Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2018-036

Temprano and Young Architects Inc.

c.

Commission de la capitale nationale

Décision et motifs rendus
le mardi 26 février 2019

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Temprano and Young Architects Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

TEMPRANO AND YOUNG ARCHITECTS INC.

Partie plaignante

ET

LA COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine qu’il n’accordera aucun frais en l’espèce.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant












 

Membres du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Personnel de soutien :

Laura Colella, conseillère juridique

Partie plaignante :

Temprano and Young Architects Inc.

Institution fédérale :

Commission de la capitale nationale

Conseiller juridique pour l’institution fédérale :

Gerald H. Stobo
Marc McLaren-Caux

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1]  Le 19 octobre 2018, Temprano and Young Architects Inc. (Temprano & Young) a déposé la présente plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant une demande d’offre à commandes (DOC) publiée par la Commission de la capitale nationale (CCN) (dossier no LW082). Le but de la DOC était d’attribuer environ 12 offres à commande à des sociétés d’experts-conseils en matière d’architecture en vue de la prestation de services à la CCN au fur et à mesure des besoins.

[2]  Le 21 septembre 2018, la CCN a avisé Temprano & Young par écrit que sa soumission n’avait pas été retenue, en précisant ce qui suit :

Malheureusement, votre proposition technique pour la catégorie générale n’a pas obtenu la note minimale de 80 %. La note technique obtenue est de [xxxxx] sur 100 [1] .

[Traduction]

[3]  Temprano & Young allègue que sa soumission n’a pas été évaluée conformément à la procédure d’évaluation et aux critères essentiels énoncés dans les documents de l’appel d’offres et que l’entité acheteuse n’a pas fait preuve de la diligence requise pour veiller à ce que l’évaluation soit équitable et impartiale. Temprano & Young allègue également que la réunion de compte rendu a révélé que les exigences essentielles de l’appel d’offres étaient lacunaires et ne pouvaient avoir pour résultat une évaluation équitable et impartiale.

CONTEXTE

[4]  Le 25 avril 2018, la CCN a publié la DOC. Temprano & Young a présenté une soumission technique et une offre financière à la CCN pour cette DOC.

[5]  L’appel d’offres a pris fin le 12 juin 2018.

[6]  Le 21 septembre 2018, la CCN a avisé Temprano & Young par courriel que le contrat ne lui serait pas adjugé. Le 16 octobre 2018, une réunion de compte rendu a eu lieu entre Temprano & Young et la CCN. C’est au cours de cette réunion que Temprano & Young allègue avoir pris connaissance de ses motifs de plainte.

ARTICLES PERTINENTS DE LA DOC

[7]  L’article 6.1.6 de la Convention d’offre permanente stipule ce qui suit :

6.1.6  Le matériel de chacune des sections sera évalué séparément, de manière à garantir que les soumissionnaires se conforment à toutes les exigences du mandat pour cette section. Les évaluations seront menées comme suit :

La proposition du soumissionnaire doit obtenir au moins 24 points (80 %) dans la Section 1 pour que le matériel de la Section 2 puisse être pris en considération. Si une soumission n’atteint pas 80 % pour le matériel de la Section 1, la soumission ne sera pas examinée davantage.

La proposition du soumissionnaire doit obtenir au moins 28 points (80 %) dans la Section 2 pour que le matériel de la Section 3 puisse être pris en considération. Si une soumission n’atteint pas 80 % pour le matériel de la Section 2, la soumission ne sera pas examinée davantage.

La proposition du soumissionnaire doit ensuite obtenir au moins 28 points (80 %) dans la Section 3 pour être considérée techniquement recevable et pour que la proposition de prix qui l’accompagne soit examinée. Si une soumission n’atteint pas 80 % pour le matériel de la Section 3, l’enveloppe contenant le prix ne sera pas ouverte et la soumission ne sera pas examinée davantage.

