Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2019-021

Nuvis Technologies Inc.

 

Décision prise
le mercredi 10 juillet 2019

Décision rendue
le jeudi 11 juillet 2019

Motifs rendus
le vendredi 19 juillet 2019

 

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

NUVIS TECHNOLOGIES INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.
















Georges Bujold                       
Georges Bujold
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.                  En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

2.                  La plainte déposée par Nuvis Technologies Inc. (Nuvis) concerne une demande de propositions, invitation nº EN578-170003/22 (Avis du défi), lancée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) pour la fourniture d’un système de traçabilité numérique concernant la chaîne d’approvisionnement de l’acier. L’Avis du défi a été publié en vertu d’une demande de propositions, invitation nº EN578-170003/C, appel de propositions 002 du programme Solutions innovatrices Canada (DP), publiée par TPSGC au nom d’ISDE.

3.                  En l’espèce, Nuvis allègue que l’évaluation effectuée par TPSGC était déraisonnable, entraînant ainsi sa proposition à être erronément jugée non conforme eu égard aux critères obligatoires pertinents énoncés dans la DP.

4.                  Le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte. Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement.

CONTEXTE

5.                  Le 6 mai 2019, TPSGC a informé Nuvis que sa proposition présentée en réponse à l’Avis du défi était jugée non recevable, car elle ne respectait pas les critères obligatoires de la Question 1a[3]. Plus précisément, en fonction de ce qui était prévu dans la Phase 1, Grille d’évaluation individuelle ou du consensus, TPSGC a déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant de quelle façon la solution proposée permettrait d’atteindre les résultats souhaités essentiels 3 et 4, tels que décrits dans l’Avis du défi[4]. De façon générale, les résultats souhaités essentiels 3 et 4 portaient sur l’utilisation de la technologie de la chaîne de blocs et de l’application d’analyses de données basées sur l’intelligence artificielle (IA), respectivement, dans la solution proposée[5].

6.                  Le 10 mai 2019, Nuvis s’est opposée à l’évaluation de TPSGC, demandant à ce qu’elle soit revue[6]. Nuvis a fourni à TPSGC des renseignements à l’appui de sa position, à savoir que sa proposition respectait les critères obligatoires de la Question 1a. Nuvis a fourni à TPSGC d’autres observations le 13 mai 2019 et le 20 mai 2019[7].

7.                  Le 22 mai 2019, TPSGC a confirmé les résultats de l’évaluation. Selon l’évaluateur principal, Nuvis a discuté de l’utilisation de la chaîne de blocs et de l’IA/l’apprentissage automatique « de façon très générale » [traduction], mais elle n’a pas fourni suffisamment de détails concernant, entre autres, le fonctionnement de la solution proposée et les technologies qui seraient mises à profit pour l’atteinte des résultats souhaités essentiels[8]. Pour ce motif, TPSGC a indiqué que « [l]es résultats de l’évaluation demeurent les mêmes. Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez au Programme SIC et nous espérons que vous enverrez d’autres propositions en réponse aux défis dans l’avenir »[9] [traduction]. Le même jour, Nuvis a répondu à TPSGC, indiquant qu’elle était en désaccord avec l’évaluation et demandant de quelle façon s’y prendre pour présenter une plainte à l’autorité compétente[10].

8.                  Le 24 mai 2019, Nuvis a déposé une plainte à Solutions innovatrices Canada (SIC) et a demandé un examen indépendant de l’évaluation. Nuvis a transmis une copie de sa plainte à TPSGC et a demandé à ce que la procédure de passation du marché public soit mise en suspens jusqu’à ce que la plainte soit tranchée[11].

9.                  TPSGC a répondu à Nuvis le 24 mai 2019, l’informant qu’il examinerait la plainte et, le 31 mai 2019, TPSGC a demandé des précisions sur certains renseignements figurant dans la plainte.

10.              Le 26 juin 2019, le gestionnaire de l’approvisionnement de TPSGC responsable de l’appel d’offres a informé Nuvis qu’à la suite de l’examen de la plainte, les résultats de l’évaluation demeuraient inchangés. Le gestionnaire de l’approvisionnement partageait l’avis de l’équipe d’évaluation concernant le manque de détails fournis par Nuvis pour démontrer la conformité aux critères d’évaluations applicables[12]. Dans la correspondance de TPSGC, un lien était fourni vers les mécanismes de recours dont disposait Nuvis.

11.              Le 2 juillet 2019, Nuvis a écrit au Tribunal pour demander une prolongation de 10 jours du délai pour le dépôt de la plainte au motif qu’elle n’avait pas suffisamment de temps pour déposer la plainte. Nuvis soutient avoir été informée du mécanisme de recours relatif aux approvisionnements le 26 juin 2019 et avoir ensuite communiqué avec le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement. Le 3 juillet 2019, le Tribunal a informé Nuvis que comme les délais pour le dépôt d’une plainte sont prescrits par le Règlement, il n’était pas possible de les prolonger sur demande.

