Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2019-032

Groupe Tehora

Décision prise
le mercredi 2 octobre 2019

Décision rendue
le jeudi 3 octobre 2019

Motifs rendus
le vendredi 11 octobre 2019

Erratum émis
le vendredi 22 novembre 2019

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

GROUPE TEHORA

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

GROUPE TEHORA

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

ERRATUM

La première phrase du paragraphe 35 des motifs aurait dû faire référence au paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE au lieu du paragraphe 30.11(2).

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre présidant


 

EXPOSÉ DES MOTIFS

[1]               En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2]               La présente plainte porte sur une demande d’offre à commandes (DOC) (invitation n° EA011-192494/A) émise par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) en vue de l’attribution de deux offres à commandes subséquentes pour la prestation de services d’inspection technique pour des projets de construction navales, de bâtiments ou de génie civil lourd à divers endroits à Terre-Neuve et au Labrador.

[3]               La partie plaignante, Groupe Tehora (Tehora), allègue que TPSGC a incorrectement annulé son offre à commandes. Elle allègue aussi que deux employés de TPSGC ont mal agi, les accusant de diffamation et de manque de professionnalisme.

[4]               À titre de mesure corrective, Tehora demande que l’offre à commandes lui soit réattribuée, le versement d’une indemnité pour perte de profits et autres dommages, et le congédiement des deux employés en question. Elle demande également le remboursement des frais liés à la plainte et à la préparation de sa soumission.

CONTEXTE

[5]               Le 28 janvier 2019, TPSGC a publié la DOC sur le site Achatsetventes.gc.ca, le site Web officiel du gouvernement du Canada pour la publication de ses appels d’offres. La DOC prévoyait l’attribution de deux offres à commandes pour une valeur totale estimée de 4 470 740 $ : une pour 90 pour cent de cette valeur et l’autre pour les 10 pour cent restants de celle-ci.

[6]               Pertinente en l’espèce, la section 4.1.1.1 de la DOC (« Critères techniques obligatoires »), telle qu’amendée par la modification n° 004, stipule ce qui suit :

Les soumissionnaires doivent répondre aux exigences obligatoires suivantes. Les soumissionnaires qui ne satisfont pas aux exigences obligatoires seront jugées non conformes et seront donnés aucune autre considération.

[...]

Avoir au moins un personnel à temps plein capable d’évaluer les qualifications des candidats pour répondre aux exigences du poste et d’évaluer le rendement correspondant à ces exigences.

[...]

NOTE IMPORTANTE AUX SOUMISSIONNAIRES : Les soumissionnaires DOIVENT démontrer dans leur dossier de soumission qu’ils respectent tous les critères obligatoires, y compris toutes les exigences énoncées dans l’énoncé des travaux/termes de référence qui fait partie de l’annexe « A ».

[7]               En lien avec l’exigence obligatoire mentionnée ci-dessus, la section 5 des termes de référence (« PORTÉE DES TRAVAUX ») prévoit, dans sa partie pertinente, ce qui suit :

.2   Afin de fournir le personnel de qualité requis, l’entrepreneur doit avoir au moins un membre du personnel de supervision à temps plein qui devra :

.1   Évaluer l’expérience et les qualifications de formation du personnel d’inspection proposé et s’assurer qu’elles répondent aux exigences énoncées dans le présent cadre de référence;

.2   Tout faire pour obtenir des employés qualifiés dans la région des travaux proposés pour réduire les frais de déplacement et d’hébergement;

.3   Affecter les ressources appropriées à chaque projet pour satisfaire aux exigences techniques du projet en particulier;

.4   Assurer la direction, la supervision générale, l’instruction et le soutien administratif du personnel qui travaille dans le cadre de ce contrat;

.5   S’assurer que toutes les exigences en matière de santé et de sécurité au travail sont satisfaites et que tous les membres du personnel affectés au projet ont reçu une formation adéquate, sont bien informés, connaissent bien les exigences établies en matière de santé et sécurité au travail et s’y conforment pendant toute la durée du projet.