POSITION DES PARTIES

Position de Temprano & Young

[8]  La position de Temprano & Young selon laquelle la CCN a agi de façon déraisonnable peut être résumée comme suit :

  • La structure des exigences relatives à la soumission était erronée et ne pouvait pas entraîner une évaluation équitable et impartiale : Temprano & Young allègue que l’évaluation aurait dû être structurée de façon à ce que les évaluateurs doivent évaluer chacune des trois sections de façon indépendante et sans avoir accès à la totalité de la soumission.

  • L’autorité contractante n’a pas respecté les exigences obligatoires de la soumission et n’a pas agi conformément aux critères et à l’exigence obligatoire indiqués : Temprano & Young allègue que l’évaluation de sa soumission n’a pas été effectuée conformément à la DOC et que les évaluateurs ont été influencés par la totalité de la soumission lors de leur évaluation de la section 1. Temprano & Young soutient qu’au cours de la réunion de compte rendu, elle a appris que les évaluateurs avaient tenu compte d’éléments des sections 2 et 3 pour évaluer la section 1 de sa soumission, et qu’ils ont jugé que sa soumission n’était pas conforme selon les renseignements figurant dans les sections 2 et 3.

  • L’autorité contractante n’a pas fait preuve de diligence raisonnable pour s’assurer que les renseignements fournis par le fournisseur potentiel garantissaient une évaluation équitable et impartiale : Temprano & Young allègue que la CCN a omis de contacter une référence qu’elle avait soumise pour fournir des renseignements sur des travaux qu’elle ne pouvait inclure dans sa soumission en raison d’exigences relatives à la sécurité. De plus, Temprano & Young allègue que les évaluateurs ont incorrectement tenu compte d’une référence interne. Enfin, Temprano & Young allègue que les services d’un conseiller en équité aurait dû être retenus dans le cadre de la procédure.

Position de la CCN

[9]  La CCN soutient que le premier motif de plainte de Temprano & Young a été déposé après le délai prescrit dans le Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) et que, même si ce n’était pas le cas, elle rejette l’allégation selon laquelle la procédure était déficiente ou inéquitable, que ce soit par sa structure ou la manière dont l’évaluation a été effectuée.

[10]  La CCN rejette l’allégation selon laquelle elle n’a pas respecté pas les exigences obligatoires de la DOC. Elle soutient que, bien que d’autres éléments aient été abordés au cours de la réunion de compte rendu, l’évaluation a été effectuée conformément aux exigences de la DOC.

[11]  En ce qui concerne l’allégation de Temprano & Young selon laquelle la CCN n’a pas fait preuve de diligence raisonnable dans son évaluation, la CCN soutient que la DOC n’exigeait pas qu’elle contacte les références du soumissionnaire et qu’aucune exigence n’imposait que les services d’un conseiller en équité soient retenus pour de la procédure de passation du marché public.

[12]  Enfin, la CCN soutient que, même si Temprano & Young avait satisfait aux exigences obligatoires de l’évaluation technique, étant donné sa proposition financière, elle ne se serait pas classée « dans les quatre meilleures propositions » [traduction] pour ce volet et ne se serait pas vue attribuer une offre à commande de toute façon. Par conséquent, la CCN soutient que Temprano & Young n’a subi aucune perte de profit.

Réponse de Temprano & Young

[13]  Temprano & Young n’a pas répondu à l’argument de la CCN selon lequel le premier motif de plainte est forclos. Elle soutient que les trois sections de la proposition n’auraient pas dû être évaluées simultanément et qu’elle croit que la proposition n’a pas été évaluée de façon successive.

[14]  En plus des arguments que Temprano & Young a déjà présentés quant au second motif de plainte, elle ajoute qu’elle est préoccupée par le fait que les évaluateurs ne lui ont pas fourni de copies de l’évaluation et « d’autres documents » [3] [traduction].

[15]  En ce qui concerne le troisième motif de plainte, Temprano & Young précise qu’elle était préoccupée par le fait que la CCN n’a pas contacter une référence en particulier qu’elle avait fournie dans sa proposition, puisque les travaux qui ont été réalisés pour cette référence ne pouvaient pas, selon Temprano & Young, être mentionnés dans la proposition en raison d’exigences relatives à la sécurité.

