Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier no PR-2018-020

Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises

c.

Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Décision et motifs rendus
le mercredi 21 novembre 2018

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

SUNNY JAURA s/n JAURA ENTERPRISES

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement réévalue la proposition technique de l’autre soumissionnaire, qui a été jugée conforme aux exigences de la DP, afin de déterminer si sa conformité est basée uniquement sur les renseignements fournis (et non pas sur des renseignements additionnels disponibles en ligne). Une fois cette réévaluation faite, s’il est déterminé que la soumission de l’autre soumissionnaire est conforme, aucune indemnité ne sera accordée à Jaura Enterprises. Par contre, s’il est déterminé, suite à la réévaluation, que Jaura Enterprises est le seul soumissionnaire qui respecte les exigences de la DP, Jaura Enterprises aura droit à une indemnité pour les profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés si le contrat lui avait été adjugé.

Dans le dernier cas, si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant des profits perdus, Jaura Enterprises déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours suivant la date où elle aura reçu les résultats de la réévaluation, des observations sur la question de l’indemnité. Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement aura sept jours ouvrables après la réception des observations de Jaura Enterprises pour déposer des observations en réponse. Jaura Enterprises disposera ensuite de cinq jours ouvrables après réception des observations en réponse du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour déposer des observations supplémentaires. Les parties doivent communiquer simultanément leurs observations au Tribunal canadien du commerce extérieur ainsi qu’à l’autre partie.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises une indemnité raisonnable pour les frais encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant




Rose


 

Membres du Tribunal :

Rose Ann Ritcey, membre présidant

Personnel de soutien :

Elysia Van Zeyl, conseillère juridique

Partie plaignante :

Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises

Conseiller juridique pour la partie plaignante :

Benjamin Mills
Drew Tyler
Carly Haynes

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseiller juridique pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun
Kathryn Hamill

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[1]  Les 9 et 13 août 2018, Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises (Jaura) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 19‑145012-PRMNY-MG) publiée par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) pour de l’hébergement hôtelier.

[2]  Jaura allègue que le MAECD a conclu à tort que la soumission retenue, présentée par Sonder Inc. (Sonder), était compatible avec les exigences de la DP, en particulier l’exigence technique obligatoire 5. Cette exigence indiquait que chaque chambre d’hôtel devait respecter les exigences énoncés à l’annexe A : Énoncé des travaux (ET) [2] . Plus particulièrement, Jaura allègue que la soumission de Sonder ne pouvait avoir respecté les exigences de l’ET selon lesquelles chaque chambre devait comprendre dans le tarif 1) les services d’entretien ménager et de nettoyage et 2) au moins un téléphone permettant de faire des appels locaux. De plus, Jaura allègue que Sonder a été injustement autorisée à offrir un hébergement en « appartement », alors que la demande se limitait à un hébergement « hôtelier ».

[3]  À titre de mesure corrective, Jaura demande que le contrat conclu avec Sonder soit annulé et que les soumissions soient réévaluées conformément aux modalités de la DP. Jaura demande aussi une indemnité pour perte de profits et d’opportunité.

CONTEXTE DE L’APPEL D’OFFRES

[4]  Le 4 juillet 2018, le MAECD a publié un avis de projet de marché pour la fourniture d’hébergement hôtelier du 4 septembre 2018 au 24 décembre 2018 pour du personnel temporaire en lien avec la tenue de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2018 à New York.

[5]  Le 11 juillet 2018, le MAECD a publié la modification no 1 pour répondre aux questions des soumissionnaires et modifier les dates de séjour concernant certaines des chambres demandées [3] .

[6]  Le 18 juillet 2018, le MAECD a publié la modification no 2 pour répondre à d’autres questions des soumissionnaires et modifier les exigences concernant la sécurité [4] .

[7]  La date de clôture de l’appel d’offres était le 23 juillet 2018, et cinq soumissionnaires ont présenté des propositions, y compris une par Sonder et une par Jaura. Le MAECD a écarté l’une des soumissions au motif qu’elle ne respectait pas certaines exigences de l’appel d’offres et elle a transmis les quatre autres soumissions techniques (y compris celles de Sonder et de Jaura) à son équipe d’évaluation technique. L’équipe d’évaluation était composée de trois fonctionnaires du MAECD du Consulat général du Canada à New York.