[8]               L’invitation a pris fin le 11 mars 2019.

[9]               Le 11 avril 2019, TPSGC a attribué une offre à commandes à Tehora pour 90 pour cent de la valeur totale estimée mentionnée plus haut. TPSGC a attribué la deuxième offre à commandes pour les 10 pour cent restants à AFN Engineering Inc.

[10]           Le 10 mai 2019, TPSGC a envoyé un courriel à Tehora l’informant que son offre à commandes était mise de côté en raison de sa non-conformité au critère obligatoire énoncée à la section 4.1.1.1 de la DOC.

[11]           Le 14 mai 2019, Tehora a envoyé un courriel à TPSGC lui demandant, entre autres, que la mise de côté de son offre à commandes soit révoquée.

[12]           Le 23 mai 2019, TPSGC a répondu à Tehora l’informant que, suite à une révision des documents au dossier, TPSGC maintenait sa décision de mettre de côté son offre à commandes.

[13]           Le 13 septembre 2019, Tehora a transmis au Tribunal des documents, y inclus la « formule de plainte concernant un marché public » du Tribunal, dans le but de déposer une plainte officielle concernant la mise de côté de son offre à commandes.

[14]           Le 17 septembre 2019, le Tribunal, aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE, a avisé Tehora que sa plainte n’était pas conforme aux exigences du paragraphe 30.11(2) et que des renseignements additionnels étaient requis pour que sa plainte puissent être considérée avoir été déposée[3]. Le Tribunal a ajouté que ces renseignements devaient être fournis le plus rapidement possible afin que la plainte soit déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement.

[15]           Le 19 septembre 2019, Tehora a transmis au Tribunal des renseignements additionnels.

[16]           Le 20 septembre 2019, le Tribunal a avisé Tehora que sa plainte n’était toujours pas conforme aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE puisque certains renseignements et documents relatifs aux points à corriger pour rendre la plainte conforme n’avaient pas été fournis.

[17]           Le 26 septembre 2019, Tehora a transmis au Tribunal les renseignements additionnels demandés et sa plainte a donc été considérée comme déposée.

ANALYSE

[18]           Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête :

(i)      la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement;

(ii)     la partie plaignante est un fournisseur potentiel;

(iii)    la plainte porte sur un contrat spécifique;

(iv)    les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure de passation du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.

[19]           Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement.

[20]           Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

[21]           Ainsi, le Règlement énonce clairement qu’une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte pour présenter une opposition à l’institution fédérale ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition à l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci dispose de 10 jours ouvrables pour déposer une plainte auprès du Tribunal suivant la date où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale.

[22]           Tehora a pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte le 10 mai 2019, lorsque TPSGC l’a informé qu’elle n’était plus titulaire d’une offre à commandes. Dans cette correspondance du 10 mai, TPSGC a aussi informé Tehora des motifs pour lesquels il a été décidé que son offre à commandes devait être mise de côté. En bref, TPSGC a indiqué à Tehora que :

         Le 18 avril 2019, TPSGC avait indiqué que si la personne proposée par Tehora ne satisfaisait pas au critère technique obligatoire de la section 4.1.1.1. de la DOC mentionné plus haut, c’est-à-dire si elle n’occupait pas un poste permanent chez Tehora, cette dernière ne serait plus titulaire d’une offre à commandes.

         Il avait été déterminé que la ressource proposée par Tehora ne satisfaisait pas à cette exigence, car son contrat de travail indiquait clairement qu’elle était une employée à temps partiel.

