RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP


RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossiers nos PR-2013-005 et PR-2013-008

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 5 septembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47;

ET À LA SUITE D'une requête déposée par PricewaterhouseCoopers LLP le 23 août 2013 en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux de produire certains documents.

ENTRE

RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON CONSULTING INC. ET PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP Parties plaignantes

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

ORDONNANCE

Ayant examiné la requête déposée par PricewaterhouseCoopers LLP le 23 août 2013, les observations du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux datées du 28 août 2013, les observations des parties intervenantes Deloitte & Touche LLP, Ernst & Young LLP et KPMG LLP datées du 28 août 2013 ainsi que les observations additionnelles déposées par PricewaterhouseCoopers LLP le 30 août 2013, le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette, par la présente, la requête déposée par PricewaterhouseCoopers LLP.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 5 juillet 2013, PricewaterhouseCoopers LLP (PwC) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1 alléguant que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a injustement évalué sa soumission relativement à une demande de propositions, l'invitation no A0015-12-0040/A (la DP). Plus particulièrement, PwC allègue que TPSGC a incorrectement conclu que le rapport de vérification judiciaire qu'elle a fourni à titre d'exemple (le rapport en question), prétendument de manière conforme au critère technique coté CT1, ne constitue pas un rapport de vérification judiciaire2.

2. Le Tribunal a ultérieurement accordé le statut de partie intervenante à Deloitte & Touche LLP, Ernst & Young LLP et KPMG LLP (les parties intervenantes).

3. Le 16 août 2013, TPSGC a déposé le rapport de l'institution fédérale.

4. Le 23 août 2013, PwC a déposé auprès du Tribunal une requête en vue d'obtenir une ordonnance aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE enjoignant à TPSGC de lui fournir les documents suivants :

  • les rapports de vérification judiciaire fournis par tous les soumissionnaires en réponse au critère technique CT1, qui ont été acceptés comme rapports de vérification judiciaire;
  • les feuilles d'évaluation, les notes, les mémos et d'autres documents des évaluateurs concernant les évaluations techniques des rapports de vérification judiciaire de tous les soumissionnaires.

5. Le 28 août 2013, TPSGC ainsi que les parties intervenantes ont déposé leurs observations en réponse à la requête de PwC.

6. PwC a déposé sa réponse aux observations de TPSGC et des parties intervenantes le 30 août 2013.

POSITION DES PARTIES

PwC

7. PwC soutient que l'obtention de ces documents est justifiée afin que le Tribunal puisse se prononcer de façon appropriée sur sa plainte selon laquelle l'équipe d'évaluation de TPSGC n'a pas correctement évalué le rapport en question. Plus particulièrement, PwC soutient que les documents demandés doivent être fournis afin de les comparer au rapport en question. Une telle comparaison, soutient PwC, permettrait au Tribunal de déterminer si l'équipe d'évaluation de TPSGC a agi de façon déraisonnable et injuste en concluant que le rapport en question ne constitue pas un rapport de vérification judiciaire.

Parties s'opposant à la plainte

8. TPSGC et les parties intervenantes (les parties s'opposant à la plainte) soutiennent que les documents demandés par PwC ne sont pas pertinents relativement au règlement de la plainte et que, par conséquent, ils ne doivent pas faire l'objet d'une ordonnance de divulgation. Les parties s'opposant à la plainte soutiennent que, puisque la soumission de PwC a été correctement évaluée en fonction des critères d'évaluation figurant dans la DP et non en fonction des soumissions des autres soumissionnaires, la comparaison du rapport en question avec les documents demandés est à la fois dépourvue de pertinence et inappropriée.

9. De plus, les parties s'opposant à la plainte soutiennent que les documents demandés ne seraient pertinents que si PwC alléguait que la façon dont TPSGC a procédé aux évaluations suscite une crainte raisonnable de partialité. Toutefois, puisque la plainte de PwC ne comporte pas une telle allégation, les parties s'opposant à la plainte soutiennent que les documents demandés ne sont pas pertinents et que, par conséquent, ils n'ont pas à être divulgués.

