MIL SYSTEMS (A DIVISION OF DAVIE INDUSTRIES INC.) ET FLEETWAY INC.

Ordonnances


MIL SYSTEMS (A DIVISION OF DAVIE INDUSTRIES INC.) ET FLEETWAY INC.
Enquête no : PR-99-034

TABLE DES MATIÈRES


PAR COURRIER

Notre dossier : PR-99-034

Le 18 janvier 2000

M. John L. Dickinson
Coordinateur, Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE)
Conseil de règlement des différends contractuels
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Place du Portage, Phase III
7A1, pièce 29
Hull (Québec)
K1A 0S5

Monsieur,

Vous trouverez ci-joint une copie conforme certifiée d’une ordonnance publiée par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 18 janvier 2000, demandant la production de certains documents, qui doivent être déposés auprès du Tribunal d’ici le jeudi 20 janvier 2000. Le Tribunal transmettra ces documents additionnels aux avocats de la partie plaignante ainsi qu’à l’avocat de l’intervenante le vendredi 21 janvier 2000. Les observations sur le Rapport de l’institution fédérale, ainsi que les documents mentionnés dans l’ordonnance ci-jointe, doivent être déposées auprès du Tribunal d’ici le vendredi 27 janvier 2000. Le Tribunal prévoit publier sa décision et ses recommandations relativement à cette affaire le ou aux environs du 6 mars 2000.

Certains des documents qu’il vous a été ordonné de produire peuvent contenir des renseignements confidentiels. À cet égard, j’attire votre attention sur les articles 43 à 49 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui régit la communication de renseignements dans une procédure du Tribunal. Veuillez noter que l’article 12 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (les Règles) traite du dépôt des documents auprès du Tribunal et que l’article 15 des Règles traite du dépôt de renseignements confidentiels.

En ce qui concerne la communication de certains documents confidentiels à un expert-conseil désigné par la partie plaignante, le Tribunal a décidé de ne pas accueillir l’acte d’engagement déposé et de ne pas accorder aux avocats de la partie plaignante la permission de transmettre à cet expert-conseil, de quelque façon que ce soit, des renseignements désignés confidentiels dans la présente procédure.

Des motifs détaillés, tant pour le rejet de la demande d’accès aux renseignements confidentiels par l’expert-conseil que pour l’ordonnance de production de documents, vous seront transmis bientôt.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Le Secrétaire,

Michel P. Granger

p.j.

c.c. Me David Sherriff-Scott
Borden Elliot Scott & Aylen

Me Ronald D. Lunau
Gowling, Strathy & Henderson

Ottawa, le lundi 14 février 2000

Dossier no : PR-99-034

EU ÉGARD À une requête de MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et de Fleetway Inc. pour la divulgation de renseignements confidentiels à M. Eldon Healey;

ET EU ÉGARD à une plainte déposée par MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et par Fleetway Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47, ainsi qu’à une enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 6 janvier 2000, les avocats de MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et de Fleetway Inc. (les parties plaignantes) ont déposé auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) une requête pour la production additionnelle de documents, accompagnée d’une requête pour la divulgation de renseignements confidentiels spécifiques à M. Eldon Healey, de CFN Consultants. Un document intitulé « Declaration and Undertaking » [« Déclaration et engagement »] (non identique au formulaire usuel du Tribunal) [1] était joint à la requête. Le Tribunal a invité les autres parties à la procédure à présenter des exposés et des observations relativement à cette requête et ce, au plus tard le 13 janvier 2000. Des exposés et des observations s’opposant à la divulgation de renseignements confidentiels à M. Healey ont été reçus du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) et de Siemens Westinghouse Technical Services, une division de Siemens Westinghouse Incorporated (l’intervenante).

Le 18 janvier 2000, le secrétaire du Tribunal a avisé les parties de la décision du Tribunal, qui était de ne pas accueillir l’acte d’engagement soumis par M. Healey et de rejeter la requête des parties plaignantes pour les motifs ci-après.

