Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2019-026

Hurricane Services Inc.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 10 octobre 2019

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Hurricane Services Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux demandant au Tribunal canadien du commerce extérieur de rejeter la plainte au motif que celle-ci ne porte pas sur un marché public passé par une institution fédérale assujettie aux accords commerciaux.

ENTRE

HURRICANE SERVICES INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

ORDONNANCE

La requête du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux est accueillie. Aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et du paragraphe 10(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, le Tribunal canadien du commerce extérieur met fin à son enquête au motif que la plainte ne porte pas sur un marché public passé par une institution fédérale assujettie aux accords commerciaux.













Rose Ann Ritcey                     
Rose Ann Ritcey
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.                  Le 13 août 2019, Hurricane Services Inc. (Hurricane) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur[1], conformément au paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, relativement à une demande de propositions (DP) (invitation no W0142-19X036/B), publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC)[2] au nom de l’Unité d’entraînement de l’Armée britannique Suffield (BATUS), pour le « ministère de la Défense nationale (“MDN”) et les Forces armées canadiennes, en vue de la réparation, de l’étalonnage, de l’entretien et de l’essai des articles liés au radiateur (“Service de réparation des radiateurs”) fournis à BATUS »[3] [traduction].

2.                  Le 15 août 2019, le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte et demandé aux parties de présenter des observations sur la compétence du Tribunal pour enquêter sur celle-ci, ainsi que sur l’instance appropriée pour instruire la plainte si le Tribunal détermine qu’il n’a pas compétence pour le faire.

3.                  Le 12 septembre 2019, TPSGC a répondu à la demande du Tribunal dans le cadre d’une requête pour obtenir une ordonnance mettant fin à l’enquête. Dans cette requête, TPSGC demandait au Tribunal de mettre fin à l’enquête au motif que la plainte ne portait pas sur un marché public établi par une institution fédérale assujettie aux accords commerciaux.

4.                  Le 16 août et le 25 septembre 2019, Hurricane a déposé ses observations sur la demande du Tribunal.

5.                  Après avoir examiné les observations des parties, le Tribunal conclut que TPSGC et le MDN ont agi à titre de mandataire de BATUS. Comme BATUS n’est pas une institution fédérale assujettie aux accords commerciaux, le Tribunal met fin à l’enquête.

CONTEXTE

6.                  Le 24 avril 2019, TPSGC a publié la DP, qui a pris fin le 29 mai 2019[4]. Deux soumissions ont été reçues : l’une d’Hurricane et l’autre de Van Kappel International Inc. (Van Kappel).

7.                  Le 31 juillet 2019, TPSGC a informé Hurricane, d’une part, que sa soumission était non recevable, car Hurricane n’avait pas présenté de documents justificatifs et n’avait pas fourni de plan de la qualité, comme l’exigeait la DP, et d’autre part, qu’un contrat avait été attribué à Van Kappel. Le 13 août 2019, Hurricane a déposé une plainte auprès du Tribunal.

8.                  Dans sa plainte, Hurricane soutient que le plan de gestion de la qualité (PGQ) n’est habituellement pas exigé des petites et moyennes entreprises, qu’il n’était pas justifié d’en exiger un dans le cadre de l’appel d’offres et que cette exigence faisait en sorte d’éliminer la concurrence, sans aucun motif raisonnable. Hurricane ajoute qu’il lui aurait fallu disposer d’une période plus longue que celle prévue dans la DP pour produire un PGQ, mais qu’elle était maintenant en mesure d’en fournir un. Hurricane fait aussi valoir que, s’il manquait un élément dans sa soumission, elle aurait dû avoir la possibilité d’y remédier[5]. Enfin, Hurricane affirme qu’on ne sait pas si le soumissionnaire retenu s’appuie sur la qualification en gestion de la qualité de sa société mère en Europe ou si celui-ci a été évalué indépendamment. À titre de mesure corrective, Hurricane demande à ce que les soumissions soient réévaluées et que la pénalité imposée pour ne pas avoir présenté un PGQ soit annulée.

ANALYSE

9.                  Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE dispose que « [t]out fournisseur potentiel peut […] déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte ». En outre, aux termes de l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE un « contrat spécifique » est, entre autres, un contrat qui est accordé par une institution fédérale. Par ailleurs, une « institution fédérale » est définie comme un « [m]inistère ou département d’État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement ».

10.              Le paragraphe 3(2) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[6] précise la définition d’« institution fédérale » en énumérant les dispositions applicables des accords commerciaux désignant les institutions fédérales visées.

