HURON CONSULTING

Ordonnances et motifs de demandes de frais ou d'indemnisation


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Dossier no PR-2002-037


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 18 juin 2003

Dossier no PR-2002-037

EU ÉGARD À une plainte déposée par Huron Consulting aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision rendue aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur recommandant que Huron Consulting soit indemnisée d'un montant égal au quart du profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé, en fonction de 130 jours de formation, tel qu'il est indiqué dans l'offre à commandes, pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003, et à une décision rendue aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur accordant à Huron Consulting le remboursement des frais raisonnables qu'elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

ORDONNANCE ET RECOMMANDATION

INTRODUCTION

Dans une décision rendue le 10 février 2003, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , a accordé à Huron Consulting (Huron) le remboursement des frais raisonnables qu'elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a recommandé, à titre de mesure corrective, que Huron Consulting soit indemnisée d'un montant égal au quart du profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé, en fonction de 130 jours de formation, tel qu'il est indiqué dans l'offre à commandes, pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003.

Le 12 mars 2003, Huron a soumis au Tribunal sa réclamation de frais, au montant de 3 371,47 $, et sa demande d'indemnité de 14 688,96 $. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a déposé ses commentaires sur les réclamations de Huron le 4 avril 2003. Le 21 avril 2003, Huron a soumis ses commentaires finals au Tribunal.

FRAIS LIÉS À LA PLAINTE

Huron a réclamé 3 371,47 $ à titre de frais et de débours. Ce montant comprend des frais de représentant engagés pour le travail d'un de ses employés, soit 43,25 heures à 75,00 $ l'heure, et 127,72 $ à titre de débours, pour lesquels elle n'a soumis aucun reçu. TPSGC a soutenu n'avoir aucun commentaire eu égard à la réclamation de frais liés à la plainte.

Le Tribunal est d'avis que, bien qu'ils ne soient pas appuyés par des factures, les frais et les débours sont raisonnables et conformes aux Lignes directrices sur les frais dans une procédure portant sur un marché public (les Lignes directrices) et, par conséquent, accorde le montant intégral, soit 3 371,47 $.

INDEMNITÉ POUR PERTE D'OCCASION

Huron a réclamé 14 688,96 $ pour perte d'occasion selon le quart du profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé, en fonction de 130 jours de formation. Le montant réclamé est fondé sur des « recettes globales » de 57 200,00 $, moins des « débours prévus » de 2 288,00 $, se traduisant en « recettes nettes intégrales » de 54 912,00 $. La « réclamation intégrale pour perte d'occasion » est donc fondée sur 25 p. 100 des « recettes nettes intégrales » (13 728,00 $), TPS en sus (960,96 $), pour un montant total de 14 688,96 $.

Selon TPSGC, la méthode employée par Huron pour calculer le profit total est erronée. TPSGC a soutenu que Huron calcule les « recettes nettes intégrales » en soustrayant ses « débours prévus » de ses « recettes globales » possibles. Ainsi, selon TPSGC, Huron a soutenu qu'elle peut traduire toutes ses recettes potentielles aux termes du contrat en « profits », n'en déduisant que les frais liés aux manuels de formation. Autrement dit, selon TPSGC, puisqu'elle est une entreprise à propriétaire unique, Huron prend la position qu'elle ne contracte aucuns frais en main-d'_uvre ou autres ressources et qu'il en résulte que ses seuls frais seraient les frais d'impression. Par conséquent, selon TPSGC, Huron a soutenu que la valeur intégrale du contrat, abstraction faite du moindre montant eu égard aux frais d'impression, devrait être considérée comme un « profit » aux fins du calcul de la « perte d'occasion ».

TPSGC a soutenu que les profits d'une entreprise sont les recettes résiduelles après déduction de tous les coûts (au comptant, non au comptant, directs ou indirects). Il a ajouté que « les contributions de main-d'_uvre et de compétence du propriétaire d'une entreprise à propriétaire unique sont correctement classées comme frais directs » [traduction] et doivent être déduits des recettes intégrales afin d'établir le profit. TPSGC a soutenu qu'il est de la discrétion du propriétaire unique de se rémunérer pour ces coûts directs et que sa décision à cet égard n'altère pas la nature des frais engagés.

TPSGC a invoqué la méthode dont s'est servi l'Organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce lorsque celui-ci a examiné les contributions de main-d'_uvre et de gestion familiales afin de déterminer le coût de production du lait dans le cadre d'exploitations agricoles familiales2 .

Selon TPSGC, la méthode employée par Huron pour calculer la « perte de profits » doit être rejetée. TPSGC a ajouté que, conformément au raisonnement adopté par le Tribunal dans des causes antérieures3 , une marge bénéficiaire raisonnable doit être établie à 10 p. 100 de la valeur du contrat. Il a ajouté que, à la lumière de ce qui précède, une marge bénéficiaire raisonnable en l'espèce serait 5 720,00 $ (10 p. 100 de 57 200,00 $). Par conséquent, TPSGC a soutenu que l'indemnité pour perte d'occasion doit être un montant égal à un quart de 5 720,00 $, ou 1 430,00 $.

Enfin, TPSGC a soutenu que Huron n'a pas droit à une indemnité pour la TPS qui aurait pu être payable eu égard au contrat.