QUESTION DONT LE TRIBUNAL EST SAISI

La question en litige consiste à déterminer si le Tribunal doit autoriser la divulgation, à M. Healey, de certains renseignements confidentiels, appartenant ou se rapportant à l’intervenante et inclus dans le rapport de l’institution fédérale (RIF), aux termes du paragraphe 45(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

POSITIONS DES PARTIES

Exposé des parties plaignantes

Les avocats des parties plaignantes ont soutenu qu’il est d’une importance fondamentale qu’un expert engagé par les parties plaignantes ait accès aux renseignements confidentiels spécifiques joints au RIF du Ministère. Les avocats ont soutenu que, sans la communication de ces documents, les parties plaignantes ne pourraient répondre au RIF. Renvoyant au paragraphe 45(3) de la Loi, les avocats ont ajouté que M. Healey n’est pas un concurrent de l’intervenante. Étant donné le bref délai prévu pour la préparation des observations en réponse au RIF, les avocats ont informé le Tribunal que les renseignements confidentiels seraient divulgués à M. Healey si aucune réponse n’était reçue du Tribunal avant 16 h 30 le 7 janvier 2000.

Exposé du Ministère

Les avocats du Ministère ont souligné que M. Healey ne peut être reconnu comme ayant la qualité d’expert « indépendant » parce qu’il est un lobbyiste professionnel enregistré qui agit au nom des parties plaignantes ou d’entreprises liées aux parties plaignantes et qu’il ne doit donc pas avoir droit d’accéder aux renseignements confidentiels. Les avocats ont affirmé qu’un lobbyiste est, en raison même de sa profession, une personne partisane, qui tente d’influencer l’activité gouvernementale en s’appuyant sur ses liens personnels et professionnels avec les représentants du gouvernement et sur ses connaissances personnelles acquises au fil du temps. La communication de renseignements pertinents est l’essence même du lien établi entre un lobbyiste et son client.

Exposé de l’intervenante

Les avocats de l’intervenante ont appuyé l’exposé des avocats du Ministère. Ils ont ajouté que M. Healey est un lobbyiste représentant une ou plusieurs des sociétés qui appartiennent au groupe Irving, auquel appartiennent les parties plaignantes. Ils ont aussi ajouté que, en 1992, M. Healey était un lobbyiste professionnel enregistré pour la société St. John Shipbuilding, qui a été remplacée par la société Fleetway Inc. Ils ont soutenu qu’il serait tout à fait inopportun que M. Healey obtienne l’accès aux renseignements confidentiels se rapportant à l’intervenante, qui est une concurrente de la cliente de M. Healey. Les avocats ont finalement dit se préoccuper du respect des actes d’engagement soumis par des lobbyistes, étant donné que ces derniers ne sont pas membres d’un organisme professionnel quelconque et ne seraient donc pas assujettis à quelque sanction disciplinaire que ce soit s’ils devaient éventuellement violer un tel acte d’engagement.

Réponse des parties plaignantes

Les avocats des parties plaignantes ont répondu que d’avancer que M. Healey n’honorerait pas un acte d’engagement en matière de confidentialité est une affirmation gratuite, particulièrement puisqu’elle est dénuée de tout fondement dans le cas de M. Healey.

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 45(3) de la Loi, des renseignements confidentiels peuvent être communiqués par le Tribunal à l’avocat d’une partie à une procédure du Tribunal pour les utiliser dans le cadre de cette procédure.

Le Tribunal a interprété le mot « avocat » au sens du paragraphe 45(3) de la Loi comme étant assimilé aussi à d’autres personnes que les avocats proprement dits [3] . Dans l’affaire Mathewson, le Tribunal a retenu que les parties ont le droit d’être représentées par l’avocat de leur choix, le Tribunal permettant souvent aux parties d’être représentées par des personnes autres que des avocats, par exemple des conseillers commerciaux, des économistes et des comptables [4] . Le Tribunal fait observer à cet égard que M. Healey, dans le document intitulé « déclaration et engagement », a souligné que ses services avaient été retenus par les avocats des parties plaignantes dans le but d’aider ces derniers et d’examiner les pièces afin de leur permettre de préparer et de soumettre des observations en réponse au RIF. Ainsi, ce motif ne justifie pas, à lui seul, de ne pas accorder à M. Healey l’accès à certains renseignements confidentiels.