11.              En l’espèce, l’avis d’appel d’offres et l’article 1.2 de la DP sont libellés comme suit :

Aux fins du présent marché, le Canada agit à titre d’AGENT pour l’Unité d’entraînement de l’Armée britannique Suffield en conformité avec les dispositions de la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à l’entraînement des forces armées britanniques au Canada et du Protocole d’entente entre le ministère de la Défense du Canada et le ministère de la Défense du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord concernant l’entraînement des forces armées britanniques à la Base des Forces canadiennes Suffield [...]

Le contrat d’autorisation de tâche résultant visera la réparation, l’étalonnage, l’entretien et l’essai des articles liés au radiateur utilisés par l’Unité d’entraînement de l’Armée britannique Suffield (BATUS) pour réparer et entretenir l’équipement et les plates-formes militaires britanniques à la Base des Forces canadiennes (BFC) Suffield. Le contrat d’AT concernant le radiateur – contrat de réparation directe (CRD) Canada fera la promotion de la réparation rapide de l’équipement tout en réduisant les contraintes qui s’exercent sur le système d’alimentation du Royaume-Uni, le convoi aérien et le personnel de BATUS à la BFC Suffield.

12.              Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Davis Pontiac Buick GMC (Medicine Hat) Ltd.[7], dans le cadre duquel le Canada agissait à titre de mandataire pour le compte de BATUS, la Cour d’appel fédérale a tranché une question de compétence semblable. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que lorsqu’il existe une relation de mandant à mandataire, les mesures d’approvisionnement prises par le mandataire, y compris l’adjudication du contrat, constituent des mesures prises par le mandant, non par le mandataire[8]. Selon la Cour, la relation de mandant à mandataire était établie du fait que les véhicules avaient été fournis et livrés à BATUS, que les spécifications détaillées de la DP relatives aux véhicules avaient été données par BATUS et que la partie plaignante ne prétendait pas avoir ignoré que la DP avait pour objet la fourniture de véhicules et de services connexes à BATUS[9].

13.              Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a conclu que la procédure du marché public avait été prise en charge et que le contrat avait été adjugé par BATUS, et non par son mandataire, et que, comme BATUS n’est pas une institution fédérale assujettie aux accords commerciaux, le Tribunal n’avait pas la compétence pour instruire la plainte[10].

14.              En l’espèce, il ressort de la preuve que le Canada a également agi à titre de mandataire de BATUS. L’avis d’appel d’offres et l’article 1.2 de la DP énoncent expressément la relation de mandant à mandataire, et Hurricane reconnaît qu’elle était au fait de cette relation, bien qu’elle affirme ne pas en connaître la signification.

15.              L’article 5 de l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant l’Entraînement des forces Armées Britanniques au Canada (l’Accord) et l’article 7.4 du Protocole d’entente entre le ministère de la Défense nationale du Canada et le ministère de la Défense du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant l’entraînement des Forces armées britanniques à la Base des Forces canadiennes Suffield établissent également le rôle des Forces canadiennes à titre de mandataire des Forces armées britanniques pour l’acquisition de biens, de services et d’installations à l’appui de l’entraînement des Forces armées britanniques au Canada[11].

16.              Selon TPSGC, la DP concernait une « procédure courante de passation de marché public » [traduction], pour laquelle le Canada administrerait le contrat et recouvrirait l’ensemble des coûts auprès des Forces armées britanniques. De plus, l’annexe A de la DP, Énoncé des travaux, prévoit que les services requis ont trait à des articles liés au radiateur et aux refroidisseurs d’air de suralimentation utilisés par BATUS pour réparer et entretenir l’équipement et les plates-formes britanniques à la BFC Suffield. TPSGC souligne que BATUS possède et utilise les différentes plates-formes, énumérées à l’appendice 1 de l’annexe A de la DP, pour lesquelles des services de réparation et d’entretien doivent être fournis, et que le Canada ne fait donc pas l’acquisition de biens ou de services. TPSGC fait aussi valoir que les spécifications et les formulaires utilisés pour l’administration du contrat et qui figurent aux appendices 1 à 4 de l’annexe A de la DP avaient été fournis par le ministère de la Défense du Royaume-Uni.