[23]           Le 14 mai 2019, Tehora a ensuite écrit à TPSGC demandant, entre autres, que les faits soient analysés de nouveau et que la décision de mettre de côté son offre à commandes soit révoquée. Cette demande présentée par Tehora pour la révision de la détermination de TPSGC constitue une opposition à l’institution fédérale concernée. L’opposition a été présentée dans les délais, car elle a été présentée dans les 10 jours suivant la date où Tehora a découvert les faits à l’origine de la plainte.

[24]           Le 23 mai 2019, TPSGC a répondu à l’opposition de Tehora, l’informant que la mise de côté de son offre à commandes était une décision justifiée et raisonnable et qu’elle maintenait ainsi sa décision. Le Tribunal conclut que, dans la réponse de TPSGC envoyée par courriel le 23 mai 2019, par lequel il confirme que Tehora n’était plus titulaire d’une offre à commandes, TPSGC refuse, sans équivoque et de manière définitive, la réparation demandée par Tehora le 14 mai 2019. Rien n’indiquait, à ce moment-là, que TPSGC avait convenu de procéder à une autre révision ou de réexaminer sa conclusion de mettre fin à sa relation d’affaires avec Tehora pour les services d’inspection technique en question.

[25]           Au contraire, dans cette correspondance, TPSGC a clairement indiqué que, suite à son réexamen du dossier, il avait découvert que la proposition de Tehora aurait dû être jugée non-conforme pendant la période d’évaluation, car Tehora a admis dans son opposition du 14 mai 2019 que la personne qu’elle avait proposée pour satisfaire au critère technique obligatoire de la section 4.1.1.1 de la DOC dans sa proposition n’était pas un employé de Tehora au moment de la fermeture de l’invitation. De plus, TPSGC a réitéré sa détermination suivant laquelle les autres personnes proposées par la suite par Tehora ne satisfaisaient pas à cette exigence, de sorte qu’il était approprié de mettre de côté son offre à commandes, conformément aux conditions générales de l’offre à commandes[4].

[26]           TPSGC a conclu sa lettre en indiquant à Tehora que sa décision n’aurait pas d’incidence sur le dossier de la plaignante dans le cadre de marchés publics à venir, l’encourageant à saisir les occasions de soumissionner pour des besoins futurs. De l’avis du Tribunal, cette lettre ne laissait aucun doute quant au caractère final de la décision de TPSGC. Par ailleurs, Tehora a directement pris connaissance du refus de réparation de TPSGC au plus tard le 24 mai 2019, ce qui est démontré par son courriel en réponse à TPSGC envoyé ce jour-là. Dans ce courriel, Tehora demandait à nouveau à TPGSC de justifier sa décision.

[27]           Le Tribunal a déjà affirmé que lorsqu’une réponse à une opposition est un refus de réparation sans équivoque et ne suggère pas la possibilité que la question soit réexaminée, le délai pour déposer une plainte est calculé à partir de la date de cette réponse[5]. Par conséquent, le Tribunal conclut que Tehora avait jusqu’au 7 juin 2019, soit 10 jours ouvrables après le 24 mai 2019, pour déposer sa plainte auprès du Tribunal. Or, ce n’est que plusieurs mois plus tard, le 26 septembre 2019, qu’une plainte conforme aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE a été déposée.

[28]           Selon les renseignements fournis avec la plainte, plutôt que soulever ses griefs auprès du Tribunal dans les délais prescrits une fois avoir pris connaissance du refus de réparation de TPSGC, Tehora a sollicité les services du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement et a demandé, toujours le 24 mai 2019, un réexamen de la décision de l’autorité contractante par le Bureau de la dirigeante principale d’audit de TPSGC. Le dossier a ensuite été référé, à la demande de Tehora, au Programme de gestion des conflits d’ordre commercial (PGCC) de TPSGC.