[8]  Le 25 juillet 2018, l’évaluation technique a été menée en deux étapes. À la première étape, chaque évaluateur a procédé à une évaluation initiale de chaque soumission séparément, et la deuxième étape a consisté en une réunion de consensus pour parvenir à une évaluation par consensus de chaque soumission. L’équipe d’évaluation a décidé par consensus que trois des quatre soumissions, y compris celles de Sonder et de Jaura, étaient conformes aux exigences techniques indiquées dans la DP [5] .

[9]  Le 26 juillet 2018, l’équipe d’évaluation a transmis les résultats de l’évaluation par consensus au MAECD [6] . Ce dernier a ensuite effectué l’évaluation financière des trois soumissions conformes et a conclu que la soumission présentée par Sonder était la soumission recevable la moins-disante. Dans le Rapport de l’institution fédérale (RIF), le MAECD fait remarquer que le prix indiqué dans la soumission de Jaura était le plus élevé selon une marge considérable [7] .

[10]  Le 26 juillet 2018, le MAECD a écrit à Sonder pour confirmer la disponibilité et le prix de l’hébergement requis, soulevant que la soumission de Sonder faisait référence aux dates qui figuraient dans la DP. Après avoir reçu confirmation de Sonder, le 27 juillet 2018, le MAECD a ensuite avisé Sonder que sa soumission avait été retenue et recommandée pour l’adjudication du contrat [8] .

[11]  Le 2 août 2018, Sonder a envoyé au MAECD la version préliminaire d’un bail qui indiquait que l’entretien ménager se ferait deux fois par mois aux deux semaines. Ce bail ne comprenait pas, parmi les services indiqués, de service téléphonique dans la chambre [9] .

[12]  Le 6 août 2018, le MAECD a communiqué avec Sonder pour confirmer les détails de l’entente en ce qui concerne l’entretien ménager, demandant de modifier l’entente afin qu’elle stipule le nettoyage aux deux semaines et de modifier le prix total en conséquence. Le même jour, Sonder a répondu qu’elle indiquerait les nettoyages aux deux semaines dans l’entente finale, ce qui a entraîné une somme supplémentaire de 4 $ dans le tarif de la chambre [10] .

[13]  Le 7 août 2018, le MAECD a avisé Jaura qu’elle n’était pas le soumissionnaire retenu et que le contrat avait été adjugé à Sonder à titre de soumissionnaire conforme ayant présenté la soumission recevable la moins-disante [11] .

[14]  Le 8 août 2018, Jaura a communiqué avec le MAECD pour s’opposer à l’adjudication du contrat à Sonder [12] .

[15]  Le 9 août 2018, le MAECD a communiqué avec Sonder pour confirmer que toutes les chambres offertes comprendraient un téléphone pour des appels locaux gratuits inclus dans le tarif de la chambre. Le même jour, Sonder a confirmé que c’était exact, affirmant que les téléphones n’avaient pas encore été installés, mais qu’ils le seraient au début de la location [13] . Ce jour-là, le MAECD soutient qu’un compte rendu téléphonique a eu lieu avec Jaura à la demande de cette dernière, et qu’il l’a informée que Sonder offrirait les téléphones pour des appels locaux dans les chambres, comme l’exigeait l’ET.

[16]  Comme indiqué ci‑dessus, le 9 août 2018, Jaura a déposé une plainte auprès du Tribunal en ce qui concerne ce processus. D’autres documents nécessaires pour que la plainte soit considérée comme dûment déposée ont été soumis par Jaura le 13 août 2018.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

[17]  La partie 2.4.6 de la DP indique ce qui suit :

Sauf indications contraires dans la DP, le Canada évaluera uniquement les documents fournis avec la proposition d’un soumissionnaire. Le Canada n’évaluera pas les renseignements tels les renvois à des adresses de sites Web où l’on peut trouver de l’information supplémentaire, ou les manuels ou les brochures techniques qui ne sont pas joints à la proposition [14] .

