K-LOR CONTRACTORS SERVICES LTD.

Ordonnances


K-LOR CONTRACTORS SERVICES LTD.
Dossier no PR-2000-023

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 8 septembre 2000

Dossier no PR-2000-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par K-Lor Contractors Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par le Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour une ordonnance de rejet de la plainte pour le motif que la plainte susmentionnée ne relève pas de la compétence du Tribunal en matière d'examen des marchés publics dans le cadre de l'application des accords commerciaux à la procédure de passation des marchés publics.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette par la présente la requête du Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.




Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié à une date ultérieure.
 
 

Date de l'ordonnance :

Le 8 septembre 2000

Date des motifs :

Le 12 octobre 2000

   

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gerry Stobo

   

Partie plaignante :

K-Lor Contractors Services Ltd.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Mark N. Sills

 

Randal S. Van de Mosselaer

 

Christopher Moore

 

Alyson D'Oyley

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 
 

Ottawa, le jeudi 12 octobre 2000

Dossier no : PR-2000-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par K-Lor Contractors Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par le Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour une ordonnance de rejet de la plainte pour le motif que la plainte susmentionnée ne relève pas de la compétence du Tribunal en matière d'examen des marchés publics dans le cadre de l'application des accords commerciaux à la procédure de passation des marchés publics.

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

Le 12 juillet 2000, K-Lor Contractors Services Ltd. (K-Lor) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (numéro d'appel d'offres E0224-00R014/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la prestation de services de mise en place d'un lieu d'enfouissement sécuritaire à Argentia (Terre-Neuve). Le 13 juillet 2000, K-Lor a fait parvenir des renseignements supplémentaires au Tribunal.

K-Lor a allégué que le Ministère a incorrectement rejeté son offre parce qu'elle n'avait pas fourni l'« Attestation de la visite obligatoire de l'emplacement » [traduction] (le certificat de visite de l'emplacement). Elle a soutenu avoir de fait inclus le certificat de visite de l'emplacement dans ses documents de soumission. Cette affirmation est appuyée par deux déclarations sous serment de représentants de K-Lor. Elle a allégué que, lorsqu'il a rejeté son offre, le Ministère a contrevenu au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 2 .

Le 17 juillet 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance de report d'adjudication de tout contrat relatif à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce qu'il ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Il a été ordonné au Ministère de présenter sa réponse à la plainte dans un rapport de l'institution fédérale (RIF). Le 18 juillet 2000, le Ministère a certifié au Tribunal, par écrit, que l'acquisition visée par le marché public était urgente et qu'un retard dans l'adjudication du contrat serait contraire à l'intérêt public. Par conséquent, le 24 juillet 2000, le Tribunal a annulé son ordonnance de report d'adjudication du 17 juillet 2000.

Le 11 août 2000, avant la date fixée pour la réception du RIF, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un avis de requête de rejet de la plainte, pour le motif que cette dernière soulève une question qui ne relève pas de la compétence du Tribunal. Le 21 août 2000, K-Lor a déposé ses commentaires sur la requête. Le 30 août 2000, le Ministère a déposé sa réplique. Après avoir examiné les exposés, le Tribunal a rendu, le 8 septembre 2000, une ordonnance de rejet de la requête et a indiqué que les motifs de cette décision seraient publiés à une date ultérieure. Les présentes énoncent lesdits motifs.

POSITION DES PARTIES

Le Ministère a soutenu que l'objet de la plainte de K-Lor se rapporte, essentiellement, à un délit fondé sur la négligence ou un méfait délibéré des fonctionnaires. Le Ministère a soutenu que K-Lor a omis de préciser, dans sa plainte, toute présumée violation de l'ACI. De plus, le Ministère a soutenu que, bien que K-Lor ait invoqué le paragraphe 506(6) de l'ACI à l'appui de sa plainte, le point en litige qui y est précisé et la nature de la cause d'action n'ont pas de lien avec les principes de l'ACI.

Selon le Ministère, K-Lor n'a pas allégué que les fonctionnaires ont omis d'évaluer correctement un document contenu dans sa soumission. Plutôt, le Ministère a soutenu que, essentiellement, K-Lor allègue que certains fonctionnaires ont soit menti lorsqu'ils ont affirmé que le document n'avait pas été inclus dans la soumission, soit fait preuve de négligence dans la gestion de la soumission et n'étaient pas disposés à dévoiler une telle négligence, soit délibérément saboté la soumission de K-Lor en retirant le document en cause de sa soumission.