[16]  Temprano & Young conteste également le fait que la CCN a reçu une « référence interne » [4] [traduction] de quelqu’un qui avait déjà travaillé chez Temprano & Young. Temprano & Young croit que le fait que la CCN a vérifié la référence interne signifie qu’elle a ajouté une condition préalable d’avoir effectué des travaux pour la CCN afin que sa soumission soit retenue. Temprano & Young allègue que cela a donné un « avantage important » [traduction] aux firmes qui ont déjà effectué des travaux pour la CCN. Quoi qu’il en soit, Temprano & Young nie toutes les allégations selon lesquelles tout travail effectué par sa firme n’a pas été bien fait ou a dû être refait, et rejette les renseignements fournis par la « référence interne ».

ANALYSE

[17]  Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [5] (Loi sur le TCCE) exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte [6] . À l’issue de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux dispositions des accords commerciaux applicables. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que le premier motif de plainte n’a pas été déposé dans les délais et que les deux autres motifs de plainte ne sont pas fondés.

Les allégations quant à la structure des exigences relatives à la soumission n’ont pas été déposées dans les délais

[18]  Les paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement stipulent qu’un fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où il aurait dû vraisemblablement les découvrir. Un fournisseur potentiel peut aussi présenter une opposition concernant un marché public à l’institution fédérale pertinente, et si l’institution refuse réparation, peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition.

[19]  Temprano & Young suggère que, parce que toute la soumission technique a été mise à la disposition des évaluateurs, ces derniers auraient été influencés par le contenu de chaque section lors de l’évaluation des autres sections. Elle soutient que la DOC aurait dû exiger que chaque section soit soumise dans des enveloppes scellées afin que la section 2 ne soit évaluée que si la section 1 était jugée conforme, et ainsi de suite.

[20]  Cependant, la structure de la procédure était clairement énoncée dans la DOC et, par conséquent, les soumissionnaires ont dû raisonnablement prendre connaissance de cette structure à la lecture de la DOC, ce qui a dû se faire au plus tard à la date de clôture de l’appel d’offres. Par conséquent, si Temprano & Young considérait que la structure ou les critères de la DOC soulevaient des préoccupations quant à l’équité ou étaient de tout autre façon incompatibles avec les exigences des accords commerciaux applicables, elle avait 10 jours ouvrables suivant la date où elle a pris connaissance de la structure ou des critères de la DOC pour présenter une opposition ou déposer une plainte à cet égard.

[21]  Si un fournisseur potentiel croit qu’il y a une déficience dans l’appel d’offres, sa plainte doit être déposée dans els délais. Le mécanisme d’examen des marchés publics ne prévoit pas la possibilité d’accumuler des griefs et de les présenter une fois que la soumission est rejetée. À cet égard, dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd. [7] , la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :

[18]  Dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle. [...]

[20]  [...] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. [...]

[21]  Le Tribunal a précisé clairement, dans le passé, que les plaintes fondées sur l’interprétation des termes d’une [demande de propositions] devaient avoir été présentées dans les dix jours suivant le moment où l’ambiguïté ou le manque de clarté qu’on allègue était devenu ou aurait dû normalement devenir apparent.

[22]  De plus, la Cour a affirmé qu’un soumissionnaire ne doit pas adopter une attitude attentiste et faire connaître son opposition une fois terminée la procédure de passation du marché public. Elle a affirmé que « c’est précisément le genre d’attitude que la procédure de passation des marchés publics et le Règlement tentent de décourager ».

[23]  Puisque la question de Temprano & Young découle des procédures d’évaluation énoncées dans la DOC, elle ne pouvait donc pas attendre que sa proposition soit rejetée avant de présenter une opposition à l’institution fédérale pertinente ou de déposer une plainte auprès du Tribunal. En fait, il incombait à Temprano & Young de le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle a pris connaissance de la procédure énoncée dans la DOC ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement la découvrir.

