C2 LOGISTICS INCORPORATED

Ordonnances et motifs de demandes de frais ou d'indemnisation


C2 LOGISTICS INCORPORATED
c.
MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Dossier no PR-2005-020

Ordonnance rendue
le lundi 31 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par C2 Logistics Incorporated aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une recommandation faite aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur d’indemniser C2 Logistics Incorporated en reconnaissance de l’occasion qu’elle avait perdue, le montant de l’indemnisation étant fixé à un huitième des profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé;

ET À LA SUITE D’une décision, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, d’accorder à C2 Logistics Incorporated le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

ENTRE

 

C2 LOGISTICS INCORPORATED

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

Institution fédérale

ORDONNANCE ET RECOMMANDATION

INTRODUCTION

Dans une décision rendue le 27 janvier 2006, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , a accordé à C2 Logistics Incorporated (C2) le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3), le Tribunal a recommandé, à titre de mesure corrective, que C2 soit indemnisée pour l’occasion qu’elle avait perdue et reçoive un montant égal à un huitième des profits qu’elle aurait raisonnablement tirés si elle avait été l’adjudicataire du marché public (appel d’offres — opération AUGURAL — déploiement) du ministère de la Défense nationale (MDN). La Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public et les Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur le marché public — Révisé (juin 2001) du Tribunal (Lignes directrices sur les indemnités) s’appliquent à la demande d’indemnisation de C2.

C2 et le MDN devaient négocier le montant de l’indemnisation et, dans les 30 jours suivant la date de la décision du Tribunal, informer ce dernier du résultat de leurs négociations. Si, dans les 15 jours de ce délai, les parties n’avaient pas réussi à en venir à un accord, elles devaient déposer simultanément leurs observations auprès du Tribunal quant au montant de l’indemnisation.

Les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur le montant de l’indemnisation et, le 13 mars 2006, C2 et le MDN ont déposé leurs observations quant au montant indiqué de l’indemnisation à verser à C2. Également le 13 mars 2006, C2 a déposé une requête afin que le Tribunal ordonne au MDN de produire des renseignements supplémentaires se rapportant à certains frais additionnels versés à Skylink Aviation Inc. (Skylink), l’adjudicataire du marché public. Le 17 mars 2006, le MDN a déposé ses observations sur la requête de C2 et, le 20 mars 2006, C2 a déposé ses observations en réponse. Le 24 mars 2006, le Tribunal a accueilli la requête de C2 et a ordonné au MDN de produire certains renseignements se rapportant au contrat spécifique. Les 29 et 30 mars 2006, le MDN a déposé ces renseignements. Le 5 avril 2006, C2 a déposé ses observations en réponse à l’exposé du MDN et, le 7 avril 2006, le MDN a déposé ses observations en réponse aux observations de C2. Cette dernière a déposé ses observations finales le 11 avril 2006.

FRAIS LIÉS À LA PLAINTE

L’indication provisoire du degré de complexité de la plainte donnée par le Tribunal était le degré 2, et son indication provisoire du montant de l’indemnisation était de 2 400 $. Compte tenu de l’absence d’observations s’opposant à l’indication provisoire du degré de complexité de la plainte ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, le Tribunal les confirme par la présente.

INDEMNITÉ POUR PERTE D’OCCASION

C2 a soutenu que la valeur initialement publiée du contrat attribué à Skylink était de 8 867 600,00 $US, prévoyant 54 vols affrétés. Elle a soutenu que le MDN l’avait par la suite avisée d’une erreur dans la valeur initiale du contrat et avait fourni une valeur modifiée représentant une augmentation d’environ 36 p. 100, cette augmentation étant attribuée à des frais de stationnement et de mise en place, qui n’avaient pas été compris dans le calcul de la valeur précédente, et à un vol additionnel entrepris par le Canada. C2 a dit avoir été informée que Skylink avait reçu un montant total de 14 032 952,11 $CAN2 . C2 a ajouté avoir été informée par le MDN que certains autres montants avaient été versés à Skylink, y compris un montant de 1 500,00 $US qui représentait le coût du déchargement pour chaque vol et que divers frais, liés à l’importation, au fret et aux frais d’améliorations aéroportuaires qui avaient été facturés à Skylink, avaient été imputés au MDN au prix coûtant.