Le Ministère a soutenu que les allégations de K-Lor sont très graves et constituent une attaque contre la conduite et la crédibilité de fonctionnaires affectés aux marchés publics. La seule façon dont le Tribunal peut statuer en l'espèce est de décider de la question de la négligence ou du méfait délibéré des fonctionnaires. Le Ministère a ajouté que le Tribunal n'a pas compétence à cet égard, puisque le litige ne porte pas sur la procédure de passation des marchés publics elle-même, mais plutôt sur la conduite de personnes.

Le Ministère a soutenu que la compétence du Tribunal représente la mise en oeuvre nationale des obligations du Canada en matière de contestation des offres en application de l'article 1017 de l'Accord de libre-échange nord-américain 4 , de l'article XX de l'Accord sur les marchés publics 5 et de l'article 514 de l'ACI. Par conséquent, selon le Ministère, ce cadre législatif prescrit que le Tribunal peut examiner tout aspect de la procédure de passation des marchés publics dans le contexte de l'application, à la procédure de passation des marchés publics, des principes afférents aux marchés publics compris dans les accords commerciaux, mais sans plus. En outre, le Ministère a soutenu que, aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit limiter son étude aux allégations énoncées dans la plainte, telles qu'elles ont été présentées, et au lien existant entre ces allégations et les dispositions de l'ACI. Compte tenu du cadre législatif dans lequel s'inscrit l'activité du Tribunal, ce dernier n'a pas le pouvoir d'étudier des plaintes qui soulèvent une question comme celle qu'a invoquée K-Lor.

Dans ses commentaires du 21 août 2000, K-Lor a répondu que le point crucial de sa plainte est que le Ministère a contrevenu à ses obligations aux termes de l'ACI lorsqu'il a déclaré la soumission irrecevable, en dépit du fait que celle-ci était, de fait, complète et comprenait toutes les pièces obligatoires prescrites dans les documents d'appel d'offres. K-Lor a contesté l'affirmation du Ministère selon laquelle K-Lor aurait formulé une cause d'action délictueuse fondée sur la négligence ou un méfait délibéré des fonctionnaires du Ministère. K-Lor a affirmé que la position du Ministère est une interprétation erronée de la nature de sa plainte. K-Lor a ajouté qu'il n'est pas essentiel, pour que sa plainte soit accueillie, que le Tribunal conclue qu'il y a eu négligence ou délit de commission. En vérité, le Tribunal peut conclure que le certificat de visite de l'emplacement a été reçu par le Ministère, sans rendre une détermination de négligence ou une décision similaire. Cependant, selon K-Lor, si une étude de la conduite des fonctionnaires affectés aux marchés publics s'impose pour pouvoir déterminer la question de savoir si la passation du marché public a été menée d'une façon correcte, le Tribunal a le pouvoir de procéder.

K-Lor a soutenu que la plainte s'inscrit tout à fait dans la portée de l'article 501, de l'alinéa 504(2)b), du paragraphe 504(3), de l'article 506 et de l'article 514 de l'ACI. L'objet de l'article 501 est d'assurer à tous les fournisseurs canadiens un accès égal. Dans la mesure où la conduite des fonctionnaires peut empêcher un accès égal, leur comportement peut donc faire l'objet d'examen par application de l'ACI.

La portée des termes de l'article 514 de l'ACI est vaste et permet aux fournisseurs de présenter des contestations portant sur tout aspect de la procédure de passation des marchés publics. K-Lor a fait observer que de tels termes sont parallèles à ceux du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, qui prescrit que le Tribunal peut enquêter sur tout aspect de la procédure de passation des marchés publics. De plus, le paragraphe 506(6) de l'ACI implique nécessairement l'obligation pour les parties d'évaluer correctement les critères, en plus de les choisir correctement et de les indiquer. K-Lor a soutenu que conclure que le Ministère était tenu aux termes de l'ACI de choisir et d'indiquer correctement les critères, mais qu'il pouvait impunément évaluer incorrectement les offres, saperait complètement la procédure d'appel d'offres équitable et ouverte visée dans l'ACI et serait contraire à l'esprit de l'accord.

En ce qui concerne l'alinéa 504(2)b) de l'ACI, K-Lor a fait valoir que ledit alinéa interdit au gouvernement fédéral d'exercer de la discrimination entre les fournisseurs d'une province ou d'une région. Étant donné que, parmi les sept soumissionnaires pour le projet de mise en place d'un lieu d'enfouissement, K-Lor était la seule société qui n'était pas de Terre-Neuve, la question de l'application de l'alinéa 504(2)b) ne peut en l'espèce être mise de côté sans examen.