[24]  Par conséquent, le Tribunal conclut que cette allégation n’a pas été déposée dans les délais prescrits par le Règlement.

L’autorité contractante a effectué l’évaluation conformément aux critères et aux exigences obligatoires énoncées dans la DOC

[25]  L’Accord de libre-échange canadien stipule que « [l]a documentation relative à l’appel d’offres [doit contenir] tous les détails pertinents concernant les critères d’évaluation qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions, y compris les méthodes de pondération et d’évaluation [...] » [8] . Il stipule aussi que l’entité contractante doit effectuer « son évaluation sur la base des conditions qu’[il] a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres » [9] et que, « [p]our être considérée en vue d’une adjudication, une soumission [...], au moment de son ouverture, [doit être] conforme aux prescriptions essentielles énoncées [...] dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] » [10] .

[26]  En règle générale, le Tribunal fait preuve de déférence à l’égard des décisions des évaluateurs et n’interviendra que si l’évaluation n’est pas raisonnable, par exemple si les évaluateurs ne sont pas appliqués à bien évaluer une soumission, n’ont pas tenu compte de renseignements essentiels fournis dans une soumission, ont mal interprété l’objet d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non spécifiés ou n’ont pas d’une autre façon procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure [11] .

[27]  Temprano & Young allègue qu’au cours de la réunion de compte rendu :

[l]es seules questions qui ont été abordées avaient trait à l’expérience et aux qualifications du personnel, aux exemples de projets, à la qualité de la conception et aux contrats obtenus. Aucune de ces questions ne devait être évaluée dans la partie 1. Les 10 projets qui ne figuraient que dans la partie 3 ont été spécifiquement mentionnés. Il semble que les évaluateurs aient évalué les parties 2 et 3 avant la partie 1. Cela contrevient à la procédure énoncée dans la DP.

[Traduction]

[28]  Temprano & Young allègue également qu’« aucune explication concernant les notes obtenues pour chacune des catégories n’a été donnée [...] » [traduction].

[29]  La CCN confirme qu’elle a évalué chaque section de la soumission de façon distincte. Elle indique que quatre évaluateurs ont noté séparément les propositions, et qu’ils se sont ensuite réunis pour discuter de leurs évaluations. Un des évaluateurs a cessé de noter la soumission de Temprano & Young après la section 1, car elle n’avait pas obtenu la note minimale pour cette section. Les trois autres évaluateurs ont continué à évaluer l’ensemble de la proposition, car ils n’auraient su qu’après la réunion des évaluateurs si, dans l’ensemble, la soumission avait obtenu la note minimale pour chaque section. Une fois que les évaluateurs ont tous convenu que la note minimale pour la section 1 n’avait pas été obtenue, ils n’ont pas discuté de leurs commentaires concernant les sections 2 et 3.

[30]  La CCN précise également que, dans sa lettre de rejet, elle a informé Temprano & Young par erreur qu’elle avait reçu un certain nombre de points dans l’évaluation technique (y compris les notes non finalisées des sections 2 et 3). La CCN admet que la lettre aurait simplement dû indiquer que la proposition n’avait pas été davantage examinée, car elle n’avait pas obtenu le nombre minimal requis de points pour la section 1. La CCN a également avisé qu’un représentant de la CCN ayant participé à la réunion de compte rendu était un des évaluateurs initiaux qui, après avoir noté la section 1, avait également évalué par la suite les sections 2 et 3 de la soumission. La CCN reconnaît qu’au cours de la réunion de compte rendu, des commentaires ont été faits sur l’ensemble de la soumission de Temprano & Young (y compris les sections 2 et 3), étant donné que l’évaluateur avait examiné l’ensemble de la soumission dans le cadre de la procédure d’évaluation. La CCN a avisé qu’elle n’a fourni cette information à Temprano & Young qu’à titre de remarques constructives.

[31]  Tel que cité ci-dessus, l’évaluation des propositions spécifie que les évaluateurs évalueraient individuellement chaque section. L’article 6.1.6 spécifie également une procédure qui stipule que la section 2 ne serait pas évaluée si la section 1 n’obtenait pas 80 % des points exigés, et que, de façon similaire, la section 3 ne serait pas évaluée si le soumissionnaire n’obtenait pas 80 % pour la section 2.