[29]           Dans le cadre de ce programme, TPSGC et Tehora se sont engagés dans un processus de médiation entre le 17 juillet 2019 (moment de la signature de l’entente de médiation) et le 3 septembre 2019, lorsque la médiatrice a informé Tehora de l’échec de la médiation. Toutefois, il convient de préciser que le 29 mai 2019, après avoir été mis au courant des démarches de Tehora pour aller en médiation, le directeur général régional de TPGSC pour la région atlantique lui a réitéré, au nom de l’autorité contractante, les motifs pour la mise de côté de l’offre à commandes et, bien que ce courriel indiquait que TPGSC entendait coopérer avec Tehora dans le processus de médiation, rien dans son contenu ne laissait entendre que l’autorité contractante pourrait revenir sur sa décision.

[30]           Le fait que Tehora ait continué de communiquer avec d’autres instances au sein de TPSGC concernant sa plainte, après avoir reçu un refus de réparation définitif de l’autorité contractante eu égard à son opposition, ne la soulage pas de l’obligation de respecter les délais prévus par le Règlement[6]. Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné dans Flag Connection Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), le Tribunal est entièrement justifié de considérer ces délais comme des aspects importants de la réglementation[7].

[31]           De plus, le Tribunal a précédemment conclu que le dépôt d’une deuxième opposition identique ou similaire à la première, comme c’est le cas en l’espèce, ne change en rien les délais prescrits par le paragraphe 6(2) du Règlement[8]. Dans cette optique, le fait que, dans le cadre du traitement de la demande présentée par Tehora le 24 mai 2019 en vue d’une révision indépendante de la mise de côté de l’offre à commande, TPSGC ait pu procédé à une révision subséquente dans le cadre d’une médiation chapeautée par le PGCC après avoir déjà refusé la réparation demandée dans la première opposition de Tehora, laquelle soulevait le même motif de plainte, ne change en rien la position du Tribunal. Autrement dit, le recours au PGCC de TPSGC par un fournisseur potentiel ne peut avoir pour effet de proroger les délais prévus au Règlement.

[32]           Par ailleurs, selon l’information communiquée par TPSGC à Tehora au sujet du PGCC le 28 mai 2019[9], ce programme est une ressource neutre et confidentielle pour les entrepreneurs qui éprouve des difficultés avec un contrat pour lequel TPSGC est l’autorité contractante. Il ressort de ces renseignements que la raison d’être du PGCC est d’offrir des services de prévention des conflits et de règlement extrajudiciaire des différends à toute partie à un contrat plutôt que de revoir la procédure des marchés publics suivie.

[33]           Cette situation soulève la question de savoir si la mise de côté de l’offre à commandes au motif de l’incapacité de Tehora à démontrer le respect d’une obligation prévue dans le cadre de l’offre à commandes subséquemment ou après avoir été sélectionné en tant que titulaire d’une offre à commandes (c’est-à-dire une fois le processus initial d’évaluation des soumissions achevé) doit être considérée comme une question d’administration de contrat. Ce type de questions ne relève pas de la « procédure des marchés publics » ni, par conséquent, de la compétence du Tribunal[10].

[34]           Quoiqu’il en soit, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur cette question puisque même s’il concluait être compétent pour enquêter sur la plainte, il a déjà conclu qu’afin de respecter la condition prévue au paragraphe 6(2) du Règlement, Tehora avait jusqu’au 7 juin 2019 (soit 10 jours ouvrables après le 24 mai 2019) pour déposer une plainte conforme auprès du Tribunal, ce qu’elle n’a pas fait. En outre, même si le Tribunal accordait le bénéfice du doute à Tehora et concluait que ce n’est que le 3 septembre 2019, lorsqu’elle a été informée de l’échec de la médiation, que la plaignante a pris connaissance du refus de réparation de TPSGC, il devrait tout de même conclure que la plainte a été déposée en retard.

[35]           En effet, dans ce scénario hypothétique, Tehora aurait eu jusqu’au 17 septembre 2019 (10 jours ouvrables après le 3 septembre) pour déposer une plainte en vertu du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE. Or, comme mentionné précédemment, ce n’est que le 26 septembre 2019 que le Tribunal a reçu une plainte conforme aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE.