ANALYSE

10. Après avoir examiné les observations de toutes les parties, le Tribunal conclut que les documents demandés ne sont pas pertinents relativement au règlement de la présente plainte. Comme l'ont fait remarquer les parties s'opposant à la plainte, le rapport en question a été évalué en fonction des critères d'évaluation figurant dans la DP. À cet égard, étant donné que les soumissions devaient être évaluées en fonction des critères d'évaluation figurant dans l'invitation et non en fonction l'une de l'autre, en l'absence d'une allégation de partialité, une comparaison des soumissions n'est ni pertinente ni nécessaire pour statuer sur la plainte3.

11. En outre, bien que la production des soumissions des autres soumissionnaires et des feuilles d'évaluation qui s'y rapportent puisse être utile pour statuer sur une allégation de partialité, PwC n'a fait aucune allégation de ce genre dans sa plainte. À cet égard, l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE prévoit que, dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l'objet de la plainte. La plainte de PwC ne comportant pas une telle allégation4, le Tribunal conclut qu'il ne peut enquêter sur ce motif.

12. Enfin, dans sa requête, PwC soutient que les documents demandés doivent être divulgués puisqu'une « grande partie des observations de PwC reposeront sur ces renseignements5 » [traduction]. Il est cependant bien établi dans la jurisprudence que le but du processus de divulgation est de ne pas permettre aux parties plaignantes « d'aller à la pêche », c'est-à-dire de formuler des demandes de renseignements dans l'espoir d'acquérir des éléments de preuve à l'égard d'autres motifs de plainte éventuels. Tel qu'énoncé dans Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux :

[Le Tribunal] ne permettr[a] pas à des parties plaignantes d'avoir accès à des documents lorsque le seul objectif consiste à trouver des éléments de preuve pouvant être utilisés au soutien d'une plainte. De l'avis du Tribunal, la simple inclusion d'allégations générales dans une plainte ne donne pas à la partie plaignante un droit d'accès illimité à des documents en possession d'institutions fédérales. Cela permettrait des « expéditions de pêche » pour recueillir des renseignements dans les dossiers des institutions fédérales, ce qui serait inadmissible6.

[Note omise]

Puisque PwC n'a pas démontré la pertinence des documents demandés relativement au règlement de la plainte, le Tribunal n'ordonnera pas qu'ils soient produits.

CONCLUSION

13. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal rejette, par la présente, la requête.


1 . L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Suite à une requête de PwC, le Tribunal a ultérieurement joint la plainte de PwC à celle déposée par Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. le 26 juillet 2013 (dossier no PR-2013-005).

3 . Chamber of Shipping of British Columbia c. Ministère des Pêches et des Océans (24 mars 2010), PR-2009-069 (TCCE) [Chamber of Shipping] au para. 14.

4 . À titre informatif, le Tribunal fait remarquer qu'une simple affirmation de partialité ou de crainte raisonnable de partialité n'est pas suffisante pour ordonner la production de documents. L'allégation de partialité ou de crainte raisonnable de partialité doit être fondée sur des renseignements auxquels la partie plaignante avait raisonnablement accès au moment du dépôt de la plainte. Tel qu'énoncé dans Chamber of Shipping (au para. 15), « [...] il incombe à la partie plaignante de démontrer les principaux faits sous-jacents à une allégation. Selon le Tribunal, l'inclusion dans une plainte d'une allégation générale, qui n'est pas appuyée par des renseignements ou des éléments de preuve suffisants pour démontrer, dans une mesure raisonnable, sa véracité, ne constitue pas un motif pour que la partie plaignante ait accès à des documents en possession de l'institution fédérale en vue de valider cette allégation non étayée et hypothétique. »

5 . Lettre de PwC datée du 23 août 2013 au para. 15.

6 . (10 septembre 2010), PR-2010-004 à PR-2010-006 (TCCE) au para. 70. Voir EDS Canada Ltd. (30 juillet 2003), PR-2002-069 (TCCE).