12.              Le 3 juillet 2019, Nuvis a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE

13.              Le 10 juillet 2019, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte. En l’espèce, le Tribunal a déterminé que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement. Les motifs à l’appui de cette décision sont les suivants.

14.              Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

15.              Le Règlement énonce clairement qu’une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

16.              Nuvis a pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte le 6 mai 2019, quand TPSGC l’a informé des résultats de l’évaluation. Dans sa correspondance, TPSGC a informé Nuvis des motifs pour lesquels il a conclu que la proposition de Nuvis était non recevable, à savoir qu’elle ne respectait pas les critères obligatoires de la Question 1a.

17.              La demande présentée par Nuvis le 10 mai 2019 pour la révision de la détermination de TPSGC constitue une opposition à l’institution fédérale concernée. L’opposition a été présentée dans les délais, car elle a été présentée dans les 10 jours suivant la date où Nuvis a découvert les faits à l’origine de la plainte.

18.              Le Tribunal conclut que, dans la réponse de TPSGC envoyée à Nuvis par courriel le 22 mai 2019, par lequel il confirme les résultats de l’évaluation, TPSGC refuse, sans équivoque et de manière définitive, la réparation demandée par Nuvis le 10 mai 2019. Rien n’indiquait, à ce moment-là, que TPSGC avait convenu de procéder à une autre révision ou de réexaminer sa conclusion de non-conformité. De plus, Nuvis avait directement pris connaissance du refus de réparation de TPSGC, ce qui est démontré par son courriel en réponse à TPSGC envoyé le même jour.

19.              Le Tribunal a déjà affirmé que lorsqu’une réponse à une opposition est un refus de réparation sans équivoque et ne suggère pas la possibilité que la question soit réexaminée, le délai pour déposer une plainte est calculé à partir de la date de cette réponse[13]. Le fait que Nuvis ait continué de communiquer avec TPSGC et SIC concernant sa plainte, après avoir reçu un refus de réparation définitif eu égard à son opposition ou après avoir présenté une deuxième opposition, ne la soulageait pas de l’obligation de respecter les délais prévus par le Règlement[14]. Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné dans Flag Connection Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) :

Les courts délais imposés pour la formulation d’une opposition et le dépôt d’une plainte contribuent à réduire au minimum les retards d’approvisionnement du gouvernement en biens et services et à rassurer le soumissionnaire choisi le plus rapidement possible. C’est pourquoi le Tribunal est entièrement justifié de considérer ces délais comme des aspects importants de la réglementation [...][15].

20.              De plus, le Tribunal a précédemment conclu que le dépôt d’une deuxième opposition identique ou similaire à la première, comme c’est le cas en l’espèce, ne change en rien les délais prescrits par le paragraphe 6(2) du Règlement[16]. Dans cette optique, le fait que, dans le cadre du traitement de la demande présentée par Nuvis le 24 mai 2019 en vue d’une révision indépendante de l’évaluation, TPSGC ait procédé à une révision subséquente après avoir déjà refusé la réparation demandée dans la première opposition de Nuvis, laquelle soulevait le même motif de plainte, ne change en rien la position du Tribunal.

21.              Par conséquent, afin de respecter la condition prévue au paragraphe 6(2) du Règlement, Nuvis avait jusqu’au 5 juin 2019 (soit 10 jours ouvrables après le 22 mai 2019) pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Cependant, Nuvis a déposé auprès du Tribunal une plainte en vertu du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE quatre semaines plus tard, le 3 juillet 2019. Comme la plainte a été déposée après le délai prescrit, le Tribunal ne peut pas mener une enquête sur celle-ci. Par conséquent, le Tribunal n’est pas tenu d’examiner la question de savoir si les autres conditions d’ouverture d’enquête ont été respectées.

DÉCISION

22.              Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.



Georges Bujold                       
Georges Bujold
Membre présidant



[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     DORS/93-602 [Règlement].

[3].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1aux p. 114-115.

[4].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 116.

[5].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 70.

[6].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 118.

[7].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 aux p. 120-123.

[8].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 120.

[9].     Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 120.

[10].   Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 120.

[11].   Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 126.

[12].   Pièce PR-2019-021-01A, vol. 1 à la p. 142.

[13].   Dataintro Software Limited (1er décembre 2010), PR-2010-077 (TCCE) au par. 32.

[14].   IT/net Ottawa Inc. (6 juillet 2009), PR-2009-023 (TCCE) au par. 11.

[15].   2005 CAF 177 au par. 3.

[16].   Groupe-conseil INTERALIA S.E.N.C. (9 octobre 2009), PR-2009-052 (TCCE) au par. 15.

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