[36]           À cet égard, bien que Tehora ait fait parvenir une plainte au Tribunal le 13 septembre 2019[11], cette plainte était incomplète. Le Tribunal a signalé les lacunes à la plaignante et lui a indiqué les renseignements et documents additionnels qu’elle devait fournir pour que sa plainte soit conforme dès le 17 septembre 2019. Ce n’est que le 26 septembre 2019, après que le Tribunal lui ait envoyé un deuxième avis aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE que l’ensemble des renseignements et documents en question ont été déposés auprès du Tribunal, bien que la plaignante ait déposé certain d’entre eux le 19 septembre 2019.

[37]           Une plainte n’est pas considérée comme dûment déposée jusqu’à ce que tous les renseignements et les documents requis en vertu du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE aient été déposés auprès du Tribunal. Cette conclusion est conforme aux Règles du TCCE[12].

[38]           Bref, comme la plainte n’aurait pas été déposée dans les délais prescrits même si la date du refus de réparation de TPSGC était repoussée le plus loin possible, soit en septembre 2019, le Tribunal ne peut mener une enquête sur celle-ci. Par conséquent, le Tribunal n’est pas tenu d’examiner la question de savoir si les autres conditions d’ouverture d’enquête ont été respectées.

[39]           Toutefois, le Tribunal juge opportun de commenter brièvement la question de savoir si les renseignements fournis avec la plainte auraient démontré, dans une mesure raisonnable, que la procédure de passation du marché public n’avait pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents[13] si la plainte avait été déposée à temps. À cet égard, il ressort nettement des documents et de la correspondance au dossier que la décision de TPGSC de mettre de côté l’offre à commandes de Tehora pour le motif invoqué était raisonnable.

[40]           En effet, même si le Tribunal acceptait que les allégations de la plaignante portent sur la procédure de passation du marché public, c’est-à-dire sur l’évaluation de la proposition de Tehora dans le cadre de la DOC, et non pas sur une question d’administration de contrat[14], les renseignements au dossier indiquent clairement qu’à aucun moment, notamment à la fermeture de l’invitation, la plaignante a été en mesure de démontrer sa conformité avec l’exigence obligatoire d’avoir au moins « un personnel [employé] à temps plein capable d’évaluer les qualifications des candidats pour répondre aux exigences du poste et d’évaluer le rendement correspondant à ces exigences ».

[41]           La décision de TPSGC d’annuler l’offre à commandes initialement octroyée à la plaignante respecte donc les critères techniques obligatoires applicables lors de l’évaluation des soumissions de même que les clauses pertinentes de l’offre à commandes. De l’avis du Tribunal, le simple fait que Tehora ait reconnu que la personne qu’elle avait proposée pour satisfaire au critère technique obligatoire de la section 4.1.1.1 de la DOC dans sa proposition n’était pas un employé de Tehora est suffisant pour conclure que sa sélection en tant que titulaire d’une offre à commandes était erronée et non conforme aux exigences de l’invitation. Dans ces conditions, il apparaît que TPSGC était tout à fait justifié de mettre de côté l’offre à commandes de Tehora aux termes des articles 4.2.e. et 13.1 des Conditions générales de l’offre à commandes et, ce faisant, semble avoir agi conformément aux dispositions des accords commerciaux applicables.

[42]           Sur cette question, dans Francis H.V.A.C. Services Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des services gouvernementaux, la Cour d’appel fédérale a souligné que TPSGC avait l’obligation de corriger une erreur liée à l’évaluation d’une proposition par rapport aux critères obligatoires de l’appel d’offres, en annulant si nécessaire l’adjudication d’un marché à un soumissionnaire qui n’aurait pas dû l’obtenir[15]. Dans de telles circonstances, le Tribunal convient avec la Cour que de ne pas prendre les mesures requises pour corriger une erreur grave dans l’évaluation des soumissions irait à l’encontre d’un processus d’approvisionnement équitable.