[Traduction]

[18]  La partie 3.2 de la DP précise les exigences applicables aux propositions techniques des soumissionnaires, y compris ce qui suit :

Le soumissionnaire doit fournir la documentation nécessaire afin de démontrer sa conformité avec les exigences indiquées à l’annexe A – Énoncé des travaux.

[...]

Pour les critères techniques obligatoires ci‑dessous, le soumissionnaire et ses ressources proposées doivent démontrer la conformité à tous les critères [15] .

[Nos italiques, traduction]

[19]  L’annexe A de la DP contient l’ET, qui indique plusieurs critères que les chambres fournies par les soumissionnaires devaient respecter, y compris les deux critères qui sont en litige dans la présente plainte, à savoir :

3. Les services d’entretien ménager et de nettoyage de toutes les chambres doivent être inclus dans le tarif de la chambre.

4. Toutes les chambres doivent comprendre au moins un (1) téléphone pour les appels locaux dont le prix doit être inclus dans le tarif de la chambre.

[Traduction]

POSITION DES PARTIES

[20]  Comme expliqué ci‑dessus, Jaura soutient que la soumission de Sonder ne respectait pas les critères qui précèdent. En particulier, selon Jaura, le tarif des chambres offertes par Sonder ne comprenait pas les téléphones pour les appels locaux ou les services d’entretien ménager. Le MAECD soutient que les allégations de Jaura ne sont pas fondées.

ANALYSE

[21]  Comme le Tribunal l’a affirmé à maintes reprises, il accorde dans une large mesure crédit aux évaluateurs. En général, le Tribunal n’interviendra relativement à une évaluation que dans le cas où elle est déraisonnable, c’est-à-dire lorsque les évaluateurs n’ont pas tenu compte de renseignements essentiels, ont mal interprété l’objet d’une exigence, ont agi de façon inéquitable du point de vue procédural ou ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués [16] .

[22]  Toutefois, en l’espèce, comme exposé plus en détail ci‑dessous, le Tribunal est d’avis que les conclusions des évaluateurs en ce qui concerne les exigences visant les téléphones et l’entretien ménager ne résistent pas à l’épreuve du caractère raisonnable.

Téléphones

[23]  Jaura allègue que Sonder n’offre pas de téléphones dans ses chambres, comme l’exige l’ET. En outre, l’allégation de Jaura est partiellement fondée sur ses interactions avec Sonder par courriel. Le MAECD fait remarquer que, dans l’échange de courriels du 8 août 2018, Sonder a informé Jaura qu’elle n’offrait pas de téléphones dans les chambres, mais que, « si vous avez absolument besoin de téléphones, je peux faire en sorte qu’il y en ait » [17] [traduction].

[24]  En réponse, le MAECD fait valoir que la dernière page de la soumission de Sonder comportait, à titre d’exemple, la photographie d’une chambre dans laquelle un téléphone était installé [18] .

[25]  Le MAECD renvoie aussi à DSS Marine, décision dans laquelle le Tribunal a affirmé que, dans certaines situations et dans la mesure où la même méthode était appliquée à l’évaluation de toutes les soumissions, il pouvait être raisonnable pour les évaluateurs d’interpréter un terme ambigu comme une indication implicite de conformité [19] . Toutefois, le Tribunal dans DSS Marine a également conclu que les évaluateurs dans cette affaire avaient agi de façon raisonnable en ne concluant pas à une telle conformité. Dans l’ensemble, la détermination de la marge de manœuvre des évaluateurs dans l’interprétation de termes ambigus dans les soumissions de façon à démontrer (ou à ne pas démontrer) la conformité est une analyse fondée sur les faits concernant les termes figurant dans les documents de l’appel d’offres et les soumissions en question.

[26]  Il était peut-être loisible aux évaluateurs de conclure, selon la présence d’un téléphone dans l’une des photographies fournies avec la soumission de Sonder, que les chambres offertes par Sonder comportaient un téléphone. Toutefois, le Tribunal doit faire remarquer que cette partie de l’exigence technique obligatoire 5 nécessitait plus que la simple fourniture de téléphones dans les chambres.

[27]  La DP exigeait plutôt que les appels locaux soient compris dans le tarif de la chambre. Le Tribunal est d’avis qu’il était déraisonnable pour les évaluateurs de supposer, selon la simple présence d’un téléphone dans une photographie, que les appels locaux étaient inclus dans le tarif de la chambre. La présence du téléphone n’indiquait rien des frais, le cas échéant, découlant de l’utilisation de ce téléphone.

