l'avis de projet de marché (APM), Transports Canada a affirmé que sa « stratégie d'approvisionnement concurrentiel » serait « [l]a soumission la plus basse ou parmi les plus basses qui respecte toutes les exigences obligatoires » [traductions]. De plus, à l'égard de la « nature des exigences », l'APM énonce que « [l]'entrepreneur doit fournir le personnel, les produits, l'équipement et la supervision nécessaires pour effectuer les tâches liées au nettoyage et au déneigement de l'aéroport de St. Anthony, situé à St. Anthony (Terre-Neuve-et-Labrador), tel qu'il est précisé dans l'énoncé des travaux fourni » [traductions]. L'énoncé des travaux comprend les deux exigences suivantes, qui sont pertinentes à l'allégation de comportement répréhensible de la part de l'autorité contractante : « Il incombera [à] l'entrepreneur de se conformer à toutes les exigences législatives fédérales et provinciales touchant les conditions de travail et les taux horaires12 » et « Toutes les personnes employées par l'entrepreneur [...] seront payées [...] [pendant l'exécution des travaux] pas moins que les taux horaires minima fixés par le ministère du Développement des ressources humaines selon les Fair Wage Schedules (barèmes de salaires équitables), qui font partie du présent contrat et figurent à l'annexe A des conditions de travail13 » [traductions].

13. Sur la foi de ce qui précède, le Tribunal conclut que les obligations législatives nationales relatives à l'emploi et aux conditions de travail mentionnées ci-dessus sont des « conditions essentielles » spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres.

14. Dans sa plainte, Mme Ball affirme que le contrat exige que le soumissionnaire fournisse 152 heures de services par semaine (soit 76 heures par semaine effectuées par un employé affecté au nettoyage et l'équivalent par un superviseur). Elle affirme de plus que le salaire minimum à Terre-Neuve-et-Labrador est de 10 $ l'heure. Sur le fondement de ces affirmations, elle calcule que le montant soumissionné par année par le soumissionnaire retenu est inférieur au coût des salaires devant être versés à l'employé affecté au nettoyage et au superviseur. De plus, elle affirme que le montant de la soumission est insuffisant pour fournir l'équipement, les matériaux et les fournitures nécessaires au nettoyage et au déneigement ou pour couvrir les frais fixes et les bénéfices de l'entrepreneur.

15. La première question dont le Tribunal est saisi est celle de savoir si la plainte de Mme Ball indique, de façon raisonnable, que Transports Canada n'a pas attribué le contrat selon les critères essentiels de la documentation relative à l'appel d'offres. Pour démontrer l'existence d'une indication raisonnable de violation d'un accord, il incombe à la partie plaignante de présenter une preuve suffisante à première vue comportant « certains éléments probants » ou « suffisamment de faits ou arguments » pour démontrer une violation possible d'un accord commercial applicable14.

16. Dans sa plainte, Mme Ball n'étaye ses affirmations d'aucun élément de preuve selon lequel le soumissionnaire retenu ne paye pas son employé affecté au nettoyage et son superviseur au moins le salaire minimum en vigueur à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle appuie plutôt ses affirmations sur des spéculations arithmétiques. De plus, de l'avis du Tribunal, elle fonde ses calculs sur un postulat relatif au nombre d'heures de services devant être fournies par le soumissionnaire retenu que ne reflète pas la documentation relative à l'appel d'offres. Par exemple, ces documents ne mentionnent nulle part que l'employé affecté au nettoyage et le superviseur doivent travailler 76 heures par semaine en même temps.

17. Par ailleurs, dans des décisions antérieures, le Tribunal a déterminé que « [...] rien n'empêche un soumissionnaire d'adopter une stratégie de prix énergique dans l'espoir d'obtenir un contrat, et ce, même à perte15 ». Par conséquent, le seul fait que le montant de la soumission est bas ne suffit pas à indiquer, de façon raisonnable, que Transports Canada n'a pas attribué le contrat conformément aux conditions essentielles de la documentation relative à l'appel d'offres.

DÉCISION

18. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

8 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011) [ALÉCCO].

9 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013) [ALÉCRP].

10 . L'annexe 502.1B de l'ACI, l'annexe 1001.1b-2 de l'ALÉNA, l'annexe Kbis-01.1-4 de l'ALÉCC, l'annexe 1401.1-4 de l'ALÉCP, l'annexe 1401-4 de l'ALÉCCO, l'annexe 5 du chapitre 16 de l'ALÉCRP, qui utilisent toutes le système commun de classification pour classer les services, n'excluent pas la catégorie K100A, « Nettoyage et entretien, conciergerie ». De plus, l'annexe 4 de l'appendice 1 du Canada à l'AMP comprend la catégorie 874 du CPC, « Services de nettoyage de bâtiments ». De plus, Transports Canada est le successeur du ministère des Transports, et le Tribunal est convaincu que la valeur du contrat est supérieure aux seuils stipulés dans les accords commerciaux susmentionnés. Par conséquent, le marché public est visé par tous les accords commerciaux.

11 . Voir l'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA, l'alinéa XIII(4)c) de l'AMP, le paragraphe 506(6) de l'ACI, l'article Kbis-10 de l'ALÉCC, l'article 1410:4 de l'ALÉCP, l'article 1410:4 de l'ALÉCCO et l'article 16.11:4 de l'ALÉCPR.

12 . APM, annexe B au par. 13.

13 . APM, annexe F au par. 2.

14 . K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) aux pp. 6-7. De plus, le Tribunal a souligné le besoin de preuves à l'appui dans Sanofi Pasteur Limited (12 mai 2011), PR-2011-006 (TCCE).

15 . 1091847 Ontario Ltd. (12 mars 2013), PR-2012-046 (TCCE) au par. 29.