[43]           Pour ces motifs, le Tribunal aurait de toute façon décidé de ne pas enquêter sur la plainte parce qu’elle ne respecte pas la condition prévue à l’alinéa 7(1)c) du Règlement.

[44]           Quant aux autres allégations de Tehora, portant sur les agissements de deux employés de TPSGC, le Tribunal fait remarquer que ce type d’allégations n’est pas visé par les dispositions des accords commerciaux applicables. D’ailleurs, Tehora n’en a identifié aucune dans sa plainte. De toute façon, la plaignante a pris connaissance des faits à l’origine de ces allégations en avril et mai 2019, lorsque TPSGC lui a demandé de démontrer sa conformité avec les exigences de l’appel d’offres et de fournir des renseignements précis sur les ressources proposées. Comme elles n’ont pas été soulevées dans l’opposition présentée à TPSGC le 14 mai 2019, aux termes de l’article 6 du Règlement, elles n’ont pas été déposées auprès du Tribunal dans les délais prescrits. Par conséquent, le Tribunal ne peut enquêter sur ces allégations, puisqu’elles ont été soulevées plus de 10 jours après le moment où la plaignante a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de ces motifs de plainte.

[45]           Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et considère que le dossier est clos.

DÉCISION

[46]           Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre présidant

 



[1]      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2]      DORS/93-602 [Règlement].

[3]      L’alinéa 96(1)b) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (DORS/91-499) [Règles du TCCE] prévoit que, dans le cas d’une plainte non conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, la plainte est considérée avoir été déposée « à la date à laquelle le Tribunal reçoit les renseignements relatifs aux points à corriger pour rendre la plainte conforme à ce paragraphe ».

[4]      Selon les articles 4.2.e. et 13.1 des Conditions générales – offres à commandes – biens ou services 2005 (2017-06-21) [Conditions générales], qui ont été incorporés par renvoi dans la DOC et l’offre à commandes, cette dernière peut être mise de côté par l’autorité contractante en tout temps et, de plus, si l’offrant manque à l’une des obligations prévues dans le cadre de l’offre à commandes.

[5]      Dataintro Software Limited (1er décembre 2010), PR-2010-077 (TCCE) au par. 32.

[6]      IT/net Ottawa Inc. (6 juillet 2009), PR-2009-023 (TCCE) au par. 11.

[7]      2005 CAF 177 au par. 3.

[8]      Groupe-conseil INTERALIA S.E.N.C. (9 octobre 2009), PR-2009-052 (TCCE) au par. 15.

[9]      Ces renseignements sont disponibles en ligne : https://tpsgc-pwgsc.gc.ca/gcc-bdm/index-eng.html.

[10]     Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE limite la compétence du Tribunal à « la procédure des marchés publics suivie », ce qui comprend tous les éléments du cycle de passation d’un marché jusqu’à l’attribution du contrat inclusivement. Voir, par exemple, Vidéotron Ltée c. Services partagés Canada (5 octobre 2018), PR-2018-006 (TCCE) au par. 16; ML Wilson Management c. Agence Parcs Canada (6 juin 2013), PR-2012-047 (TCCE) au par. 36.

[11]     Le Tribunal fait remarquer que la plainte a été reçue par courriel à 23 h 59 le vendredi 13 septembre 2019. Ainsi, le contenu de la plainte a seulement été examiné le lundi suivant, soit le 16 septembre 2019.

[12]     Voir l’alinéa 96(1)b).

[13]     En l’espèce, ceux-ci comprennent l’Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Text-FinalPrint-Text-French-.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017). La section 1.2 de la DOC énumère les autres accords commerciaux applicables.

[14]     Comme mentionné précédemment, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de trancher cette question pour disposer de la plainte.

[15]     2017 CAF 165 aux par. 31-33.

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