[32]  Les renseignements fournis par la CCN semblent indiquer que les évaluateurs ont évalué chaque soumission de façon indépendante. Par conséquent, ils ont tous évalué et déposé leurs propres résultats pour chaque section de façon successive, et ce n’est qu’après le dépôt des notes de chaque évaluateur qu’une note totale pour chaque section a été calculée. Étant donné que chaque évaluateur ne connaissait pas la note attribuée pour chaque section par les autres évaluateurs et que la note totale pouvait être suffisante pour que chaque section soit jugée conforme, chaque évaluateur, à l’exception d’un, a évalué l’ensemble de la proposition, chaque section devant obtenir le nombre minimal de points.

[33]  Ce type d’évaluation n’était pas déraisonnable compte tenu de la DOC. Ni la procédure d’évaluation énoncée dans la DOC ni les dispositions des accords commerciaux ne précisent que le mécanisme d’évaluation énoncé par Temprano & Young était exigé. Bien que la CCN puisse avoir choisi une méthode d’évaluation différente, la méthode qu’elle a choisie était raisonnable et n’a pas mené à un résultat déraisonnable qui exigerait l’intervention du Tribunal. Les rapports d’évaluation démontrent que chaque section a été évaluée de façon successive compte tenu de ses propres critères et du contenu de la soumission. Bien que Temprano & Young allègue que les évaluateurs ont dû être influencés de façon négative par leur examen subséquent des sections 2 et 3 de sa soumission, le Tribunal est convaincu que les évaluateurs de la CCN ont convenablement évalué la section 1 en n’utilisant que les renseignements contenus dans cette section de la soumission et qu’ils n’ont pas été influencés rétrospectivement par les renseignements contenus dans d’autres sections.

[34]  Par conséquent, le Tribunal conclut que cette allégation n’est pas fondée.

L’autorité contractante a fait preuve de diligence raisonnable et a assuré l’équité et l’impartialité de l’évaluation

[35]  En ce qui concerne l’absence d’un conseiller en équité, rien dans la DOC ou les accords commerciaux n’exige de retenir les services d’un conseiller en équité, et l’absence d’un tel conseiller ne démontre pas que l’acheteur public n’a pas fait preuve de diligence raisonnable ou n’a pas été équitable. Par conséquent, cette allégation n’est pas fondée.

[36]  En ce qui concerne les références, Temprano & Young soutient que la CCN aurait dû contacter une référence en particulier qu’elle lui a fournie afin de se renseigner sur certains travaux qu’elle n’a soi-disant pas été en mesure d’inclure dans sa soumission, étant donné certaines exigences relatives à la sécurité concernant ces autres travaux.

[37]  La DOC demandait aux soumissionnaires potentiels de soumettre trois lettres de référence récentes [12]  :

Les soumissionnaires doivent fournir trois lettres de références récentes des clients, chacune pour un projet distinct dont la construction et l’achèvement ont été réalisés au cours des cinq dernières années. Nota : les lettres de référence doivent porter sur les capacités et le rendement de la firme. On pourra communiquer avec les références.

[Nos italiques]

[38]  Conformément aux dispositions de la DOC, la CCN n’était pas obligée de contacter les références. Il incombait à Temprano & Young de s’assurer que les renseignements fournis dans sa soumission étaient suffisants pour permettre aux évaluateurs de déterminer si elle répondait aux critères obligatoires. Temprano & Young a demandé que la CCN contacte ses références en raison de son impossibilité à fournir des renseignements détaillés sur certains travaux, citant des préoccupations relatives à la sécurité nationale concernant ces travaux et les clients. Bien que cette demande soit évidente dans la soumission, il est également évident dans la DOC que la CCN n’avait aucune obligation de respecter cette demande.