C2 a soutenu que le MDN avait refusé de lui fournir des renseignements détaillés sur les frais de stationnement et de mise en place, évalués par le MDN à un montant total de 3 402 432,00 $CAN, et sur d’autres frais requis pour calculer le montant exact des profits qu’elle avait perdus.

C2 a dit avoir fondé sa demande d’indemnisation sur une ventilation détaillée des frais liés à l’offre qu’elle avait présentée en réponse à la deuxième invitation3 . Elle a ajouté que les exigences formulées dans la deuxième invitation étaient pratiquement identiques à celles du contrat qui fait l’objet de l’espèce.

C2 a soutenu que le montant total de ses frais liés au contrat en question aurait été de 7 614 699,00 $US4 et, en se fondant sur la valeur initiale du contrat moins 1 $US (8 867 599,00 $US), ces profits auraient été de 1 252 930,00 $US. Elle a fait valoir que sa marge bénéficiaire est donc de 14,13 p. 100. C2 a soutenu que, en appliquant cette marge bénéficiaire au montant total versé aux termes du contrat en question, 14 032 952,11 $CAN5 , puis en divisant le résultat par huit, le montant total de l’indemnisation devrait être de 247 857,00 $CAN.

À titre de solution de rechange, C2 a soutenu que le Tribunal peut s’appuyer sur une valeur de remplacement raisonnable pour établir les profits qu’elle aurait tirés du contrat en se fondant sur les critères établis dans le Guide des approvisionnements du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) qui corrobore la demande de C2 fondée sur une marge bénéficiaire de 14,13 p. 100. De plus, C2 a fait valoir que le Tribunal a par le passé appliqué une valeur de remplacement de 10 p. 100 à l’estimation de la marge bénéficiaire de contrats à faible risque et de 15 p. 100 dans le cas de contrats comportant plus de risques6 .

Le MDN a soutenu que, pour confirmer son entendement quant aux marges bénéficiaires raisonnables qui ont cours dans l’industrie, il avait demandé l’avis de deux des huit courtiers d’affrètement qui figurent sur sa liste de fournisseurs permanents. Le premier a confirmé que la fourchette des marges bénéficiaires moyennes se situe entre 3 et 5 p. 100. Le deuxième fournisseur, de façon indépendante, a informé le MDN qu’un courtier peut raisonnablement s’attendre à réaliser des profits de 2 à 3 p 100.

Le MDN a soutenu qu’un montant de profits raisonnable se dégage au fil de plusieurs contrats et qu’aucun contrat individuel n’illustre nécessairement le montant raisonnable dans un cas particulier. Il a soutenu que le Tribunal a déjà déclaré ne pas s’attendre à ce que sa recommandation d’indemnisation devienne un gain fortuit pour la partie plaignante7 . Il a ajouté que toute indemnisation versée à C2 relativement aux frais de stationnement et de mise en place assumés par le Canada représente un bénéfice exceptionnel pour C2 découlant de l’implication du gouvernement sénégalais dans la prestation de l’aide étrangère du Canada. Le MDN a soutenu que C2 ne s’attendait pas, de façon raisonnable, à tirer des profits liés aux frais de stationnement et de mise en place des aéronefs et, de plus, que les soumissionnaires n’étaient pas tenus d’indiquer un montant pour les frais de stationnement. Il a fait valoir que l’adjudication du contrat avait initialement été retardée jusqu’à ce que la conjoncture permette la prestation de l’aide étrangère du Canada et que le Canada n’aurait pas pu prévoir d’autres délais et les frais supplémentaires afférents.