K-Lor a soutenu que le paragraphe 504(3) de l'ACI prescrit de fait une liste de mesures qui sont incompatibles avec les obligations des signataires de l'ACI, mais que cette liste n'est pas complète, et qu'il ne peut pas être établi que le Tribunal n'a pas compétence simplement du fait qu'une plainte ne décrit pas une situation dont il n'est pas expressément fait mention dans l'ACI.

Finalement, K-Lor a soutenu que la portée de la compétence du Tribunal ne se limite pas rigoureusement à un examen formaliste des règles relatives aux marchés publics contenues dans les accords commerciaux. K-Lor a conclu que le Tribunal possède un vaste pouvoir pour veiller à ce que le gouvernement fédéral s'acquitte de ses responsabilités envers les soumissionnaires, tant au plan de la procédure qu'au plan de l'équité.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le paragraphe 514(2) de l'ACI prévoit que le gouvernement fédéral adopte et maintient des procédures de contestation des offres « [a]fin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales ». L'article 518 de l'ACI définit l'expression « procédures de passation des marchés publics » ainsi qu'il suit : « [m]écanismes par lesquels les fournisseurs sont invités à présenter des offres, des propositions, des renseignements en matière de qualification ou des réponses à des demandes de renseignements. Sont également visées par la présente définition, les façons de traiter ces offres, ces propositions ou les renseignements fournis » [soulignement ajouté]. Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE indique que « [t]out fournisseur potentiel peut [...] déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte ». Les parties conviennent que l'invitation à soumissionner en cause se rapporte à un contrat spécifique au sens de l'article 502 de l'ACI.

La seule question en litige dans la présente requête consiste à savoir si le Tribunal a compétence pour examiner une plainte dans laquelle il est allégué qu'une offre a été rejetée injustement à cause de la façon dont elle a été traitée par l'autorité acheteuse. Le Ministère a soutenu que les allégations de K-Lor se rapportent à un délit fondé sur la négligence ou à un méfait et, donc, n'a aucun lien avec l'ACI. K-Lor a allégué que le Ministère a contrevenu aux obligations qui régissent les appels d'offres lorsqu'il a déclaré irrecevable la soumission de K-Lor, en dépit du fait que celle-ci était complète et comprenait toutes les pièces obligatoires prescrites dans les documents d'appel d'offres. K-Lor a soutenu que cette violation est un aspect de la procédure de passation des marchés publics et relève clairement de la compétence du Tribunal.

Bien que la question de savoir si le certificat de la visite de l'emplacement a été soumis ou non par K-Lor, dans ses documents de soumission, soit cruciale pour déterminer le bien-fondé de la plainte, cela n'exige pas nécessairement que le Tribunal se prononce sur la question de savoir si la conduite des fonctionnaires du Ministère a été négligente ou a donné lieu à un méfait6 . À la présente étape préliminaire, le Tribunal ne peut se prononcer sur la question de savoir si le certificat de visite de l'emplacement a été soumis et, s'il l'a été, sur ce qu'il en est advenu durant la procédure d'évaluation des offres. Une telle détermination ne peut se faire qu'après examen de tous les renseignements pertinents.

Ceci dit, le Tribunal est d'avis qu'il peut examiner la façon dont les offres sont traitées à l'étape de l'évaluation. Ce n'est qu'en examinant ces aspects que le Tribunal peut décider s'il a été satisfait aux normes propres à une procédure des marchés publics équitable, ouverte et transparente. Pour ce faire, il se peut que le Tribunal doive parfois examiner la conduite des fonctionnaires. En vérité, aux termes de l'alinéa 30.15(3)d) de la Loi sur le TCCE, pour évaluer si les parties ont agi de bonne foi ou non, il peut être tenu compte de l'intention des fonctionnaires dans la manière dont ils réalisent la passation d'un marché public.

Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal est d'avis qu'il a compétence pour examiner l'objet de la plainte. Par conséquent, la requête est rejetée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

6 . Voir Canadian Computer Rentals (3 août 2000), PR-2000-003 (TCCE), dans laquelle le Tribunal a conclu que les entités avaient incorrectement appliqué la méthode et les critères d'évaluation et, de ce fait, conclu à tort qu'une homologation exigée n'était pas comprise dans les documents de soumission de la partie plaignante.


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Publication initiale : le 15 décembre 2000