Toutefois, le Tribunal a interprété le mot « peuvent » du paragraphe 45(3) de la Loi comme une indication que le Parlement avait l’intention de laisser au Tribunal un pouvoir discrétionnaire relativement à la divulgation de renseignements confidentiels à un ou à plusieurs des avocats dans une procédure donnée [5] . Ainsi qu’il a été déclaré dans l’affaire Ottoson-King, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu. Il doit être exercé de bonne foi, à la lumière des facteurs pertinents au but et aux objectifs de la Loi [6] . Le Tribunal reprend le raisonnement qu’il a tenu dans l’affaire Ottoson-King quant à son rôle vis-à-vis la protection des renseignements confidentiels, à savoir :

Il est clair, à la lecture des articles 44 à 48 de la Loi que le Parlement considère la protection des renseignements confidentiels dans une procédure du Tribunal comme un objectif important. Plus particulièrement, le paragraphe 45(3) de la Loi prévoit que la divulgation de tels renseignements peut être assujettie à « des conditions que le Tribunal juge indiquées pour empêcher » que les renseignements confidentiels ne soient divulgués à toute partie à cette procédure ou à tout concurrent. Le Tribunal est d’avis que le fait que le paragraphe 45(3) de la Loi envisage la possibilité que le Tribunal puisse divulguer des renseignements confidentiels, sous réserve des conditions que le Tribunal juge indiquées pour empêcher que les renseignements ne soient divulgués à toute partie ou à tout concurrent, indique que le Tribunal est tenu de protéger les renseignements confidentiels. Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 45(3) de la Loi, le Tribunal est donc d’avis qu’il ne doit pas perdre de vue l’objectif susmentionné [7] .

[Traduction]

Ayant à l’esprit l’objectif susmentionné, le Tribunal est d’avis, pour reprendre les termes qu’il a utilisés dans une procédure antérieure [8] , qu’il existe une « crainte compréhensible » de la part de l’intervenante qu’il pourrait y avoir divulgation de renseignements confidentiels à un de ses concurrents si le Tribunal devait en accorder l’accès à M. Healey. Sans mettre en doute l’intégrité de M. Healey, le Tribunal est d’avis que les présentes activités professionnelles de ce dernier, à titre de lobbyiste, particulièrement son travail et son travail éventuel au service de sociétés qui livrent directement concurrence à l’intervenante à l’égard de qui les renseignements se rapportent, sont des circonstances qui ne donnent pas lieu à une garantie suffisante qui permettrait au Tribunal d’autoriser la divulgation des renseignements confidentiels visés et ce, sous réserve de quelque condition que ce soit.

Puisque le Tribunal est d’avis qu’il existe un risque que M. Healey, même involontairement, puisse divulguer les renseignements confidentiels demandés d’une façon susceptible d’en permettre la communication à un concurrent de l’intervenante, le Tribunal rejette la requête des parties plaignantes pour la divulgation des renseignements confidentiels en question à M. Healey.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


1. Paragraphe 16(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499.

2. L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi].

3. (9 juin 1998), RR-97-008 (TCCE) à la p. 5 [ci-après Mathewson].

4. Ibid .

5. (11 mars 1994), NQ-93-003 (TCCE) à la p. 2 [ci-après Ottoson-King].

6. Dans Directeur des enquêtes et des recherches, Loi sur la concurrence c. TCCE, la Cour fédérale du Canada a conclu que les articles 44 à 48 de la Loi constituent un code complet concernant la divulgation de renseignements confidentiels (17 novembre 1993), A-584-93.

7. Supra note 5.

8. (21 juin 1994), NQ-93-007 (TCCE) à la p. 8.


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Publication initiale : le 2 mars 2000