[39]  Bien que les institutions fédérales doivent évaluer les soumissions de façon approfondie et minutieuse, il revient aux soumissionnaires de s’assurer que leur soumission est claire et qu’elle respecte les critères obligatoires d’un appel d’offres, y compris en veillant à ce que tous les documents justificatifs soient inclus dans leur soumission, comme requis, et qu’ils démontrent clairement la conformité. Au bout du compte, il revient au soumissionnaire de préparer consciencieusement sa soumission afin de s’assurer qu’elle n’est pas ambiguë et qu’elle peut être bien comprise par les évaluateurs. Cela comprend l’obligation de bien comprendre et de respecter les instructions et les exigences d’un appel d’offres. Le Tribunal reconnaît la difficulté qu’a rencontrée Temprano & Young pour fournir certains renseignements dans sa soumission, alors qu’elle était obligée de limiter la communication de ceux-ci soi-disant en raison de facteurs relatifs à la sécurité de certains de ses clients. Bien que Temprano & Young ait fourni des références pour les évaluateurs, le fait que la CCN n’a pas communiqué avec les références fournies par Temprano & Young n’entraîne pas un examen inéquitable ou partial par la CCN.

[40]  En ce qui concerne la référence interne, Temprano & Young insiste sur le fait que les renseignements fournis par la référence interne étaient incorrects et qu’ils n’auraient pas dû être pris en compte dans l’évaluation de sa soumission. Cependant, au critère 1.5, la DOC permettait aux évaluateurs de tenir compte des travaux que les soumissionnaires avaient déjà effectués pour la CCN :

La CCN se réserve aussi le droit de consulter ces dossiers des contrats antérieurs dans l’évaluation de cette exigence cotée.

[41]  Par conséquent, bien que le Tribunal ait soigneusement examiné l’opposition formulée par Temprano & Young concernant la référence interne, il demeure qu’il n’était pas déraisonnable pour les évaluateurs d’en tenir compte, puisque cela était expressément stipulé dans la DOC.

FRAIS

[42]  La CCN demande le remboursement des frais encourus pour avoir répondu à la plainte.

[43]  Bien que le Tribunal conclut que la CCN n’a pas violé les accords commerciaux applicables, il conclut que les erreurs contenues dans la lettre de rejet datée du 21 septembre 2018 relativement au nombre de points reçus par Temprano & Young dans l’évaluation, ainsi que les renseignements qui ont été fournis à Temprano & Young au cours de la réunion de compte rendu (bien qu’ils aient été fournis avec les meilleures intentions) ont amené Temprano & Young à conclure que sa soumission n’avait pas été évaluée de façon équitable.

[44]  Pour ces motifs, le Tribunal détermine que chaque partie assumera ses propres frais.

DÉCISION

[45]  Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

[46]  Le Tribunal détermine qu’il n’accordera aucuns frais en l’espèce.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant







[1] .  La CCN note dans son rapport de l’institution fédérale, à la page 10, que la « lettre de rejet envoyée à la partie plaignante indiquait de façon erronée que sa proposition avait reçu xxxxx points dans l’évaluation technique, au lieu d’indiquer que la proposition de la partie plaignante n’a pas été examinée davantage parce qu’elle n’a pas réussi à obtenir le nombre minimal de points requis pour la section 1 » [traduction].

[2] .  D.O.R.S./93-602.

[3] .  Pièce 21c, vol. 2, réponse de Temprano & Young au RIF, page 19 de 35.

[4] .  Dans la version anglaise de la DOC, « auto-reference ».

[5] .  L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[6] .  Eu égard à cette disposition, le rôle du Tribunal est d’évaluer uniquement les allégations qui figurent dans la plainte déposée par Temprano & Young le 19 octobre 2018.

[7] .  IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII).

[8] .  Accord de libre-échange canadien, article 509(7) [ALEC].

[9] .  ALEC, article 507(3)b).

[10] .  ALEC, article 515(4).

[11] .  Voir par exemple Gallason Industrial Cleaning Services Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (15 août 2018), PR-2018-002 au par. 31.

[12] .  DOC, section 5.1.2.1, critère 1.5.

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