17.              Selon les éléments de preuve décrits dans les paragraphes précédents, le Tribunal conclut que le Canada a agi à titre de mandataire de BATUS. Comme il est énoncé dans l’arrêt Davis, l’acte posé par le Canada, à titre de mandataire dans le cadre de la présente procédure de passation du marché public, est celui de BATUS, à titre de mandant, qui, par conséquent, est l’entité contractante. Comme BATUS n’est pas une « institution fédérale » aux termes de la Loi sur le TCCE, du Règlement ou des accords commerciaux, la procédure de passation du marché public ne concerne pas un « contrat spécifique » et le Tribunal n’a donc pas compétence pour trancher la plainte[12]. Le fait que le paragraphe 5(1) de l’Accord prévoit que, à titre de mandataire des Forces armées britanniques, le Canada doit établir un marché public « conformément aux procédures et aux modalités applicables à » un tel marché public « et à une telle construction pour les Forces canadiennes » ne fait pas de BATUS une institution fédérale visée par les accords commerciaux et, par conséquent, ne confère pas compétence au Tribunal pour instruire la présente affaire.

18.              Le Tribunal partage l’avis de TPSGC, selon laquelle savoir quelle est l’instance appropriée pour instruire la plainte n’entre pas en ligne de compte afin de déterminer si le Tribunal a compétence pour enquêter sur la plainte. Le Tribunal reconnaît que ce type de processus de passation du marché public est inhabituel, mais il incombait à Hurricane d’établir que les voies de recours du Tribunal s’appliquent[13]. Il appartient donc à Hurricane de déterminer quelle est l’instance appropriée en prenant conseil auprès de son avocat.

DÉCISION

19.              La requête de TPSGC est accueillie. Conformément au paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le TCCE et au paragraphe 10(1) du Règlement, le Tribunal met fin à l’enquête au motif que la plainte ne porte pas sur une procédure de passation du marché public établi par une institution gouvernementale assujettie aux accords commerciaux.




Rose Ann Ritcey                     
Rose Ann Ritcey
Membre présidant



[1].     Hurricane a d’abord déposé une plainte incomplète le 8 août 2019. Les 11 et 13 août 2019, Hurricane a déposé des renseignements supplémentaires à la suite d’une demande présentée par le Tribunal le 9 août 2019, conformément au paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.R.C., 1985, ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE]. Par conséquent, conformément à l’alinéa 96(1)b) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499, et du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, la plainte est considérée avoir été déposée le 13 août 2019.

[2].     Le 4 novembre 2015, le gouvernement du Canada a annoncé que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux s’appellerait dorénavant Services publics et Approvisionnement Canada.

[3].     Pièce PR-2019-026-15, vol. 1, à la p. 4.

[4].     Deux modifications à l’appel d’offres ont été publiées. Dans la modification n1 figuraient le procès-verbal de la visite sur place du 14 mai 2019, une section Questions et réponses, ainsi qu’une déclaration sur le plan de qualité. La modification n2 faisait passer l’échéance du 27 mai au 29 mai 2019 et comprenait une deuxième section de questions et réponses.

[5].     Le Tribunal souligne que le paragraphe 1.1(4) de l’annexe F de la DP énonce ce qui suit : « Si les documents justificatifs susmentionnés n’ont pas été fournis à la clôture de la période de présentation des soumissions, l’autorité contractante avisera le soumissionnaire qu’il doit fournir la documentation justificative dans un délai de deux (2) jours ouvrables suivant l’avis. Le défaut de se conformer à la demande de l’autorité contractante dans ce délai aura pour conséquence que la soumission sera déclarée non recevable et mise de côté définitivement » [nos italiques]. Comme le Tribunal n’a pas compétence en l’espèce, il ne s’est pas penché sur l’incidence de cet énoncé sur le bien-fondé de ce motif de plainte invoqué par Hurricane.

[6].     DORS/93-602 [le Règlement].

[7].     2008 CAF 378 (CanLII) [Davis].

[8].     Ibid., au par. 11.

[9].     Ibid., au par. 8.

[10].   Ibid., au par. 12.

[11].   Pièce PR-2019-026-15, vol. 1, à la p. 82; pièce PR-2019-026-15A, vol. 2 (protégée), à la p. 3.

[12].   De plus, le Tribunal souligne que, selon l’avis d’appel d’offres, aucun accord commercial ne s’appliquait au marché public; pièce PR-2019-062-15, vol. 1, à la p. 75.

[13].   Le Tribunal souligne que, dans la lettre de refus, TPSGC invite Hurricane à consulter la page du site Web Achatsetventes.gc.ca consacrée aux mécanismes de recours, laquelle indique que le Tribunal est une instance à laquelle il est possible de s’adresser pour ce qui est des plaintes portant sur un marché public. Cependant, cet élément ne permet pas de déterminer quelle est l’instance appropriée et les parties plaignantes doivent respecter toutes les exigences relatives aux plaintes pour comparaître devant le Tribunal.

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