[28]  Le fait que Sonder ait confirmé que les appels locaux étaient inclus, après l’adjudication du contrat, ne remédie pas à cette lacune manifeste de la soumission de Sonder. En outre, étant donné l’obligation indiquée à la partie 3.2 de la DP, qui exigeait que les soumissionnaires « démontrent » la conformité, il était déraisonnable pour le MAECD d’avoir « supposé » la conformité à l’exigence selon laquelle le tarif de la chambre comprenait les appels locaux.

Entretien ménager

[29]  Jaura allègue que la soumission de Sonder n’était pas conforme à l’exigence de l’ET selon laquelle « [l]es services d’entretien ménager et de nettoyage de toutes les chambres doivent être inclus dans le tarif de la chambre ». Jaura soutient que, puisque le tarif de la chambre est un tarif journalier, les services d’entretien ménager inclus dans ce tarif doivent également être présentés sur une base journalière. En réponse, le MAECD fait remarquer que la DP ne précisait pas une fréquence requise pour le nettoyage des chambres. La soumission de Sonder contenait un lien vers son site Web à l’appui de sa conformité à l’ET, qui indiquait que les nettoyages mensuels et les services (électricité, eau) étaient inclus [20] . En outre, dans l’échange de courriels entre Jaura et Sonder, cette dernière a indiqué que « vous obtenez un nettoyage par mois. Tout nettoyage supplémentaire entraînera des frais de 100 $ par nettoyage » [21] [traduction].

[30]  Selon le Tribunal, la fréquence des nettoyages est une question secondaire. La principale question est que rien dans la soumission de Sonder ne permettait aux évaluateurs de raisonnablement supposer que le nettoyage était inclus dans le tarif de la chambre. La conclusion selon laquelle les services d’entretien ménager étaient inclus dans le tarif ne pouvait être tirée par les évaluateurs qu’après avoir consulté le site Web de Sonder.

[31]  Une fois de plus, la section 2.4.6 de la DP indique très clairement que le MAECD devait évaluer les soumissions en fonction uniquement des documents effectivement soumis et qu’il ne tiendrait pas compte dans son évaluation des renseignements mentionnés sur des sites Web.

[32]  Par conséquent, en tenant compte de renseignements qui figuraient uniquement sur le site Web de Sonder et qui n’ont pas été soumis avec sa soumission, le MAECD a violé les modalités de la DP lorsqu’il a mené son évaluation. Les évaluateurs ont donc agi de façon déraisonnable.

Hébergement « hôtelier  » par rapport à hébergement en « appartement »

[33]  Jaura soutient que la DP mentionnait une exigence d’hébergement « hôtelier » et que la soumission de Sonder offre plutôt un hébergement en « appartement », plutôt qu’un hébergement hôtelier. À l’appui de cet argument, Jaura renvoie à son échange de courriels avec Sander du 8 août 2018, dans lequel Sonder se décrit comme un « hôtel déconstruit » [traduction] parce qu’elle « ne possède pas les briques » [traduction], louant plutôt à bail les biens immobiliers avec la permission des propriétaires de louer les pièces à court terme [22] .

[34]  En réponse, le MAECD renvoie à la modification no 1 apportée à la DP, qui avisait les soumissionnaires que le MAECD avait une « grande préférence pour les appartements à une chambre » [traduction]. En outre, dans un autre courriel de Sonder à Jaura le 8 août 2018, Sonder a indiqué que « les gouvernements locaux nous désignent comme un hôtel, pour lequel nous devons payer la “taxe hôtelière” et suivre les règles. [...] Nous fonctionnons selon les règles dans toutes les municipalités afin d’éviter les amendes et une mauvaise réputation » [23] [traduction].

[35]  Le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé. À son avis, il importe peu que l’hébergement offert par Sonder soit un hébergement « hôtelier » ou en appartement, puisque la DP et la modification no 1 apportée à la DP précisent que l’un et l’autre sont acceptables, dans la mesure où ils respectent les exigences techniques.