Dans sa réponse, C2 a soutenu que la demande de renseignements sur les marges bénéficiaires place les fournisseurs du MDN dans une situation de conflit d’intérêts. Elle a soutenu qu’il n’est pas étonnant que Skylink ait décidé de fournir au MDN des renseignements concernant les normes générales de l’industrie pour ce qui concerne les marges bénéficiaires dans le secteur de l’affrètement aérien, plutôt que de lui communiquer des renseignements fondés sur les profits réels que Skylink avait tirés du contrat en question.

C2 a soutenu que les chiffres fournis au MDN semblent se rapporter à la rentabilité du courtier. Toutefois, aux termes des modalités du contrat en question, Skylink n’agissait pas à titre de courtier, mais devait plutôt assumer le risque contractuel. C2 a fait valoir que l’acceptation de ce risque est associée à une marge bénéficiaire plus grande. Par exemple, elle a invoqué l’article 10.020 du Guide des approvisionnements de TPSGC, où il est reconnu que les fournisseurs qui assument des risques contractuels dans un contrat à prix ferme, comme le contrat en question, devraient avoir droit, en contrepartie, à une marge bénéficiaire majorée représentant jusqu’à 7 p. 100 de plus de profit. Par conséquent, par application des chiffres mêmes du MDN, C2 a soutenu qu’une marge bénéficiaire se situant entre 9 et 12 p. 100 est indiquée.

Dans sa réponse, le MDN a soutenu que les renseignements sur lesquels C2 devrait à bon droit fonder sa réclamation relative aux profits qu’elle avait perdus présentent un caractère suffisamment technique pour qu’il soit nécessaire de l’appuyer sur autre chose que des affirmations non étayées quant aux coûts prévus associés à une invitation annulée. Il a soutenu qu’on ne peut savoir avec certitude que la liste des frais est complète. Plus précisément, il a soutenu que C2 n’avait déposé aucune corroboration écrite de ses coûts prévus pour chaque vol, de ses dépenses d’administration et des frais liés au personnel. Il a souligné l’écart dans les frais de C2 liés aux frais de mise en place des aéronefs et ajouté que les frais de stationnement peuvent varier considérablement d’un exploitant à l’autre.

Le MDN a soutenu que les montants suivants représentent un niveau raisonnable de profit net associé au contrat :

Vols

314 439,08 $CAN

Frais de stationnement/de mise en place

85 406,48 $CAN

Droits à l’importation

0,00 $CAN

Vol additionnel

624,83 $CAN

Total

400 470,39 $CAN

Compte tenu de la recommandation du Tribunal de verser à C2 un montant égal à un huitième des profits qu’elle aurait raisonnablement tirés du contrat en question, le MDN a soutenu que ledit montant raisonnable est de 50 058,80 $CAN.

Dans ses observations finales, C2 a soumis des éléments à l’appui de ses observations concernant le montant de ses coûts par vol et a soutenu que les frais de stationnement qu’elle a cités comprennent les frais liés au personnel qui y sont associés. Elle a aussi réduit sa marge bénéficiaire globale pour les vols à 12,6 p. 100.

C2 a donc soutenu que le montant de la réparation qu’elle devrait recevoir doit être fondé sur les vols obligatoires selon des profits de 12,6 p. 100, divisé par huit, modifié par addition des frais de stationnement et de mise en place pertinents, ce qui donne un montant total de 516 306 $CAN ou, à titre de solution de rechange, sur une marge bénéficiaire estimative se situant entre 10 et 15 p. 100, ledit montant étant divisé par huit, ce qui donne un montant total se situant entre 185 311 $CAN et 277 967 $CAN. C2 a de plus demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés à l’étape de la procédure consacrée à l’indemnisation.

Le Tribunal a examiné en détail les observations des deux parties afin de tenter de dégager une preuve tangible sur la marge bénéficiaire raisonnable dans les circonstances d’un marché public du type visé en l’espèce. Les observations des parties ont débouché sur un écart important entre les niveaux de profits qu’elles estimaient respectivement raisonnables dans de telles circonstances. Même si les deux parties ont étayé leur position de certains éléments de preuve et arguments, ni l’une ni l’autre n’a fourni au Tribunal une formule complète ou susceptible d’être appliquée sans soulever de questions sérieuses.