Selon Huron, il ne s'agit pas d'une entreprise familiale mais d'une entreprise à propriétaire unique et, selon la définition d'entreprise à propriétaire unique, le propriétaire assume toutes les dettes contractées, y compris les biens mobiliers, et toutes les sommes acquises en vertu dudit contrat doivent être déclarées comme revenu personnel aux fins de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire, comme profits. Elle a ajouté qu'aucune des trois causes citées par TPSGC n'avait trait à une entreprise à propriétaire unique, mais à des compagnies d'envergure constituées en personnes morales.

Dans sa réplique déposée le 21 avril 2003, Huron a convenu de ne pas réclamer la TPS sur la perte d'occasion et a donc modifié sa réclamation d'indemnité pour perte de profits de façon à ce qu'elle soit 13 728,00 $.

Pour déterminer le montant de la perte de profits, il importe de se pencher sur l'objet de l'indemnité pour dommages, qui est résumé dans la publication du Tribunal intitulée Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur un marché public (Lignes directrices sur les indemnités) de la façon suivante :

3.1.2 Pour déterminer le montant de l'indemnité à recommander, le Tribunal tentera, dans la mesure qu'il estime indiqué dans les circonstances et compte tenu de toute autre mesure corrective qu'il a recommandée, de placer la partie plaignante dans la position où cette dernière se serait trouvée, n'eut été l'infraction du gouvernement.

Il importe de noter que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de décider du montant du profit qui est raisonnable. La jurisprudence du Tribunal ne supporte pas la prémisse qu'il fixe « systématiquement » le montant du profit à 10 p. 100 de la valeur du contrat. Nulle part dans les Lignes directrices sur les indemnités du Tribunal il est fait mention d'une « recette empirique » fixant à 10 p. 100 le pourcentage utilisé pour la détermination du profit. Il importe également de noter que les causes où le chiffre de 10 p. 100 a été employé concernaient des achats de biens, non de services. Les traitements représentent typiquement une importante partie de la valeur d'un marché de prestation de services, comme celui en litige. De plus, il serait peut-être plus correct de considérer un traitement comme un coût direct dans les cas où le traitement est un « coût irrécupérable », c'est-à-dire, associé à des frais qui devront être déboursés nonobstant l'exécution du marché. Il ne serait peut-être pas correct lorsque, comme c'est le cas ici, la rémunération du travail est la « contrepartie » aux termes du contrat projeté.

La jurisprudence invoquée par TPSGC, dans le cadre de laquelle le facteur de 10 p. 100 a été appliqué indique que le Tribunal a déterminé la meilleure manière de calculer le profit selon les éléments de preuve. Dans l'affaire Spacesaver, par exemple, le Tribunal a appliqué la marge bénéficiaire estimative de 10 p. 100 après avoir conclu que la partie plaignante n'avait fourni aucun élément de preuve pour appuyer la thèse que la marge bénéficiaire demandée, soit 32,5 p. 100, était raisonnable. Le Tribunal est d'avis que l'application d'une « marge bénéficiaire » dans le contexte du revenu d'une entité sans personnalité morale, qui, de fait, est essentiellement un contrat de travail pour une personne, est incorrecte. La marge bénéficiaire précise proposée par TPSGC, soit 10 p. 100, n'est pas fondée en l'espèce, et le Tribunal ne la considère pas comme une marge bénéficiaire raisonnable en l'espèce.

Selon le Tribunal, il est correct en l'espèce de considérer la valeur estimative de l'offre à commandes, en fonction de 130 jours de formation, moins les frais, comme le profit pour fins d'attribution d'une indemnité. Toutefois, le Tribunal doit examiner si ce montant doit être réduit en conformité avec les principes dont il est pris acte dans les Lignes directrices sur les indemnités. Selon le Tribunal, le profit doit être rajusté pour tenir compte de l'obligation qu'a Huron de limiter les dommages. Bien que Huron ait déclaré que ladite offre à commandes était son unique source de revenu, le Tribunal estime que Huron aurait eu, ou aurait dû avoir, une autre source de revenu pour remplacer une partie de la perte de revenu si elle n'avait pas décroché ladite offre à commandes. Par conséquent, le Tribunal réduit de 50 p. 100 le montant réclamé par Huron à titre de perte de profits. Eu égard à la réclamation d'origine pour la TPS sur la perte d'occasion, le Tribunal prend note que Huron convient du fait que la TPS ne sera pas payable sur la perte d'occasion. Par conséquent, le Tribunal recommande que l'indemnité payée à Huron soit 6 864,00 $.

CONCLUSION

Le Tribunal accorde à Huron, par la présente, 3 371,47 $ pour la préparation et le traitement de la plainte et ordonne à TPSGC de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué rapidement.

Le Tribunal recommande, par la présente, que TPSGC accorde à Huron une indemnité de 6 864,00 $ pour les profits qu'elle a perdus.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire


1 . L.R.C. 1985 (4e Supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Re Canada - Mesures visant l'importation de lait et l'exportation de produits laitiers (20 décembre 2002), WT/DS103/AB/RW2 et WT/DS113/AB/RW2 aux para. 103-105.

3 . Re plainte déposée par Spacesaver Corporation (11 janvier 1999), PR-98-028 (TCCE) [Spacesaver]; Re plainte déposée par IBM Canada Ltée (5 novembre 1999), PR-99-020 (TCCE); Re plainte déposée par ACE/Clear Defense Inc. (30 juin 2000), PR-99-051 (TCCE).