CONCLUSION

[36]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

[37]  Les lacunes indiquées dans ce processus remettent en question l’exactitude des évaluations des autres soumissionnaires. Le Tribunal comprend que, selon le RIF, il n’y a qu’un seul autre soumissionnaire, outre Sonder et Jaura, que les évaluateurs ont estimé conforme relativement aux modalités de la DP. Le Tribunal recommande que la proposition de ce soumissionnaire soit réévaluée. Ce faisant, les évaluateurs doivent prendre soin de s’assurer que l’évaluation de la soumission soit fondée uniquement sur les renseignements effectivement fournis et non sur des renvois à d’autres documents, à des sites Web ou sur d’autres renvois de ce genre [24] . Les évaluateurs doivent également prendre soin de s’assurer que le soumissionnaire s’est conformé aux exigences de « démontrer » que les critères techniques sont respectés.

[38]  Si le résultat de cette réévaluation est que la proposition de l’autre soumissionnaire est toujours conforme, les évaluateurs ayant déterminé que les erreurs susmentionnées ayant trait à la soumission de Sonder n’ont pas eu d’incidence sur celle-ci, Jaura n’aura alors pas droit à une indemnité pour perte de profits. Le Tribunal est d’avis que cette mesure est appropriée et raisonnable parce que, à cause de son prix, Jaura aurait été le soumissionnaire gagnant uniquement si le soumissionnaire classé au deuxième rang avait été jugé non conforme.

[39]  Toutefois, dans la mesure où les évaluateurs concluent que la proposition de l’autre soumissionnaire n’est pas conforme, Jaura, étant le seul soumissionnaire conforme dans ce scénario, aura droit à une indemnité pour perte de profits.

[40]  Par conséquent, aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que le MAECD réévalue la proposition technique de l’autre soumissionnaire, qui a été jugée conforme aux exigences de la DP, afin de déterminer si sa conformité est basée uniquement sur les renseignements fournis (et non pas sur des renseignements additionnels disponibles en ligne). Une fois cette réévaluation faite, s’il est déterminé que la soumission de l’autre soumissionnaire est conforme, aucune indemnité ne sera accordée à Jaura. Par contre, s’il est déterminé que Jaura est le seul soumissionnaire qui respecte les exigences de la DP, Jaura aura droit à une indemnité pour les profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés si le contrat lui avait été adjugé.

FRAIS

[41]  Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Jaura une indemnité raisonnable pour les frais encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le MAECD. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant




Rose



[1] .  L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] .  Pièce PR-2018-020-10, vol. 1, pièce jointe 1.

[3] .  Ibid., pièce jointe 2.

[4] .  Ibid., pièce jointe 3.

[5] .  Pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, pièce jointe 4.

[6] .  Ibid., pièce jointe 6.

[7] .  Pièce PR-2018-020-10, vol. 1, au par. 13; pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, p. 19.

[8] .  Pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, pièces jointes 8 et 9.

[9] .  Ibid., pièce jointe 10.

[10] .  Ibid.

[11] .  Pièce PR-2018-020-10, vol. 1, par. 17 et pièce jointe 11.

[12] .  Ibid., pièce jointe 12.

[13] .  Pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, pièce jointe 10.

[14] .  Pièce PR-2018-020-10, vol. 1, pièce jointe 1.

[15] .  Ibid.

[16] .  Vantage Painting Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 mars 2018), PR‑2017‑042 (TCCE) au par. 28; Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (13 avril 2015), PR-2014-050 (TCCE) au par. 35; Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 33.

[17] .  Pièce PR-2018-020-01, vol. 1, p 44.

[18] .  Pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, pièce jointe 13.

[19] .  DSS Marine c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (15 août 2018), PR‑2018‑005 (TCCE) au par. 24.

[20] .  Pièce PR-2018-020-10A (protégée), vol. 2, pièce jointe 13 à la p. 15; pièce PR-2018-020-10, vol. 1, pièce jointe 14.

[21] .  Pièce PR-2018-020-01, vol. 1, p. 44.

[22] .  Ibid., p. 45.

[23] .  Ibid.

[24] .  Pour plus de certitude, le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de réévaluer la soumission de Jaura puisqu’elle n’a pas présenté les mêmes lacunes (renvoi à des liens) que la soumission de Sonder.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.