À la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, le Tribunal a tenté de reconstituer le rapport entre les coûts et le prix total soumissionné, de telle sorte que ce rapport puisse s’appliquer soit à l’espèce soit à un autre marché public qu’on pourrait qualifier de représentatif des marchés publics du type en question. Le Tribunal a tenté de déterminer une valeur qu’il serait possible d’exprimer soit sous forme de pourcentage du prix total soumissionné soit sous forme de pourcentage des coûts. Il n’a pas pu le faire avec un degré de certitude suffisant à partir des éléments de preuve et des arguments mis à sa disposition.

En l’absence des renseignements nécessaires, le Tribunal a tenté de trouver une méthode moins complexe pour déterminer un niveau raisonnable de profits. Chacune des parties, dans ses observations, a déposé devant le Tribunal une fourchette des pourcentages de la valeur contractuelle qu’elle jugeait raisonnables. Dans le cadre de discussions avec deux courtiers, le MDN a reçu des réponses allant de 2 à 5 p. 1008 ; C2 a affirmé qu’elle était plus qu’un courtier et que les chiffres mêmes du MDN déboucheraient sur une fourchette de 9 à 12 p. 1009 . Le Tribunal a donc appliqué ces deux fourchettes et a retenu la moyenne de la valeur supérieure de la basse fourchette et de la valeur inférieure de la fourchette élevée, ce qui donne une marge de profits de 7 p. 100.

Étant donné que l’indemnisation serait versée à l’adjudicataire en devises canadiennes, le Tribunal a fondé son calcul de la valeur du contrat, tel que l’a établi le MDN dans sa lettre du 29 mars 2006, en devises canadiennes. Il fait observer que les droits à l’importation ont été transmis au MDN à leur prix coûtant et qu’il les a donc exclus du calcul des profits.

Le calcul du Tribunal — un huitième de 7 p. 100 de la valeur du contrat moins les droits à l’importation — est le suivant :

0,125 x 0,07 x (14 824 899,93 $CAN - 52 445,48 $CAN) = 129 258,98 $CAN.

Le Tribunal recommande donc que soit versée à C2 une indemnisation d’un montant de 129 258,98 $CAN.

En ce qui a trait à la demande de C2 visant le remboursement des frais qu’elle avait engagés à l’étape de la procédure consacrée à l’indemnisation, le Tribunal fait observer que sa recommandation ne portait que sur la perte d’occasion, sous forme de partie des profits que C2 aurait pu tirer. Cette recommandation n’incluait pas d’autres frais. Par conséquent, le Tribunal n’inclura pas de montant additionnel dans sa recommandation.

CONCLUSION

Le Tribunal accorde à C2, par la présente, 2 400,00 $CAN pour la préparation et le traitement de la plainte et ordonne au MDN de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué rapidement.

Le Tribunal recommande, par la présente, que le MDN verse à C2 un montant de 129 258,98 $CAN à titre d’indemnisation pour perte d’occasion.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Le 29 mars 2006, le MDN a informé le Tribunal et C2 que la vraie valeur totale du contrat était de 14 824 899,93 $CAN.

3 . Un appel d’offres publié par le MDN le 22 août 2005 pour la prestation de services d’affrètement aérien a ensuite été annulé le 2 septembre 2005.

4 . Une ventilation des frais se trouve au paragraphe 29 de la version confidentielle de l’exposé de C2 sur l’indemnisation.

5 . Voir la note 2.

6 . Re plainte déposée par ACE/ClearDefense Inc. (17 avril 2002), PR-99-051 (TCCE); Re plainte déposée par IHS Solutions Limited (8 mars 2004), PR-2003-067 (TCCE); Re plainte déposée par AppDepot Web Services Inc. (8 mars 2004), PR-2003-069 (TCCE).

7 . Re plainte déposée par Douglas Barlett Associates Inc. (7 janvier 2000), PR-98-050 (TCCE).

8 . Exposé du MDN daté du 13 mars 2006.

9 . Exposé de C2 daté du 5 avril 2006, para. 17.